Le Rituel du Château
par Evan John Jones
Nous avons vu le mythe du bâton sorcier et la façon dont il dirige La Rose au-delà de la Tombe, qui à son tour crée le mythe sur lequel se base le Rituel du Château. Ce qui n'est que la mise en pratique de certains anciens mythes. Encore une fois, je vais citer une lettre adressée au regretté W.G. Gray par Robert Cochrane, dans laquelle il dit catégoriquement que : « c'est un exercice purement religieux basé sur un très vieux mythe. Tout cela est lié à la structure et à la création du cercle. Comme dans toutes les religions sorcières, la magie est très fortement impliquée et peut être adaptée à chaque dessein. Avec une légère altération, elle peut devenir un symbole purement magique. En l'altérant une fois encore, on arrive aux Portes ou Malkuth (la sphère terrestre de la kabbale) des mystères de la Sorcellerie.
Le cercle est composé de trois cercles centrés autour d'un même point qui est le château. Il y a le Fleuve, l'eau et le vin, le vinaigre et le sel, la Mort, le saule pour le deuil, le bouleau pour la naissance, de la fin au début puis à nouveau à la fin. On utilise la cendre de ces bois. La Vie, le travail de l'homme et son travail. Le centre de ces trois cercles c'est Avalon ou, pour utiliser un concept populaire, le château d'Arinrhod. C'est le plan intérieur de la kabbale. Le cercle est modifié pour ce rituel pour qu'il adopte la forme de l'énergie invoquée, mais il reste le château. Il a essentiellement quatre côtés, qui représentent les éléments sous formes des vents. A nouveau, il prend huit aspects sous la forme du cheval blanc. Autour du château s'enroule le Fleuve du temps. Voilà ce qui nous (les sorcières) différencie des autres personnes. Je suppose qu'il s'agit du fleuve Léthé. C'est aussi le début de la puissance et la marque qui distingue une sorcière d'un païen, puisqu'une sorcière traverse le Fleuve alors qu'un païen reste avec les autres ».
Le cercle de Cendre. Il représente la mort ou l'état dans lequel tous doivent être pour traverser le Fleuve. C'est aussi le symbole du sacrifice. Il est fait de cendres du bois de deux arbres et a sa propre philosophie. Le Sel. C'est le cercle de la Vie de du Feu. Il représente l'illusion de la chair et l'amertume de la vie, aussi bien que ses nécessités.
Picturalement, nous voyons un château carré inscrit dans trois cercles. Celui de l'extérieur est le cercle de vie, il est représenté par le sel, un produit qui avait beaucoup de valeur et dont chacun à besoin pour rester en bonne santé. Dans le passé, saler était un des rares moyens pour conserver la viande et le poisson dont on avait besoin pour l'hiver. Ainsi, c'est un bon symbole pour représenter la vie. Ce dont il faut se souvenir, c'est que lorsque ce cercle est tracé, c'est toujours de l'intérieur et qu'il n'est jamais traversé par personne avant la fin du rite.
Le cercle suivant est matérialisé par des cendres de saule et de bouleau qui représentent la mort et une renaissance possible. A partir du Chaudron de Création, avec des possibilités infinies, l'esprit habite un corps fini pour un certain temps jusqu'à ce qu'il soit libéré de sa prison de chair et qu'il puisse retourner dans le chaudron. La fin de l'existence spirituelle est le début de la vie sur terre, qui s'achève par la mort et un retour à l'existence spirituelle, de la fin au début puis à nouveau à la fin. Finalement, d'un point de vue symbolique, vous êtes passé de la vie à la mort en traversant le Fleuve.
Le cercle du fleuve est fait d'eau et de vin, de vinaigre et de sel. L'eau représente le temps aussi bien que le Fleuve. Le vin représente les bonnes choses de la vie sur terre, celles que l'on laisse derrière soi lorsqu'on traverse le Fleuve. Le sel et le vinaigre représentent la vie et toutes les amertumes et les moments de tristesse que la vie nous fait connaître. Lorsque dans la mort nous traversons le Fleuve, ce sont les choses que nous laissons derrière nous, il n'y a que le cœur de ce que nous avons appris au cours de cette vie qui reste profondément ancré dans notre âme, dans l'attente d'une nouvelle naissance.
