Le Peuple de Goda
par Evan John Jones
Pour citer le nom entier du clan, tel que l'utilisait Robert Cochrane : « Le peuple de Goda ? le clan de Tubal Cain ». Ce qui se traduit en « le peuple de la fraternité de prêtres du clan de Tubal Cain » (le premier forgeron dans l'ancien testament) ce qui est bien pompeux pour un si petit groupe. En fait, d'un point de vue purement historique, si on exclue le Tubal Cain à la fin du titre, qui commémore le fait que Cochrane ait été forgeron, le reste est 100 % exact. Nous étions « le peuple de la fraternité de prêtres » qui servait les anciens Dieux et Déesses. Même si aujourd'hui cela semble étrange de donner un nom à un groupe de cette façon, dans le passé tous les groupes traditionnels se faisaient appeler le Peuple de Goda ou le Peuple des Godi. Parfois on y ajoutait un autre nom pour se distinguer les uns des autres dans une même région, comme Le Peuple de Goda-Woodmancote. Le temps passant cela fut abrégé du fait que la plupart des gens sont un peu paresseux quand il s'agit de parler. Ainsi cela devint « Le Peuple » un nom que Cochrane utilisait souvent à notre sujet quand il parlait avec des gens extérieurs. Mais qu'en est il de ce que Cochrane transmettait au « peuple » comme étant sa tradition ?
Comme l'a fait remarquer Doreen Valiente dans ses vieux jours, dans son chapitre sur Cochrane dans son livre « The rebirth of witchcraft » il était passionné par la pratique de ce qu'il appelait sa « magie grise ». Remarquez, Doreen avait un autre nom pour cela, mais c'est hors sujet. Toujours est il, comme je le disais plus haut, qu'il mettait le point essentiel de la magie grise psychologique sur le dogme de base que votre opposant ne devrait jamais être autorisé à donner une opinion définitive sur vous, mais qu'il devrait toujours rester indécis. Quand il s'agissait d'introduire des nouveaux venus dans sa tradition, et dans ses travaux, il pratiquait sa magie grise de telle sorte que vous en sortiez en ayant l'impression qu'il pratiquait une tradition épanouie, où tout était prévu de A à Z. Ce n'est qu'après avoir travaillé avec lui un certain temps qu'on se rendait compte que ce qu'il vous avait dit n'était qu'une partie du mythe du clan.
La première leçon que me donna Cochrane était que la Foi est bien plus mystique que ce que la plupart des gens croient, et qu'elle est difficile à exprimer avec des mots. La définition du clan de ce qu'est une véritable sorcière est « quelqu'un qui est mû par une soif de connaissance ». Cette connaissance est ce qui induit la sagesse, un état que tout organisme vivant possède, que ce soit sous une forme basique et instinctive, ou sous une forme hautement avancée. La sagesse est la récompense ultime qu'obtiendra un esprit ou une âme en quête de connaissance.
Au Moyen Age l'Eglise catholique romaine demandait que l'hérésie et la sorcellerie soient éradiquées et que quiconque ne suivrait pas la loi orthodoxe soit purifié de ses péchés par les flammes. Au 21ème siècle l'Eglise présente ses excuses, d'une façon générale, pour ses persécutions, la vérité temporelle et la sagesse ont changé. Puisqu'il en est ainsi, la sagesse elle-même doit être la première chose que nous puissions avoir, par rapport à l'ultime et éternelle vérité non atteinte par la condition humaine. Ainsi si on se penche sur le coeur même de nos croyances en tant que Peuple de Goda ? Le clan de Tubal Cain, nous sommes baignés dans un credo et une total acceptation enracinés dans le concept d'éternité, et ne dépendant pas des pressions et nécessités sociales. Notre croyance peut être résumée comme tournant autour de la sagesse et de sa quête. C'est pour cela que le vrai nom des sorcières devrait peut être être « le Peuple sage » et ainsi tout ce que nous aurions à faire serait de nous y essayer et de vivre en fonction de cela.
