La rose au-delà du tombeau
par Evan John Jones
Il y a quelques années, lorsque je parlais au sujet du « clan » avec des visiteurs américains, quand nous abordions certains sujets, si nous devions continuer à parler, une simple rose rouge était alors placée sur la table. A partir de ce moment, chaque personne présente était sur son honneur tenu de garder pour elle ce qui était dit. Ce qui était dit alors était sub rosa, littéralement, « sous la rose. »
Ce rapport entre la rose et le secret remonte à la Rome païenne, lorsque Cupidon a donné une rose à Harpocrate, le dieu du silence, pour symboliser que les secrets de Vénus étaient cachés. Les premiers chrétiens n'utilisaient pas la rose comme motif décoratif car elle était trop liée à la dépravation romaine. Pourtant on retrouve des roses dans la décoration de nombreuses églises médiévales, ainsi que l'utilisation de l'églantine dans la confection de perles de chapelet bon marché ce qui rappelle aussi que son nom (en anglais) provient de la « couronne de rose » allégorique de la vierge Marie.
Pour les occultistes, la rose symbolise les secrets des mystères. Dans ma propre tradition, le Clan de Tubal Caïn, elle est aussi associée à la tombe. Bon nombre d'entre nous pensent et espèrent qu'il y a une autre vie après la mort. Des païens ont « Avalon » qui est forme adoucie de notre monde. Dans ma tradition, nous pensons que nous renaissons à maintes reprises, chaque vie dépend de ce que nous avons vécu dans notre vie antérieure, jusqu'à ce que finalement nous devenions assez avancés spirituellement pour ne pas devoir revenir dans ce monde. Nous ne ferons alors plus qu'un avec le divin qui a fécondé cette terre avec des fragments de lui-même, chaque fragment devenant une âme individuelle.
Jusqu'à présent, personne n'a apporté de preuve concrète et irréfutable d'une vie après la mort. Quelle que soit notre religion, quelque que soit nos expériences au sujet de nos vies antérieures, il ne peut s'agir que de croyance personnelle dans l'existence d'une âme et d'une vie après la mort. Ce ne sera que lorsque nous rencontrerons la mort que nous aurons une réponse certaine au sujet du secret que nous appelons « la rose au-delà du tombeau. »
Si nous croyons en l'existence d'une âme immortelle, nous sommes confrontés à la question de ce qui lui arrive après la mort. Comme chaque religion offre sa propre version de la vie après la mort, elles ne peuvent pas toutes être exacts - ou bien ? Ce sujet fut une de mes premières leçons sorcières. On m'a dit, « Pour beaucoup d'éons l'esprit humain n'a pas de demeure, finalement par désir de survivre il a crée un chemin vers l'au-delà. On n'arrive à rien sans rien, et quoi que nous fassions, nous sommes en train de créer le monde où nous vivrons demain. La même chose s'applique à la mort : ce que nous avons créé par la pensée, nous l'avons créé dans une autre réalité. Nous devons nous souvenir que le désir fut la première de toutes les créations. »
Si c'est vrai, alors il peut y avoir autant de résidence pour l'après vie qu'il y a de religions, et chaque concept sera valide sans nier ou contredire la validité de ce qui a été créé par les esprits et les désirs collectifs des adeptes des autres religions. Si un petit groupe d'adorateur du chemin de fer croit assez fermement qu'il y a un paradis où tous les trains sont à vapeur, arrivent à l'heure, et n'ont jamais de problèmes lies aux intempéries, alors ce paradis existera, parce que leur désir l'aura créé. De même, comme nous voulons croire à la réincarnation, elle existe, parce que nous avons employé nos dons divins pour créer notre propre éternité.
Robert Cochrane, celui qui m'a enseigné la sorcellerie m'a dit, « lorsque je serais mort, j'irai dans un autre endroit que ceux qui ont disparu avant et moi même avons créé. Sans leur travail il n'existerait pas; c'est leur foi qui l'a construit, et c'est ma croyance en cela qui me permettra d'en hériter. » Cet endroit n'est autre que le château qui tourne immobile entre deux mondes. Lorsque nous souhaitons dessiner cela, nous employons le symbole d'un château ceint d'une guirlande de roses rouges.
