Le Temps du Châtiment (3ème partie)
par J.Jones
version française Tof
Quand il a senti qu’il maîtrisait la compréhension de la magie, la pratique des rituels et de l’auto-préparation, il a choisi une date pour la cérémonie : les vacances de Pâques, à ce moment il aurait trois jours pleins de congés, le temps exact nécessaire aux rites de purification.
La cérémonie a été précédée par un jeûne de neuf jours où il n’a pu rien manger et il n’a rien bu de plus fort que du jus d’orange. Bien que les préparatifs étaient quelque chose de neuf pour lui, les rituels étaient d’une certaine manière comparables à ceux de la sorcellerie, car si un magicien n’est pas nécessairement une sorcière, de nombreuses sorcières sont aussi des magiciens, la différence principale étant qu’un magicien peut travailler seul, et il le doit souvent, alors que sorcières ont besoin d’un coven, et les dieux qu’ils invoquent ont des noms différents.
Au début des trois jours de purification, Alex a verrouillé la porte de sa chambre et, comme un géant qui se promenait à Lilliput, il s’est assis devant sa forêt miniature et s’est mis à invoquer le pouvoir – avec crainte tout d’abord puis avec plus d’audace à mesure que les sorts et incantations s’emparaient de lui. Jour et nuit, avec de brèves pauses le temps de boire de l’eau et de dormir assis, il a poursuivi, ne doutant jamais qu’il parviendrait à atteindre son but. Mais il n’avait aucune indication quant à la façon dont cela se concrétiserait.
Puis le dernier jour il a entendu un bourdonnement dans l’air, il se sentait faible et abattu et il a vu de petites crêtes se former dans le sable devant lui. Obéissant aux instructions qu’il avait apprises par cœur, il a recopié les mots qui apparaissaient, les uns après les autres, à la surface du sable. Il s’agissait des noms des esprits qu’il avait invoqués. Puis, sur la surface de l’argent, il a vu une goutte qu’il a prise pour la marque de l’ange. Répétant les noms qui étaient apparus dans le sable, Alex a demandé aux esprits de se faire connaître, de l’aider et le conseiller, de le purifier et le réconforter. L’air a frémi, puis ce fut le calme et la voix, quand elle parlait, semblait venir de tous les coins de la pièce.
« Tu vas parler au monde de ce que tu as. Tu seras persécuté à cause de cela, tu vas perdre des amis, tu vas tout perdre avant de recevoir la récompense du travail que tu as entrepris. »
Il y a eu un tremblement dans l’air et puis plus rien. Le charme était rompu. Epuisé mais heureux, Alex a essayé de ne pas être déçu par le message obscur, il n’offrait pas beaucoup de réconfort, mais il pensait que son dieu devait lui avoir pardonné. Il a enlevé les objets et vêtements et a remis la pièce dans son état normal.
Après s’être remis de l’épreuve, il a consacré ses loisirs à la recherche d’autres sorcières sans révéler qu’il en était une lui-même. Un soir, en regardant la télé chez un ami il vu une jeune fille prétendant être une sorcière qui disait : « Puis, je lève mon athamé pour créer le cône de pouvoir . . . »
Pour Alex ce fut comme s’il avait été foudroyé, ces mots étaient tirés du Livre des Ombres. Est-ce que cette demoiselle en avait une copie ?
Il a tout de suite écrit aux studios de télévision en joignant une lettre à transmettre à la demoiselle. Il a dû attendre trois semaines avant d’avoir une réponse l’invitant à en dire plus sur lui-même
Alex a répondu qu’il s’intéressait à la sorcellerie et qu’il aimerait rencontrer de vraies sorcières. Environ une semaine plus tard, après son travail, un étranger l’a appelé.
« Je suis un ami de la sorcière à qui vous avez écrit » a-t-il expliqué. « Elle et son mari ont une petite réunion de leur coven ce soir et ils se demandent si vous voulez venir.
Le jeune homme a emmené Alex dans une maison à quelques kilomètres de là, ils sont arrivés les premiers. Tout en gardant secret son état de sorcière, Alex s’en voulait d’être aussi prudent, mais les vieilles habitudes ne sont pas faciles à changer. Dès qu’il a pu, il a orienté la conversation sur les rites des sorcières, mais la femme qui se qualifiait elle-même de grande prêtresse, a vaguement fait référence à Diane la déesse des sorcières et a refusé d’en dire beaucoup plus. Alex fut ragaillardi quand les autres sont arrivés et l’hôtesse a dit que le groupe allait maintenant tracer le cercle.
Une fois encore il a été déçu, car, au lieu de sortir l'épée, l’athamé, l’autel et les pentacles que lui et sa grand-mère utilisaient, le groupe a regroupé des chaises et formé un cercle semblable à celui d’une réunion spirite. Alex a essayé de poser des questions sur les rites, mais les participants croyaient sincèrement qu’ils pratiquaient la sorcellerie. Peut-être était-il l’unique sorcière encore sur terre.
Les années avaient enseigné à Alex que de nombreux covens utilisent des rituels très différents de ceux de sa grand-mère, mais la plupart d’entre eux présentent des similitudes basiques, comme les noms des Gardiens des Tours de Guet, les points cardinaux symboliques du cercle - Boreas au nord, Zephyrus à l’ouest, Eurus à l’est et Notus au sud. A cette époque pourtant il n’avait pas l’expérience des pratiques des autres groupes et il était profondément déçu. Sur le chemin du retour il l’a dit au jeune homme qui l’avait amené et lui dit qu’il ne reviendrait plus.
« Je ne te blâme pas » fut sa réponse. « Ils m’ont promis de m’initier depuis des semaines et je commence à croire qu’ils ne savent pas comment faire. »
Alex l’a questionné et a décidé de lui faire confiance. « Je suis une sorcière, initiée au troisième degré » a-t-il annoncé et il a expliqué qu’il ne pouvait pas prendre part à des pseudo-séances spirites comme celle à laquelle ils venaient d’assister. Il ne s’agissait même pas d’imitations de véritables Esbats - les rencontres du coven. Il a ajouté qu’il cherchait un moyen de trouver de véritables sorcières afin de pouvoir pratiquer son culte avec elles.
« Initie-moi » l’a exhorté son compagnon. « Tu aurais alors un coven de deux personnes et je te promets que je ferai tout ce que tu me demanderas. »
Alex a expliqué qu’aucune sorcière homme ne peut initier un autre homme et qu’une femme ne peut initier une autre femme. Les lois naturelles de la sorcellerie, qui considèrent l’homosexualité comme un déni du principe de base de la fertilité, insistent pour que l’homme soit toujours associé à la femme, en particulier lors d’une cérémonie aussi personnelle que l’initiation.
(à suivre)