Le bâton sorcier

par Evan John Jones

 

Minuit, à la périphérie d'un cercle dans la pénombre, éclairés par les flammes qui dansent, un bâton fourchu est dressé. Il est décoré de flèches entrecroisées et d'une guirlande, immédiatement vous sentez qu'il joue un rôle important dans le cercle rituel. Qu'est-ce ? Et plus important encore, pourquoi est il dressé ? La réponse habituelle est « c'est un autel ». A première vue, cette réponse est exacte, mais pour un coven sorcier, le bâton sorcier est bien plus que cela.

Pour un coven, le bâton devrait toujours avoir un corps en hêtre avec une paire en corne d'acier et une pointe d'acier fichée dans son pied. La manière la plus simple est de demander, emprunter, voler une fourche à deux dents. C'était un objet que l'on pouvait laisser dans une grange ou une basse cour sans attirer les commentaires ou la suspicion sur les sorcières. Il est toujours dressé au Nord, au bord du cercle, il représente le Vieux Dieu Cornu / Rois des clairières. Le retour du Rois de l'Ancienne Année réincarné dans le corps du Jeune Dieu / Enfant Cornu fils de la Déesse, Diane des Bois Verts et engendré par le Vieux Dieu Cornu lui même. Lorsqu'il est placé à la porte de ce cercle, le bâton devient le gardien symbolique de la porte de ce cercle, le lien entre le domaine de la Déesse et les anciens Dieux et ceux de ce cercle.

Le bâton est toujours dressé au nord pour les quatre Grand Sabbats de l'année rituelle ; imbolc, beltane, lammas et halloween et toujours avec les flèches entrecroisées. La tradition « classique » veut que le bâton soit toujours doté d'une guirlande pour les trois (sic) occasions et malgré les cris et les protestations des puristes, je préfère qu'il n'y ai pas de guirlande à imbolc et halloween. Honnêtement je pense que les flèches doivent rester nues car cela exprime tout aussi bien ce que les guirlandes représenteraient lors de ces deux rites. Les guirlandes elles même ne sont rien de plus qu'un message codé qui défini la dimension spirituelle du rituel.

Pour imbolc, qui marque le début d'une nouvelle année rituelle tout comme la fin de la précédente, le bâton peut tout aussi bien rester nu que doté d'une guirlande d'if, les deux étant symbole de deuil et étrangement de réincarnation. Apparemment, c'est le moment de l'année où les arbres et les champs sont nus, maintenant si vous regardez de plus près les signes de la nature, on observe le retour de la vie. L'ancienne année est morte, et l'if en porte le deuil. Dans le cercle, l'ancien feu est éteint, et, après un court moment d'obscurité, un nouveau feu est allumé. L'esprit de la nouvelle année est né et une fois encore est destiné a être façonné par les expériences cumulées de l'ancienne année. Une fois encore, c'est l'if symbole de la renaissance qui marque l'arrivée de l'esprit de la nouvelle année.

Beltane est peut être ce qui se rapproche le plus d'une célébration de la vie et l'allégresse de la vie. Ainsi la guirlande de beltane doit être composée de certaines essences de bois qui représentent les choses de la vie, en particulier, le bouleau, le noisetier, l'aubépine et le saule. Le bouleau car c'est un arbre féminin et un symbole de purification, aussi bien qu'un symbole de naissance et de renaissance. Le noisetier est traditionnellement associé avec le feu, la fertilité, le savoir, la poésie et la divination. L'aubépine, même s'il est considéré comme un arbre augure de maladie et que ses fleurs ne devraient être amenées chez soi, lorsqu'il est coupé à beltane et accroché devant une maison, il est dit qu'il porte chance et qu'il protège du mal. La symbolique du saule est plus ou moins la même. Même s'il est normalement considéré comme un arbre de deuil et de chagrin, comme c'est un arbre qui aime l'eau, il passe sous l'influence de la lune, et par conséquent de la Déesse de la Lune. Ainsi en apportant des fleurs de saule dans le cercle, vous amenez en fait la chance et la bénédiction de la Déesse avec vous.

