8 avril 1966
Cher Joseph,
J’ai reçu ta seconde lettre juste comme je m’apprêtais à poster la première. Je suis très heureux que ton épouse te comprenne enfin, car la mésentente dans un couple est un grand prix à payer pour son appartenance à la Foi. Il n’est pas indispensable que celui ou celle que l’on aime pratique aussi, car l’une des règles de base de la sagesse est la tolérance. Les gens ont dû souffrir de l’intolérance, de la persécution et de la douleur pendant des siècles, c’est pour cela que nous ne cherchons pas à convertir qui que ce soit, au contraire, nous nous contentons d’être heureux d’appartenir à la Foi, ce qui se suffit à soi même. Ton épouse devait se sentir menacée par une croyance qui, inévitablement, obsède ses pratiquants mâles, et beaucoup de gens à qui l’on parle d’une Déesse triomphante, voient dans la Foi une croyance bien étrange et mêlent à cela des souvenirs d’enfances de sorcières laides et méchantes, et des images négatives dues à la presse à scandale.
Pour une jeune femme qui voit tout cela de l’extérieur ce doit être très effrayant surtout si elle voit l’homme qu’elle aime changer et qu’elle découvre une facette de lui qu’elle ne comprend pas, et même si cet aspect de lui n’est pas menaçant de quelque manière que ce soit, c’est un aspect différent de tout ce qui passe pour être normal dans ce monde. Tu as sans aucun doute remarqué qu’une nouvelle philosophie, une nouvelle moralité, une nouvelle personnalité ont commencé à s’éveiller en toi et changent subtilement ta vie, et à présent, en dépit de l’excitation que procure cette quête, et du désir de connaissance que tu as et qui est le moteur de toute sorcière, il faut que tu songes à l’effet que cela peut faire à quelqu’un qui n’a pas encore vu la lumière. C’est une expérience effrayante, et qui amène avec elle un fort sentiment d’insécurité, particulièrement pour une femme qui porte un enfant. Si je peux me permettre un conseil : il n’y a pas de philosophie, de profession de foi, de Dieu, qui vaille autant que l’amour qu’un être humain peut donner et recevoir pendant sa vie. Il importe peu de savoir à quel point quelqu’un peut être sage ou savant, ce qui importe est qu’il puisse aimer et être aimé en retour, dans ce sens la notion chrétienne d’aimer son prochain est très vraie, tout le monde en a besoin. Après cela vient la loi sorcière :
Ne fais pas ce que tu veux, fais ce qui est nécessaire
Prends tout ce que l’on te donne, donne le meilleur de toi-même
« Ce que j’ai je le garde »
Quand tout le reste est perdu, et pas avant, prépare-toi à mourir dignement
Ca sonne comme des lois particulières, mais elles sont sages et reposent sur l’expérience, la première est peut être la plus difficile à appliquer, car elle ne laisse nulle place à l’illusion, la seconde te laisse peu de temps pour toi-même, la troisième est la clé de la sagesse et la quatrième est la clé de base de la personnalité sorcière.
A présent, comment puis-je faire comprendre les choses à ton épouse ? Peut être pourrais je lui dire que la Foi est la mère de tous les Dieux et Déesses, et la chrétienté n’est qu’une partie de l’ancienne foi, et non pas la totalité, que les Gens sont les descendants directs des anciens chamans, prêtres et prêtresses des Mystères ? Ou bien devrais-je lui dire que la Foi est foncièrement féminine, et qu’en elle elle trouvera son moi profond ? La Foi est dépositaire de siècles de sagesse féminine, elle est le refuge des femmes dépossédées de leur place, elle les considère à leur juste rang, les égales absolues des hommes, et les représentantes sur terre de la Déesse. Car quand les Dieux ont créé le monde, ils ont donné aux hommes la Terre, l’Air et le Feu, et aux femmes la Terre, l’Air et l’Eau, et il fut décrété que tous ces éléments ne seraient pleinement efficaces que s’ils étaient réunis dans les mâles et les femelles, c’est pourquoi, dans la Foi, nous croyons que les hommes et les femmes ont un rôle à jouer, tant séparément qu’ensemble dans cette comédie que nous appelons la Vie. Dans la mesure où cela est très poétique et que pour l’oreille d’une jeune mère, cela pourrait être un étrange discours, je vais traduire en langage clair, logique et rationnel une partie des Mystères.
La foi est en trois parties –dont je n’en connais que deux. La première partie est composée des mystères masculins, dans lesquels on inclue la quête du Graal, et est à la base des légendes Arthuriennes. C’est l’ordre solaire, le clan de Tubal Cain. En font également partie l’apprentissage, l’enseignement, l’habileté, la bravoure et l’honnêteté. Dans un passé lointain le clan des hommes était dirigé par une femme qui était leur prêtresse et leur chef.
