Le Rituel

Je sors de ces réflexions, et je me rends compte que là bas, à l’horizon, une lueur rosée apparaît à peine. Voilà l’est. Je sais donc où est le nord ! Et voici aussi le feu, le feu que je cherchais vainement ! Quoi de plus normal un 1er août !

Merci, merci de m’avoir amenée là, merci de m’obliger à ritualiser de la façon la plus simple, sans artifices, avec le soleil naissant à ma dextre et la lune encore présente à senestre. Les Dieux sont avec moi comme jamais.

C’est le cœur léger que j’arrive au bord de l’eau. Tiens, juste en face de mes vêtements, toujours pendus à leur branche. Je les devine dans la faible clarté qui nimbe les alentours.

Et je vois aussi le buisson couvert de baies, qui tombent fort à propos. Je m’étais rendue compte tout à l’heure que si je trouvais des pommes elles seraient bien loin d’être mûres et comestibles ! Et si j’avais trouvé les baies plus tôt sur le chemin j’aurais été bien ennuyée, n’ayant rien où les ranger.

A présent il ne me reste qu’à tresser mon collier et ma jarretière et je pourrai faire ce pour quoi on m’a appelée…. Pardon, ce pour quoi les Dieux m’ont appelée.

Ce petit tressage est une façon de commencer à méditer, je me centre d’une certaine manière, je suis assise sur la terre nourricière et mes doigts tressent pendant que ma tête se vide de toutes pensées parasites. Je suis de nouveau totalement ouverte aux sensations. Le bruit de l’eau, la clarté qui va croissant, la caresse du vent sur mon corps nu, son bruissement dans l’herbe, les premiers chants des oiseaux, l’humidité qui monte de la terre, l’odeur végétale qui m’enveloppe. Les éléments sont là, forts, omniprésents, et moi je suis la toute petite représentante de la race humaine qui dès sa première minute sur terre a commencé à en bouleverser l’équilibre. Je suis là pour honorer la création en leur nom à tous.

Depuis un certain temps déjà mes rituels se sont simplifiés, mais je sens qu’aujourd’hui je me dois de faire les choses en grand. Je revêts mes ornements, je plante la branche fourchue en terre, je place la pierre et les herbes, je trace le pentacle, je me centre encore et enfin j’appelle les quatre éléments. Ca me fait drôle de les « appeler » alors que je les sens tellement présents. Je devrais plutôt les saluer humblement…. J’ai l’impression qu’à chaque appel l’élément concerné me répond, l’eau coule plus fort, le feu brûle plus fort, le vent souffle plus fort, la terre est plus présente sous mes pieds. Je suis devenue une plante, partie intégrante de ce grand tout. Une plante grande et fière, débarrassée de son aspect citadin, une plante qui se sent puissante et qui pourtant pourrait être anéantie en une seconde par n’importe lequel des éléments que j’invoque ici.

J’appelle le cinquième élément et le sort est noué. Je peux à présent tracer le cercle. Je crée l’ultime rempart qui me sépare du monde des humains. Je suis à présent entre les mondes, à l’abri derrière un rempart aussi puissant qu’invisible.

Je me sens extrêmement émue. Il me faut un petit moment avant de pouvoir appeler le jeune Cornu, la resplendissante Diane, le vieux Cornu et la mystérieuse Hécate. Moi si habituée à lire mon rituel je dois à présent improviser un peu en puisant dans mes souvenirs. Certains mots me reviennent, d’autres me viennent tout simplement, soufflés par le cinquième élément. Demain je ne me les rappellerai plus. Mais aujourd’hui ils sont forts, ils jaillissent d’un ailleurs spacio temporel, d’une vie précédente peut être, d’un moi que j’ignore mais dont je sais qu’il existe. Une notion abstraite difficile à exprimer.

Un bref instant je pense à mes collègues qui parfois disent « en regardant ce film j’étais toute…. Je sais même pas comment dire » Que diriez vous si vous étiez à ma place ! Là oui, je me sens habitée, investie d’une puissance qui est moi sans être moi, là oui je me sens « je sais même pas comment dire ».

A présent que les éléments et les puissances ont été dûment appelés dans mon cercle je dois prononcer le credo des sorcières, et…. Forcément je ne le connais pas par coeur. Je me replie en moi-même et j’y puise les paroles de mon sabbat. J’y parle des saisons qui passent, des lunes qui croissent et décroissent, des jours et des nuits qui rallongent ou raccourcissent, du Cornu magnifique et puissant, de la Déesse que je ressens belle et aimante, je parle de la nature magnifique et vierge qui m’entoure, j’essaye d’être poétique, peut être le suis-je.

Je remercie les Dieux à haute voix pour cet instant qu’ils m’ont imposé pour mieux me l’offrir. Se mettre à nu pour mieux comprendre.

Je me sens plus sorcière que jamais. Je me surprends même à danser et à chanter. Un chant inarticulé, sans paroles, mais un chant puissant, viscéral, spontané, presque chamanique.

Je ne peux pas prendre le pentacle et le présenter aux points cardinaux, alors je prends une poignée de terre et je fais ce qui est nécessaire. Je fais ensuite trois fois le tour du cercle. Je dis les paroles que je connais, et cette fois je ressens leur vérité.

Enfin je m’assieds, reconnaissante, sur la terre nourricière, je bois un peu de l’eau de la rivière,

Je suis heureuse de me trouver là et je sais que je serai heureuse aussi de retourner à mon autre vie.

Je me lie aux Dieux avec le goût de l’eau claire, la vue du soleil qui embrase à présent tout l’horizon, l’odeur des herbes aromatiques, le toucher de la terre et le chant des oiseaux.

Je mange quelques baies, je médite encore un moment et puis je sens que j’ai fait tout ce qu’on attendait de moi.

Je remercie les Dieux de m’avoir assistée et d’avoir veillé sur moi. Je défais le cercle. Le rite est achevé.

Et puis je reste là jusqu’à ce que le soleil soit complètement levé. Le ciel a pris sa couleur bleue estivale, il ne reste pas la plus petite trace de rose. La lune est toujours présente. Je lui souris.

Et après un dernier regard à mon lieu sacré d’un jour, je me laisse glisser dans l’eau froide pour rejoindre l’autre bord, le côté des vivants, le côté des humains, le côté du quotidien. Je termine ce processus de retour à ce qu’on appelle la civilisation en enfilant mes vêtements, mais je n’arrive pas à me décider à mettre mes sandales. Je voudrais garder encore un peu le contact avec la terre.

Je ne cherche pas à m’orienter. Je laisse mes pas me guider et lorsque j’arrive devant ma demeure le soleil est haut et la lune a disparu. J’ai définitivement repris pied dans la réalité, mais finalement, je me le demande : tout cela a-t-il vraiment eu lieu ? que me reste-t-il qui le prouverait ? Rien. Pas de « preuve tangible ». Juste le sentiment très profond que « oui c’est arrivé » et en passant le seuil de ma maison je décide que ce sera définitivement ma vérité.

 

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Le Cercle de la Pierre Sorcière Wica, Wicca et Sorcellerie