Evan John Jones

L’intérêt pour Cochrane s’est maintenu en Angleterre et aux USA par le biais d’un petit groupe de personnes intéressées par son travaille. Ce n’est qu’en 1990 qu’il y eu un nouvel intérêt pour son enseignement. On le doit à la publication de « Witchcraft : A Tradition Renewed » écrit par Evan John Jones. Dans sa préface au livre, Doreen Valiente a dit « qu’il s’agissait d’un livre sur la sorcellerie plus profond et plus sérieux que la plupart des livres actuels sur le sujet ». Elle a aussi dit que c’était une approche très différente de la « Wicca » qui était la tradition dominante. Beaucoup pensaient que la wicca était la seule tradition sorcière contemporaine ; ce livre fut une vraie révélation pour certains. D’autres ont vite condamné cette tentative de réveiller et promouvoir les fantaisies de Cochrane au sujet de la sorcellerie.

Dans ce livre, Jones présente sa version de la sorcellerie traditionnelle, basée sur ce que lui avait enseigné Cochrane et d’autres ; mais, il était le premier à l’admettre, c’était en grande partie une reconstruction. Sa position sur la sorcellerie se résumait à dire que plus personne n’était plus dépositaire d’une tradition originelle. Il a déplu à bien des puristes en disant que si un groupe d’amis dans le même état d’esprit se rassemble, ils peuvent lire et étudier pour construire un corpus de savoir et créer leur propre tradition. Il affirmait que « si une personne véritablement intentionnée sort à minuit à l’occasion de la pleine lune et fait allégeance à la Déesse et aux Anciens Dieux en toute franchise, honnêteté et sincérité, alors cela a plus de validité que n’importe quel serment juré au groupe ». Cochrane aurait approuvé ces paroles, mais un grand nombre de wicca attachés au système d’initiation dans le coven ont considéré cela comme de l’hérésie.

Pour ceux que souhaitaient suivre une structure rituelle dans la ligne néo-traditionnelle de Jones, il a écrit un excellent Livre Noir ou Livre des Ombres. Doreen Valiente y a rajouté son grain de sel, en mettant le texte de Jones dans une forme rythmique. Elle avait rendu le même service près de quarante ans plus tôt à Gerald Gardner pour son Livre des Ombres. Dans sa forme définitive, le livre de Jones donnait les rituels pour ouvrir et fermer le cercle, pour les quatre sabbats, les outils magiques des sorcières traditionnelles ainsi que le rôle des membres du coven.

En 1997, un second livre de Evan John Jones a été publié. « Sacred Mask, Sacred Dance », co-écrit avec l’éditeur américain Chas S. Clifton, fut publié par Llewellyn USA. De nouveau, dans sa préface, Jones dit que les méthodes rituelles chamaniques (l’utilisation de masques, de danses et de transes) qu’il décrit ne sont pas de tradition familiale ou d’un groupe. Il a dit que lorsqu’ils ont commencé l’expérimentation ils ont peu à peu créé une méthode formelle de travail, un symbolisme et un mythe qu’il a appelé « The masked rites of Tubal Cain ». Les informations que l’on trouve dans ce livre sur l’usage de masques d’animaux et leurs fonctions symboliques étaient en grande partie basées sur des techniques qu’il a apprises dans le groupe de Cochrane et dans un autre « ancien coven » auquel Jones avait appartenu dans l’Oxfordshire.

Le dernier chapitre de « Sacred Mask, Sacred Dance » pose la question, souvent posée, de l’authenticité ou non de Cochrane. C’est une question à laquelle il est difficile de répondre et même les membres de son propre coven semblent avoir une idée ambiguë à ce sujet. Doreen Valiente a dit que la première fois qu’elle l’a rencontré, elle a « senti que Cochrane disait la vérité au sujet de sa tradition et il m’a fortement impressionnée par sa sincérité personnelle et sa dévotion à l’Ancienne Religion ». Mais ensuite, elle est revenue sur cela et a dit qu’il l’avait beaucoup déçue. C’était en parti à cause de l’incident au sujet du plat en cuivre et l’illustration dans le livre de Justine Glass. Elle dit aussi que de lui avoir fait confiance lui a donné l’occasion de participer aux meilleurs rituels en plein air auxquels elle ait pu prendre part. Elle se souvient en particulier d’un rituel d’Halloween mémorable qui s’est déroulé dans le Sussex.

