Pas de Ce Monde

par Evan John Jones

Malgré la sophistication d’une grande partie de son travail, Robert Cochrane était persuadé de l’existence de ce qu’il appelait des élémentaux comme le montre une de ses lettres à Bill Gray. Dans cette lettre il conseillait à Gray de ne pas trop déranger les sites où l’on ritualise car ces « esprits de la nature » comme il les appelait, se regroupent autour de votre maison et sèment le trouble. Il disait aussi en avoir hérité d’un qui comme il disait « adore faire des blagues ». Venant de la part d’un Magister ou Diable contemporain cela peut paraître étrange – ou bien ?

Tous ceux qui ont été dans la maison de Cochrane à Slough le confirmeront, sur un des murs était accroché un grand plat de cuivre. Tous ceux qui restaient assis à discuter     autour, souvent tard le soir, entendaient clairement et distinctement, venant de nulle part quatre coups frappés contre le dit plat. Cochrane regardait, souriait et disait : « Tomkins est à nouveau dans coin ». Ames confiantes comme toutes les sorcières, la première chose que nous nous sommes demandée c’est « Comment à-t-il fait ça ? » La réponse était qu’il n’avait rien fait. Sa maison était une de ces maisons modernes (à cette époque) à avec un salon / salle à manger traversant toute la maison. Le mur où était accroché le plat était un mur plein et rien d’autre n’y était accroché. Il n’y avait rien de caché derrière le plat, comme je l’ai vérifié. Il n’y avait pas de fil caché ou autre chose qui aurait pu être fixé au plat.

La seule conclusion logique à laquelle il était possible d’arriver c’est que si ce n’était pas « Tomkins », alors ce devait être autre chose. Ce qui amène la question : « Quoi ? » Comme plus d’un l’a noté, à certains rassemblements que Cochrane organisait à l’extérieur vous ne sentiez pas uniquement la présence de quelque chose, vous voyiez aussi occasionnellement des s de lumière bleue/verte aux alentours immédiats du site où nous pratiquions. Pour nous ce ne pouvait être qu’un signe de la présence d’élémentaux. Mais que sont exactement ces élémentaux et en quoi correspondent-t-ils au concept des « observateurs » et de la « compagnie cachée » de notre tradition ?

Personne ne peut être vraiment certain de ce que sont les élémentaux malgré les nombreuses théories qui ont été proposées à ce sujet. Une de ces théories veut que ce ne soient que des lucioles ou des décharges d’électricité statique. Pour ce qui est des lucioles, j’en ai vu voler dans une fraîche nuit de décembre. Pour l’électricité statique il n’y a pas de raison particulière pour qu’elle se décharge ici. J’en ai vu voleter d’un buisson à l’autre cinq bonnes minutes. Il y a aussi cette histoire qui veut que les élémentaux ne se manifestent que lors de rituels en extérieurs jamais lors de rituels en intérieurs. En avoir un, comme c’était le cas de Cochrane, ce n’est pas la même chose car Tomkins était plus un esprit familier qu’autre chose.

Autre point important. Pour ceux d’entre nous qui préfèrent pratiquer en extérieur, surtout dans les bois, il peut vous arriver de rencontrer un « terrain mort » qui semble complètement plat. Vous n’y entendrez jamais d’oiseau chanter où le bruit d’un insecte et même les plantes y  semblent maladives. Si vous pratiquiez à l’un de ces endroits vous réaliseriez que cet endroit est psychiquement mort et il peut même en émaner des ondes néfastes. La seule chose que vous ne verrez jamais en ces endroits ce sont des activités élémentales.

J’ai toujours dit que ces élémentaux n’étaient autres que la forme la plus faible d’énergie spirituelle dégagée par chaque être vivant. Je ne dis pas que chaque être vivant a une âme comme celle des humains, mais si les arbres et les buissons sont vivants et poussent et s’ils se plantent eux-mêmes, alors ils doivent aussi avoir cette force vitale créative que l’on trouve en nous. Tout comme nous dégageons une aura ils le font sous la forme de petites lumières bleues / vertes que nous voyons voltiger autour des sites où l’on pratique en forêt. C’est en effet une manifestation physique d’une présence élémentale.

