Bill Gray

Evan John Jones pense qu’à la fin de sa vie Cochrane était plus attiré par les aspects mystiques de la sorcellerie plutôt que par son côté rituel. Il dit même que Cochrane essayait de trouver quelqu’un pour diriger le groupe, permettant ainsi que lui et son épouse se consacrent plus à l’aspect mystique. C’est confirmé dans une lettre que Cochrane a adressée à Gray dans laquelle il dit que lui et sa femme pensaient sérieusement à quitter le groupe et à travailler seuls. Il sentait que « le groupe commence à nous ralentir » et il confirmait qu’il cherchait un nouveau leader, ce qui leur permettrait de partir.

Cochrane a aussi eu une grosse correspondance avec l’occultiste Bill Gray, et les deux hommes ont travaillé ensemble. Gray est donc une source utile, mais parfois imprécise, d'informations sur les croyances de Cochrane. C'est plutôt surprenant lorsqu’on connaît les sentiments anti-sorcellerie exprimés par Gray dans ses écrits sur la magie. Il allait jusqu’à décrire les sorcières comme étant des « ouvrières de la méchanceté » et disait « que dans un sens strict, les sorcières ne pouvaient être autrement que des personnes malveillantes et anti-sociales ». Malgré ces mots très durs, Gray a travaillé avec Cochrane ainsi qu’avec d’autres Wicca comme Sybil Leek, Doreen Valiente et Patricia Crowther.

Dans son autobiographie « One Witch’s World » (Robert Hale 1998), Crowther se souvient qu’elle a rencontré Gray chez Doreen Valiente à Brighton et qu’ils sont devenus amis. Elle raconte comment elle et son défunt mari Arnold sont allés chez Bill et Bobbie Gray à leur demeure à Cheltenham. Là-bas ils ont participé à un rituel saisonnier oecuménique que Gray avait écrit pour être utilisé par des païens et des magiciens, ils ont ensuite incorporé ces rituels aux cérémonies de leur coven de Sheffield. Lors d’une de leurs visites à Cheltenham, Bill Gray a reçu un message de Gerald Gardner, le fondateur de la wica contemporaine qui avait initié Patricia Crowther en 1959. Gray en a dit : « je n’ai jamais rencontré Gerald Gardner, mais d’après ce qu’il vient de me dire, il en savait foutrement plus au sujet des Mystères que ce que je pensais ».

En 1975, Gray a écrit « The Rollright Ritual » qui était basé sur ses passages fréquents aux Rollright Stones à la frontière entre l’Oxfordshire et le Warwickshire et aux visions que lui procurait ce site. Ces rituels impliquaient une série d’initiations aux Mystères liés aux symboles associés à ce cercle de pierres et à ses environs. Il y a une grotte (prétendument sous le cercle principal des « Hommes du Roi » selon le folklore local ou bien le cromlech ruiné connu sous le nom du Chevalier Chuchoteur), un menhir (la Pierre du Roi) et un champ près du site. Ils sont aussi représentés par les outils magiques : le bâton, l’épée, la corne ou la coupe, la corde et le bouclier utilisés lors du rituel. Des photos très atmosphériques de robes noires et de figures encapuchonnées pratiquant le rite près des pierres illustrent le livre qui contient le rituel. L’influence de Robert Cochrane est évidente.

Dans un autre livre publié aux USA « Western Inner Traditions », Gray donne une description plus romantique du coven de Cochrane et de son système de croyance. Il est en partie basé sur ce qu’avait appris Gray au contact de Cochrane, mais on y voit aussi des embellissements et des textes provenant d’autres sources. Il y a aussi quelques inexactitudes ; Gray y présente le groupe comme venant de l’ouest et étant plus païen que sorcier. Il dit que le groupe est dirigé par un « Maître » et une « Maîtresse », qu’il se réunit au sommet d’une colline lorsque la lune est sombre et qu’il trace un cercle dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Il dit aussi que le groupe peut soigner tout comme il peut maudire et qu’autrefois l'ancien Maître a pratiqué une forme particulière de soins. Il disait que le Maître prenait les maladies ou les troubles d’une personne malade et les assimilait dans son propre corps puis les en chassait ; ce qui semble être très dangereux.

Selon Gray, le coven savait tout au sujet des plantes et savait « murmurer à l’oreille des chevaux ». Cette dernière affirmation venait du fait que Cochrane affirmait que sa tradition était associée aux murmureurs.

Gray dit que dans cette connaissance rurale il y avait un mystère philosophique et ésotérique venant des écoles intellectuelles mystiques que l’on trouvait au Moyen Age.

Il donne aussi une description de la tradition comme elle est décrite dans le chapitre 14 de « Le Chevreuil dans le Bosquet » par Evan John Jones. Gray décrit aussi le symbolisme du Château et du Moulin et de la danse en labyrinthe. Il dit aussi que le groupe adore une Déesse Diane-Hécate, mais aussi derrière elle une Déité informe et sans nom que l’on ne doit jamais désigner par un nom, mais que l’on désigne en général par « Elle » « Cela » ou « La Vieille ». Dans le groupe, la Déesse est connue sous le nom de « Diane des Carrefours » et est décrite sous trois aspects : jument, chienne et truie.