Marian Green, l’éditrice de « Quest » et l’auteur de nombreux livres sur la sorcellerie et la magie, qui a travaillé avec Cochrane dans les années 60 et fut impliquée dans « The Regency», dit ceci au sujet de Cochrane :

« Je ne me souviens plus comment j’ai rencontré Robert Cochrane, mais il est possible que c’est parce que je connaissais Doreen Valiente ou parce que je fus un temps associé à W.G. Gray, qui fut mon professeur vers 1964. Cochrane était un homme grand et imposant avec les cheveux sombre, alors que sa femme était petite aux cheveux sombres avec l’air d’un oiseau. Lorsque nous nous sommes rencontrés, son fils avait à peu près douze ans. Je faisais partie de nombreuses amitiés magiques, pas des groupes, des loges ou des coven, juste des rencontres d’amis avec un intérêt commun pour la nature, la magie et la sorcellerie.

Un grand nombre de rassemblements auxquels j’ai pris part au cours des années se sont passés en plein air, soit dans le Sussex, près de la maison de Doreen qui nous servait de point de rencontre, ou alors à Burnham Beeches (près de Slough) ou encore ailleurs. Même si on y pratiquait des rituels assez complexes, on ne m’a jamais donné de script, mais une série de mouvements ou de prières que je devais apprendre par cœur. Un endroit sacré était délimité et un petit groupe de 8 à 12 personnes se rassemblait pour participer au travail de la nuit. Cela pouvait être une célébration saisonnière ou une rencontre pour invoquer les ancêtres ou les esprits du pays, afin d’obtenir une prédiction par exemple. Il y avait toujours un feu et en hiver il pouvait y en avoir plusieurs ; ainsi cela réchauffait l’endroit, nous éclairait et nous permettait de faire à manger, car il y avait toujours de la soupe ou du ragoût dans le chaudron.

Les rituels étaient souvent très longs, avec des danses, des invocations et des prières, ce qui induisait une atmosphère puissante et magique. C’était beaucoup plus fort, sauvage et plus « primitif » que tout ce que j’avais pu lire. En fait, il était interdit d’écrire quoi que ce soit ; c’est pourquoi je n’ai pas les scripts ou des notes concernant ces rencontres, si ce n’est les poèmes que j’ai écrits sous l’inspiration de l’endroit et les sensations produites par les ténèbres et la lumière des feux. C’était un sentiment d'énergie crue et ancestrale et des visions de choses vues, à moitié éclairées par la lumière du feu, qui m'a impressionné et qui le fait encore presque un demi-siècle plus tard.

Cochrane n’était peut être pas tout ce qu’il prétendait être ou tout ce qu’on a dit, après sa mort, qu’il était. Mais il connaissait réellement la façon de travailler avec les forces du pays et, avec le temps, avec les élémentaux, d’une manière qui semble authentiquement ancestrale. Depuis cette époque, j’ai passé beaucoup de temps à travailler avec des magiciens, des sorcières et des wica, mais je n’ai jamais retrouvé ces moments où les forces élémentaires et les êtres sauvages de la lande, visibles et invisibles, se sont retrouvés dans le cercle dans un but de soigner, de connaître ou pour produire de la puissance.

Cochrane a dit à Evan John Jones qu’il y avait beaucoup de tricheries dans la sorcellerie, mais que sans cet aspect elle n’aurait pas survécu. Dans son article de 1963, dans Psychic News, il dit: « un principe de base de la psychologie sorcière, la magie grise, est qu'on devrait ne jamais permettre à son adversaire de confirmer une opinion à ton sujet alors qu’il serait dans le doute ». Il ajoute : « cela te donne une plus grande puissance sur lui, parce que l'irrésolu est toujours le plus faible. De cette attitude a probablement découlé beaucoup de confusion au cours de l'Histoire. Rien au sujet de la sorcellerie n'est jamais définitivement fixé. Votre jugement propre peut toujours interférer. Ainsi rien d’écrit au sujet de la sorcellerie ne peut jamais prouver, affirmer ou nier son existence ».