C’est ce qui est à l’origine de la légende Robin des Bois, et, aussi étonnant que cela puisse paraître, est à la base de l’Ancien Testament, et plus tard du christianisme, dans la mesure où Jésus, tout comme Moïse, prêchaient une version des mystères masculins, le culte de Mythra en est aussi un développement, et la tradition se perpétua au travers du Moyen Age, lorsque les rois Plantagenêt étaient officiers de l’aspect masculin de la Foi (le mot Plantagenet signifie Clan du Diable) Les effets des mystères masculins sur le monde ne peuvent être ignorés dans la mesure où une partie considérable de la civilisation en tire ses origines. Pas de nom précis, mais : un peu de commerce, un peu de législation, de justice rendue, de Parlement, les premières formes d’universités, les guildes professionnelles, qui firent en sorte de réunir et ensuite enseigner les connaissances, toutes les sciences, telles que la métallurgie, l’astronomie, et ainsi de suite, ad infinitum.
Les mystères masculins furent les créateurs de la civilisation moderne, telle que nous la connaissons aujourd’hui. Il faut aussi se souvenir qu’à la base c’était une femme qui était à leur tête, et que c’était elle qui était le génie derrière tout cela. Ces mystères sont représentés par : un javelot, un coq au-dessus d’un pilier, une échelle, un fléau, un soleil avec 12 rayons et une échelle à 8 barreaux et une épée ou une hache de guerre. En fait tous ces symboles ont à voir avec le contrôle sur 3 des 4 éléments, dont, particulièrement le Feu.
Les Mystères féminins sont plus profonds, connectés avec les courants de la création et de la destruction, avec le cycle de la vie et de la mort. La meilleure façon de les exprimer est le pentagramme : Vie/naissance – Amour – Maternité – Sagesse – Mort/résurrection. Ils sont connectés avec tout ce qui pousse – toutes les créatures de chair – la fertilité et la stérilité – le mystère d’une femme qui est tout à la fois vierge/mère/vieille. Ils sont par essence le cycle de la vie, et l’universalité de la vie, et se manifestent par les intuitions et les sentiments, en d’autres mots, ils contrôlent l’inconscient, tandis que leur équivalent masculin contrôle le conscient. En fait ils sont ce que les juifs appellent la seconde émanation de Sephiroth : émotion, sensation, imaginaire, empathie et intuition.
Ils sont représentés symboliquement par un balai, une bouteille, une tasse, un gant, une quenouille et une chemise toutes ces choses ayant une valeur symbolique dans la Foi. Le clan des femmes est régi par un homme qui a un rôle de prêtre et enseigne les mystères féminins. Chacun de ces symboles a une valeur dans la sagesse, et je vous expliquerai cela à tous deux dans une prochaine lettre. De nos jours, comme il en reste si peu, le vieux système a décru et les familles enseignent à leurs enfants les deux mystères, de telle sorte que la tradition ne disparaît pas complètement. Dans le passé les clans de femmes et d’hommes vivaient séparés et ne se retrouvaient que pour les 9 rites annuels, quand ils se réunissaient pour implorer les déités. Une grande partie de ces rites traditionnels a été perdue, mais on les redécouvrira un jour car les choses ne meurent pas complètement mais changent, tout simplement.
Il était habituel pour les Gens de se réunir une fois par semaine, comme un service ou une session d’enseignement, ou pour faire un travail magique particulièrement difficile. Quand la persécution devint trop grande, les rencontres devinrent plus secrètes, pour leur propre sécurité les clans éclatèrent et n’eurent plus guère de contacts. Les mystères furent réunis de telle sorte que rien ne soit oublié, bien que je pense qu’actuellement il faudrait les re séparer, dans la mesure où il y a un mystère dans la différence entre les sexes et que certaines choses ne devraient s’appliquer qu’aux hommes et d’autres qu’aux femmes. Aucun homme ne comprendra jamais totalement le mystère des menstrues ou de la naissance, et comment ces choses n’affectent pas seulement le corps des femmes, mais aussi leur pensée et leurs émotions. Aucune femme ne pourra jamais totalement comprendre la soif de savoir ou de pouvoir des hommes etc… car c’est une partie de la pensée masculine que les femmes ont du mal à intégrer. Toutefois la Foi enseigne une sagesse qui a à voir avec ces deux aspects, mâle et femelle, et quand cela était enseigné correctement comme ce le fut dans le passé, il en résultait des individus vraiment remarquables. L’une des images les plus parlantes de la Foi est la Vierge et l’Enfant, que les catholiques nous ont volée aux alentours du XII ème siècle, bien que l’approche masculine ou féminine de cette représentation soient très différentes.
Je te joins une page d’un livre avec une photographie d’un menhir français, j’ai apporté mon aide à la femme qui a écrit ce livre, et lui ai expliqué certaines choses au sujet des menhirs, mais son livre est une honte dans la mesure où il ne parle que des choses « sensationnelles » et pas de la sagesse. Toutefois le menhir contient toute la théologie sorcière et la croyance, et si tu l’étudies il te donnera beaucoup de réponses. La gravure date du XVIIème siècle, le menhir, lui, a au moins 2000 ans. Les archéologues pensent que la gravure est une représentation de la Passion du Christ, ce qui prouve bien qu’ils n’y connaissent rien. Tu y verras les mystères mâle et femelle et la ligne du bas est la troisième partie : celle du prêtre/magicien. Comprends le et tu auras la base de toute la Foi. Pose-moi des questions à ce sujet et je te répondrai du mieux que je pourrai.