Gray parle aussi d’une prière dans laquelle le visage humain est visualisé sous la forme du masque feuillu du Green Man et est touché de différentes façons lorsqu’elle est récitée. Il décrit aussi l’importance du bâton sorcier comme « autel » ou symbole du Dieu Cornu dans le cercle, et la manière dont il est décoré avec des fleurs de saison à chaque sabbat de la Roue de l’Année. Une lanterne ou une bougie est placée dans la fourche du bâton pour représenter la puissance élémentaire du feu. On verse de l’eau à sa base en libation aux esprits de la terre et de l’encens est brûlé pour symboliser l’élément air. Gray dit que dans la recette de cet encens maison, on trouve de l’écorce de saule, de la résine de pommier et de pin ainsi que de la digitale. Des plantes narcotiques telles que la belladone ou la mandragore y sont aussi ajoutées.

Pour sa description d’un rituel prétendument pratiqué par le coven, l’imagination de Gray a dû galoper. Il se peut aussi que Cochrane lui ait parlé d’un rituel ancien tombé en désuétude et que Gray ait cru qu’il s’agissait de pratiques actuelles. C’est cela ou Gray a reçu cette information d’ailleurs et l’a présentée comme un rituel du coven de Cochrane. Dans le rituel en question, il est dit qu’une vierge est déflorée par un balai dont on a donné au manche une forme de phalus, qui été masqué par les poils du balai lorsqu’on ne s’en servait pas. Selon Gray, cette pratique sexuelle avait pour but d’empêcher tout homme de revendiquer la défloraison de la demoiselle puisqu’elle avait choisi de donner sa virginité au Dieu. Même si de tels rituels sont connus (ou supposés) dans les annales de la sorcellerie traditionnelle et héréditaire, il semble peu probable qu’ils aient été utilisés par le clan de Cochrane. Sûrement pas par le clan dans lequel il était au milieu des années 60 et où il n’y avait que deux ou trois femmes et, aussi loin que je sache et sans être grossier, il est peu probable que l’une d’entre elles fut encore vierge.

Gray dit que le groupe « reconnaissait en Jésus un authentique Roi Sacré » et il ne « voyait aucune objection à communier lors d’une messe chrétienne dominicale dans l’église d’un village ». Il utilisait aussi les noms christianisés pour les quatre festivals païens. Il ajoutait : « ils parlent de ‘Notre Seigneur’ et de ‘Notre Dame’ avec un sens inexprimé totalement différent pour eux ».

Gray dit qu’il célébrait aussi une « communion » en disant : « mangez ce pain du Nom Inconnu avec douleur, soin et frayeur ». Le vin était ensuite béni et bu en disant : « buvez ce vin au nom de Notre Dame. Elle vous accueillera à nouveau en sa maison ». Doreen Valiente a dit que plusieurs versions furent utilisées et en cite une autre légèrement différente.

Les mots semblent provenir en partie d’une ancienne chanson « The Coal Black Smith » et une variante de ce chant apparaît dans les minutes du procès de la sorcière écossaise Isobel Gowdieu au 17è siècle. Dans « la Déesse Blanche », Robert Grave reconstruit entièrement le chant et en fait un poème. On y a vu un lien avec l'envoi de son double astral par la sorcière et avec la première partie de l’histoire de Ceridwen et Gwion Bach (Taliesin). Dans une de ses lettres, Cochrane admet qu’il admire et analyse la personne et l’œuvre de Robert Grave. Il est possible que le poète visionnaire soit la source première des paroles utilisées par le coven. C’est aussi dit par Gray qui dit que la quête du Graal et le Chaudron de Ceridwen sont symboliquement très importants pour Cochrane. Des photocopies de la correspondance entre Cochrane et Bill Gray circulent dans le mouvement sorcier depuis des années. Elles ont été publiées récemment sur le net au USA. Lorsque Gray est mort en 1992, les lettres originales ont été remises à Evan John Jones. Jones prépare un nouveau livre basé sur cette correspondance et espère le publier aux USA.

Paradoxalement, Cochrane parlait aussi avec Gray de l’idée de mettre en place une association magique publique. Il est difficile de savoir si cette idée était sérieuse, mais Cochrane était prêt à en financer la publicité dans « New Dimensions ». D’après ce qu’il en a dit, cette association aurait été un moyen de prendre contact et ceux qui s’y seraient adressés auraient été mis en contact avec d’autres groupes selon leurs attentes. Malheureusement, Cochrane a eu des problèmes avec ce qu’il appelait « la brigade des vieilles dames (des deux sexes) » et que l’on appelle aujourd’hui des « fluffy bunnies ». Il s’inquiétait aussi au sujet la publicité ; contrairement à beaucoup de sorcière contemporaine, il la détestait et craignait les journalistes.

Cochrane est mort au solstice d’été 1966, après avoir consommé de la belladone. De nombreuses légendes se racontent au sujet de cet événement et nous n’allons pas les répéter ici. Certains ont dit qu’il s’était suicidé et avait largement laissé entendre à l'avance qu'il allait le faire. Il a dit à Evan John Jones, par exemple, que bientôt il « chassera de l’Autre Côté ». D’autres ont dit que sa mort n’était pas volontaire et que ce n’était qu’un accident tragique. Apparemment, il a utilisé régulièrement des très petites quantités de plantes stupéfiantes, comme la belladone, pour provoquer des états de transe. Malheureusement, elle est très toxique et même une faible dose peut tuer. Il ne fait aucun doute qu’il sera très difficile de connaître les circonstances exactes de sa mort.

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