Ce qu'il faut aussi expliquer dans l'affirmation de Cochrane, c'est que le fleuve est la marque qui distingue la sorcière du païen, puisqu'une sorcière traverse le Fleuve alors qu'un païen reste avec les autres. Cela peut sembler arrogant, mais Cochrane affirmait catégoriquement que les sorcières d'autrefois n'étaient pas païennes dans le sens qu'on donne à ce mot. Le paganisme, qui maintenant inclut de nombreuses croyances new age, observe et accepte les divinités principales de la nature, ce que font aussi de nombreuses sorcières. Mais les sorcières de l'ancienne tradition rendent essentiellement un culte au Vieux Dieu Cornu et à Hécate, la triple déesse dont les pouvoirs vont des cieux à la Terre et dans l'autre monde, et il est probable qu'il y ait un endroit différent où vont les âmes païennes. Un endroit créé grâce à nos efforts et nos croyances, aussi bien que celles de ceux qui sont partis avant nous.
Le château lui-même est le château carré des vents et une porte s'ouvre au milieu de chaque mur. Chacun de ces vents représente un des quatre éléments. Nous avons le nord où l'on trouve l'air, le sud où l'on trouve la terre, l'est où l'on trouve le feu et l'ouest où l'on trouve l'eau, ce qui n'est pas la configuration habituelle. Là où les quatre lignes se rejoignent se trouve la source symbolique de toutes les puissances. L'endroit où le monde du naturel rencontre le monde du surnaturel et devient la porte d'où la puissance arrive.
En ayant examiné tout le concept en un peu plus d'étapes que Cochrane, j'ai eu le sentiment qu'il manquait quelque chose ; j'ai alors tout réexaminé et graduellement les pièces manquantes se sont mises en place. Le nord comme nous l'avons vu est le quartier de La Déesse au visage clair, la vieille Sorcière/destructrice dont les vents froids marquent le début de l'hiver et la mort. Elle est ainsi la gardienne de la porte du nord et des vents assassins et glacés du nord. Pour contrebalancer le nord, nous avons les vents chauds du quartier du sud. Ce sont eux qui amènent la chaleur et permettent aux graines de germer et de croître. Ainsi quelle meilleure Déesse pourrait-on avoir pour les vents du sud et la porte du sud si ce n'est la Déesse Mère des Blés elle-même. La vie contrebalançant la mort.
L'est et l'ouest sont des quartiers masculins ; l'est représente le feu et est symbolisé par le soleil qui se lève. Le vent de l'est est chaud et ardent, avec l'impétuosité de la jeunesse. Comme la jeunesse, ces vents se consument rapidement et cèdent le pas à quelque chose de plus doux. Ainsi, la divinité la plus appropriée pour ce quartier ne peut être que l'Enfant Cornu lui-même.
L'ouest est le quartier de l'eau, et c'est au-dessus de l'eau que notre âme passera pour rejoindre l'île et le château où elle attendra en paix une nouvelle naissance. Le gardien le plus approprié pour ce quartier est le Vieux Cornu / le Dieux du Sacrifice. Comme le soleil qui se lève, ses pouvoirs déclinent avec le début de la vieillesse et tout ce qu'il a laissé c'est l'attente de la fin. La jeunesse est contrebalancée par la vieillesse ou d'une autre façon, le feu est contrebalancé par l'eau.
Finalement, c'est le château ou plutôt l'endroit où se rejoignent les quatre lignes qui symbolisent le départ de la puissance. C'est aussi le lieu où se retrouve le naturel et le surnaturel. C'est aussi le symbole de la Déesse innommée, la Mère de toutes les créations. Le lieu où le chaos devient ordre. En donnant forme à l'univers pré-ordonné où nous vivons et aux mystères que nous continuons à découvrir. Ce que nous devons garder à l'esprit, c'est que ce que nous appelons les anciens Dieux et la Déesse ne sont rien de plus que les manifestations de cette même prodigieuse puissance créatrice, destructrice et re-créatrice que nous appelons la Déesse infinie. C'est une de nos façons d'être en accord avec un Divin froid, sans âge et infiniment éloigné, qui n'est autre que l'esprit même de création.
