Après le décès de Robert Cochrane lors du Solstice d’Eté 1966, certains membres de son groupe ont décidé de reprendre le flambeau et de continuer son œuvre. Parmi eux Ronald White et George Winter ont formé un groupe païen qui se voulait plus « ouvert » qu’ils ont appelé « The Regency » avec l’idée qu’ils n’étaient là que jusqu’à ce que le fils de Jane et Robert Cochrane soit assez âgé pour prendre la place qu’avait occupée son père, mais ça ne s’est jamais fait.
La Veille de Mai et le Premier Mai
par Ronald M. White
Préambule
Je commence par la Veille de Mai car il s’agissait d’un des deux festivals
principaux de la Sorcellerie (l’autre étant Halloween) et par ses cérémonies,
dont certaines ont été conservées dans les coutumes, on peut avoir une idée de
ce qu’était le Premier Mai, qui était davantage une fête pour tout un chacun.
Comme Halloween est un festival de la mort, le Premier Mai est la célébration du
sexe. Dans la fête sorcière traditionnelle, l’acte sexuel est à la fois pratiqué
et glorifié. Le moment crucial c’est la copulation des Déités, par cet acte, qui
doit être mystique, l’Eté est rendu possible. Les rituels impliquent pour
commencer de boire des potions spéciales qui améliorent la virilité des hommes,
la procession de la Déesse quasi nue, l’obéissance du Dieu et sa réticence
simulée à être Son amant, la course d’amour des dames derrière les hommes et
pour finir l’accouplement final du couple heureux, lui étant vêtu d’une tenue de
cérémonie en peau de bête.
Ensuite il y a une fête quintuple, chaque élément ayant son propre cri de
sorcière. Les éléments étaient le vin, le pain, la viande, le sel et le sexe
ritualisé ou réel. Puis la fête se généralise et continue jusqu’au matin. La
musique à fort niveau sonore et les cris ont été l’une de ses caractéristiques
essentielles, une sorte de discothèque médiévale comme cela devait se passer
autrefois avec des ébats sauvages et une prise de potion pour amplifier sa
conscience et prolonger sa résistance physique.
Le thème du Premier Mai c’est l’Accomplissement. C’est une célébration du
mariage de la Déesse (Vierge) au Dieu. Notre Dieu est appelé Robin et Il était
étroitement lié au cerf roux, en effet, Il portait ses cornes en guise de
couronne (le déguisement d’animal). Souvenons-nous qu’une couronne est un couvre
chef magique, tout comme un masque est un visage magique et l’on pourrait écrire
toute une histoire de la couronne ou du masque, de nombreux exemples surgissent
tout de suite à l’esprit. Robin et ses Compagnons se réunissaient à la Veille de
Mai et, comme les sorcières, ils célébraient en buvant Ses noces à venir.
C’était une réunion où il n’y avait que des hommes, comme nous l’avons vu.
C’était une fête entre garçons, une soirée de fête, de blagues graveleuses,
d’humour truculent et de fête et de beuverie.
Si l’on ajoute des cérémonies de la Veille de Mai à nos pratiques il faudrait y
inclure le nettoyage de la maison et des libations à toutes les divinités qui y
résident.
Malheureusement ce qui reste des célébrations du Premier Mai semble résider dans
quelques survivances pittoresques, le rite plein de vie des sorcières n’est plus
que l’ombre de lui-même. C’est un festival qui a besoin qu’on y réfléchisse et
son mythe doit retrouver toute sa beauté. Il s’agit là d’une tâche dont nous les
nouveaux païens devons nous préoccuper, en prenant soin de ne pas perdre ses
éléments et son symbolisme essentiels car il s’agit du substrat intemporel sur
lequel l’ensemble du festival est construit.
Une idée demeure dans l’imagination populaire. Même si les enfants gambadent
toujours autour d’un mini-arbre de mai en essayant d’y croire et que les adultes
pensent vaguement que cette pratique était courante autrefois tout comme
certains pensent que Merlin sommeille toujours quelque part. Cet esprit d’une
Angleterre d’autrefois est profondément et obstinément enraciné dans les esprits
et refait surface en période de crise et de guerre. Il n’est pas possible de
l’analyser froidement et c’est donc l’un des mythes nationaux que nous vivons.