Une autre partie des enseignements de Cochrane était la réalisation de soi. Quand nous cherchions cette réalisation à travers des expériences mystiques, ce qui devrait toujours être au coeur de tout travail, on nous disait de ne jamais oublier le devoir absolu de se sentir concerné, une chose qui devrait toujours être le premier devoir des Sages. Pour citer Cochrane, de mémoire : « voir la Déesse ne suffit pas, pour les servir, elle et sa volonté, en étant concerné par l'humanité et les dictats de la Foi (le nom sous lequel sont réunis tous les Dieux) car dans la Foi, et dans la victoire de la Foi, se trouve la clé de l'inspiration et la mort elle-même est un gain. Il n'y a pas de destin si terrible qu'il ne puisse être vaincu, que ce soit par une victoire concrète suite à une action, ou par une victoire plus profonde, celle de l'esprit, engagé dans une bataille solitaire contre soi-même. Le destin, la destinée, le jugement, sont nos batailles, notre château périlleux, dans lequel nous devons tous nous rendre pour gagner ou mourir. C'est pourquoi nous, Peuple, sommes concernés par le Destin, car en définitive l'humanité est plus grande que les Dieux, mais jamais autant que les Déesses. Quand l'homme triomphe le destin s'arrête, les Dieux eux-mêmes sont défaits, et vous avez compris le sens de la magie. La magie et la religion sont les outils qui viennent à bout du Destin tandis que le Destin est le berceau qui berce l'esprit infantile ». Fin de la première leçon.
Pour ma part, quand j'eus dépassé le stade initial de mon apprentissage, que j'eus abandonné l'idée que les Anciens me fourniraient éternellement en bière gratuite, et jeunes femmes nubiles tous les samedis soirs, et que je commençais à en apprendre un peu plus sur la tradition, Cochrane passa à l'information qui disait que la Foi était faite de trois parties séparées et distinctes, dont il n'en possédait que deux. Naïf comme je l'étais la première question que je lui posais fut « Ok, et qu'est il advenu du troisième morceau ? » Il répondit « Il a été perdu il y a bien longtemps » C'était quelque chose que Cochrane avait du mal à admettre devant les nouveaux arrivants, et qu'il n'abordait que quand il sentait qu'il pouvait réellement avoir confiance en nous. Un autre exemple de sa magie grise s'il en fallait un.
Qu'en était il des deux parties qu'il détenait ? En gros la première partie était la masculine, ou les mystères masculins. Ceci était enchâssé dans la Quête du Graal et l'Ordre Solaire - le Clan de Tubal Cain, et était très présent dans le mythe et le symbolisme du Jeune Cornu. Ajoutez à cela l'habileté, la bravoure, l'honneur et la loyauté dues à la prêtresse, qui présidait les mystères masculins. Les légendes de Robin des Bois et de Lady Marianne contiennent beaucoup d'éléments similaires, mais en fait c'est bien plus ancien que cela. Aussi surprenant que cela puisse paraître, on en trouve des traces jusque dans l'Ancien testament, puis dans le Christianisme, tant avec Moïse qu'avec Jésus, qui enseignaient une forme de mystères masculins, mais, contrairement à Sorcellerie ancestral, ils excluaient totalement la participation féminine. Les femmes pouvaient être des suiveuses, mais sûrement pas faire partie de la prêtrise. Peut être la forme la plus extrême en était elle le Culte de Mithra, qui était totalement dédié aux hommes, sans la moindre place pour les femmes. Cela le rendit extrêmement populaire dans les milieux militaires de l'Empire romain.
Bien, qu'est ce qui était initialement attribué à ces mystères masculins ? La Foi est et a toujours été fondamentalement féminine. Elle a été la dépositaire de la sagesse féminine dans ce sens qu'elle reconnaît la femme pour ce qu'elle est, à savoir l'égale absolue de l'homme et la représentation de la Déesse sur terre. Quand les Dieux créèrent la terre, ils ont donné à la femme les éléments de la terre, de l'air et de l'eau. Aux hommes ils donnèrent la terre, l'air et le feu, et ils décrétèrent que tous ces éléments seraient sans effet tant que ne seraient pas cumulés les aspects masculins et féminins. Voici pourquoi les hommes et les femmes jouent des rôles séparés et unifiés dans la Foi et dans la vie. Et c'est pourquoi par le passé les mystères masculins ont toujours été dirigés par une femme qui était à la fois prêtresse et dirigeante.
