Comment contraindre

magiciens et sorcières

D’après Frischbier (1870)

version française Véro

 

 

Il y a deux façons d’agir, soit on le fait soi même par des actions allant à l’encontre des ensorcellements, soit on le fait faire par un autre magicien ou une autre sorcière. Il est bien connu qu’on ne va en général chez le médecin qu’en dernier recours, voyons donc d’abord ce que nous appellerons l’automédication.
Et commençons par l’étable : si on pense être victime d’un ensorcellement, il faut débuter par une révision complète de l’étable. Eloigner tout ce qui peut être nuisible. On creuse sous le pas de la porte : si on y trouve du charbon, des cheveux, des plantes, des tissus etc… il faut aussitôt les emporter et les brûler. Si on trouve des œufs pourris dans l’étable, les emporter dans les champs, les planter, pointe en bas en terre et les exploser à coup de carabine.
Si une bête est malade, prendre un peu de son lait dans un récipient, et à la lune décroissante, aller à un croisement et répandre de ce lait aux quatre coins cardinaux en disant « ceci est pour toi, ceci pour moi » Il faut ensuite qu’une fillette de 5 ans file de la laine qu’on posera ensuite sur le dos de l’animal malade.
Il y a une région où quand une vache est malade on prend de sa bouse, ramassée sur la terre, en opérant un mouvement qui l’éloigne de nous, on la met dans une poterie, qu’on place sous les pis de l’animal malade, on trait en croix pour ajouter du lait à la bouse. On mélange le tout avec un balai de ferme et on en fait ingérer à la vache, d’abord au coucher du soleil, puis au lever et encore au coucher. Une fois cela fait on accroche le balai dans le conduit de la cheminée et on l’y laisse 24 heure, ensuite on l’enterre sous le tas de fumier. Ce n’est qu’à ce moment là qu’on aura de nouveau du bon lait de cette vache. Plus le balai dessèchera dans la cheminée, plus la sorcière qui a envoûté l’animal dessèchera à son tour. Elle tombera malade et ne s’en relèvera que lorsque le balai sera entièrement desséché. Il est donc très facile de voir qui dans son entourage est coupable ! Si on veut sa mort il suffit de brûler le balai. Un autre moyen consiste à mettre le lait maudit dans une casserole, avec des aiguilles à coudre, on laisse bouillir et pendant ce temps on bat le mélange avec des branches de bouleau. Ensuite on met la masse obtenue dans un tissu qu’on suspend dans le conduit de la cheminée. Bientôt quelqu’un viendra vous emprunter quelque chose : c’est la sorcière. Il faut lui refuser ce qu’elle demande, ainsi sera-t-elle obligée de lever son sort.
Si une bête meurt ensorcelée, on prend son cœur, on y plante des clous et on le met dans le conduit de la cheminée. Bientôt la sorcière viendra demander ce cœur. Si on le lui refuse elle va se mettre à crier et gémir car son propre cœur la fait souffrir. Elle devra bientôt garder le lit où elle commencera à dessécher. AU bout de 9 jours on pourra sortir le cœur de sa cachette et la sorcière sera morte.
Dans la région de Jerrentowitz on démasque les sorcières de la manière suivante : au coucher du soleil on attrape, silencieusement, une poule noire, on la dépèce vivante, et on fait cuire ses morceaux dans une casserole neuve dont on ferme hermétiquement le couvercle. Aussitôt que le contenu de la casserole boue, il faut que toutes les ouvertures de la maison soient hermétiquement closes : portes, fenêtres, trous de serrure etc…. En dehors de celui ou celle qui surveille la cuisson il ne devra y avoir dans la maison que la personne malade. Ils ne devront échanger aucun mot. La victime ne devra pas s’éloigner des morceaux de poule. Il faudra de plus surveiller étroitement la casserole afin qu’elle ne s’envole pas à travers la cheminée. Enfin le malade ne doit montrer aucune peur et ne se laisser effrayer par rien. Bientôt « on » frappera à la porte. Le malade devra demander