Jeu d’Enfant

par Evan John Jones

Comme beaucoup de leader d’anciens coven le regretté Robert Cochrane, était passé maître dans l’art de l’obscurcissement. Dans ce cas uniquement, comme le disait Doreen Valiente en 1986, il appelait cela sa « magie grise ». Ce qui se passait avec la magie grise de Robert, c’est que vous n’étiez jamais certain de ce qu’il fallait croire et cela, disait il, lui donnait un avantage sur ceux avec qui il traitait. Dans un sens ce n’était rien d’autre qu’un symptôme des années 60 où un nouveau « roi des sorcières » ou une « reine de toutes les sorcières »  apparaissait toutes les semaines.

Bien sûr cette attitude devait nécessairement s'effacer quand il fallait décrire par écrit son credo et ses croyances, ce qui dans un sens nous ramenait à l’époque où les anciennes traditions locales devaient avoir une apparence qui  n'exciterait pas les soupçons des voisins. C’est pourquoi il y a tellement de chants et de danses sorciers qui ressemblent plus à des jeux d’écoliers qu’à des pratiques d’un groupe occulte. Le meilleur exemple en est probablement l’ensemble du travail rimé de Cochrane qu’il a inclus dans une lettre au regretté W.G. Gray. Selon Cochrane, ces vers contiennent toutes les bases de ce qu’il appelait son credo. C’est bien sûr vrai dans un sens, mais il a tout caché derrière un puzzle. Est ce une chose qu’il a faite pour lui-même, une partie de sa magie grises, ou quelque chose d’ancien qui lui a été transmis ? Quelle que soit la réponse à cette question, cela commence comme cela :

 

                    C'est la bougie qui éclaire la voie.

                    C'est le manteau qui couvre la pierre.

                    Qui aiguise le couteau

                    Qui coupe la corde

                    Qui lie le bâton

                    Qui appartient à la demoiselle

                    Qui s’occupe du feu

                    Qui fait bouillir le pot

                    Qui échaude l'épée

                    Qui façonne le pont

                    Qui croise le fossé

                    Qui guide la main

                    Qui frappe à la porte

                    Qui cherche le regard

                    Qui libère l'homme

                    Qui tourne le moulin

                    Qui moud le grain

                    Qui fait le gâteau

                    Qui nourrit le chien

                    Qui garde la porte

                    Qui cache le labyrinthe

                    Cela vaut une lumière

                    Et dans le château que Jack a construit. 

 

Après avoir vu les vers, l’étape suivante est d’examiner la signification de chaque ligne. On commence par la première en ignorant les différentes interprétations de la lumière utilisée lorsqu’on va et que l’on quitte le cercle. Cette première ligne fait référence à la « lumière de l’âme » que l’on utilise lors du rite d’initiation. Dans le rituel la bougie représente l’âme et la lumière de l’inspiration qui mène des gens pour la première fois dans un cercle dans la quête d’une croyance ou d’une foi qu’ils espèrent conserver pour le reste de leur vie. Peu importe leur avancement dans la foi, ou à quel point leur savoir spirituel sera grand, la Déesse les a inspirés et a allumé dans leur âme un feu qui doit toujours brûler en eux et qui les guidera le long du chemin qu'ils ont voulu suivre.

« C'est le manteau qui couvre la pierre ». C’est une manière un peu complexe et tortueuse que Cochrane utilise pour faire ici référence à la Nuit de le déesse. La pierre qu’elle cache sous son manteau de ténèbres est la pierre à aiguiser, comme celle qu’on a retrouvé dans le trésor de Sutton Hoo. Celle « Qui aiguise le couteau… Qui coupe la corde… Qui lie le bâton… Qui appartient à la demoiselle . » dans ces quatre lignes on peut trouver un de nos concepts, celui de la Déesse qui en tant que mère donne naissance au jeune Enfant Cornu.

En coupant la corde qui noue le bâton, ce qui est symbolisé ici c’est le cordon ombilical qui relie l’enfant à sa mère qui est coupé. En faisant cela l’enfant est rendu libre de suivre son destin pré-ordonné ce que les Anglo-Saxons nomment « doom ». Le Vieux Roi Cornu est mort et le Jeune Roi de l’Eté a pris sa place. La mère est maintenant la Jeune Demoiselle attendant avec impatience l'arrivée de son amant. Lorsqu’ils se retrouvent dans la passion du vieux cycle de la vie avec le renouvellement de sa promesse de naissance et de renaissance. Il est intéressant de noter que l’idée de nouer le bâton nous indique que cette idée est plus moderne que ce qu’on nous a fait croire. La tradition dit que le Magister ou le diable d’un coven est la personnification de l’Ancien Dieu Cornu et le bâton était le symbole de ce rôle. Avec le temps, cette idée est tombée en désuétude et le Magister devint le leader du groupe ou du coven, alors que le bâton devint le symbole physique du Jeune Roi Cornu. Ainsi, le bâton lié représente l’enfant qui n’est pas né et couper la corde libére son esprit de l'utérus.