Le simple fait de décider ce qui plairait ou ne plairait pas aux Dieux, ce qui serait tabou ou ne le serait pas, a toujours eu un effet profond sur le développement de l'humanité. De la simple manière de tenter de définir une relation entre les humains et les Dieux naquit la loi (son édiction et son application), le parlement, les premières universités et les guildes dans lesquelles le savoir n'était enseigné qu'à de rares élus. L'observation, l'astronomie, la métallurgie et le génie derrière la première tentative de ces hommes fut une représentation de la Déesse sous la forme d'une femme. Quand il s'agit de représenter graphiquement les mystères masculins de façon symbolique on utilise un javelot, un coq sur un pilier, une échelle avec 8 barreaux, un fléau, et une épée ou une hache de combat. Ces représentations sont toutes en relation avec 3 des 4 éléments, particulièrement le feu.
Quand on passe aux mystères féminins, ou féminins, ils sont plus profondément et intimement connectés avec les lents courants de la création de la destruction, le cycle de la naissance de la vie et de la mort. Cela est résumé dans le pentagramme, l'étoile à 5 branches ; naissance, amour, maturité, sagesse, mort et résurrection. Dans ce sens ils sont en relation avec toute chose qui croit, toute créature de chair, la fertilité et la stérilité, le mystère de la femme qui est vierge-femme-crône, le tout en un(e). Par essence ils sont le cycle de la vie et l'universalité de la vie. Ils s'expriment par les intuitions et les sentiments, que ce soit les émotions, les sensations, l'imagination, l'empathie ou l'intuition. Leur représentation symbolique est le balai, la fiole, le gant, la coupe, le bosquet et la quenouille. Toutes ces représentations ont une signification dans la tradition.
Les mystères féminins sont toujours dirigés par un homme, en tant que prêtre et en tant qu'enseignant. Malheureusement pour nous, aujourd'hui le vieux système a plus ou moins disparu et ce sont les familles qui enseignent aux enfants les deux mystères, sauf Cochrane dont les parents ont brisé la tradition et furent vertement sermonnés par son grand père paternel. N'eusse été son grand oncle du côté maternel cela aurait été complètement oublié. La tradition était que, contrairement à aujourd'hui, les réunions d'hommes ou de femmes oeuvraient séparément, sous l'égide d'une Dame pour les hommes et d'un Maître pour les femmes. Les seuls moments où ils se réunissaient étaient pour les 9 rituels saisonniers et c'était les seuls moments où ils ritualisaient ensemble. Bien que la plus grande partie de la tradition ait été perdue, Cochrane a toujours maintenu qu'un jour elle serait redécouverte car les choses et les courants de pensée ne meurent pas mais se contentent de changer.
Il pensait aussi que quand les persécutions se firent plus drastiques les réunions devinrent plus secrètes. Par souci de sécurité les clans se divisèrent et ne surent plus rien les uns des autres à part quelques vagues rumeurs. A partir de là, the Cave of the Cauldron, the Chapel of the Grave et the Stone Stile devinrent trois groupes de travail, séparés et sans connexion. Dans le même temps chaque clan unifia les deux mystères en son sein, dans l'espoir que rien ne serait perdu. Malheureusement il n'en fut rien. En dépit de cette perte Cochrane a toujours senti que la version moderne du clan devrait se diviser à nouveau car il y a toujours un mystère dans les différences sexuelles entre hommes et femmes. Certaines choses ne s'appliquent qu'aux hommes et d'autres qu'aux femmes. Quelque bonne volonté qu'il y mette un homme ne pourra jamais complètement comprendre et expérimenter le mystère des menstruations ou de la naissance et comprendre à quel point cela affecte le corps et l'esprit de la femme. Tout comme les femmes ne pourront jamais complètement comprendre le soir de savoir et de pouvoir des hommes car c'est une partie de l'esprit masculin et c'est difficile à appréhender pour une femme.
Cependant la Foi nous dit que la sagesse a à faire avec ces deux aspects, homme et femme, et quand cela est enseigné correctement comme ce le fut par le passé cela prend des formes remarquables. La représentation de la Vierge et de l'Enfant est l'une des plus significatives, des plus profondes et des plus parlantes images de la Foi, l'approche masculine ou féminine de ce concept Mère/Enfant est diamétralement opposée ce qui n'est pas vraiment surprenant quand on y pense. L'homme est un être de raison, de logique et de passion, tandis que la femme est un être magique qui suit les courant de son âme et, à moindre degré, ceux de son corps. Elle recrée les actes profondément instinctifs de la Terre Mère à travers lesquels elle peut aussi bien créer qu'influencer l'esprit collectif du groupe, une magie sans égal. C'est pourquoi dans le groupe de Cochrane la responsabilité concernant la loi était dévolue au maître, tandis que la Dame possédait la loyauté, l'allégeance et la dévotion en toutes choses.