Si vous pouvez regarder le soleil se coucher au-dessus de l'océan, vous pouvez voir cet endroit, un endroit rêvé il y a longtemps par des visionnaires et que nous ont transmis les poètes, là où le ciel et l'eau se réunissent, si vous avez les yeux d'un visionnaire, le coeur d'un poète, et un désir ardent et intense de le trouver. Installer-vous sur une falaise lors d'une chaude soirée d'été, regardez les nuages bas sur l'horizon. Peu à peu sortant de la brume vous verrez se former l'île sombre aux pieds du château. Alors les faîtes prennent forme, ils sont rougis par le soleil couchant. Pendant un moment le château fait la jonction entre le ciel et la terre, pourtant il n'est lié ni l'un ni à l'autre; puis lentement il s'altère au cours de la nuit. Certains diront que vous n'avez vu qu'un effet de lumière sur les nuages, mais au fond de vous même, vous savez qu'il n'en est rien. Vous avez vu l'endroit où votre âme ira lorsqu'il sera temps pour vous « d'aller vers le coucher du soleil doré et le repos d'or. »
C'est bien beau tout cela, mais à quoi est ce que cela peut bien servir de regarder des châteaux dans les nuages ? On peut associer cela avec le rituel appelle « la Chapelle dans le Tombeau » un rituel qui peut produire une manifestation différente du divin, et qui fait partie de notre travail ininterrompu de la création de l'au-delà du clan.
Imaginez une chapelle en ruine, abandonnée depuis longtemps, libérée d'un quelconque sentiment spirituel. Votre groupe sera celui qui redonnera une vie spirituelle à ces murs. A l'intérieur de la chapelle, à la gauche de la médiane est-ouest du bâtiment se trouve une tombe ouverte et peu profonde, sa tête est dirigée vers l'Est. Cette tombe recréée servira de point focal au rituel.
Mais si la « tombe » est un concept abstrait, pourquoi chercher à la recréer ? Dans le clan de Tubal Caïn nous considérons cet effort comme une partie des mythes de notre clan. Il y a des années, quand le « clan » était un clan, il y avait en son sein, trois groupes distincts qui avaient la charge d'un lieu mythique important: la Grotte du Chaudron, la Chapelle de la Tombe, et la Pierre levée. Je ne sais pas si c'était à prendre littéralement, Robert Cochrane, mon maître en sorcellerie était particulièrement intéressé par les rituels pratiqués sous terre dans des grottes. Je me souviens avoir rampé un grand nombre de fois dans des souterrains à la recherche d'un endroit approprié.
En même temps, nous étions aussi à la recherche d'une grange ou une maison en ruine que nous aurions pu convertir en « chapelle». Il ne devait subsister que les restes des quatre murs mais il ne devait plus y avoir de trace du toit. Nous savions ce que nous voulions car nous en avions vu une alors nous avions été invités par un autre coven. La « chapelle » existe et la « tombe » existe, et même s'il y a de légers différences entre leur version de la Rose au-delà du Tombeau et la nôtre, la Rose reste le symbole de ce qui est après la vie. En fait, c'était devant ce tombeau là que j'ai compris ce que disait Robert Cochrane : « lorsque je serais mort, j'irai dans un autre endroit que ceux qui ont disparu avant et moi même avons créé. Sans leur travail il n'existerait pas; c'est leur foi qui l'a construit, et c'est ma croyance en cela qui me permettra d'en hériter »
Dans le rituel, la « tombe » est sur un axe est-ouest dont la tête est dirigée vers le sud. Cette disposition montre que seule la vie peut rencontrer le soleil du matin, alors que l'âme des morts suit le chemin du soleil se couchant dans le pays des ombres au-delà de l'horizon. Cette idée est tellement enracinée dans les esprits que l'on dit couramment (en anglais), que le « vieux monsieur machin s'en est aller à l'Ouest. »
Quand la coupe rituelle est consacrée et la libation versée, on le fait toujours à l'Ouest et on la destine à la Dame du Château elle-même. A la différence d'autres rites où les gardiens des quartiers sont appelés par la prière et la supplication, pour ce rituel les quartiers sont sanctifiés par une libation d'eau « chargée » ou bénie, en utilisant un goupillon composé de brindilles. D'abord, le Magister (prêtre) asperge de quelques gouttes d'eau la tombe et puis y jette une rose rouge dont la fleur est dirigée vers tête. Puis les autres participants enjambent la tombe ouverte et se rassemblent autour du feu. (Une fois qu'ils ont enjambé la tombe, ils se sont placés « sous la rose » et sont tenu de ne rien divulguer de ce qui se manifeste dans le cercle). L'Est, le Sud, et l'Ouest sont alors sanctifiés, mais pas le Nord, parce que lorsque la tombe est sanctifiée, nous considérons que le Nord a été sanctifié. Nous consacrons l'Est au jeune roi cornu le seigneur de l'Est, qui est lié au lever du soleil à l'aube. Le Sud est consacré à la Déesse aux cheveux d'or, la Déesse des récoltes dont l'esprit est chassé par les moissonneuses pendant la récolte jusqu'à ce qu'elle enfin soit emprisonnée dans la dernière gerbe coupée.
Naturellement nous dédions l'Ouest, au Prince du monde d'en dessous, le seigneur sombre de la colline par où l'âme passe « vers l'ouest » dans sa route vers le château.
Finalement, l'assemblée est aspergée avec de l'eau et la Servante (Prêtresse) les bénis.
