Robert
Cochrane (1931-1966)
par Rosemary Ellen Guiley
version française Tof et Rowan Fleur de Sorbier
Robert Cochrane est une sorcière héréditaire controversée
dont l’ implication pour la renaissance de la sorcellerie durant les années 1960
en Grande-Bretagne est importante.
De son vrai nom Roy Bowers, il fonde le Clan de Tubal Cain à l’origine de la
Tradition 1734 aux USA.
La vie flamboyante de Cochrane trouve son terme dans des conditions laissant
penser à un suicide sacrificiel.
Doreen Valiente dit de lui qu’il était « la personnalité peut-être la plus
puissante et la plus douée ayant apparu dans la sorcellerie contemporaine. »
L’universitaire Ronald Hutton déclare que si Cochrane avait vécu plus longtemps
une souche de sorcellerie « Cochranienne » aurait pu émerger et rivaliser avec
la tradition de Gerald B. Gardner.
Cochrane dit être né le 26 Janvier 1931, à 3 heures du matin à Londres, dans une
famille méthodiste. Il n’évoque que vaguement sa jeunesse dans sa correspondance
et ses articles. A sa mort, sa veuve, Jane, détruit la plus grande partie de ses
écrits.
Cochrane affirme venir d’une lignée de sorcières héréditaires, comprenant son
arrière grand-père, son grand-oncle, sa grand-mère, sa tante et sa mère. Selon
les périodes, il prétend avoir été formé à la Sorcellerie par son grand-oncle,
sa mère ou sa tante.
Dans une lettre au magicien rituel anglais William S. Gray, fondateur de la
tradition magique du Sangreal, avec qui il a collaboré à la fin de sa vie,
Cochrane déclare que son arrière grand-père était la dernière des sorcières du
Staffordshire dont la tradition familiale remonterait pour le moins au XVIIème
siècle.
Renonçant aux anciens Dieux, ses grands-parents deviennent méthodistes attirant
sur eux la malédiction de l’arrière-grand-père de Cochrane. Ce dernier qui écrit
: « la quasi-totalité de la famille est morte dans la misère ou de façon
violente. »
Cochrane raconte avoir eu sa première prise de conscience mystique des dieux à
l’âge de cinq ans lors une nuit venteuse de pleine lune. Seul au premier étage
de sa maison, il regarde par la fenêtre. Frappé par l’'atmosphère étrange créée
par les nuages morcelés voilant et dévoilant la Lune et la voix du vent, il vit
une épiphanie durant laquelle il prend conscience la réalité des anciens Dieux
et de la Déesse de la Lune.
Après la mort de son père, sa mère lui révèle la vérité sur la famille. Sa tante
Lucy lui enseigne alors la tradition familiale.
Selon Cochrane, seules des sorcières donnent naissance à des sorcières. Avoir du
sang de sorcière est nécessaire pour être entendu des Dieux. La manifestation de
ce sang se ferait toutes les deux ou trois générations
Dès son adolescence, il est fasciné par les anciennes légendes celtiques et
druidiques. Il est possible qu’il ait un mentor à cette époque.
En 1953, lors de l’abrogation de la loi contre la Sorcellerie en
Grande-Bretagne, Cochrane a juste vingt ans et forme son propre coven, le clan
de Tubal Cain (premier forgeron légendaire dont Cochrane a exercé l’activité).
Poète de talent, il aime enseigner avec des histoires, des devinettes et des
poèmes plutôt que de façon plus traditionnelle.
Son coven adore la Déesse et le Dieu Cornu et pratique ses rituels en plein air
en des lieux reculés. Contrairement aux Sorcières nues de la tradition de
Gardner, les membres du Clan du Tubal Cain portent des capes à capuchon noires.
Ils « font descendre le pouvoir » lors des rituels et utilisent la méditation
guidée pour créer des temples astraux. Un dénommé Taliesin , proche de Cochrane,
affirme être également une sorcière héréditaire, mais de West Country.
Cochrane fut marié quatorze ans au moins avec Jane. Un fils naît de leur union.
Jane pratique avec lui et l’aide à développer ses capacités psychiques et
thérapeutiques.
Bien que l’appât de gain et l’ambition ne soient pas dans son caractère, il
travaille en tant que designer dans un bureau et vit avec sa famille dans la
Vallée de la Tamise à l’ouest de Londres.
D’une personnalité charismatique, il aurait pu devenir la figure dominante de la
renaissance de la Sorcellerie, sans compter Gérald B. Gardner. Son mépris et ses
critiques ouvertes sur Gérald B. Gardner sont virulentes. Cochrane pense de lui
qu’il est un « imposteur qui était arrivé à la sorcellerie à travers diverses
habitudes dégénérées. », « poussé par le désir d’être fouetté et de danser nu »
et qui « avait créé sa propre religion qu’il appelait sorcellerie. ». Pour
Cochrane, aucune véritable autorité n’a jamais reconnu Gérald B. Gardner comme
une véritable sorcière, excepté une.
