Vu de l'extérieur

 

« Ah le camping ! Y’a que ça de vrai »

Jean regardait Sally, du bonheur plein les yeux. Elle avait l’air moins emballée.

« Ben…. Considérant que ça fait 3 nuits que je ne dors pas à cause de la pluie, et qu’après ce premier jour de soleil nos voisins de tente fêtent ça en jouant du djembe et en fumant je veux pas savoir quoi…. Je t’avoue que je commence à rêver d’un hôtel avec des murs qui ne laissent passer aucun bruit, un plafond pour me tenir au sec et un bon gros matelas sur lequel je puisse faire l’amour sans me fusiller le dos

- en voilà une bonne idée ! Faisons le maintenant

- aller à l’hôtel ?

- non : l’amour ! Si tu veux un bébé faut y mettre du tien

- j’ai peur que si on le démarre maintenant il ne ressemble aux barges d’à côté. Si on faisait plutôt un tour ? Ils seront peut être calmés d’ici qu’on revienne ? »

Après tout… pourquoi pas ? C’est vrai que vu la pluie des jours précédents ils n’avaient pas encore vraiment découvert les environs. La chaleur du jour avait tout séché, autant en profiter. Sally enfila un de ses shorts dont elle disait qu’elle les avait achetés en soldes et qu’il n’y avait que 50 % du tissu. Elle savait que Jean les trouvait à la fois indécents et follement excitants (ceci expliquant cela ou l’inverse). Déjà qu’il était d’humeur badine….
Ils sortirent de la tente, salués par les percussionnistes enfumés. Jean leur rendit leur salut avec enthousiasme. Lui il aurait volontiers fait l’amour là, tout de suite, sur ces rythmes qu’il voulait croire tribaux ! Bah ! on verrait au retour. Vu la taille du short de Sally, il sentait qu’il avait « une ouverture »

« Bon, on va par où ?

- je sais pas…. Par là ?

- ok c’est parti »

Ils marchèrent un petit moment, main dans la main. Sally s’émerveillait de tout : un caillou, une fleur, un buisson, un papillon, une odeur. C’était toujours comme ça avec elle : le soleil la rendait gaie et romantique. Jean, plus terre à terre s’émerveillait d’elle : ses jambes, ses cheveux, son rire, ses taches de rousseur, sa voix.

La différence était que si le temps tournait au gris Sally devenait morose, alors que Jean s’émerveillait toujours autant d’elle.

Pour l’instant il la regardait essayer de discipliner ses cheveux, lorsqu’elle dit

« crotte »

Le mot le fit retomber sur terre, et si elle ne l’avait pas retenu il serait tombé bien plus bas. En effet, ils étaient au bord d’un escarpement, cinq bons mètres de vide à leurs pieds.

Mais quand le soleil brille sur Sally il en faut bien plus pour la déstabiliser.

« Bah, ça fait rien, on n’a qu’à marcher le long du bord, il finira bien par y avoir un chemin qui descend. Au pire on fait demi tour. N’importe comment il est encore tôt, et il fait jour longtemps »

Ils marchaient depuis une petite demi heure, regardant parfois vers le bas, lorsqu’ils entendirent un bruit indistinct de conversation. Personne devant, personne derrière…. Restait le bas. Ils se penchèrent prudemment pour découvrir un petit groupe rassemblé parmi les roches en dessous d’eux. Jean réagit le premier :

« Je rêve ! ils sont à poil !

- pourquoi pas ? le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils risquent pas de se faire remarquer ici. Enfin… à part par nous. Je me demande bien ce qu’ils font là ? Un trip genre « communion avec la nature » ?

- moi je dirai plutôt un trip « pas très catholique ». Y’en a une  avec les yeux bandés dans le coin là bas

- quoi ?

- regarde ! purée ! si j’avais un portable j’appellerais les flics

- ben oui mais t’as pas de portable ! Et puis d’ailleurs tu leur dirais quoi ? Je suis quelque part au dessus d’un groupe de personnes à poil qui vont se faire un machin SM entre adultes consentants ?

- adultes, on n’est pas sûrs, consentants on en sait rien. Et puis parle moins fort, avant qu’ils nous remarquent.

-c’est quoi sur le rocher plat là bas ?

- où ça ? oh merde ! Des couteaux des bougies et un machin avec une étoile à 5 branches ! À tout les coup c’est un groupe sataniste

- n’importe quoi ! si c’était le cas ils porteraient des grandes toges noires, et je ne vois nulle part de chat, de poulet ou de bébé à sacrifier

- c’est ça, moque toi de moi ! En attendant c’est bizarre. Dommage qu’on n’entende rien ! »

 Cette simple remarque les fit taire tous deux. Mais même ce faisant ils ne saisissaient le moindre mot. Ils étaient partagés entre l’envie de « faire cesser tout ça », celle de retourner au camping chercher de l’aide, et celle de rester regarder. Finalement, la curiosité étant souvent la plus forte, ils s’allongèrent sur le sol, la tête par-dessus bord et regardèrent de tous leurs yeux. Ils pourraient toujours prétendre que c’était au cas où il leur faudrait témoigner si ça tournait mal….
En bas le groupe se mit en mouvement. Ils formèrent un cercle alternant hommes et femmes.

