Chapitre 1 - Airline (première partie)

par R. Deutsch version française Tof & Néphilim
 

Assise près de la cheminée, l’enfant aux cheveux roux regardait la flamme et voyait de petits êtres. Parfois, en jouant et sans vouloir leur faire du mal, elle plantait le tisonnier dans les charbons et ils grimpaient dessus et essayaient d’aller vers elle. Elle pouvait les voir et eux aussi sans doute car toujours ils la saluaient. Elle pensait donc que tout le monde pouvait les apercevoir. Avec l'innocence rusée d’un enfant, elle pensait que les petits êtres étaient un fait accepté mais dont on ne parlait tout simplement pas. Tout le monde savait qu’ils étaient là, c'était un peu comme si on savait que les dames allaient uriner quand elle s'excusaient d'aller se « repoudrer le nez ». Ainsi ces petits êtres avaient le droit d’exister sans qu’on ne les remarque. C’était peut être quelque chose d’embarrassant pour les adultes qu’elle voyait autour d’elle.
Ça aurait été certainement le cas si un des adultes avait entrevu ces élémentaux - des salamandres - qui habitent l’élément alchimique du feu. Mais jamais personne ne les entrevoyait. Et si cet enfant en parlait, ceux à qui elle s’adressait souriaient et répondait avec condescendance rassurante afin de rejeter cet univers des « contes de fées ».
« Quelle imagination! » disaient-ils en secouant la tête et étouffant de rage impuissante. Les salamandres étaient bien là, Arline Maxine Morris le savait déjà. Ils sont une véritable force surnaturelle et un élément puissant, parfois dangereux et ils peuvent causer des gros dommages s’ils s’opposent aux adultes « normaux, rationnels ». Pour l’enfant aux cheveux roux, ils étaient bienfaisants, ou tout aussi bienfaisants que les salamandres pouvaient l’être.

Presque trente ans plus tard, j’allais pénétré dans son appartement de Notting Hill Gate et j’allais voir un tapis en très mauvais état. Les petits êtres l’avaient attaqué, mais il n’y avait pas de feu, sauf celui de la plaque électrique, « physiquement, normalement » présent. L’élément de Maxine Sanders est le feu.
Au milieu d’une nuit, Arline s’est réveillée au son d’une bagarre dans la cuisine au-dessous de sa chambre. Elle s’est glissée dans l’escalier et a vu son père, Victor, qu’elle avait appris à craindre et redoutait sa violence (un trait de caractère qu’elle n’a toujours pas perdu encore aujourd’hui). Il était en train d' agressé un homme qui avait tenté de tricher aux cartes. L’homme reculait comme le fait un tricheur, la vaisselle volait dans tous les sens et la lutte n’a cessé qu’à l’aube quand son père, épuisé, en est sorti vainqueur.
« Bon Dieu… » a proféré l’inconnu malgré une lèvre fendue, « bon dieu quelle bagarre, Vic. Je ne tricherai plus jamais ». Maxine Sanders avait vu beaucoup de violence. Elle détestait la violence, mais ce qu'elle détestait encore, c'était les tricheurs.
A l’âge de dix ans, déjà grande pour son âge, rousse et arrogante, elle avait gagné une centaine de livres en participant aux parties de poker de son père qui était un joueur professionnel. La vie de la famille d’Arline (Victor, Dorsi, Arline et sa sœur cadette) alternait entre richesse et extrême pauvreté . Dès son plus jeune âge, elle avait appris à s’attendre à l’inattendu. Lorsque son père avait une fois de plus tout perdu, Arline décidait que trop c'était trop: elle avait pris les cent livres et avait acheté un chalet à sa famille. Ainsi la propriétaire de dix ans avait amené triomphalement sa famille dans leur nouvelle maison.
L’élément de hasard a toujours joué un rôle important dans la vie d’Arline, une des motivations de Maxine à devenir une sorcière a été le désir de contrôler son propre destin. C’est probablement vrai pour la plupart des personnes qui deviennent Sorcières, croyant qu’ils apprendront à voir l’avenir et contrôler les gens et les événements de façons mystérieuses. Ils le peuvent, bien sûr mais le chemin n’est pas facile.
J’ai entendu Maxine décrire la sorcellerie comme une religion de prospection. Il y a d’une part le fait qu’après des centaines d’années de persécutions, les Wicca ont dû reconstruire leurs traditions en partant d’éléments fragmentés. D’autre part, il y a aussi le fait que traditionnellement la sorcière représente l'oppression. Jeanne d’Arc et Robin des Bois, qui étaient vraisemblablement des sorciers, auraient bien compris l’Evangile d’Aradia :

Vous qui êtes pauvres et affamés,
Et souffrez dans la misère et subissez
Souvent l’emprisonnement, et pourtant avec tout cela
Vous avez une âme ...
                                   * * *
Chaque fois que vous aurez besoin de quoi que ce soit,
Une fois dans le mois, et mieux encore
Lorsque la lune est pleine,
Vous vous réunirez quelque part dans une forêt,
Pour adorer l’esprit puissant de votre reine...
Et vous serez tous libérés de l’esclavage,
Et alors vous serez libre en tout.

 

(à suivre)


 

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