Si on écarte le cas d’un esprit élémental qui s’attache à une personne ou à une famille, vous ne les trouverez jamais ou vous ne serez jamais témoin de leurs activités en intérieur. Je précise cela car plus d’une fois on m’a demandé si l’atmosphère que l’on trouve dans certains immeubles était liée à cela. Je sais que les immeubles peuvent créer une atmosphère qui peut impressionner des gens sensibles, mais cela provient en général de leur utilisation qu’elle soit joyeuse, triste bonne ou mauvaise. Les immeubles pour des raisons inconnues semblent absorber certaines émotions générées par les hommes qui y vivent. Cela peut arriver longtemps après qu’un événement soit advenu et même si l’atmosphère et les effets semblent être très proches d’ une activité élémentale, ce n’est rien d’autre que l’écho d’une activité humaine du passé.

Pour les groupes qui pratiquent en extérieur, comme le faisait l’ancien groupe de Cochrane, s’ils pratiquent dans un endroit sauvage et isolé, surtout s’il y a des vieux arbres, alors ils doivent être familiers avec les élémentaux. Vous avez l’impression d’être continuellement observé et toutes sortes de petits détails ennuyeux vont de travers comme quelque chose qui arrive au mauvais moment ou des choses que l’on retrouve à un endroit différent de l’endroit où on les a posées. J’accepte que certains événements puissent provenir d’un manque de d’attention ou d’une mauvaise mémoire, mais pour les autres ce ne peut être cela et ils peuvent être imputés aux activités élémentales ou comme on les appelait avant aux esprits malveillants des forêts.

Cela amène la question de savoir pourquoi ils agissent à l’encontre des gens qui se servent d’un endroit pour honorer les Anciens Dieux et la Déesse de la création ? Après tout elle est leur créatrice tout comme elle est la nôtre. C’est que les élémentaux sont la forme la plus basique d’énergie spirituelle et sont plus proches des forces du chaos que des forces de ce monde. Ils sont totalement dénués de logique dans le sens où on l’entend habituellement, ils ne peuvent que réagir instinctivement à ce qu’ils ressentent comme une intrusion dans leur domaine. N’étant ni moraux ni immoraux mais amoraux, ils réagissent de la seule façon qu’ils connaissent en essayant de perturber un rassemblement de différentes façons. Ils ne sont sûrement pas dangereux, juste ennuyants. Si vous les ignorez et continuez à utiliser régulièrement l’endroit, à la fin ils cesseront de vous ennuyer. Peu à peu ils accepteront le groupe comme faisant partie de l’ordre naturel des choses.

Même si une grande partie de cela peut sembler négatif, le côté positif de la chose est que là où il y a des élémentaux on peut aussi trouver de la magie. Plus l’endroit est sauvage et magique. Plus vous vous rapprochez de la civilisation moins leur activité et leur pouvoir sont grands. Ce sont réellement des esprits de la nature et leur abri sera toujours situé aux endroits les plus sauvages, magiques et préservés. C’est pourquoi lorsque des gens se réussissent régulièrement dans le jardin de quelqu’un, ils peuvent retirer une certaine satisfaction de la rencontre, mais ils n’auront jamais l’impression et la magie d’une rencontre dans les bois.

Il ne fait aucun doute que lorsque nous essayons de contrôler la nature et de la faire agir selon nos besoins nous réorganisons aussi le paysage. En faisant cela nous chassons les élémentaux de plus en plus loin. En faisant cela nous chassons les esprits de la nature et tous les vivants de plus en plus loin de notre vie quotidienne. De même, cela laisse un sentiment étrange lorsqu’on assiste à cette grande migration du week end des citadins vers la campagne où ils cherchent la paix et la tranquillité. Dans les faits, ils détruisent ce qu’ils cherchent à trouver.

Lorsqu’un groupe trouve un site vivant où pratiquer et où il y a des élémentaux alors « Ici il y a de la magie » comme ils disent. Lorsque vous offrez une libation aux Anciens, alors pourquoi ne pas garder quelques gouttes pour les esprits des bois. Après tout vous utilisez leur domaine. A la fin ils pourront peut être même vous apprécier et vous accepter. Qui sait, une nuit vous en emporterez peut être un chez vous comme l’a fait un ancêtre de Cochrane.