Lorsqu'on souhaite accomplir le Rituel du Château, les outils que l'on utilise sont le couteau, la corde (ou la corde à nœuds), le bâton et le manteau. Chacun de ces outils est utilisé avec une signification spécifique dans le cercle du Château et chacun doit le comprendre lorsqu'il souhaite prendre part à ce rite. Commençons avec le couteau, c'est l'arbre de l'homme, il représente la recherche de la sagesse, du discernement, de l'expérience et du savoir. Il représente aussi l'amour physique, le choix, la mansuétude, l'altruisme, le succès, la rivalité et le courage. Bref, toutes les choses que vous pensez trouver du côté masculin de la Foi.
La corde à nœuds, c'est l'arbre de la femme ; il doit y avoir cinq nœuds d'un côté et trois de l'autre. Même si la tradition dit que la corde doit être faite de différents matériaux, beaucoup emploient une corde de chanvre. La question la plus souvent posée est : « ne pensez-vous pas qu'il faut faire huit nœuds à la corde ? ». Non, les cinq premiers nœuds représentent le cercle de la vie que l'on lit de la sorte : la naissance, la jeunesse, la maturité, la vieillesse et la mort. Cela correspond aux cinq sommets du pentagrame et chaque nœud prend le nom de la période de la vie qu'il symbolise sur la corde. Les trois autres nœuds représentent la trinité lunaire et en même temps les aspects féminins du couteau.
Traditionnellement, la corde à nœuds est un signe de soumission à Hécate, c'est la fin et le début de la vie, c'est le cordon ombilical et le nœud du bourreau. La corde a de nombreuses utilisations magiques, beaucoup se comprennent au moment de l'initiation, mais l'une d'entres-elles est de connaître l'expérience mystique de la pendaison. Dans le passé, la corde était aussi utilisée par certaines sorcières très mystiques qui s'auto flagellaient pour dépasser la chair selon la méthode tantrique.
Le bâton, c'est le cheval, et ainsi c'est l'outil absolu. Il représente le hêtre à l'une de ses extrémités et le sorbier à l'autre. Symboliquement, c'est le pilier central d'Yggdrasil, l'Arbre du Monde. Ses racines sont plantées dans Malkuth (la sphère terrestre de la kabbale), ou le portail qui est son expérience physique. C'est aussi l'amour, puisqu'il représente l'union de l'homme et de la femme, l'attirance et l'antipathie. C'est la beauté, l'enfant de la sagesse ou l'Enfant Cornu. C'est aussi la mort, l'ultime transformation. A la fin, c'est les cornes qui sont toujours pour la Déesse. En d'autres termes, c'est une combinaison du masculin et du féminin jusqu'à la mort, lorsqu'elle se transforme en un seul chemin d'interprétation.
Le manteau doit toujours être fait de tissus sombres et être doté d'un capuchon qui peut couvrir le visage. Lorsqu'il est porté, il représente la dissimulation des Mystères et la Déesse de la Nuit, Ce qui Cache la Lumière, et peut être ce qui est encore plus important, il représente l'humilité, la pauvreté et la charité qui à leur tour sont comparables au pouvoir magique.
Pour finir, lorsqu'on tourne le moulin, c'est toujours dans le sens contraire des aiguilles d'une montre et jamais dans le sens des aiguilles d'une montre. La raison en est très simple ; le moulin honore la triple Hécate, Déesse de la Vie, de la Mort et de toutes les Sagesses, c'est elle qui est la Reine du Château.
Pour ce qui est du rite proprement dit, à la différence de la plupart des rituels de Cochrane, il peut se dérouler en plein air ou à l'intérieur à partir du moment où vous disposez d'assez de place pour œuvrer confortablement. Les premières des choses dont on a besoin, que l'on œuvre à l'intérieur ou à l'extérieur, ce sont quatre lanternes pour marquer les quatre points cardinaux et le bâton d'un des participants (en général celui du maître). Il est placé debout et sert de point de référence pour les lanternes qui marquent les portails du nord, du sud, de l'est et de l'ouest. Cela permet aussi de voir si les bougies sont suffisamment éloignées du bâton pour pouvoir œuvrer commodément. Les quatre coins du Château sont parfois matérialisés par des pierres ou piquets blancs.
Maintenant je pense que je dois préciser que Cochrane et moi n'étions pas d'accord sur le nombre de personnes qui devaient participer à ce rite. Il a toujours dit que ce devrait être un travail pour tout le coven, alors que j'ai toujours pensé que c'était un rituel pour une personne seule ou pour un groupe équilibré de quatre personnes, mais ce n'est qu'une préférence personnelle. Si quelqu'un souhaite effectuer ce rituel tel qu'il est décrit ici, il n'y a aucune raison pour qu'il ne puisse pas y avoir autant de personnes qu'il le souhaite ; mais il faut se souvenir que, plus le nombre de participants est élevé, et moins le rituel est efficace.