J’en parle ici parce que certains de ses principaux éléments peuvent
effectivement venir des anciennes cérémonies du Premier Mai, en particulier de
l’époque des Tudors, lorsque les Anglais ont commencé à avoir et tirer gloire
d’une conscience nationale, que Shakespeare, entre autres, a exprimé brillamment
dans ses pièces de théâtre patriotique.
Toutefois, nous devons discuter de ce que le Premier Mai est pour nous
aujourd’hui et examiner attentivement sa nouvelle imagerie païenne.
Nous pouvons, si nous le souhaitons, marcher avec des bannières le long des
quais de la Tamise pour dire que le Premier Mai n’est pas le Premier Mai puisque
l’on peut déplacer cette la fête au lundi le plus proche, ce qui, s’il y avait
une « autre signification » à la procession, ferait de ce rituel un non-sens.
Nous pouvons y incorporer les quelques survivances qui sont arrivées jusqu’à
nous ou alors tenter hardiment de pénétrer au cœur de la question. Même ainsi,
nous devons tâcher de faire coïncider notre Premier Mai à l’histoire
traditionnelle même si nous essayons de le mettre au goût du jour. Il faut bien
commencer quelque part et si ce que nous savons du festival peut être recyclé de
façon spontanée, alors c’est pertinent pour notre pratique religieuse. Donc,
nous parvenons à un mélange, un festival où différentes couches se superposent
et il est difficile de parvenir au-delà du monde de la fantaisie, là où on peut
une fois encore impacter sur notre conscience du XXème siècle.
Le Premier Mai c’est un mariage. Nous pouvons commencer par là. Comme je vais le
montrer de nombreuses cérémonies de mariage en découlent, il faut donc que ce
soit le thème central de notre rituel.
Le Premier Mai est un festival de l’amour. Il fête le premier jour de l’Eté et
célèbre tant l’amour sexuel que l’amour idéal. Dans le premier cas c’est l’amour
ordinaire de chair à chair. C’est l’amour de la Déesse et du Dieu et la
célébration de cet amour spirituel de la Déesse et de tout Son Etre qui est la
matière première dans tous nos mystères.
Le Premier Mai c’est l’été, les moments faciles. C’est pourquoi les puritains le
détestaient tant. C’était facile, c’était un hymne à l’amour, il mettait en
avant ses joies sexuelles débridées. On a raison de se réjouir : « L’Hiver s’en
est allé », « Tout le monde trouve chaussure à son pied ». Bien sûr il y a des
significations plus profondes et des questions plus sombres à prendre en compte,
mais l’Amour, la Joie et l’Accomplissement sont ses thèmes principaux.
Notre mythe nous raconte que la Déesse prend un amant et par Son acceptation de
cet amour, Il accepte également Sa mort inévitable. Voilà le vrai mystère du
Premier Mai et ce sera très clair dans le rituel qui va suivre.
La Mariée est vêtue de blanc, ce qui est Sa couleur lorsqu’elle est Demoiselle,
mais elle porte des symboles pour nous rappeler qu’elle est aussi la Mère et la
Vieille. Ces allusions sont rouges pour la Mère et bleues pour la Vieille, bien
que le symbole bleu soit caché et qu’on ne le voit pas alors que l’on voit les
fleurs ou les rubans rouges. La mariée porte aussi d’autres symboles : quelque
chose de vieux pour indiquer que le passé est Sien et qu’elle peut se déguiser
de bien des façons, de façon inattendue parfois. On réalise facilement que ces
accoutrements apportent une affirmation redoutable de Ses pouvoirs. Cette
coutume de la robe est toujours soigneusement respectée par de nombreuses
mariées même si bien peu connaissent sa signification principale. Il faut aussi
noter que Mai est toujours considéré comme un mois néfaste pour les mariages, la
mariée de juin étant proverbiale. Il en est ainsi car mai est un mois
particulièrement sacré, c’est à ce moment que la Déesse se marie et ce serait
une forme de crime de lèse-majesté que d’oser le partager avec Elle.