Avec le concept des « observateurs » nous arrivons une nouvelle fois à une très ancienne strate de croyance. Comme tous ceux qui savent tout au sujet de la sorcellerie vous le diront, historiquement il est connu que les sorcières se réunissaient entre autres dans les cimetières. Au cours des 14 et 15ème siècles, le  dernier endroit ou un non sorcier aurait voulu se trouver c’est bien dans un cimetière la nuit. On pensait que pendant les heures d’obscurité ils étaient hantés par le Diable et des « choses » qui faisaient du bruit dans la nuit. Pour un païen européen il n’y avait pas lieu de craindre les cimetières durant les heures sombres. Au contraire

C’était l’endroit où reposaient leurs ancêtres, un endroit où l’on pouvait consulter les esprits au sujet des naissances, des décès et des mariages dans la famille ainsi qu’au sujet du futur. Après tout si une famille s’éteignait ou déménageait loin qui déposerait les offrandes dont le mort a besoin pour son bien-être et son confort. ?

Les chrétiens ont hérité de nombreuses traditions païennes de la Rome antique, leur vision au sujet de la mort et des morts et totalement différente. Pour les chrétiens, la mort était une souillure et le cadavre était quelque chose de malpropre. C’est une attitude qui perdure encore. J’ai pratiqué sur un site qui s’est avéré être le cimetière d’une ancienne maladrerie oubliée et lorsque nous avons commencé à mettre des ossements à jour nous avons dû les recouvrir avec de bâches en nylon Si nous n’avions pas réagi ainsi nous nous serions exposés à de nombreuses plaintes concernant l’indécence de laisser ces os exposés au vu du public. Le christianisme avec ses « os saints » et ses reliques et le concept de « l’âme divine qui repose en paix » n’a pas vraiment supprimé la peur instinctive de la nuit dans les cimetières. De jour un cimetière peut être un havre de paix et de tranquillité, mais une fois la nuit tombée il en est tout différemment.

Pour nos ancêtres anglo-saxons, dont les prêtres furent les ancêtres des sorcières d’autrefois, il ne fallait pas craindre les morts. Au contraire, ils étaient les esprits des ancêtres que l’on pouvait consulter en cas d’ennuis. Derrière ce concept était la croyance que même s’ils sont passés dans l’autre monde ils n’ont pas perdu leur intérêt pour le clan. Ce qui est aussi vrai maintenant qu’à l’époque. Sans le clan ou famille qui ferait des offrandes à leur mémoire, qui se souviendrait d’eux et qui se soucierait de la lignée ?

A la lumière de ceci lorsque les sorcières pratiquent dans un cimetière ils ne convoquent pas le Diable ou ses séides pour qu’ils hantent ou tourmentent leurs voisins pas plus qu’ils ne désacralisent les tombes. Ce qu’elles font c’est entrer en contact avec le royaume des ancêtres. C’est dans cet espoir que les sorcières invoquent leur aide surnaturelle afin d’améliorer leur sort sur cette Terre. Tant pis si cela passe par maudire ceux qui les oppressent. Qui pourrait les en blâmer si c’est la seule arme qu’elles ont ? 

Un cimetière n’est pas un endroit qu’une sorcière craint  ou redoute la nuit. C’est un endroit surnaturel et hanté, mais non pas par le Diable mais par les esprits de ceux qui ne sont plus. Ce peut être des gardiens surnaturels sous la forme des « observateurs ». Ils sont invisibles mais on les ressent très souvent comme des yeux qui observent, ils sont ceux qui protègent la quiétude des tombes de l’outrage. Bien sûr pas dans un sens physique où ils abattraient quelqu’un, mais plutôt d’une manière surnaturelle avec une série de grosses malchances, de maladies ou de rêves étranges et cetera. Pour cette raison, et pour cela seulement, à chaque fois que Cochrane ritualisait à un endroit étrange pour la première fois, il vérifiait toujours que nous n’étions pas à proximité d’un cimetière abandonné.

Dans le même ordre d’idées, nous étions au Pays de Galle pour aller dans une grotte. Ce rite là fut le plus étrange que nous ayons pratiqué ensemble. Tout ce qui pouvait aller de travers est allé de travers et le peu que nous étions fut heureux lorsque tout fut terminé. Nous pouvions alors retourner au camp et nous éloigner de l’atmosphère oppressante de l’endroit. Ce n’est que le lendemain matin, lorsque nous sommes revenus sur place que nous avons constaté que ce que nous avons fait avait dérangé les observateurs. A partir de cette nuit lorsqu’on me demandait s’il fallait croire, je suggérais à celui qui me posait la question de passer les heures sorcières assis dans un cimetière et d’y retourner le lendemain matin et ensuite de me dire ce qu’il pensait.