Lammas n'est rien qu'une adaptation moderne de l'ancienne fête des moissons, que nous marquons d'une guirlande d'épis de blé accroché au bâton du coven. Comme peu d'entre nous on un lien véritable avec l'agriculture et les moissons, il y a eu un changement dans la conduite du mythe rituel. Au lieu de cela, le rite célèbre maintenant le développement du coven ou l'esprit du clan et l'acquisition d'un nouveau savoir dans les mois qui suivent le rite de imbolc, lorsqu'une graine était plantée. Ce doit aussi être un moment de réflexion où chacun examine ce qu'il a retiré de son travail avec le coven ou le clan. S'ils sont dépités ou ont le sentiment de n'avoir rien appris, ils doivent alors oublier cela et réfléchir à la nouvelle orientation vers laquelle se diriger.

Halloween est un moment où l'on se souvient de nos morts. Personnellement je préfère dresser le bâton et n'y adjoindre que les flèches, mais si on y rajoute une guirlande, elle doit être d'if. Après tout, nous nous souvenons de nos amis et des anciens membres du clan et la chandelle que nous allumons en leur mémoire est une façon ne les ramener mentalement près de nous. D'un certain point de vu c'est le plus important dans le sens où lorsque nous nous souvenons d'eux, nous espérons aussi que lorsque nous ne serons plus là, d'autres allumerons une chandelle en notre mémoire. Si nous n'agissions de la sorte, chacun de nous en vieillissant aurait la sensation désagréable que notre départ ne touchera personne.

Il y a une dernière touche à ajouter au bâton décoré d'une guirlande, une fois de plus cela va choquer les puristes. Que se passe-t-il si on ne peut avoir toutes les essences qui composent la guirlande, voir aucune ?

J'ai toujours eu une conception libérale au sujet de la guirlande. Après tout, si les bois ne sont pas disponibles, vous ne faites pas de rituel ? Simplement, vous faites comme bon vous semble. Si vous utilisez des fleurs et que vous prenez des lys pour le deuil, ensuite vous les appellerez les fleurs de deuil etc. Ce qui est vraiment important c'est que toutes les personnes présentes sachent de quoi il retourne.

Le bâton est aussi utilisé pour une autre forme d'autel, l'autel symbolique du sacrifice, l'ancienne croix en tau du chêne kern où est accroché le corps sans vie du Dieu/Roi sacrifié lors des rites de beltane. Aujourd'hui ce n'est que le bâton dressé dans la position habituelle avec les flèches entrecroisées, mais pas de guirlande, et une faucille placée à son pied.

La faucille elle même doit être petite, pointue, à lame mince, plutôt que comme les grands models et parfois grossiers que nous avons l'habitude de voir aujourd'hui. En temps que symbole de l'autel, elle nous rappelle que la sorcellerie était autrefois primitive, sombre et sanglante et très différente de la wicca urbaine contemporaine. Elle évoque une époque où le Rois de l'Année était sacrifié, démembré et son corps était enterré et des parties de son corps étaient enterrées dans différents champs du pays, et son sang était mêlé à de l'eau et utilisé en lustration pour bénir le clan.

La question est bien sûr, qu'est ce que cela doit impliquer pour nous ? Autrefois, lorsque le sacrifice en était vraiment un, c'était le Vieux Rois de l'Année qui était offert à la croix en Tau. Avec le temps cette coutume a changé et c'est le Maître du coven qui offre un tribut de sang pour ses sept années de fonction. Ce n'est rien de plus que l'ancien substitut du sacrifice, de son représentant sur terre, à son Seigneur et Maître, le Dieu Cornu Incarné évoqué par le bâton. Aujourd'hui bien sûr, nous savons que dans son travail, un groupe moderne n'a plus besoin de verser le sang. Mais ayant dit cela, il faut se souvenir et rappeler qu'il y a toujours un concept de sacrifice dans la sorcellerie traditionnelle.

Cela peut se résumer en la sujétion d'une personne à la volonté des Dieux. Dire cela ainsi ne signifie pas grand-chose, mais en réalité cela signifie que vous avez consenti à ce qu'ils fassent ce qu'ils veulent de vous. Ils peuvent, et le font souvent, vous amener vers la quête d'une vérité spirituelle et la recherche du sens de la vie, puis vous en refuser la réponse, ne vous laissant que votre croyance personnelle. Ce qui était un autel charnel a évolue avec les années et incarne maintenant plus un symbole qu'autre chose. La dernière fois que j'ai vu une faucille au pied du bâton pour en faire un autel de sacrifice, c'était pour le Rituel de l'Ancien Engagement. Le groupe de Robert Cochrane doit être un des rares groupes restant à avoir pratiqué ce rituel.