Lors de notre cérémonie le Marié exprime Sa fécondité en portant du vert et du
rouge, la couleur de la vie. Il symbolise ainsi la vie donnée par le soleil
d’été. Des symboles floraux, ou, comme dans le passé, quelques fleurs accrochées
à son chapeau étaient utilisés. Aujourd'hui, cette coutume a survécu à la
boutonnière.
De ce mariage, symbolisé de la sorte, jaillira la fertilité de l’année et ce que
l’on pourra observer lors des récoltes. Il est inutile de dire que de toute
façon cela va se produire. Nous avons encore besoin d’empathie avec notre année
et, par extension, de lier cette année à notre vie terrestre et par une autre
extension avec tout l’Univers.
C’est une cérémonie joyeuse et chaleureuse où l’humour grivois (l’obscénité est
un encouragement traditionnel de la fertilité) a toute sa place, avec cependant
d’autres possibilités d’appréhender ses significations plus profondes. Pourtant,
il ne devrait pas y avoir de partie de cette cérémonie qui soit mise à part,
tout devrait aller de pair et le résultat final ne faire plus qu’un dans nos
coeurs, car c’est dans notre rituel du Premier Mai que nous constatons cet
accent sur l’Unité, qui est un autre aspect de notre thème de l’Accomplissement.
Le Premier Mai: le Rituel
Comme nous n’avons pas d’emplacement fixe pour nos rites, à moins d’avoir la
chance de trouver un terrain privé convenant pour un temple, nous devons adapter
la nécessité de nos célébrations à l’environnement disponible. Idéalement, à
l'exception de la Chandeleur, les rituels devraient avoir lieu en plein air, de
préférence en présence d’arbres.
L’important est que le cercle soit formé autour d’un point central et c’est
encore mieux si, à ce moment-là, il y a un arbre ou un arbre symbolique comme un
bâton. Pour le Premier Mai l’arbre devrait être un chêne.
Comme il y aura une fête, nous devons être vêtus en conséquence. Des présents en
nourritures et boissons doivent être apportés par le groupe. Le maquillage
permet à l’atmosphère de se créer. La Dame peut se blanchir le visage en
l’honneur de la Lune. L’homme désigné pour personnifier Robin peut se rougir le
visage. Le repas est un repas de noces, c’est le premier repas d’un mariage.
Tout au long de la cérémonie les participants peuvent faire de la musique,
fredonner ou taper dans les mains. Lors de certaines réunions auxquelles j’ai
assisté la personne la plus portée sur la musique jouait le rôle de meneur
musical, c’est lui qui marquait les différentes étapes du rite. Une telle
personne a une valeur inestimable lors d’une assemblée, en particulier si elle a
le sens du théâtre. Un vieil ami à nous, « Le Fou » peut aussi être personnifié,
son rôle sera de jouer des tours, etc., mais il semble qu’il y en ait toujours
un lors des mariages.
Comme lors de l’Equinoxe de Printemps les célébrations s’achèvent par une fête,
ici les célébrations débutent par deux fêtes, l’une pour les hommes et l’autre
pour un mystère féminin. Les hommes se réunissent à l’écart du terrain de danse
et hors de vue. Idéalement, le point de rassemblement devrait être un houx ou
quelque chose qui symbolise un houx. Ils portent ensuite un toast au marié et
boivent abondamment avec lui. Les dames pratiquent leur fête mystérieuse, dont
nous verrons plus les résultats lorsque la procession des hommes se rapprochera
du centre.
Lorsque les deux parties sont prêtes, deux processions se mettent en place. Ceux
qui dirigent les groupes restent à l’écart. Les hommes et les femmes progressent
ensuite les uns vers les autres. Lorsqu’ils se retrouvent ils se donnent les
mains. Les femmes mènent les hommes vers le centre où les deux groupes se
lâchent les mains et font une ronde solennelle autour de l’arbre central. Les
hommes vont dans le sens du soleil, les femmes dans le sens opposé. Puis les
groupes se disloquent et se mélangent, il y aura alternativement un homme et une
femme. Ils tournent tous ensemble en une lente spirale et se dirigent vers
l’intérieur où la Dame les attend.
