Il y a deux façons d’agir, soit on le fait soi même par
des actions allant à l’encontre des ensorcellements, soit on le fait faire par
un autre magicien ou une autre sorcière. Il est bien connu qu’on ne va en
général chez le médecin qu’en dernier recours, voyons donc d’abord ce que nous
appellerons l’automédication.
Et commençons par l’étable : si on pense être victime d’un ensorcellement, il
faut débuter par une révision complète de l’étable. Eloigner tout ce qui peut
être nuisible. On creuse sous le pas de la porte : si on y trouve du charbon,
des cheveux, des plantes, des tissus etc… il faut aussitôt les emporter et les
brûler. Si on trouve des œufs pourris dans l’étable, les emporter dans les
champs, les planter, pointe en bas en terre et les exploser à coup de
carabine.
Si une bête est malade, prendre un peu de son lait dans un récipient, et à la
lune décroissante, aller à un croisement et répandre de ce lait aux quatre
coins cardinaux en disant « ceci est pour toi, ceci pour moi » Il faut ensuite
qu’une fillette de 5 ans file de la laine qu’on posera ensuite sur le dos de
l’animal malade.
Il y a une région où quand une vache est malade on prend de sa bouse, ramassée
sur la terre, en opérant un mouvement qui l’éloigne de nous, on la met dans
une poterie, qu’on place sous les pis de l’animal malade, on trait en croix
pour ajouter du lait à la bouse. On mélange le tout avec un balai de ferme et
on en fait ingérer à la vache, d’abord au coucher du soleil, puis au lever et
encore au coucher. Une fois cela fait on accroche le balai dans le conduit de
la cheminée et on l’y laisse 24 heure, ensuite on l’enterre sous le tas de
fumier. Ce n’est qu’à ce moment là qu’on aura de nouveau du bon lait de cette
vache. Plus le balai dessèchera dans la cheminée, plus la sorcière qui a
envoûté l’animal dessèchera à son tour. Elle tombera malade et ne s’en
relèvera que lorsque le balai sera entièrement desséché. Il est donc très
facile de voir qui dans son entourage est coupable ! Si on veut sa mort il
suffit de brûler le balai. Un autre moyen consiste à mettre le lait maudit
dans une casserole, avec des aiguilles à coudre, on laisse bouillir et pendant
ce temps on bat le mélange avec des branches de bouleau. Ensuite on met la
masse obtenue dans un tissu qu’on suspend dans le conduit de la cheminée.
Bientôt quelqu’un viendra vous emprunter quelque chose : c’est la sorcière. Il
faut lui refuser ce qu’elle demande, ainsi sera-t-elle obligée de lever son
sort.
Si une bête meurt ensorcelée, on prend son cœur, on y plante des clous et on
le met dans le conduit de la cheminée. Bientôt la sorcière viendra demander ce
cœur. Si on le lui refuse elle va se mettre à crier et gémir car son propre
cœur la fait souffrir. Elle devra bientôt garder le lit où elle commencera à
dessécher. AU bout de 9 jours on pourra sortir le cœur de sa cachette et la
sorcière sera morte.
Dans la région de Jerrentowitz on démasque les sorcières de la manière
suivante : au coucher du soleil on attrape, silencieusement, une poule noire,
on la dépèce vivante, et on fait cuire ses morceaux dans une casserole neuve
dont on ferme hermétiquement le couvercle. Aussitôt que le contenu de la
casserole boue, il faut que toutes les ouvertures de la maison soient
hermétiquement closes : portes, fenêtres, trous de serrure etc…. En dehors de
celui ou celle qui surveille la cuisson il ne devra y avoir dans la maison que
la personne malade. Ils ne devront échanger aucun mot. La victime ne devra pas
s’éloigner des morceaux de poule. Il faudra de plus surveiller étroitement la
casserole afin qu’elle ne s’envole pas à travers la cheminée. Enfin le malade
ne doit montrer aucune peur et ne se laisser effrayer par rien. Bientôt « on »
frappera à la porte. Le malade devra demander qui c’est et « on » lui répondra
que c’est une visite pour le malade. Il faudra qu’il fasse patienter le
visiteur avant de lui ouvrir. Celui ci sera de plus en plus pressant. Quand on
le laissera enfin entrer il faudra refermer la porte aussitôt. Le malade, lui,
retourne très vite à côté de la casserole. La sorcière voudra savoir à tout
prix ce qui cuit. Elle priera, puis menacera. Mais pour obtenir ce qu’elle
veut elle doit d’abord lever son sort. Elle se déclarera innocente. Il ne
faudra pas la croire. Quand enfin le sort sera levé le malade devra encore
frapper la sorcière, pour la faire saigner. Et elle devra accepter tout cela
sans rechigner, car si au lever du soleil la casserole était toujours sur le
feu et les morceaux de poule en train de cuire, qu’elle mourrait aussitôt.
