Chapitre 4
Foutues Pommes de Terre (sixième partie)
par
R. Deutsch version française Tof & Néphilim
Dorsi, dont la compassion pour les souffrances d’autrui ne
semblait pas aller jusqu’à Christine, s’est esclaffée bruyamment. Jocelyn a eu
un petit sourire. Le malaise de Mabel s’est transformé en un air renfrogné et
sévère vis-à-vis de Maxine.
La jeune Maxine était très heureuse de la consternation qu’elle avait causée. «
Alex, Christine est chauve. Elle est chauve comme une boule de billard, Alex, tu
ne l’as pas remarqué ? Elle s’est fait avorter deux fois lors trois dernières
années et son médecin croit que ses cheveux sont tombés à cause de ce qu’elle a
pris pour avorter et à cause de sa nervosité et du stress. Mabel meurt d’envie
de vous demander de faire quelque chose pour elle, bien sûr je ne devais pas
mais ma mère ne vous le demandera pas à cause de cette pomme de terre, et ... »
Alex a fait une grimace.
«... J’ai pris sur moi de vous demander. Oh, s’il vous plaît, Alex, faites un
peu de magie pour que Christine ait quelques cheveux. »
Elle s’est rassise avec un petit sourire.
« Elle ne sort plus jamais » Dorsi l’observait froidement, « La pauvre est
terrorisée à l’idée d’être ridiculisée en public. »
« S’il vous plaît essayez de faire quelque chose pour ma fille » a enfin dit
Mabel. Alex a regardé de l’une et l’autre, il a réfléchi un instant puis il
s’est levé et a marché sur la terrasse. Il est retourné vers la table. « Restez
là » a-t-il dit et il a descendu les quelques marches qui menaient au jardin.
Il a fait une pause d’une seconde et a respiré profondément, en remplissant ses
poumons avec l’air chaud d’été. Il a marché lentement, appréciant les roses
plantées de chaque côté. Les fleurs, les arbustes, les arbres, les touffes de
mauvaises herbes qui envahissaient tout ce qui était à leur portée. Les
chardons, les pissenlits, les lentilles d’eau. Et une masse de gypsophiles, qui
pour une raison connue d’elle seule, obsédaient Dorsi à tel point qu’une année
elle en a planté plus de quatre vingt mètres. Quelque part sous terre il y avait
peut-être un morceau de papier dans le reste d’une pomme de terre qui avait
commencé à pourrir presque une année plus tôt.
A la fin du massif de fleurs et des mauvaises herbes, qui s’étendait sur une
centaine de mètres de chaque côté du chemin, il y avait une zone en forme de
croissant. Maxine l’appelait le Sucrier. Avec sa beauté sauvage et naturelle,
c’était un lieu parfait pour une pratique sorcière. Alex a continué à marcher le
long du chemin jusqu’au lac qui était entouré de chênes. Christine y nourrissait
les cygnes dans le calme.
« Christine est-ce que je me joindre à vous ? »
« Votre mère m’a demandé de jeter un sort pour tenter de faire repousser vos
cheveux. Aimeriez vous que je fasse quelque chose pour vous ? »
Christine regardait l’eau. « Je ne crois pas en la Sorcellerie. » Puis elle dit:
« j’avais un petit ami, mais il ne veut plus sortir avec moi parce qu’il pense
que mes cheveux sont si affreux que ses amis se moquent de lui dans son dos.
Elle avait vingt-deux ans et à part sa calvitie elle était très attirante - de
taille moyenne, avec un beau décolleté et des rondeurs là où il faut. Ils ont
parlé pendant vingt minutes et finalement Christine a convenu qu’il n’y avait
pas de mal à ce qu’Alex tente de lui venir en aide. Elle ne croyait pas en la
sorcellerie, mais elle croyait que les miracles arrivent parfois si on en était
digne et qu’on y « croyait vraiment ».
Ils sont retournés ensemble jusqu’à la terrasse et Alex a informé le groupe que
Christine acceptait qu’il travaille pour elle. Il allait faire une lotion
magique, il lui faudra une semaine pour la préparer. Pendant ce temps Christine
devait cueillir un petit bouquet de romarin. Tous les invités présents devaient
se revoir le dimanche suivant.
A l’heure du thé, le dimanche suivant Dorsi bouillait d’impatience. Aucun de ses
gouters précédents, aussi élaboré fut-il, n’avait été aussi important que celui
qui allait venir. Maxine, Dorsi et leurs cinq invités étaient assis autour de la
terrasse et attendaient le magicien.
Il est enfin apparu et, enlevant son manteau, on a pu voir son vêtement magique
blanc et lumineux. Sa ceinture était en or.
« Elle en a ! Elle en a ! » lui a dit Dorsi lorsqu’il est arrivé dans la pièce.
« Qu’est-ce qu’elle a ? » a demandé Alex, avec un regard montrant qu’il était
vraiment sincère. Maxine, qui pouvait entendre de la terrasse, a sourit
intérieurement: « Il espère probablement que j’ai contracté une maladie rare et
encore incurable. »
«L’herbe! »
«Qu’est-ce l'herbe ? »
Dorsi fut prise de panique. « Christine a apporté un bouquet de romarin ! »
« C’est très gentil de sa part. Mais est-ce que je peux demander ce qu’elle peut
bien vouloir en faire ? »
C’en était trop. Les meilleurs steaks qu’elle ai pu trouver, des chapons, des
champignons frais et des légumes peu commun et des accompagnements qui avaient
coûté les yeux de la tête, des crêpes fourrées à la crème glacée, des fruits
frais et des fromages, ses invités attendaient un miracle, et un magicien raté.
« Pourquoi ? Pourquoi ??? Tu ne te souviens plus de la magie et des cheveux de
Christine ? »
« Oh, ça. Oh, oui, je me souviens. » Dorsi a soudainement réalisé qu’elle était
en train d’admonester un Grand Prêtre en Sorcellerie qui lui avait été envoyé.
Il ne voulait pas gâcher la fête, après tout. Que ça marche ou pas, il y aura
une cérémonie magique.
(à suivre)