L’espace rituel est disposé comme suit: Des bols avec de la nourriture des
boissons et une libation ont été placés au pied de l’arbre. Une grande longueur,
au moins neuf mètres, de ruban blanc a été passé autour de l’arbre, ses deux
extrémités sont tendues vers le bord de l’endroit où l’on ritualise. Les hommes
prennent une extrémité du ruban, les femmes l’autre. Puis ils échangent leur
place de façon à ce que le ruban passe et se croise devant la Dame.
Elle souhaite à tous la bienvenue à la noce. Un des hommes, qui a été choisi
plus tôt, récite la seule prière répétée de la cérémonie:
Grande Déesse, aimée de nous tous, notre épouse à tous. Epouse-nous dans ton
cœur et garde-nous dans Ton confort car nous sommes les enfants de Tes désirs.
Laisse-nous Te servir, attachés à notre objectif avec tout Ton amour.
La dame répond ensuite en disant :
Il doit en être ainsi, car en moi vous voyez toutes les femmes et leurs désirs
et vous serez pour elles comme votre amour est pour moi et laissez-les aussi
être pour vous l’incarnation de vos désirs.
Un à un les hommes s’agenouillent devant la Dame et s’inclinent bien bas. Puis
ils se lèvent lentement et quittent la zone où l’on ritualise. Les femmes,
tournées vers l'extérieur, commencent à supplier les hommes de rester. Les
hommes font semblant d’hésiter et les femmes leur rappellent leur promesse toute
récente. Les femmes se lèvent et attrapent les hommes les uns après les autres
et les ramènent dans l’espace rituel. Ils dansent tous neuf fois aussi vite que
possible autour de la Dame dans le sens opposé à celui du soleil. Soudain elle
demande à Robin de s’approcher. Les femmes Le cherchent et le traînent alors
qu’il proteste et le placent à Ses pieds. Pendant qu’elles font cela elles lui
présentent un bâton enrubanné. La Dame s’avance, l’embrasse et le fait se
relever. Elle l’embrasse tendrement cinq fois. Il s’agit d’un moyen de se
souvenir des progrès de l’année, de la Naissance à l’Initiation, puis
l’Accomplissement et ensuite le répit et le repos. A ce signal les femmes
embrassent les hommes. On lance ensuite une acclamation pour Robin et sa Dame. A
nouveau on prend le ruban, un côté par les femmes et l’autre par les hommes. Les
hommes dansent résolument autour de l’arbre dans le sens du soleil, les dames
dans le sens inverse. Les hommes soulèvent leur extrémité du ruban et les femmes
passent dessous. Le but est de lier le « Couple Heureux » à l'arbre. Le Meneur
ou Maître de Cérémonie demande:
Voulez-vous faire de la magie, l’amour pour le bien de cet Eté ?
Robin tend son bâton au Maître de Cérémonie qui s’en empare et le passe
lentement sous Robin et la Dame qui sautent par-dessus. Il attache ensuite leurs
poignets ensemble pour symboliser leur union. La Dame invite alors tous les
participants à festoyer. Chaque participant s’avance et verse une libation au
couple avant de boire et de manger les aliments qui ont été préparés. Les hommes
et les femmes se nourrissent les uns les autres et des baisers sont échangés. Il
y a ensuite d’autres danses rituelles. Le groupe danse main dans la main avec
toutes les variations qu’ils décident. Le ruban blanc est désormais desserré,
mais le couple reste encore légèrement lié par les poignets. « Claquer le Fouet
» est l’une des danses informelles qui suit et qu’on invente rapidement. Dans
cette danse les danseurs tiennent tous le ruban et vont de plus en plus vite
jusqu’à être forcés de s’arrêter ou que tout le monde tombe par terre. Comme le
ruban est toujours attaché aux poignets du couple, ils sont très impliqués comme
points d’ancrage du processus, ce qui n’est pas sans avoir une signification
mystique.
La fête se poursuit, son caractère développe un caractère spontané et joyeux, au
cours duquel il peut être bon qu’un couple disparaisse pendant un certain temps
pour consommer son propre festival. Il y aura encore d’autres danses,
festoiement et fourberies.