Le point suivant à voir est l'utilisation du bâton comme symbole. On part du principe qu'il y a deux voies distincte et séparées dans le mythe : les mystères féminins et les mystères masculins. Chacun a ses symboles particuliers, respectivement la coupe et le couteau. La coupe est toujours placée à la gauche du bâton alors que le couteau est placé à sa droite. C'est le bâton qui est le lien entre eux. D'un point de vue mystique, la coupe représente la Déesse, le couteau représente le Vieux Dieu Cornu alors que le bâton symbolise l'enfant de Vérité et Beauté (le Jeune Cornu) ou sagesse.

En plaçant la coupe à la gauche du bâton on ne symbolise pas uniquement les mystères féminins, cela rappelle aussi l'aspect « mère protectrice » de la Déesse qui protège les siens. Comme le bouclier est tenu de la main gauche et l'épée de la droite, la Déesse nous protège, ne sommes nous pas ses enfants depuis que nous sommes entrés dans le cercle ?

Le couteau, qui est toujours placé à la droite du bâton, représente les aspects masculins, physiques et mystiques que l'on trouve dans la sorcellerie. Dans un sens on retrouve les aspects masculins dans l'épée ou la lame tranchante des travaux du clan. Après tout, dans la plupart des rituels c'est le Maître ou Magister qui dirige le rite. Placé à droite, il symbolise aussi le Vieux Dieu Cornu l'époux de la Déesse lors du Mariage Sacré. La Déesse elle-même représentée pas la coupe a gauche. Voila qui est d'ailleurs encore de nos jours la position des époux lors de la célébration d'une noce.

D'un point de vu spirituel, même si dans la traditions il y a deux voies, cette union engendre équilibre et harmonie et donne naissance à la sagesse (le Jeune Cornu). En les plaçant de cette façon vous créez une trinité Mère Père Enfant, avec le bâton (sagesse) qui les rapproche. Cette idée des deux opposes rassembles pour créer un équilibre est aussi présentée dans la manière dont les mystères sont conduits. La tradition a toujours voulu que les mystères féminins soient conduit par le Maître alors que les mystères masculins sont conduits pas la Dame, influençant ainsi ce qui sont dans les faits deux mono-mystères dans la constitution du coven.

D'un autre côté, cela rappelle aussi le cycle de naissance mort et renaissance. Autrefois on disposait un crâne et deux os entrecroisés au pied du bâton comme le sont la coupe et le couteau. Comme ces symboles devenaient trop communs, à la fin ils ont été écartés et on ne les vois plus que dans les rituels les plus formels. La coupe, allégorie du Chaudron de Renaissance et du ventre de la Mère. Le couteau à droite symbolise l'homme et comme les deux sont sexuels par analogie, vous avez les éléments masculins et féminins nécessaire à la création originelle et qui donne ensuite vie au jeune cornu symbolisé par le bâton.

La femme archétype de la mère et de celle qui donne la vie est aussi celle qui donne la mort puisque à partir du moment où on nous a donné vie on nous destine à mourir. Nous croyons que notre âme ou esprit retournera ensuite au Chaudron de Régénération et de Renaissance pour attendre une renaissance certaine et le début d'une nouvelle vie. La coupe est le symbole de la Mère Universelle, le couteau est le Père Universel, alors que le bâton nous représente nous l'Enfant Universel, enfant de nos parents.

Finalement, le bâton, instrument suprême représente le Pilier Centrale, Yggdrasil, hêtre d'un côté et sorbier de l'autre. Enraciné dans la sphère terrestre, il est le passage, l'expérience physique, et à son sommet il devient la plus haute expérience mystique. Il doit toujours être fourchu avec une pointe d'acier fichée dans son pied. Il est le passage car il est phallique est représente Hermes le guide. Il représente aussi la lune, passage vers les Mystères, socle de la sagesse et de l'expérience spirituelle, qui chéri l'enfant du savoir ou jeune cornu.

Finalement il est aussi mort, l'ultime transformation, et devient ainsi l'unique chemin vers la lumière. Derrière l'ultime transformation on trouve la Rose. La rose au-delà du tombeau, dans laquelle on trouve le chaudron. Du début jusqu'à la fin puis de nouveau jusqu'au début.

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