Malheureusement, ont dit ses critiques, Cochrane utilisait aussi cette magie grise sur d’autres sorcières comme sur des non-sorciers et, en faisant cela, il a contribué au mystère au sujet de son authenticité.

Evan John Jones a dit que, durant sa vie, certaines critiques les plus fortes venaient de ceux qui travaillaient avec lui. Ce qu’il leur disait était essentiellement que la « Magie était l’art de créer une illusion qui peut éventuellement devenir réalité ». Le dernier critère pour juger Cochrane et son enseignement est de savoir si ça fonctionne ou pas en pratique. Jones, Doreen Valiente et Marian Green ont tous témoigné qu’ils ont eu et produit des effets et des résultats tangibles

Il est certain que l’intérêt pour la tradition de Cochrane s’est accru dans les dix dernières années et compte pas moins de 15 sites Internet qui lui sont dédiés. Le mot de la fin sur ce sujet doit peut être être laissé au Dr Ronald Hutton, professeur d’histoire à l’université de Bristol, qui a dit : « s’il (Cochrane) a lui-même composé les rituels et les idées qui y sont cachées, alors il ne faut sûrement pas parler de charlatan mais de génie ».

Dans les années 90, Evan John Jones m’a contacté, suite à quoi il a commencé à écrire une série d’articles pour « The Cauldron ». Il y décrit les concepts des rituels de l’ancien coven de Cochrane et ceux du Clan of Tubal Cain actuel, dont Jones était à cette époque le maître. Depuis, il a laissé la place à une personne plus jeune, afin que la tradition perdure dans le futur. Ces articles sont aussi reproduits dans « le Chevreuil dans le Bosquet ». Cela a pu se faire car, en l’an 2000, l’épouse de Cochrane a officiellement donné les droits sur les articles et les lettres de son époux à Jones. Même si la majorité des articles et des lettres de Cochrane est disponible à différents endroits sur le net, il a été décidé de les publier en compagnie des articles que Jones a écrits pour « The Cauldron ».

On a qualifié Cochrane de « Keir Hardi de la Sorcellerie » en raison de ses écrits radicaux dans « Pentagram ». Malheureusement, beaucoup de ses commentaires sont aussi pertinents maintenant qu’il y a plus de trente ans. Tous les articles du « Chevreuil dans le Bosquet » donnent un point de vue fascinant sur une forme unique de sorcellerie traditionnelle. Quels qu’en soient la genèse et le pédigré, c’est une branche importante de la sorcellerie contemporaine qui a survécu près de 40 ans et qui continuera au cours du 21e siècle. Les croyances et les rituels pratiqués par Cochrane et le Clan de Tubal Cain furent et sont très différents de ceux pratiqués par les coven wicca contemporains fondés par Gerald Gardner, Alex Sanders ou d’autres. Comme nous l’avons vu, cela a causé quelques frictions avec des wica qui refusaient l’authenticité de Cochrane, qui lui-même refusait leur conception de la sorcellerie.

Comme Evan John Jones l’a aussi intelligemment dit : « personne ne peut dire ‘ma tradition est la seule à être authentique. La vôtre de ne l’est pas…’, personne ; mais personne ne détient de grand secret, seulement le travail et les rites particuliers de son groupe ou de son coven ». C’est dans l’esprit de ces paroles qu’il faut lire « le Chevreuil dans le Bosquet » et accepter son contenu uniquement comme un aspect de la tradition sorcière contemporaine.

Je souhaite remercier Marian Green, Graham Matthews, Gavin Semple, Chris Wood, Kelly La Trobe and S & J de Plant Y Bran, de leur implication personnelle dans les recherches pour ce chapitre, Andrew Chumbley pour avoir trouvé un titre acceptable pour ce livre, J.B. qui a donné sa permission pour reproduire les articles que Robert Cochrane a écrits pour Pentagram et The Cauldron il y a bien des années.

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