Même mépris vitupérant à propos des adeptes de Gérald B. Gardner dont il pense
qu’ils nuisent à l’image des sorcières véritables. Ces dernières les haïraient
et penseraient qu’ils pourraient susciter d’une nouvelle chasse aux sorcières.
En 1962, Cochrane, Taliesin et une autre personne publient une annonce dans un
journal invitant les personnes intéressées par « La Déesse Blanche » de Robert
Graves à les contacter.
En 1963, Cochrane attire l’attention avec un article anonyme dans le « Psychic
News » dans lequel il déclare être une sorcière héréditaire et défend la
sorcellerie contre ses détracteurs.
En 1964, Doreen Valiente le rencontre Cochrane grâce à des amis dans le cadre
d’une recherche d’une tradition païenne sorcière antérieure à celle de Gardner.
Impressionnée par Cochrane et son ascendance de prime abord, elle est initiée et
participe aux rituels, intérieurs et extérieurs.
Doreen Valiente, Robert Cochrane et Taliesin prennent part également à la
Witchcraft Research Association (WRA) fondée Sybil Leek après la mort de
Gardner.
Cochrane et Taliesin écrivent des articles pour « The Pentagram », publication
de la WRA, suscitant l’intérêt de Joe Wilson, sorcière nord-américaine avec
laquelle Cochrane aura une correspondance suivie. De cet échange naîtra la
Tradition 1734.
La déception de Doreen Valiente au sujet de Cochrane est rapide. Au point d’être
persuadée que l’hérédité sorcière de Cochrane est un mensonge et que tous les
rituels sont de totales improvisations. De plus les critiques acerbes sur Gérald
B. Gardner et l’attitude tyrannique de Cochrane ajoutent à l’inconfort de savoir
que Cochrane a une aventure suivie avec un membre féminin du clan.
Découverte également par Doreen Valiente, la duperie de Taliesin dont l’hérédité
sorcière masque en réalité qu’il est un ancien membre de la tradition de
Gardner.
Cochrane dit se méfier de Doreen Valiente et de ses intentions. Cependant, il
ouvre une joute intellectuelle épistolaire avec elle. Cochrane estime Doreen
Valiente agréable mais trop curieuse sur son opinion de l’histoire et de la
pratique sorcières. Il admet ne pas répondre à toutes les interrogations de
Doreen Valiente arguant, exaspéré, : « je devrai pratiquer avec cette femme
pour qu’elle comprenne. ».
Dans sa correspondance avec William Gray, Cochrane raconte avoir donné de
fausses informations à Doreen Valiente: «[ ... ]Chaque fois que je commence à
la mystifier, elle me prend au sérieux », écrit-il.
Avec Gray, il partage des rituels et autres, tout en l’enjoignant de ne rien
communiquer à Doreen Valiente pour éviter leur publication.
De même, Cochrane admet avoir berné Justine Glass, alias d’un journaliste
appréciant la sorcellerie et auteur de Witchcraft, the Sixth Sense and Us,1965.
Doreen Valiente désapprouve la conduite de Cochrane à l’égard de Justine Glass,
tout comme l’usage de plantes psychotropes par Cochrane et Taliesin dans leurs «
potions de sorcière ».
Une boisson de ce type ayant bénéficié de l’adjonction de belladone est servie
lors d’un Handfasting par Cochrane. Ce dernier enjoint le couple à ingérer la
potion qui leur révélera s’ils sont ou non acceptés par les Dieux. Le rejet
étant la mort pure et simple.
Bien que très malade sur le moment, le couple survit.
Le point de rupture est atteint par Doreen Valiente lorsque Cochrane s’adresse à
son coven en vitupérant contre les Gardneriens. Excédée par la méchanceté des
propos, elle préfère quitter le clan ayant mieux à faire.
Peu après, Jane quitte également le clan et Cochrane. Une procédure de divorce
est entamée mais non achevée.
Cochrane présente ses excuses à Doreen Valiente pour son arrogance quelques
temps plus tard.
Avec William Gray, Cochrane échange des idées, des rituels, des informations
construisant une relation que sera une des plus importantes de sa vie.
Il est persuadé que Gray et lui sont réunis dans un but identique car ils sont
les enfants du Soleil et de la Lune.
Par clairvoyance, il diagnostique chez Gray des problèmes de santé et pratique
un soin à distance. L’abcès dentaire de Gray guérit, mais son état de santé
générale ne connaît pas d’amélioration.
Un rituel de guérison est alors conduit par Cochrane qui demande à Gray d’être
endormi, sans aide médicamenteuse, à minuit lors d’une nuit choisie et de ne pas
être surpris par les rêves dont il pourrait se souvenir. Gray suit les
instructions scrupuleusement. Au cours de la nuit en question, il se sent secoué
comme une petite balle lors des chants et psalmodies du clan. Une douleur
lancinante dans les côtes se fait alors sentir pour ensuite entourer son corps
et enfin disparaître. Au réveil, Gray ne souffre plus d’aucune douleur et se
trouve en pleine forme.
