Le Masque de la Jument
par Evan John Jones
Le
masque de la Jument symbolise un des mythes principaux de la foi sorcière ; mais
tout cela n’est qu’un aspect de la déification et de cette vénération du cheval
largement répandue chez nos ancêtres. Autrefois, pour de nombreux cultes, le
cheval était un symbole religieux ; mais il n’y a qu’un seul aspect qui, pour
nous, a un aspect religieux. Le mythe en lui-même vient des Celtes. Personne ne
sait comment et quand ce mythe a été assimilé par la Sorcellerie Anglo-Saxonne
ou Anglaise, qui en a fait un concept particulier de la Sorcellerie. On peut
faire le parallèle avec la manière dont la Sorcellerie a adopté le concept du
château qui tourne immobile entre deux mondes et qui est devenu un élément de la
foi dans la pratique et les traditions sorcières.
Tout d’abord, le cheval dont nous parlons est la légendaire Jument de la Nuit, celle qui apporte les cauchemars, le coursier monté par le Dieu Cornu, la nuit de la Chasse Sauvage, celle qui guide les âmes vers l’autre monde. En termes chrétiens, on parlera de l’animal fantôme monté par le diable, ainsi que d’une certaine manière d’un descendant en ligne directe d’une des montures utilisées par les quatre cavaliers de l’Apocalypse – un peu dans l’esprit du cavalier sans tête qui est réputé hanter différentes parties du pays. En bref, ce cheval est un fantôme, un oiseau de mauvais augure qui a un lien avec la mort, le mal, la chasse et l’Autre Monde. Cette connexion entre ce cheval et la peur, l’effroi et tout ce qui fait du bruit dans la nuit, est si forte qu’en anglais on dit que celui qui se réveille couvert de sueur avec peur de mourir suite à un cauchemar à fait un « night mare » (Jument nocturne).
Ainsi, c’est cette créature qui depuis des siècles a rempli les esprits de craintes ? A nouveau, il s’agit d’une notion de l’ancienne foi qui a été modifiée par la chrétienté jusqu’à ce que, finalement, elle soit conforme à l’image que l’église souhaitait en donner autrefois. En même temps, cela rappelle aussi le très ancien concept et la signification auxquels nous adhérons toujours aujourd’hui.
Certaines sorcières voient la jument nocturne comme un coursier noir charbon, avec des yeux fous, de l’écume aux lèvres et aux sabots frappant le sol avec frénésie. Sur son dos se trouve le cavalier noir, cornu, à l’air cruel, sans aucune miséricorde ni aucune once de pitié en Lui. A ses pieds se trouvent les chiens de l’Autre Monde eux-mêmes. Ils ont la pelisse blanche, les oreilles rouges et les crocs pointus. Ils attendent impatiemment le son du cor du chasseur qui sonne le départ de la meute pour la chasse. Ils symbolisent un acte de revanche du Dieu Cornu contre les malfaisants qui ont été maudits par les prêtres pour le mal qu’ils ont fait à la tribu, au clan ou, à un niveau moindre, au coven. De la même manière que, pour l’Eglise, le Mal est personnifié par le Diable, à qui elle a d’ailleurs laissé les âmes des malfaisants pour les punir. Nous avons fait de même, mais au lieu de séparer le bien du mal en deux aspects, nous reconnaissons qu’un des aspects peut juger et apporter la vengeance lorsqu’elle est nécessaire.
Jadis, les prêtres du clan, puis plus tard les Sorcières, ont symbolisé les Chiens des Enfers et la Dame ou la Prêtresse du coven a symbolisé la Jument Nocturne. Par elle, le groupe effectue un rituel qui place face au Dieu Cornu le motif de la soif de vengeance, le fait de jeter un sort est en soi un acte de vengeance. Pour finir le sort est jeté au nom du côté sombre du Dieu Cornu par la prêtresse au nom du coven.
La Chasse Sauvage est plus formelle, mais y est liée. Son but spirituel est de débarrasser le pays des morts et de les conduire jusqu’aux portes de l’Autre Monde – dans l’esprit des rites modernes d’Imbolc, enterrer ce qui reste de l’ancienne année pour préparer la nouvelle. Cela nous mène à l’ancienne croyance que les esprits des morts sont autour de nous et peuvent interférer directement dans la vie des gens, d’où le concept du culte des ancêtres. Ce devrait être le rôle des prêtres de conduire ces âmes dans l’autre Monde. A nouveau, nous voyons le Dieu Cornu sous son aspect de Prince du Tertre et de la Tombe / porte d’entrée de l’Autre Monde, monté sur son coursier noir-charbon pour conduire l’âme des morts là où elle devrait être ?
La manifestation physique de ce concept est incarnée dans la tradition Sorcière de la Chasse Sauvage. Autrefois, la Chasse Sauvage était souvent utilisée pour effrayer les esprits toujours superstitieux des chrétiens et les éloigner des membres du coven rentrant de leur réunion d’Imbolc. De nos jours, l’image du Dieu Cornu et de sa Jument Nocturne n’est plus invoquée de la même façon, l’ancien concept est toujours reconnaissable dans les rites d’Imbolc lorsque l’ombre de l’ancienne année, symbolisée par l’ancien feu que l’on éteint, et qu’une nouvelle flamme est allumée. Une année est morte et partie pour toujours et ne reviendra jamais, alors qu’une nouvelle année va débuter. Ainsi, le cycle de la vie fait le tour complet du cercle, de la naissance à la maturité puis la mort, tout cela pour re-naître une fois encore.
Si l’on considère la manière dont l’image de la Jument est liée à l’essence de la foi, il est impossible que la jument puisse être exclue des groupes des masques sacrés. Si on le faisait, cela serait comme laisser de côté quelque chose qui a été transmis de génération en génération et, en même temps, cela nous priverait du symbole d’un concept toujours valide. En ayant un masque de la jument parmi les danseurs masqués, nous rendons hommage à une ancienne expression de ce qui fut autrefois les rites, tout en établissant le fait qu’il y a plus dans les rites que juste des masques.