Il n’y a rien de tel qu’une fête pour achever officiellement cette cérémonie.
Mais son but rituel peut être annoncé par une danse finale où le couple est
délié de l’arbre et tous les rejoignent dans une danse désopilante autour de
l’arbre, les femmes dans le sens inverse à celui du soleil et les hommes dans le
sens du soleil, chaque personne essayant d’en attraper une autre du sexe opposé.
Le motif en chevrons dessiné avec le ruban lors de la première danse doit
désormais être détaché et laissé sur l’arbre jusqu’au solstice d’été pour qu’on
se souvienne des vœux d’union envers la Déesse et le Dieu.
En quittant le lieu où l’on a ritualisé il faudrait tâcher de vider et boire le
contenu des bols de vin puis acclamer par trois fois l’été.
Tout le rituel du Premier Mai, peut-être plus que tout autre, peut être amendé
et développé. Ce sera notre tâche dans le futur car il n’y a rien de plus
spontané ni de cérémonie réchauffant plus le cœur que cette célébration d’amour
dans le calendrier païen.
Le Sermon
Le thème du Premier Mai c’est l’Accomplissement. Mythologique c’est l’union du
Dieu avec la Déesse ce qui garantit les fruits de la récolte, la naissance
d’animaux et la continuation de la vie des Dieux eux-mêmes. Mystiquement, c’est
l'union de l’esprit féminin avec l’esprit masculin pour engendrer la plénitude
de l’âme, la compréhension mystique et le commencement de la sagesse. Dans
certaines cérémonies cela a été symbolisé par les membres vêtus de vêtements
réservés au sexe opposé, bien que je ne l’aie pas vu moi-même et je ne l’ai donc
pas inclus dans la section Rituel. Néanmoins, c’est bien une expression de
l’unité des opposés et une description de la dichotomie que la différenciation
sexuelle nous impose parfois et qui supprime momentanément cette réalisation
d’une unité de perspective et le sentiment qui sous-tend le concept de
L’Accomplissement. La figure androgyne, un Hermès, est commune à toute la pensée
mystique et est importante pour la compréhension païenne de sexe.
Cette unité des opposés peut se situer à trois niveaux. Ce qui est peut-être le
plus noble c’est lorsque la contemplation est dirigée vers l’unité avec la
Déesse elle-même, ou dans le cas des femmes, le Dieu, le dévot est totalement
absorbé dans le Divin, l’union de l’âme avec l’objet de son culte. Puis il y a
le culte de l’esprit qui devient mentalement conscient de la signification de
tous les rituels et mythes dans notre vie quotidienne. Puis il y a la vie
elle-même et son expression sexuelle. Ces trois niveaux peuvent et devraient
interagir en nous, chaque mode de culte faisant partie de cette intégrité de
l’âme et d’être que nous célébrons le Premier Mai. Mais il y a une signification
plus profonde. Dans cette acceptation du sexe, de la vie sexuelle et des
plaisirs il y a aussi une acceptation de la mort. Le sexe et la mort sont
inextricablement liés. Voilà un autre mystère et un autre Accomplissement que
nous devrions nous efforcer d’aimer et comprendre. Sans sexe il n’y a pas de
vie. Sans vie il n’y a pas de mort. Ce sont tous les jours des opposés, pas
uniquement le Premier Mai. Notre acceptation du don du sexe constitue notre
acceptation de la nécessité de notre mort. Il n’est pas là question de chagrin.
C’est une vérité joyeuse qui est annoncée dans l’amour du Premier Mai. Il faut
noter que le noir, la couleur de la mort, est généralement considéré comme très
sexy. Notre inconscient nous parle souvent de grandes vérités que nous préférons
ignorer.
L’arrivée de l’Eté est un accomplissement des saisons. Nous considérons que nous
faisons partie des progrès de l’année, progressant comme le fait le Dieu, ce qui
est représenté en nous par le plein exercice de nos facultés mentales,
spirituelles et physiques. Nous devons vivre libres, mais reconnaître, comme
devaient le faire les adeptes de Diane à Corinthe, que servir c’est la liberté
parfaite, un slogan emprunté par les chrétiens mais dont beaucoup trop hélas
n’ont rien fait de tel.