Bien que ce soit un rite formel, on remarque une chose, c'est qu'il n'y a ni chant ni invocation des Anciens Dieux. Il y a tout au plus quelques mots prononcés tranquillement lorsque le cercle est dissipé. S'il y a plus d'un célébrant lors du rite, ils se regroupent près du bâton sans rien faire sans rien dire. Un magicien seul trace les trois cercles. Le premier est le cercle de sel ; lorsque je le trace, je marmonne des paroles afin de capturer certaines significations du cercle ; elles sont dans cet esprit : « avec le sel qui représente mon travail.... Je crée ce cercle symbole de vie ».
On commence au nord, on trace un cercle fin mais complet de sel en prenant garde de rester à l'intérieur de ce cercle. Une fois que c'est fait, reculer d'une distance d'environ de la taille de son pied. Les mots doivent à nouveau évoquer la signification du cercle, je dis à peu près : « avec les cendres de saule et de bouleau qui signifient tout autant mort que renaissance... je me coupe du cercle de la vie, tout comme la mort nous coupe de la vie... De la fin jusqu'au début, puis à nouveau à la fin, que la vie et l'expérience continuent leur cours ».
A nouveau, on commence au nord, le cercle de cendre est tracé en prenant garde de rester à l'intérieur de ce cercle. Lorsque c'est fait, reculer encore une fois d'une distance d'environ de la taille de son pied pour tracer le cercle du Fleuve. D'une certaine façon, c'est ce dernier cercle qui donne tout son sens au concept comme le montrent les mots qui sont prononcés lorsqu'il est tracé. Il faut garder à l'esprit que nous avons dit que le fleuve représente la ligne qui sépare les vivant et les morts et que le fleuve est l'endroit où va l'âme des sorcières après leur mort. Les mots qui sont dit sont les suivants : « alors que le fleuve m'a éloigné du cercle de la mort et de la mort elle-même... Alors que j'ai marché entre les vivants et les morts et que je me tiens maintenant sur le seuil du Château de la Déesse... J'ai déjà suivi ce chemin en esprit auparavant, maintenant je le fais en chair et en os ».
La dernière chose à faire est d'allumer les quatre bougies. Il faut toujours le faire en silence, tout d'abord au nord et au sud puis à l'est et à l'ouest. Lorsque c'est accompli, j'aime me tenir face au bâton pendant quelques minutes et méditant sur les clefs de ce concept. Certains aiment faire cela en chantant, je préfère le faire dans ma tête tout en marmonnant : « sur le couteau j'appelle le masculin... en essence et en intelligence, en volonté et dans la recherche de la sagesse, en expérience et en savoir ».
On marque une pause et l'on réfléchit sincèrement à ce que tout cela signifie et représente avant de se diriger vers la corde à nœuds, puis vers le bâton et finalement vers le manteau avec lesquels on agira comme avec le couteau. Lorsqu'on en arrive au moulin, on tourne toujours dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et, à ce moment là, il faut vider complément son esprit. C'est très souvent à ce moment que vous trouvez inconsciemment une nouvelle signification à certaines des clefs.
Finalement, vous devez aussi vous souvenir que ce rite ne vous apportera que ce vous y avez mis. Si on le fait du bout des lèvres, en ne s'impliquant pas, on en ressortira pas grand chose. Si on le fait de tout son cœur, de toute son âme, de tout son être, alors on commencera réellement à comprendre ce que signifie le Bâton des Sorcières, la Rose au-delà du Tombeau et le Château, et ce qui se cache derrière.
Pour finir, lorsque vous sentez instinctivement que le rite est terminé, on éteint les bougies et le bâton est retiré du sol. Tous quittent le lieu où s'est déroulé le rituel. Même cela a une signification symbolique ; lorsque vous quittez le Château en passant par la mort et le deuil, et à nouveau vous retournez vers la vie et ce que vous y avez laissé, c'est une nouvelle naissance symbolique et, si le rite a bien marché, vous verrez de nouvelles façons de comprendre les clefs d'une très ancienne tradition.