Les cinq prochaines lignes sont aussi liées entre elles et ce sont d’après nous certainement ce qu’on peut considérer comme le cœur et la raison d’être du Rite de l’Ancien Accord. En commençant par la ligne « Qui s’occupe du feu », cela place la Demoiselle au centre lorsqu’on parle du foyer sacré et en fait sa gardienne. Ainsi elle est une de ceux qui verse la libation et sert l’assemblée à partir du chaudron, puisqu’elle a la permission d’utiliser son feu ainsi. Techniquement parlant, si elle le décide, elle pourrait faire cesser brusquement tout le rituel en renversant le chaudron d’un coup de talon et rentrer se coucher. Personne n’y  pourrait rien, si ce n’est suivre son exemple et rentrer, voilà le pouvoir de la Demoiselle en la matière.

Les quatre lignes suivantes : « Qui fait bouillir le pot… Qui échaude l'épée … Qui façonne le pont… Qui croise le fossé ». Une fois encore il est question de l’Ancien Accord où quatre des hommes présents, que l’on nommaient autrefois les « hommes des quartiers », venait dans le cercle pour sanctifier les quartiers. Dans le passé la fonction principale de ces hommes était de maintenir l’intégrité et le tempo du moulin lorsque cinquante personnes étaient réunies. Sanctifier les quartiers est fait en plongeant le pointe de l’épée dans le chaudron et donc la chauffer. Après que les quartiers aient été sanctifiés, l’épée est rendue à celui qui appelle, au requérant qui la prend et la place au bord du cercle avec le balai. Ils les place normalement en forme de X et ils forment un pont et il se croisent sur la ligne du cercle. Traditionnellement le cercle est tracé dans la terre avec un couteau, la ligne du cercle a toujours était considérée comme étant le fossé ou les douves symboliques protégeant l'île qu’est le cercle sacré du monde extérieur.

Ceux qui ne sont pas familiers avec le concept de l’Ancien Accord peuvent demander ce qu’il y a de spécial avec ce rite. C’est basé sur un très ancien mythe, c'est le moment où le dieu soleil et la reine lune s’unissent sous la terre dans le plus profond de silence et loin des yeux profanes de la réunion. Quoi que disent ou pensent les gens de cela, ce n’est rien d’autre qu’une forme de « mariage sacré » où le Magister appelait en lui l’esprit de l’Ancien Dieu pour qu’il se serve de son corps et s’unisse à la Demoiselle. Depuis cette époque elle est devenue très spéciale , une personne à qui tous les membres présents et les futurs membres doivent donner le « baiser d’hommage et de soumission » ainsi que leur bougie de l’âme. L’offrande n’est pas faite à la Demoiselle / Prêtresse du coven mais à la Prêtresse  / Fiancée de L’ancien Dieu Cornu. Finalement et pour éclaircir un point, seule la Demoiselle peu demander ce rite et s’il est demandé on ne peut le lui refuser.

Voyons maintenant la ligne « Qui guide la main », qui lorsqu’on la lit la première fois semble plutôt embarrassante. La main en question est une « Main de Pouvoir », qui est toujours montrée avec un index tendu. Le pouvoir a du venir d'ailleurs ainsi, d'une façon totalement complexe et renversante, Cochrane a dit que tous les pouvoirs viennent de la Déesse elle-même sous la forme de la Vieille Femme qui dirige le Château et le Chaudron. Aussi nébuleux et étrange que cela puisse sembler, nous plaçons toujours les pays de l’autre Monde au nord, là où l’on trouve les glaces éternelles et la neige et où soufflent les vents d’un froid de mort, la transformation finale. Pour trouver le quartier  où se trouve le Château on devrait utiliser un aimant naturel magique. Qui pointe toujours vers le nord. De nos jours bien sûr, nous utilisons une boussole, car nous savons que ça marche, ainsi l’aimant naturel magique n’a plus pour nous d’utilisation magique.

Si l’on ne parle pas de l’amulette, l’un des rares endroits où la Main de Pouvoir est utilisée,  c’est sur l’épée du coven. Une partie de la poignée de l’épée est en forme de poing serré avec un doigt tendu, que l’on utilise parfois pour diriger la puissance produite dans le cercle  dans une direction donnée. C’est une des rares occasions où l’épée est utilisée à la place de la baguette ou du couteau

Dans un sens tout est lié et résumé dans l’idée que nous devons accepter que tous les pouvoirs viennent de la Déesse dans son château du nord. Le pouvoir est alors capable d’être dirigé par la main vers l’endroit où le coven souhaite que l’énergie aille. On trouve le nord avec la boussole, cela signifie que la main est chargée ou guidée avec le pouvoir du nord. En tout cas c'est une façon complexe de parler de ce qui n’est, après tout, qu’un concept assez simple. Cela vient d’une part de l’époque où nous avons énoncé ce concept et d’autre part du goût de Cochrane pour sa « magie grise ».