Cochrane n’est pas aussi attentif à sa propre santé. Il repousse ses limites
physiques, mentales et spirituelles frôlant, selon son propre aveu, la folie.
Pour induire des visions en rituel, il ajoute parfois de l’amanite tue-mouches
ou du peyotl dans l’Eau de Vie sacrée. Cela, dans un but essentiel à ses yeux,
pour atteindre la Mémoire Akashique (l’empreinte universelle de toutes les
pensées, émotions et événements, afin de retrouver la sagesse mystique).
Lors de son travail sur les plans intérieurs, Cochrane rencontre son maître
spirituel et vit une puissante rencontre avec « le Pouvoir que nous appelons
Dieu, ou au moins quelqu’un qui La représente ».
Il rapporte s’être réveillé au milieu de la nuit, à moitié sorti de son corps.
Effrayé par une forme sombre dans la pièce, il est traîné violemment hors de son
corps jusqu’à un bois où son maître se présente à lui pour la première fois.
Vêtu à la mode du 16ème siècle et d’un manteau, son maître lui annonce la venue
de « la Jeune Fille » avant de prononcer: « Adorons-La. »
Cochrane est entouré de couleurs brillantes lorsque qu’une lumière blanche
traverse les chênes alentours révélant une femme nue sur un cheval. Alors
subjugué par un élan mystique, il retombe dans son corps avec un « fracas
d’orage ». Alors il quitte sa couche, tremblant, gémissant. Des années plus
tard, son interprétation de cette vision est qu’il a rencontré « la puissance
cosmique que nous appelons la vérité. ».
Cochrane estime être une des dernières sorcières et que l’Angleterre est «
psychiquement morte ».
Avec une étrange désinvolture, il prédit à Gray l’assassinat de John Lennon à
New York en 1980 de cette façon : « il est dangereux pour des adolescents de
jouer avec la force issue du bruit et l’hystérie sexuelle produits par la
musique rock, et c’est ce que font les Beatles. Je ne serai pas surpris de lire
que l’un des Beatles ait une fin sanglante et prématurée, un peu comme le Dieu
de la Végétation en magie primitive. »
Cochrane lui-même connaît une fin prématurée. Au début 1966, il déclare à des
amis son intention de se suicider de façon rituelle à la veille du Solstice
d’Eté. Déclaration considérée comme peu sérieuse et démentie peu avant le
solstice par Cochrane lui-même.
Cependant le 21 juin 1966, Cochrane est inconscient. Apparemment il est allé au
bout de son intention. Transporté à l’hôpital dans un état comateux, il décède
sans reprendre conscience. Des feuilles de belladone combinées à des somnifères
sont à l’origine de sa mort dont il est ignoré si elle est accidentelle ou non.
Certains amis et adeptes pensent qu’il s’est offert en sacrifice.
Toutefois Doreen Valiente n’est pas convaincue de l’intention suicidaire de
Cochrane. Ce dernier lui a fait parvenir un courrier peu avant le solstice pour
l’informer de son dessein, en appuyant sur le fait qu’il sera mort au moment de
la lecture du courrier. Valiente pense que Cochrane avait envoyé la lettre à
temps afin qu’elle puisse lui envoyer de l’aide. Mais Doreen Valiente ne prend
connaissance de ce pli que quelques jours après sa réception, ayant été
elle-même hospitalisée. La possibilité d’un jeu risqué avec les Dieux pour
savoir s’il était accepté ou refusé est une autre hypothèse de Doreen Valiente
au sujet de la mort de Cochrane.
Doreen Valiente compose « Elégie pour une Sorcière Morte » en l'honneur de
Cochrane.
A la mort de Jane en 2001, les écrits de Cochrane sont légués à Evan John Jones,
un des membres du coven original de Cochrane. Evan Jones décède en 2003.
La plupart de ces lettres et documents ont été publiés dans deux recueils : «
The Roebuck in the Thicket », 2001, et « The Robert Cochrane Letters », 2002.
La foi de Cochrane en un au-delà et la réincarnation s’exprime dans un courrier
adressé à William Gray :
« Quand je serai mort, j’irai dans un autre endroit que moi et mes ancêtres
avons créé. Sans leur travail, il n’existerait pas, car à mon avis, pendant très
longtemps l’esprit humain n’avait pas de domicile, puis finalement le désir de
survivre a créé le chemin vers les autres mondes.
Rien n’est obtenu en ne faisant rien, et quoi que nous fassions maintenant cela
créé le monde dans lequel nous existerons demain. La même chose s’applique à la
mort, ce que nous avons créé en pensée, nous le créons dans cette autre réalité.
»…