Lorsqu’on parle de la « Compagnie Cachée » on emploie une expression inventée par des membres américains du clan, c’est une désignation moderne de ce qui est un très ancien phénomène. La Compagnie Cachée, comme nous le verrons, est plus que l’ancien esprit gardien du clan et du coven. Il y a eu des discussions concernant la nature précise de la Compagnie. Est-ce l’âme des sorcières d’autrefois qui sont attirées par ce monde par les activités du coven ou est-ce, comme le pensent certains, des âmes qui sont passées par plusieurs incarnations et qui n’ont plus besoin de s’incarner sur cette Terre ? Est-ce que ce sont des « âmes éclairées » qui demeurent en Gwynvid, cet endroit particulier que nous espérons tous gagner un jour ? Ou est-ce, comme je le pense personnellement les âmes d’anciens membres du clan qui répondent à l’appel des leur ou de leur sang ? C’est une question que nous n’avons jamais résolue et à la fin ce n’est plus qu’une question de croyance personnelle. La seule chose dont tout le monde peut être certain c’est que la Compagnie Cachée existe.

Si l’on parle de n'importe quelle forme d'existence spirituelle après la mort, il y un ensemble de preuves toujours croissantes d’expériences de presque mort qui ne peuvent pas être éludées. Un facteur commun à toutes les expériences de presque mort est la possibilité d’expérimenter une existence consciente après le point de mort clinique. Cela inclut la possibilité d’échapper au traumatisme et à la douleur ainsi que de voir l’équipe de réanimation à l’œuvre. Ensuite arrive la sensation de chute dans un long tunnel vers une lumière. Ensuite souvent la personne fait une rencontre et est menée vers un jardin où elle est saluée par des amis et des connaissances décédées depuis longtemps. On constate  qu'il n'y a pas une brusque désagrégation des liens entre le corps et l'âme, sinon la personne concernée ne pourrait plus regagner son corps après une telle expérience. C’est une chose que les anciens païens comprenaient et acceptaient. C’est un fait qui est prouvé par les nombreux rites funéraires réalisés dans l’intention de séparer l’âme du corps avant de l’envoyer dans l’Autre Monde.

Si l’on accepte l’existence de l’âme qui survit à la mort, l’étape suivante est de réaliser qu’elle doit être capable de revenir dans ce monde. Si nous pouvons aussi accepter le concept de la réincarnation de l’âme et la manière dont elle va sur le chemin en spirale. Plus le voyage est long plus l’âme se développera en spiritualité. Dans une lettre à Bill Gray concernant le Rituel du Château, Cochrane va encore plus loin lorsqu’il écrit au sujet « du vivant et du mort » en disant que c’est ce qui sépare l’âme d’une sorcière de celle d’un païen. L’âme d’un païen reste prétendument avec les morts alors que l’âme d’une sorcière traverse la rivière et va là où vivent les autres. Si nous acceptons que l’âme de la sorcière a un destin différent de celle d’un païen, alors nous devrions pouvoir accepter qu’il y a de vieilles âmes – les âmes de sorcières qui n’ont plus besoin de revenir en ce monde. Certaines reviennent dans certains clans et sont leurs esprits et les gardiens du groupe. Elles sont ce que l’on nomme la Compagnie Cachée.

Cela amène la question de savoir pourquoi l’âme d’une sorcière a un destin différent des autres ? Ma réponse est qu’il n’y a pas de différence dans les faits, seulement l’âme de la sorcière est un peu plus avancée que l’esprit du païen. Une des façons de l’affirmer se trouve dans la compréhension graduelle de la nature de la réincarnation et Avalon, le Walhalla ou le Paradis deviennent la demeure éternelle de millions d’âmes. Nous croyons que ce n’est rien de plus qu'un lieu de repos le long du chemin en spirale d’où une âme inconnue renaît encore et encore jusqu’à ce qu’elle réalise qu’il y a une forme d’existence spirituelle où l’on retourne vers le Divin d’où tout à commencé.

De la fin au début et de nouveau à la fin, le très ancien cycle de vie, mort et renaissance qui continue à tourner jusqu’à ce qu’un jour chacun d’entre nous devienne un membre de la Compagnie Cachée d’un futur coven. Si nous croyons, comme le disait Cochrane « que le désir de survivre crée le chemin vers l’Autre Monde ». Ces chemins furent créés pour qu’il soit possible à l’âme d’une sorcière décédée de revenir et de répondre à l’appel des siens, à l’appel du sang.

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