Voyons les lignes : « Qui frappe à la porte… Qui cherche le regard… Qui libère l'homme ». Cochrane parle à nouveau d’actions rituelles et de procédure. Dans le passé, lors de grandes réunions formelles, le portier avait l'habitude de frapper brusquement sur le seuil du hall avec son bâton pour annoncer à l'assemblée l’arrivée d'un nouveau venu. De nos jours, le Magister fait de même lorsqu’il entre en premier dans le cercle. Lorsqu’il se tourne vers le nord et il frappe trois fois le sol du bout de son bâton avant de le placer au nord, il frappe symboliquement à la porte qui sépare ce monde du monde des esprits.

Plus haut dans ce texte nous avons parlé de la « Compagnie Cachée » en décrivant plus un ressenti que ce que l’on voit à l’extérieur immédiat du cercle. C’est le « regard » du vers et l’homme qui libère n’est autre que le Vieil Homme, le Vieux Dieu Cornu lui même qui est placé à l’endroit où on l’honore et dont le symbole est le bâton. Les trois coups sur le sol ne sont rien de plus qu’une manière symbolique de réveiller les esprits qui sommeillent. Il peut se placer derrière le bâton du coven, prêt à accepter l’hommage qui lui est rendu. Dans les faits il devient jusqu’à la fin du rite la puissance derrière le symbole.

Dans les lignes « Qui tourne le moulin… Qui moud le grain… Qui fait le gâteau », le moulin qui tourne est celui qui tourne dans le sens contraire des aiguilles d’une montre que nous faisons lors d’un travail magique. Le grain qui est moulu représente chaque personne présente ainsi que la finalité de la magie qu’ils sont en train de faire. Si chaque grain représente une personne, la farine symbolise la manière dont chaque personne présente doit laisser de côté son individualité au profit du but commun de la magie qu’ils sont en train de faire en dansant le moulin. Le gâteau symbolise (a) la raison pour laquelle on fait de la magie que ce soit pour maudire, guérir ou autre chose et (b) l’offrande d’hommage en échange de l’aide surnaturelle des Anciens dans notre vie. C’est une partie de chaque rituel et cela nous même aux lignes suivantes.

« Qui nourrit le chien… Qui garde la porte… Qui cache le labyrinthe ». Dans ce cas, ce qui est plutôt étrange pour Cochrane, le chien est littéralement celui qui garde les portes. En tant que tel il mérite une offrande à cause de la position qu'il tient dans le mythe du clan. L’offrande que nous lui adressons est un acte de ferveur qui est intrinsèque à chaque rituel. On n’en parle jamais ou on n’y fait jamais référence par geste, pourtant le chien est toujours là et fait partie des rituels car il est l'instrument symbolique de la volonté des Anciens Dieux et de la Déesse.

Dans un sens c’est comme si on fermait les yeux d’un mort avec des pièces pour payer le passeur ou pour donner un pourboire au portier des portes de l’autre monde. Ainsi lorsque nous disons « Le chien s’est détourné du gâteau » nous voulons dire que les Anciens ont rejeté notre rituel en nous refusant ce que nous demandions, ce qui arrive de temps en temps. Après tout combien d’entre nous reçoivent tout ce qu’ils veulent des Anciens Dieux au lieu de ce dont ils on besoin et mérite. La porte que garde et protège le chien est l’entrée du « labyrinthe Caché »,  Le sentier caché des royaumes de l’autre monde. Une fois que la rivière est traversée, le chemin mène à un sommet rocheux où se trouve le « Château qui file immobile entre deux mondes », la demeure légendaire de la Déesse Blanche.

C’est dans ce contexte que nous lisons les deux dernières ligne de ce texte : « Cela vaut une lumière… Et dans le château que Jack a construit ». Prenons tous d’abord la dernière ligne, Cochrane fait ici référence à Jack-in-the-Hedge, Jack-in-the-Busch ou Jack-in-the-Green différentes formes du Roi Cornu divin que l’on sacrifie. L’esprit du Dieu Cornu mourant qui renaît tous les ans dans le corps du Jeune Enfant / Roi Cornu. « Le château que Jack a construit » a pour fondation les os des poètes, des bardes et des prophètes qui ont vécu alors que ses murs et ses tours sont liés avec le sang du sacrifice. C’es la résidence de la Déesse Blanche de la vie et de la mort et, pour nous, le lieu où nous nous réfugions et où nous renaissons.

Pour gagner ce lieu sanctuaire vous n’avez qu’à croire aux Anciens Dieux et à la Déesse, pratiquer et adorer dans le cercle et finalement offrir à la Dame votre bougie de l’âme en vous demandant en vous même « est ce que tout cela mérite une lueur ? » Si la réponse est « Oui », alors allez et trouvez le Château. Si la réponse est « Non », alors vous pouvez tout aussi bien souffler la bougie, car tenter de prendre part à une chose à laquelle vous ne croyez pas réellement ne mérite pas une lueur.     

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