Sans trop trahir ce qui est « sous la rose », je peux affirmer qu'une ou deux choses se produisent lorsque le groupe commence à danser un lent « moulin » dans le sens inverse des aiguilles d'une montre: ou il ne se passe rien et chacun aura passe une soirée plaisante mais inoffensive en plein air, ou bien ils entendront pleurer un nouveau né. Ces pleures sont le signe de l'éveil de l'esprit primal du Grand Silence que nous voyons comme le commencement de tous les matières spirituelles. Ensuite, chacun perçoit la présence de l'Ancien lui même: il est le messager de la Déesse, et bien qu'il ait le pouvoir de se présenter sous d'autres formes, ce que l'on ressent en sa présence fait qu'on ne peut se tromper. Vous savez sans conteste que vous voyez le Maître. Comme Cochrane l'a écrit dans une lettre au magicien cérémoniel W.G. Gray, « j'ai été transporté hors de moi, » et c'est vraiment ce qui se produit. Vous êtes transporté hors de votre corps dans une forêt verte de l'au-delà et vous vous trouvez au côté du Maître prêt à vous agenouiller devant la Dame. Entre les arbres de l'au-delà vous percevez une lumière blanche et pure, dans laquelle se trouve une femme nue montée sur un cheval. Ce que vous voyez est la Vérité nue et sans fard, elle se manifeste sous forme de la Dame entourée de la lumière brillante de l'inspiration. C'est alors qu'une voix vous indique:
« La demoiselle arrive - adorons-la. »
Puis soudainement il y a une secousse et un crash, et vous vous retrouvez dans votre corps, dansant le Moulin qui de sa propre initiative se met à tourner dans l'autre sens, laissant tout ceux qui l'on vu non seulement physiquement nettoyé mais tremblant de peur, car ils se sont retrouvé face à face avec la puissance cosmique que nous nommons la vérité.
La fin de rituel se situe à l'Ouest. Comme cela peut être vu sur le croquis, les participants se tiennent à l'Est du feu alors que le Magister et la Servante sont à l'ouest. Ils consacrent alors le pain et le vin de la manière habituelle avec cette nuance : ils aspergent le pain avec du sel, qui symbolise le travail humain, avant de le partager. Après que chacun ait pris une part de pain et une gorgée de vin, la Servante remplie la coupe une fois de plus et la pressente au ciel pour la dédier à la dame du château (où nous espérons trouver un jours le repos dans l'attente d'une renaissance), et à toutes les âmes de ceux qui s'en sont allés avant nous, et qui par leurs actions ont crée cet endroit sacré. Elle vide alors la coupe en libation sur le sol, après quoi le Magister dit une bénédiction au nom de la Déesse. Puis chacun, sauf ceux en charge des outils rituels et du feu, quittent le cercle en re traversant le tombeau et se recueillent à l'endroit où la petite fête se tiendra.
Le stang rituel utilisé dans les rituels de notre clan représente le chemin unique de l'éclaircissement ou de la mort. La promesse de la rose devient alors le voyage de l'âme après la mort. Pour nous, l'âme voyage le long du chemin par les mondes souterrains jusqu'aux berges d'un fleuve intemporel qui est la frontière entre ce monde et le prochain. Large et épais, il enlève tous les souvenirs et désirs terre à terre, laissant l'esprit propre à nouveau. Dans le lointain, au milieu de ce fleuve, dont nous ne pouvons jamais voir ou atteindre les berges dans des circonstances normales, il y a l'île où se trouve le château à triple enceinte. Perché sur un affleurement rocheux avec un chemin serpentant depuis une plaine désolée couverte de buissons jusqu'à la porte du château, c'est ce que l'âme verra lorsqu'elle sera amenée ici par le passeur silencieux et encapuchonné. Une fois à terre, l'âme commence à marcher vers le château. Alors le miracle de la Rose se produit; les terres en friche commencent à refleurir et des roses rouge-sang s'épanouissent jusqu'à ce que le château lui même semble être couvert d'une mer rouge de fleurs, et l'âme sait instinctivement que la Déesse, fidèle à ses paroles « la recueille une fois encore. »
Comment pouvons-nous être si sûrs de cela ? Je peux que dire que ce que l'on m'a dit lorsque je me suis tourné vers la sorcellerie : «Pour beaucoup d'éon l'esprit humain n'a pas de demeure, finalement par désir de survivre il a créé un chemin vers l'au-delà. On n'arrive à rien sans rien, et quoi que nous fassions, nous sommes en train de créer le monde où nous vivrons demain. La même chose s'applique à la mort : ce que nous avons créé par la pensée, nous l'avons créé dans une autre réalité. Nous devons nous souvenir que le désir fut la première de toutes les créations». C'est notre désir de vivre au delà de la mort qui a créé ce sanctuaire de l'âme, et pour renforcer cette croyance, nous employons le symbole et le rituel de la chapelle de la tombe.