Peut être sa plus grande erreur fut elle la fabrication du mythe de 1734 et l'utilisation du plat en cuivre que Doreen lui avait rapporté d'une boutique d'antiquaire de Brighton comme preuve. Quoique cela fut une fabrication, quand on y regardait d'assez près, cela contenait suffisamment de l'héritage de l'ancienne tradition pour former la base de travail de ce qui se passa aux Etats Unis. L'autre conséquence fut que deux groupes de Sorcellerie Héréditaire, que je connais personnellement, ont fait un blocus contre Cochrane et il n'y a pas à douter du fait que d'autres ont dû suivre. Les Sorcières traditionnelles peut être secrete et aime rester entre elles. Leurs rites et les façons dont elles pratiquent peuvent être très différentes, mais elles savent tout les unes des autres. Et elles ont tout de même certaines règles communes et Cochrane avait brisé l'une d'entre elles. Non pas parce qu'il avait grugé les externes, mais bien plutôt parce qu'il avait laissé trop de choses transpirer, ce qui était un péché capital.
Qu'en est il finalement de l'héritage de Cochrane ? Mis à part sa magie grise, ou peut être derrière elle, il a laissé une masse considérable de choses bien qu'elles ne soient pas sous forme de rituels écrits. Ce qu'il a laissé ce sont des concepts, dont certains étaient assez obscurs dans leur structure, mais qui ne demandaient qu'à être mis en forme. L'un des plus importants était certainement la position et le statut de la Dame dans le Clan. Malheureusement Doreen Valiente (1989) avait mal interprété Cochrane quand il disait que le chef du clan devait toujours être un mâle. C'était parce que cela symbolisait la vérité occulte qui veut que le monde physique soit le miroir du monde spirituel. Ce que nous nommons réalité dans ce monde dont être l'opposé de celle de l'intérieur. En conséquence Cochrane assignait le monde intérieur ou spirituel à la Déesse, tandis que le monde physique dépendait du Maître.
Ce que Doreen n'avait pas réalisé est que derrière ce concept se cachait le fait que tous les maîtres, passés, présents et à venir, ont pris et tenu leur pouvoir de la Dame, qui était reconnue comme étant la représentation vivante de la Déesse dans le monde physique. Voilà pourquoi même aujourd'hui, même si les circonstances ne sont plus les mêmes, le Clan ne peut offrir au Maître que son obédience en terme de loi. A la Dame il offre une totale loyauté, une dévotion et l'obéissance, ce qui la place à un rang bien plus élevé que celui du maître. Cela conduisit aussi à l'idée extrêmement intéressante que, parce que les femmes ont été créées à l'image de la Déesse, la Dame a le droit de réclamer une relation sexuelle à n'importe lequel des membres mâles plutôt que l'inverse, particulièrement quand elle décide de prendre un homme comme partenaire de travail. Ainsi quand le Maître est à la tête de la réunion dans le cercle, il ne le fait que parce que la Dame lui en a donné le pouvoir à travers le Premier Rite.
Un autre concept dans la tradition et le mythe de Cochrane concernait the Cave of the Cauldron, the Chapel of the Grave, the Stone Stile et trouvait son apogée dans le Ritual of the Castle. Chacun était un rituel séparé qui trouvait lieu dans un environnement particulier. Cochrane disait que dans le passé le clan était formé de trois rassemblements qui chacun était « prisonnier » d'un site particulier, bien que les mythes et les travaux fussent communs à tous. Aussi loin qu'il m'en souvienne, dans les années soixante Cochrane était le seul, qui défendait le travail dans les grottes. Nous travaillions le plus souvent sous terre comme le prouve l'article paru dans New Dimensions en 1964 (réédité dans The Cauldron). Comme le disait Cochrane dans une lettre à Bill Gray « It was inside out and upside down » (c'était tout sens dessus dessous) Une autre fois Doreen, lui et moi, fîmes un simple appel dans un tunnel qui passait sous la route, depuis un jardin privatif de Brighton jusqu'à la plage. Cela fonctionna remarquablement bien.