qui c’est et « on » lui répondra que c’est une visite pour le malade. Il faudra qu’il fasse patienter le visiteur avant de lui ouvrir. Celui ci sera de plus en plus pressant. Quand on le laissera enfin entrer il faudra refermer la porte aussitôt. Le malade, lui, retourne très vite à côté de la casserole. La sorcière voudra savoir à tout prix ce qui cuit. Elle priera, puis menacera. Mais pour obtenir ce qu’elle veut elle doit d’abord lever son sort. Elle se déclarera innocente. Il ne faudra pas la croire. Quand enfin le sort sera levé le malade devra encore frapper la sorcière, pour la faire saigner. Et elle devra accepter tout cela sans rechigner, car si au lever du soleil la casserole était toujours sur le feu et les morceaux de poule en train de cuire, qu’elle mourrait aussitôt.
Afin de se protéger du mauvais œil, il faut se placer devant le bétail maudit, les mains jointes, commencer par dire un Notre Père, mais sans le conclure par « amen », et ajouter par trois fois la formule magique suivante :
« La rosée tomba du ciel, puis des pierres sur la terre. Tout comme cette rosée disparaît, emportée dans les airs, ainsi en sera-t-il des trois fois neuf magies. Elles seront dissoutes dans l’air et disséminées. » Après l’avoir dit trois fois, on signe les animaux et on dit enfin « amen ».
Si les enfants sont victimes de sorts, on leur fait prendre trois gouttes de sang, extraites de l’oreille gauche d’un agneau noir. Ou bien alors on verse de la bière sur une chemise de l’enfant, à l’endroit où se trouverait le cœur si le vêtement était porté, on laisse sécher, on y découpe un bout en forme de cœur on le brûle, on récolte la cendre qui sera donnée, mélangée à un peu d’eau, à l’enfant maudit.
En fait on va plus souvent chercher un magicien qu’un médecin en cas de maladie. Plus il a l’air puissant plus on se tourne vers lui. Ce ne sont pas toujours des personnes âgées. Ils sont souvent issus du milieu des bergers et des équarrisseurs.
Quand il s’agit de faire manger au bétail des herbes bénies, on ne le fera pas faire par le curé du village, mais on fera venir à grand frais s’il le faut, un curé d’un autre village. De même les protestants se confieront à un curé catholique. On demande même aux hommes d’église de faire en sorte que nos ennemis tombent malades !
Il faut toutefois dire que la plupart du temps ceux à qui on fait appel sont des charlatans, mais ils croient eux mêmes en leur pouvoir, et le peuple en fait autant, augmentant par là leur réputation et la croyance en la sorcellerie et la magie.
On raconte qu’un jour une femme dont la vache était malade a été voir un rebouteux pour lui demander son conseil. Il lui dit que l’animal était victime d’un sort et demanda à la femme si pour lever ce sort elle était prête à ce que le magicien perde son œil droit. Elle lui dit que non, alors il lui expliqua que pour sauver sa vache il faudrait qu’une autre meure. Elle accepta. Quelques jours plus tard une vache du voisin mourut et la sienne alla mieux.
Mais on raconte aussi qu’une femme avait fait appel à des « gens » qui lui dirent de prendre un verre d’eau, très plein, de regarder dedans, de façon très attentive, et de faire en sorte de ne pas en renverser une goutte et que pendant ce temps ils feraient ce qu’il faut pour sauver son bétail. En fait ils profitèrent de la situation pour la cambrioler et s’enfuir.
En général les mots magiques sont prononcés à voix basse, au lever ou au coucher du soleil, en plein air, et tête nue. Après que tout soit dit on crache trois fois par terre et on s’en va. Il arrive aussi qu’on utilise de l’encens car on croit que les méchancetés s’en iront avec la fumée. Le bannissement ne sera couronné de succès que si un homme le fait pour une femme ou inversement. De même l’art doit être transmis à une personne de l’autre sexe.

  

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