Nous Sommes la Sorcellerie
In Freedom is a Two-Edged Sword, de Jack Parsons
version française Tof
Lorsque l’homme est né, nous étions là. Nous avons chanté sa première
berceuse. Nous avons soigné la première blessure, nous avons apaisé le premier
affolement. Nous avons été les Gardiens contre l’Obscurité, les Assistants de la
Voie de la Main Gauche. Les dessins sur les rochers dans les Pyrénées, et les
petites statues d’argile, faites pour d’antiques raisons lorsque le monde était
encore jeune nous le rappellent. Nous avons bâti les anciens cercles de pierre,
le menhir, le dolmen, planté le chêne du druide. Nous avons chanté les premiers
chants de chasse, et fait les premières récoltes; lorsque l’homme était nu
devant les Puissances qui l’ont fait, nous avons chanté le premier chant de
terreur et d’étonnement. Nous avons côtoyé les Pyramides, regardé la grandeur et
la chute de l’Egypte, nous avons été les Rois Mages et avons dirigé la Chaldée
et Babylone. Nous avons pris part aux assemblées secrètes d’Israël et aux danses
farouches et majestueuses des bosquets sacrés de Grèce.
En Chine et au Yucatan, au Kansas et au Kurdistan nous sommes un. Toutes les
organisations nous ont connus, aucune organisation ne procède de nous; nous
partons lorsqu’il y a trop d’organisations. Nous sommes du côté de l’homme, de
la vie et de l’individuel. Ainsi, nous sommes opposées à la religion, à la
morale et au gouvernement. Ainsi notre nom est Lucifer. Nous sommes du côté de
la liberté, de l’amour, de la joie, du rire et de l’ivresse divine. Ainsi notre
nom est Babalon.
Parfois nous nous allons ouvertement, parfois en silence et en secret. Pour
nous, nuit et jour ne sont qu’un, calme et tempête, saisons et cycles de
l’homme, tout cela n’est qu’unes ces choses ne sont qu’une, car nous sommes à la
racine. Implorants nous nous tenons devant les Puissances de Vie et de Mort, et
elles nous entendent et nous servent. Notre voie est secrète, la direction
inconnue. Notre voie est celle du Serpent dans les broussailles, notre savoir
est dans les yeux du bouc et des femmes.
C’est notre force qui, parfois, fait se déplacer les spirales ornées de joyaux
[…] les puissantes ailes sur la poitrine de l’homme; notre Puissance ne fait
qu’une avec la Puissance qui pousse Dieu à germer dans la graine, et le germe à
devenir fleur et fruit ; et chaque fois qu’un homme et une femme sont unis en
une seule chair, notre puissance est cette chair.
Merlin était des nôtres, et Gauvain et Arthur, Rabelais et Catulle, Gille de
Retz et Jeanne d’Arc, Jacques de Molays, John Dee, Cagliostro, Francis Hepburn
et Gellis Duncan, Swinburn et Eliphas Levi, et bien d’autres bardes, mages,
poètes, martyrs connus et inconnus qui ont porté nos bannières contre l’ennemi
multiforme et omniprésent, l’Eglise et l’Etat. Et lorsque cette vermine de
l’Enfer que l’on nomme christianisme soumettait tout l’Occident dans l’esclavage
du péché, de la mort et de la terreur, nous, et nous seuls, avons apporté
l’espoir dans le cœur de l’homme, en dépit de la prison et de la potence.
Nous sommes la Sorcellerie, et bien que l’on ne puisse tous se connaître,
nous sommes unis par un lien indestructible. Et lorsque le cri puissant et
sauvage de l’aigle dans votre esprit, sachez que vous n’êtes pas seuls dans
votre désir de liberté. Et lorsque le hurlement du loup résonne dans les forêts
de vos nuits, sachez qu’il y a ceux qui rôdent aussi. Et lorsque les coutumes de
vos compagnons envers vous semblent stupides et de la folle, sachez qu’il en est
aussi d’autres qui ont vu et jugé - et agi.
Maintenant sachez que le pouvoir que nous servons réside dans le cœur de chaque
homme et de chaque femme comme l’arbre vit dans la graine. Et pour être avec
nous, vous n’avez qu’à invoquer cette Puissance, et vous êtes comme l’un des
nôtres. Et lorsque notre Puissance et notre Allégresse seront venues à vous,
vous pourrez vous en aller et faire ce bon vous semble parmi les hommes, et
personne ne vous dira non. Et si vous le voulez, vous agirez secrètement, et si
vous le voulez, vous agirez visiblement, à votre guise.
Donc, élevez vos cœurs en disant : « Je suis un homme » ou « Je suis une femme
et la Puissance de Vie est mienne » ! Et dans la Puissance de Vie vous vivrez et
aimerez, n'admettant aucune limite et ne donnant aucune limite, librement et
donnant librement. Et peut être que dans la générosité de la vie vous voyez
l’amour de la vie briller dans les yeux d’un autre, le désir de vie brûler sur
son front, et alors vous serez heureux ensemble. Et il se peut que par chance
vous trouviez le bon numéro; et partagiez votre joie en de fêtes secrètes et en
jouissant de toutes les manières de l’amour et des festivals. Il se peut aussi
que, selon votre volonté, dans le péril et le danger et vous enseigniez la
puissance joyeuse aux hommes.
Et ce sera ainsi aussi longtemps que vous vous rappelez d’une chose. Il ne peut
y avoir de limite. La Puissance de Vie n’est pas limitée; elle connaît son
propre chemin, mais personne ne connaît ce chemin. Ainsi, en vous-même,
pratiquez tout don et prise de liberté qui en rapport avec la vie, car
uniquement par cette voie vous resterez heureux.
La Douleur existe. La Terreur existe, la défaite, la solitude et l’agonie du
cœur et de l’esprit, même dans la Mort. Car ceci est la Porte du Royaume de Pan.
Notre voie n’est pas faite pour tous les hommes. Il y a ceux qui sont si coincés
et malades qui ne peuvent penser librement, et ceux qui sont mauvais; et
asserviraient tous les hommes. Et ceux-là vous devez les éviter, ou même les
détruire, vous saurez le faire, car ça aussi est votre lot.
Ne pensez pas non plus que la Puissance de Vie doive se manifester à ceux qui ne
connaissent ni trouble ni tourment, car ils ne peuvent n’être que stupides ou
ignorants. Mais la Puissance se montre le plus souvent dans les colères
guerrières, puisque de tous temps, et particulièrement au sein d’une
civilisation fausse, la voie doit être conquise. La capitulation est un
désastre. L’autre côté de la pièce est un chant sous le soleil et une danse à la
lumière de la lune, là où toute brume est dissipée. Mais la voie doit être
conquise.