La personne aux yeux bandés fut amenée au milieu d’eux. Un personnage qui semblait plus important s’avança vers elle et lui parla. Puis il prit un couteau sur le rocher plat. Sally serra plus fort la main de Jean, elle ferma les yeux… mais n’entendant aucun cri les rouvrit aussitôt.

Le couteau était posé contre la poitrine de la jeune femme et un court dialogue s’instaura entre elle et l’autre. Le « grand ouistiti » comme l’avait d’ores et déjà baptisé Sally. Celui-ci emmena la jeune femme autour du cercle, plusieurs fois, puis il fit sonner une cloche, parla encore.

« Zut, dit Jean, on n’entend vraiment rien du tout

- tu veux peut être que je leur demande de parler plus fort ?

- très drôle »

En bas la cérémonie continuait.

« Oh c’est pas vrai ! il lui attache les mains ! J’espère que ça va pas finir en partouze ! »

Jean la regarda, goguenard.

« Pourquoi pas ? ça pourrait t’inspirer !

- très drôle !

- chacun son tour ! »

Celle que Sally avait mentalement surnommée « la victime » était à présent agenouillée et…. se faisait fouetter ! Ce fut le tour de Jean de s’offusquer

« Ah ben je comprends qu’ils aillent s’isoler ici ! Y’a vraiment des gens qui ont une vie compliquée ! Et elle a pas l’air de s’en plaindre ! Et les autres qui regardent….

- euh…. Nous aussi on regarde si tu vas par là ! et puis des fois, niveau sexualité, on est aussi un peu hors norme….

- oui, bon, mais c’est quand même pas pareil ! On fait pas ça en groupe ! »

La séance de fouet était à présent terminée. Le « grand ouistiti » parlait à nouveau et la « victime » lui répondait. Encore quelques coups de cloche et l’homme alla chercher divers liquides sur le rocher plat dont il oignit la femme, puis il l’embrassa. Il lui ôta son bandeau et ils s’embrassèrent encore. Là Sally en était sûre…. La partouze n’était pas loin. Pour le sacrifice elle était rassurée, mais pour le reste….

L’homme se dirigea encore vers le rocher plat, y prit une grande épée. Oh là ! Sally voyait à nouveau le sacrifice se profiler à l’horizon. Elle avait lu des trucs là-dessus, sur des victimes consentantes et contentes de l’être dans des cérémonies bizarres pour les solstices où d’autres occasions du genre.

« Jean, est ce qu’on est le solstice ?

- quoi ? non je crois pas ! On est indiscrets ça c’est sûr, mais pour le reste, non j’ai pas l’impression. C’est pas en juin le solstice ? On est en juillet là »

Finalement après un discours de l’homme l’épée fut reposée et il prit le couteau, le montra à la femme en lui parlant, et puis encore un autre couteau, une baguette, un objet rond que Sally n’arrivait pas à distinguer nettement, et le fouet, et une espèce de cordelette. Puis il prit une autre cordelette avec laquelle il prit les mesures de la femme, toujours en discourant. Et ils refirent un tour devant tous les autres.

Ensuite une autre femme quitta le groupe, le « grand ouistiti » s’agenouilla devant elle lui embrassa les pieds, les genoux, le sexe, la poitrine, la bouche. Sally relégua le concept de sacrifice pour revenir à la partouze. Elle en fut d’autant plus convaincue que la femme s’allongea sur le sol, les bras en croix et les jambes écartées, l’homme s’agenouillant devant elle.

« Jean ! ça devient hard core là !

- mais non regarde, y’en a deux autres qui font un truc avec une coupe et un couteau. Ah, la femme se relève, c’est elle qui prend la coupe maintenant et le type y trempe son couteau. Et maintenant ils se passent la coupe comme quand on communie à l’église. Sally…. Sally ? t’es toute bizarre, qu’est ce qui t’arrive ?

- je sais pas, tu sens pas comme une espèce de … d’énergie qui monte de chez eux ? Je sais pas comment l’exprimer…. C’est comme un … truc… je me sens bizarre, très… cool ? »

En effet elle avait l’air « cool » un drôle de sourire flottait sur ses lèvres. Elle s’était complètement détachée de la scène qu’elle avait avidement suivie jusque là, elle semblait ailleurs. Jean se contentait de la regarder, attendant une suite. Il fallut quelques minutes avant qu’elle n’ouvre la bouche à nouveau.

« Tu sais quoi Jean ? On va faire notre bébé ici et maintenant. Je suis sûre qu’il va commencer à grandir en moi dès cette nuit. Je ne sais pas ce qu’ils ont fait là en bas, mais ça m’a l’air hautement magique. En tout cas ça dégage quelque chose de puissant »

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Le Cercle de la Pierre Sorcière Wica, Wicca et Sorcellerie