Seconde lettre à Robert Graves

par Robert Cochrane version française Tof

 

Cher Robert Graves,

Merci pour votre lettre inattendue et appréciée. Je trouve votre question sur l’influence des sociétés islamiques intéressante, mais en dehors de covens de Gerald Gardner et d’Idris Shah, je n’en ai jamais entendu parler auparavant. On m’a dit que le grand-père de mon grand-père se vêtait de peaux et portait un casque cornu pour la pratique rituelle puisqu’il était un « Vieux » (grand prêtre, diable, ce que vous voulez), je ne vois pas en quoi il y a influence des pratiques ou croyances islamiques, puisque, comme vous le savez, les Soufis et les autres sociétés de ce genre n’incarne pas Dieu, leur but était de parvenir à un état mystique par différentes pratiques. Selon ce que je sais, ce n’était pas le but des sorcières du Staffordshire et du Warwickshire. Paille, lin, céréale et Frigg voila tout ce qu’elles voulaient, de bonnes récoltes, des enfants en bonne santé et du pouvoir pour se venger de l’oppresseur, et à mon avis elles ont réussi. Il y avait de la poésie, il y avait du mysticisme, mais il s’agissait là d’effets secondaires ou de quelque chose propre à l’individu plutôt qu’au groupe. Mais, il peut y avoir une différence très nette entre les sorcières de l’Ouest et celles des Midlands. Elles utilisent toujours le bâton triple ou « stang » et des bois de cerf, mais pas des cornes de taureau, à certaines fins (incidemment, chez le cerf à sept épois, il peut y avoir une signification à chaque époi) et selon ce que je sais, elles n’utilisaient pas l’étoile rituelle ou ce qui y est lié dans le cadre de leur rituel. Elles utilisaient plutôt la tête de mort et les os. J’admets qu’il y a eu une influence de la magie et du mysticisme oriental, mais le tout est de savoir jusqu’où cette influence s’est propagée. Selon moi, il existe deux types différents de sorcières (trois si l’on tient compte de ce qui s’est passé les quinze dernières années) et il est possible qu’elles aient vécu en se tolérant mutuellement les unes les autres. Mais, selon certaines recherches que j’ai faites sur cette branche particulière, il est possible qu’à l’origine cette séparation était sociale, il y a une véritable différence entre les mystères paysans et ceux des propriétaires terriens. Je laisse à votre savoir supérieur de trouver s’il y a quelque vérité dans cette affirmation, mais il est intéressant de noter qu’il y a d’assez bonnes preuves que des gitans se sont infiltrés dans les clans anglais, et dans ce cas également ailleurs. Ils ont pu avoir emporté diverses pratiques indiennes avec eux. Tout cela est si confus que j’aboutis généralement sur de nouvelles informations sur quelque chose que je n’avais pas l’intention d’examiner. Mais une fois que vous vous y êtes intéressé vous ne pouvez  plus arrêter. J’ai parfois l’impression que lorsque j’erre dans les marais de l’ancien savoir, le barrage situé en amont va éclater et que toute l’humanité va être submergée par cinquante mille ans de préhistoire, submergeant les belles conventions urbaines des mille dernières années. Le Roi Bûche s’est déjà noyé, mais ils adorent toujours son souvenir.

Votre description de l’aspect physique des simptomes (arg mon orthographe) de la Déesse m’a vraiment intéressé (une des difficultés de la communication - « intéressé »!). Je ne suis pas fan de l’aspect poétique, mais je me tourne plus vers la Déesse Noire, mes genoux ne tremblent pas et je ne défaille pas, mais j’ai soudainement le sentiment d’une pression intense, quelque chose comme un orage qui approche. C’est, comme vous le dites, quelque chose de physique, presque un désir de m’enfuir et de trouver un abri. J’ai aussi « vu » la Déesse, mais Elle chevauchait un cheval blanc, c’était peut-être une vision artistique, je ne sais pas, mais j’ai été vraiment effrayé pendant toute une semaine. Maintenant je suis bien avec la Noire et la Blanche. Bien sûr, je vais le payer plus tard, la location-vente n’est rien de neuf...

           Sincèrement,

                                R.L. Bowers


 

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