Mais qu'a de spécial une grotte dans laquelle se trouve un chaudron (the cave of the cauldron) ? C'est basé sur une synthèse de l'ancienne mythologie païenne anglo-saxonne des Nornes ou Wyrds, qui avec leur chaudron arrosaient les racines du Hêtre du Monde, et de notre totale croyance dans le Destin, le mot qui désigne tous les Dieux. Le destin devient un enjeu auquel nous devons faire face pour vivre ou mourir. Quand nous triomphons le Destin s'arrête et le chaudron devient silencieux, les Dieux sont défaits et à présent nous connaissons le secret du chaudron.
Nous venons de ce chaudron bouillonnant, toujours en mouvement, où le passé le présent et le futur ne font qu'un, et nous devrons y retourner jusqu'à ce que nous soyons capables de faire face au Destin, et la mort sera un gain. Alors, finalement nous deviendrons des Dieux nous-mêmes. Le Destin, symbolisé par le chaudron, berce l'esprit infantile en son sein et ensuite l'envoie dans la vie afin qu'il grandisse un peu en sagesse puis il le réclame mort. Peut être la magie et l'inspiration triompheront-ils. Le Destin et le chaudron deviendront calmes et notre esprit sera libre pour la première fois afin de ne faire qu'un avec les Déités. Bien que le chaudron ait de multiples significations à l'intérieur de la Foi, quand il est couplé avec la grotte il devient l'un des enseignements fondamentaux du clan comme étant le premier rituel dans le cycle de la vie et de la mort.
Avec le concept de la Chapelle de la tombe (Chapel of the Grave) un autre aspect de la tradition est mis en avant et il s'agit de ce qui se trouve au-delà de la tombe. Bien que nous n'ayons jamais pratiqué ce rite en tant que groupe, même dans sa forme la plus simple, sa structure, ses buts et son mythe étaient certainement connus de Cochrane et nous furent certainement enseignés. Même si Cochrane pensait qu'il s'agissait là d'un des grands secrets du Clan, j'ai vu des concepts très similaires dans d'autres groupes de Sorcellerie Héréditaire que je connais. A part quelques différences mineures, le concept et la structure étaient les mêmes au point que lorsque je travaillais avec un autre groupe je savais à l'avance ce qui allait se passer, et dans quel ordre. C'est pourquoi je pense sincèrement que par le passé cela était commun à beaucoup des anciens groupes.
Enveloppé dans le cycle de la vie et de la mort ce rituel faisait avancer d'un pas le mythe de la grotte et du chaudron. Le Destin, sous la silhouette de la Wyrd, décide de notre naissance dans cette vie, et de la façon dont nous vivrons. Le destin a également décidé du moment et des circonstances de notre éventuel décès. Ce que la chapelle de la tombe fait est de tenter et de pénétrer le secret de ce qui se cache derrière la mort et la tombe. Sous l'appellation de « la rose au delà de la tombe » c'est le concept de ce qui vient après la mort, et, dans le cas de Cochrane était une idée particulièrement intéressante. Bien loin de l'habituel et flou Avalon, il croyait que lui et d'autres familles, ou membres du clan, à leur mort, iraient dans un endroit prévu par les anciens esprits du clan. Il fut créé par les fondateurs du clan qui luttèrent pour établir cet emplacement dans l'autre monde. Ils furent suivis par ceux qui luttèrent pour le maintenir face aux persécutions et aux tentatives de dispersement, et le gardèrent pour ceux du clan d'aujourd'hui qui savent comme descendre la voie, traverser la rivière et entrer là. Cochrane pensait que les morts allaient dans un endroit non pas créé par le Dieux, mais par une foi collective et une croyance dans son existence. Malheureusement, tout comme les fées quand on cesse de croire en elles, cela disparut peu à peu. Ainsi en est il de l'emplacement des esprits. Quand la croyance se perd le Destin s'arrête et le chaudron devient calme.
Quand on en arrive à l'Aiguille de pierre (Stone Stile) on passe à tout à fait autre chose. Ce n'était rien d'autre qu'un vaste espace ouvert avec des marques naturelles, comme des arbres, des buissons, des monticules etc? pour le délimiter. Dans cet espace on pouvait tracer un ou plusieurs cercles pour les différents rituels tels que l'ancienne danse des sorcières au sabbat, où l'assemblée dansait parmi les arbres. Aujourd'hui les choses ont changé les assemblées sont de moindre importance et un cercle de 2.70 mètres de diamètre est suffisant.