Ce n’est pas seulement notre corps que nous célébrons mais ces attributs que nos
cérémonies de l’Année Croissante ont mis en avant : La bonne volonté, la
Purification de l’Esprit et l’intention, le Dévouement à l’idéal et la Déesse en
particulier et l’Accomplissement de ceux-ci dans le festival du Premier Mai. Le
plus important est que l’homme respecte la femme et qu’il la considère comme son
égale. Puis il y a la vaillance du Dieu, Son dévouement à la vérité et à
d’autres. Il sait que Son amour s’achève au Solstice d’Eté, mais il reste
néanmoins un adorateur qui sait que dans l’acceptation de cet amour la mort est
également acceptée. Voilà ce qui prouve la divinité réelle dans un homme et
telle est la véritable signification du Héros qui n’est pas un simple macho.
Les attitudes païennes dont on voit des exemples dans la légende de Robin des
Bois et celle du Roi Arthur nous rappellent la place que nous devrions prendre
dans l’ordre des choses, dans le respect de soi que nous devons à nous-mêmes et
ce même respect que nous devons aux autres.
Nos corps sont importants. Ils ont leur propre expression et c’est par cette
expression que nous expérimentons l’amour sexuel, qui, abordé comme si nous nous
approchions d’un autel, peut devenir le joyau de l’amour lui-même.
L’amour sexuel prend de nombreuses formes. Il s’agit d’un don de joie que nous
fait la Déesse et une expérience libératrice. Il s’agit d’un voyage
d’exploration dans lequel on peut en apprendre beaucoup sur nous-mêmes et nos
partenaires et à renforcer nos relations. Il est possible que certains d’entre
nous soient attirés par des personnes du même sexe, ce peut être le chemin de
notre vie. Qu’un homme soit attiré par le divin est un autre chemin ou qu’une
femme soit attirée par la Déesse en est encore un autre, il n’y a pas à s’en
étonner ni à le censurer. C’est, et c’est très important, la qualité de ces
relations qui comptent. Bien que ces unions soient physiquement stériles, grâce
au dévouement et l’amour en jeu, elles accouchent souvent de grands idéaux et
d’un grand art. Elles ne sont en rien incompatibles avec le paganisme, car, même
sans homosexualité active, certaines des plus grandes amitiés et amours ont eu
lieu entre un homme et un homme ou une femme et une femme. Nous devons aussi
nous souvenir que nous sommes tous bisexuels dans une certaine mesure car le
Dieu est dans la femme et la Déesse est dans l'homme. Comme je l’ai déjà dit,
l’androgyne, symbole d’achèvement et de guérison, est l’un des personnages les
plus importants dans la psychologie et le mythe. Les cérémonies du Premier Mai
ont cette qualité de guérison qui leur sont inhérentes et elles insistent sur
l’unité que nous désirons tous.
Pour la plupart d’entre nous nos vies sexuelles sont essentielles. C’est dans
l’expression que nous en avons que nous devons nous méfier. Les rapports sexuels
occasionnels et sans importance, ceux auxquels on ne pense pas ou pour lesquels
on ne se protége pas peuvent être avilissants. Ils sont finalement peu
gratifiants et ne sont que le simple produit de la paresse et de la luxure
maladroite, ils sont le lot de ceux qui sont mal préparés à avoir des rapports
plus satisfaisants et apportant plus de plaisirs. Le Premier Mai dans le sang
peut avoir sa place, de temps à autre, mais le véritable amour et ses
récompenses doivent attendre une épreuve plus longue que les accouplements
bestiaux et les satisfactions rapides. Nous ne pouvons pas vivre correctement
sans voir que, par notre être même, nous faisons des demandes à d’autres tout
comme ils vont forcément nous en faire et c’est à nous d’évaluer ces demandes
au-delà de la recherche de plaisir égoïste. Dans le sexe nous pouvons
momentanément nous compléter nous-mêmes, étant l’amant et l’aimé. Une telle
expérience de l’Unité, c’est aussi un sommet de total abandon de soi à l’autre,
un lâcher prise total et un autre devenir.