Le Masque du Renard
par Evan John Jones
Avec le Renard nous avons à nouveau affaire à une reconstruction car on a bien peu d’informations sur la signification rituelle du Renard.
« Renard » était utilisé comme nom
par les Celtes, ainsi l’auteur classique Athenaeus Lavernian parle du chef
arverne Lovernus fils de Renard. Un « Lovernus » est aussi mentionné sur une
série de plats en étains datant du IIIème siècle découverts à Appleford dans le
Berkshire en Angleterre.
Dans le Caernarvenshire, il y a une pierre où il est inscrit « Fili Ioverni Anatemore » et dans le temple Romano-Briton d’Utley dans le Gloustershire on a trouvé un autel où il est fait référence au renard. L’ancienne région de Lorne dans le Strathclyde tire directement son nom de Lovernous fils de Erc ou « Renard fils de Erc » qui a colonisé la région dans les années 500. Il venait d’Ireland dont le mot Loarn ou renard vient du lieu bien plus ancien Lover Nous.
Il est aussi intéressant de noter que le corps de l’Homme de Lindlow portait un ruban en fourrure de renard lorsqu’il fut tué rituellement et que son corps fut placé dans le marais de Peat.
Pourquoi le renard était il considéré au point qu’on se serve de son nom pour nommer les personnes ? On peut trouver la réponse à cette question en cherchant ce que nous savons de cet animal.
Sa couleur est le premier indice, si on y ajoute ses oreilles pointues et son visage étroit le tout évoque la ruse – quelque chose que l’on doit considérer tout en admirant ses façons sournoises. La couleur du renard a pu faire qu’il soit associé, dans un sens sacrificiel, avec le Dieu Soleil. Dans le même temps le renard habite sous terre, il y a là à nouveau un lien avec le monde du dessous.
Il peut sembler étrange qu’un animal sournois et malicieux puisse être utilisé pour symboliser un aspect des divinités. La raison en est assez simple : de nos jours nous avons tendance à voir un Dieu qui voit tout, pardonne tout, peut tout et qui est bienveillant. Dans la pensée pré-chrétienne, c’était loin d’être le cas. Les Anciens Dieux pouvaient être cruels, pleins de ressentiments face aux hommes, et prêts à punir l’homme trop fier et avide de gloire. On honorait les Dieux et seulement les Dieux. De plus, même l’air pouvait être rempli de petits diablotins et de diables invisibles, ou pour les Païens, des esprits mauvais et nuisible dont on pouvait se prémunir ou qu’on pouvait apaiser par des rituels appropriés. Dans la théologie chrétienne vous avez Satan ou le Diable qui est le maître absolu du mal et du péché. Dans l’Europe païenne ce même esprit du mal n’est pas aussi clairement défini. Prenez par exemple Loki ou Gwydion : ils sont méchants mais en même temps ils ont du pouvoir et peuvent aider ou nuire à l’humanité en se montrant maîtres des arts de la tromperie et de la ruse. Il y a bien des exemples mythologiques où ces demi-dieux ont trompé les Dieux eux-mêmes pour leur dérober certains dons ou arts pour les donner à l’humanité ou dans certains cas à une personne précise.
On ne s’étonnera pas de retrouver cet aspect sournois et vicieux des Dieux dans leur contre partie terrestre le renard, un animal qu’on accuse injustement de nombreux méfaits. Dans mon cas je savais qu’un renard avait été vu dans les parages depuis des mois. Un après midi dans une folie meurtrière il a tué une demi-douzaine de canards et a laissé les corps sur place de la même façon que la « Volonté des Dieux » frappera certaines personnes et en épargnera d’autres.
De nos jours nous ne voyons plus la Déesse ou le Dieu de la même façon qu’autrefois. De nombreux désastres comme la pourriture des stocks de nourriture ou les problèmes de récoltes étaient attribués à la volonté perverse des dieux. On reconnaissait et évoquait aussi parfois la punition divine dans bien des cas. La peste, le saturnisme etc… On sait maintenant que de nombreuses maladies qu’on qualifiait de « châtiments divins » sont dues à notre propre ignorance et à un manque de compréhension. Ainsi aujourd’hui le danseur au masque de Renard partage peu de liens symboliques avec le danseur masqué du passé. Le Renard qui symbolise la duperie et la ruse a en un sens cessé d’exister. A sa place le Renard n’est qu’un des danseurs masqués du groupe.
Alors pourquoi ne pas remplacer le masque du renard par le masque du Bouledogue, de l’Epagneul ou pourquoi pas de l’Ornithorynque ? C’est le Renard, car le Renard faisait partie des anciens rites et aujourd’hui en recréant la danse sacrée et le concept du culte des masques sacrés, nous ressentons, d’une certaine manière, qu’il y a quelque chose qui nous relie avec notre passé païen.
Nous savons que cette époque a modifié notre perception de la Déesse et des Dieux. Nous ne nous jetons plus à leurs pieds pour nous excuser du résultat de ce que nous avons fait à cause de notre propre ignorance. Dans le même temps nous savons que le sentiment d’harmonie, d’équilibre, de compréhension et de savoir fait partie intégrante de leur Culte et de leurs rites et doit se refléter dans notre propre apparence. En plus cela nous permet de conserver à l’esprit qu’il y a en chacun de nous un peu du renard, et nous devrions non seulement pouvoir l’avoir en nous, mais aussi pouvoir nous en servir.