Bien que certaines sorcières modernes puissent trouver cela bizarre, beaucoup de groupes héréditaires n'utilisent pas un site comme celui ci. Au lieu de cela ils marchent souvent jusqu'à un sommet de colline ou jusqu'à une ornière près d'une eau courante ou d'un croisement de routes, de préférence un croisement sur d'anciennes routes qui sillonnent la campagne. En fait Cochrane pensait qu'il y avait une forte connexion entre les vieilles ornières et la Sorcellerie. Il disait que les sorcières avaient été les premières vigies de ces routes. Bien que nous ne suivions pas tous ses théories, j'avais remarqué que tous les sites réputés pour avoir accueilli les trois branches du clan étaient le long de l'ancien chemin des pèlerins, l'une des anciennes voies marchandes.
Ajoutez à cela un manque total de formalisme dans le travail de Cochrane. C'est quelque chose dont ont parlé tant Bill Gray que Doreen Valiente, qui tous deux venaient de traditions fort différentes. Gray était un magicien cabaliste, et Doreen était à la base une GPs Gardnérienne. Si Cochrane était ce qu'il disait être alors ceci colle bien à ce que l'on sait des anciennes façons de travailler. La chose que les anciens covens avaient en commun était une foi inébranlable dans le fait que les tralalas étaient sans importance tant que l'intention magique était claire. Si les rituels suivaient le modèle traditionnel alors cela fonctionnerait.
Le château est un château tant du point du vue du rituel que en tant que concept. Par essence il est une retraite symbolique hors de ce monde, vers un endroit d'où viennent tous les pouvoirs.
Pour nous c'est le château carré des vents. Pourquoi les vents ? Cochrane avait cette croyance que l'air serait le médium transmettant le savoir, il disait :
« Nous apprenons par l'inférence poétique, en laissant nos pensées vagabonder le long des lignes qui appartiennent au monde des rêves et des images. Il n'y a pas de techniques d'enneigement rapides et intensives, pas de lois écrites, car la sagesse vient uniquement à ceux qui la servent, et votre enseignant c'est vous-même, vu à travers une glace sans tain. La réponse à toute chose est dans l'air, l'inspiration et les vents vous apporteront les nouvelles et le savoir si vous savez les interroger. Les arbres de la forêt vous donneront du pouvoir et les eaux de la mer vous donneront la patience et l'omniscience car la mer est le ventre qui contient la mémoire de toute chose ».
En définitive une grande partie du travail de Cochrane semble être le résultat de réactions viscérales et d'instinct, bien plus une réponse à ce qui l'entourait que le résultat d'un processus formel. Bien que cela parut étrange à l'époque, quand on le comparait à ce que disait Bill Gray à propos du Sangreal, ce ne fut pas longtemps après que je compris que c'était là la marque de fabrique du travail des groupes traditionnels et pas seulement la façon de Cochrane d'appréhender les choses.
Cela amène la question, comme l'avait dit quelqu'un un jour, de savoir si Cochrane était « le meilleur menteur en ville ». Ceux d'entre nous qui le connaissaient bien avaient peu de doute quant au génie de ce qu'il déclarait. Bill Gray l'accepta sans réserves et admirait grandement son travail, même si, de son propre aveu « il fallait un peu faire la part des choses ». Doreen Valiente avait des doutes, mais son décès fut un grand choc pour elle au point qu'elle écrivit son poème « Elégie pour une sorcière morte » à sa mémoire.
Le hasard veut que ce soit aussi Doreen qui dit tout haut ce qu'on pensait tout bas : Est-ce que Cochrane voulait vraiment se donner la mort ou bien était ce quelque chose qui avait mal tourné ? » Si elle était restée un peu plus longtemps avec lui, alors peut être aurait-elle été familiarisée avec la loi fondamentale du clan, et elle n'aurait pas eu à poser la question. La loi est, je cite « Prends tout ce qui peut l'être, donne-toi entièrement. Ce que j'ai, je le garde. Quand tout est perdu, et pas avant, prépare-toi à mourir dignement »
Ne prenez jamais garde aux rumeurs concernant le décès de Cochrane, les légendes qui voudraient que son corps ait été sorti du cercle pour être placé dans le jardin, la vérité est une bagatelle plus mondaine que le mythe. Nous ne saurons jamais ce qui lui a traversé l'esprit, mais les derniers mots qu'il m'a dits la veille de son décès sont : « J'irai chasser de l'autre côté» Alors peut être Cochrane, baigné dans la Sorcellerie traditionnel, a-t-il suivi la loi jusqu'au bout.