Afin de se protéger du mauvais œil, il faut se placer devant le bétail maudit,
les mains jointes, commencer par dire un Notre Père, mais sans le conclure par
« amen », et ajouter par trois fois la formule magique suivante :
« La rosée tomba du ciel, puis des pierres sur la terre. Tout comme cette
rosée disparaît, emportée dans les airs, ainsi en sera-t-il des trois fois
neuf magies. Elles seront dissoutes dans l’air et disséminées. » Après l’avoir
dit trois fois, on signe les animaux et on dit enfin « amen ».
Si les enfants sont victimes de sorts, on leur fait prendre trois gouttes de
sang, extraites de l’oreille gauche d’un agneau noir. Ou bien alors on verse
de la bière sur une chemise de l’enfant, à l’endroit où se trouverait le cœur
si le vêtement était porté, on laisse sécher, on y découpe un bout en forme de
cœur on le brûle, on récolte la cendre qui sera donnée, mélangée à un peu
d’eau, à l’enfant maudit.
En fait on va plus souvent chercher un magicien qu’un médecin en cas de
maladie. Plus il a l’air puissant plus on se tourne vers lui. Ce ne sont pas
toujours des personnes âgées. Ils sont souvent issus du milieu des bergers et
des équarrisseurs.
Quand il s’agit de faire manger au bétail des herbes bénies, on ne le fera pas
faire par le curé du village, mais on fera venir à grand frais s’il le faut,
un curé d’un autre village. De même les protestants se confieront à un curé
catholique. On demande même aux hommes d’église de faire en sorte que nos
ennemis tombent malades !
Il faut toutefois dire que la plupart du temps ceux à qui on fait appel sont
des charlatans, mais ils croient eux mêmes en leur pouvoir, et le peuple en
fait autant, augmentant par là leur réputation et la croyance en la
sorcellerie et la magie.
On raconte qu’un jour une femme dont la vache était malade a été voir un
rebouteux pour lui demander son conseil. Il lui dit que l’animal était victime
d’un sort et demanda à la femme si pour lever ce sort elle était prête à ce
que le magicien perde son œil droit. Elle lui dit que non, alors il lui
expliqua que pour sauver sa vache il faudrait qu’une autre meure. Elle
accepta. Quelques jours plus tard une vache du voisin mourut et la sienne alla
mieux.
Mais on raconte aussi qu’une femme avait fait appel à des « gens » qui lui
dirent de prendre un verre d’eau, très plein, de regarder dedans, de façon
très attentive, et de faire en sorte de ne pas en renverser une goutte et que
pendant ce temps ils feraient ce qu’il faut pour sauver son bétail. En fait
ils profitèrent de la situation pour la cambrioler et s’enfuir.
En général les mots magiques sont prononcés à voix basse, au lever ou au
coucher du soleil, en plein air, et tête nue. Après que tout soit dit on
crache trois fois par terre et on s’en va. Il arrive aussi qu’on utilise de
l’encens car on croit que les méchancetés s’en iront avec la fumée. Le
bannissement ne sera couronné de succès que si un homme le fait pour une femme
ou inversement. De même l’art doit être transmis à une personne de l’autre
sexe.