Feri, Conscience et Transformation

de Marcella Salisbury

Quand j'ai commencé à étudier la Tradition Feri, je me rappelle que mon enseignant a dit certaines choses dont je me souviens très bien. Au moment où nous avons fait une pause, tous paraissaient un peu sinistres et je n'ai pas compris ce qu'il voulait dire lorsqu’il dit : « la Tradition Feri a tendance à attirer des gens très excentriques ». Il a aussi dit : « la Tradition Feri n'est pas un chemin facile. Si vous essayez d'y résister, elle peut vous briser ». Il a aussi dit que : « la Tradition Feri est une voie de transformation radicale, extatique » et je me suis dit : « Transformation ? En quoi ? Transformation radicale, pas moins! Etais-je bien sûr que c’était ce que je désirais ? Est-ce que j’ai souhaité risquer d’être brisé ? ».

Maintenant, deux ans et une Dédication plus tard, je commence à comprendre. Dans un sens, j'ai beaucoup changé. Dans un autre autre, je n'ai pas changé, je n’ai fait que re-devenir moi-même.

J'ai grandi dans une famille libérale sous l'ère Reagan / Bush, en écoutant mon père maudire les mauvais Républicains. On m'a appris à faire attention à ce qui arrivait dans le monde autour de moi, à la question de l'autorité et à écouter ma conscience. On m'a aussi appris à chercher une relation avec le Divin. Maintenant, le Divin avec lequel j'interagis actuellement n’est pas, je pense, ce que mon père -un Musulman américain libéral- entendait par Divin. Je ne pense pas non plus qu'il comptait sur moi pour être aussi méfiant face à l'autorité, l’immobilisme et aussi cynique vis-à-vis du « système ». Et je ne sais pas s’il a réellement fait le lien entre les deux. Ainsi, ma vie d’activiste a commencé très tôt. Je suis allé aux manifestations anti-nucléaires dès l'âge de huit ou neuf ans, portant des pancartes faites à la maison. J'ai écrit des lettres sur l’environnement et d’autres antimilitaristes au Président Carter quand j'avais sept ans. J’ai continué tout cela jusqu'à mes vingt ans : j’ai écrit des lettres pour Amnistie Internationale et d’autres organisations, j’ai adopté un style de vie végétarien à l'âge de seize ans, je me suis rendu à de nombreuses manifestations et recueilli des signatures pour des pétitions et, finalement, j’ai été arrêté à l'âge de vingt ans pour violation du Site d'Essai Nucléaire du Nevada.

Je ne veux pas vanter les mérites de mes actions d'activiste. D'autres ont fait infiniment plus. Vers l'âge de 21 ans, j'ai perdu la foi. Des crises personnelles, confusion d'identité et d'autres choses, m'ont écrasé et j'ai laissé tomber les manifestations, j’ai arrêté d’écrire des lettres et peu à peu j’ai lâché les groupes. Je me suis senti anéantie. Rien n'a semblé changer malgré tous mes efforts. On m’a énormément critiqué pour être aussi arrêté dans mes opinions. Les gens n'aimaient pas lorsque j'avais des convictions fortes et que je souhaitais les exprimer. Après un moment j'ai arrêté de les exprimer autant ou aussi fort. A un certain niveau, j'ai eu honte d’être connu comme une agitée, comme une « néo-hippie », comme quelqu'un de concerné.

C’est la Tradition Feri qui a rallumé cette flamme qui sommeillait depuis aussi longtemps. Toutes mes convictions et mes passions ne m'ont jamais quitté ; elles étaient juste en sommeil quelque temps. Mais, depuis que j'ai commencé à étudier selon la Tradition Feri il y a deux ans et encore plus depuis ma Dédication lors du dernier Solstice d'Hiver, dernier Solstice, les flammes ont commencé à s’embraser à nouveau. La conscience, le chagrin, l'affront sont constamment en moi et exigent d'être traduits en actions. Ainsi, après sept années sabbatiques, j'ai repris mes activités. Non seulement, j’écris des lettres et je me rends aux réunions, mais je fais aussi des choses plus modestes, plus simples, comme l'achat de produits bios, bien que je sois peu fortunée. Parce que je ne vois plus juste mon alimentation. Je vois le sol où a été cultivé ce que je mange et, si ce sol a été empoisonné, je vois le poison s’écouler dans les lacs et les rivières et l'eau que nous buvons. Je vois les manoeuvres sous-payés dans les champs respirant les pesticides et les toxines descendant vers les écoles voisines et les cours de récréation. Je vois la pluie, qui autrefois nous lavait, et qui brûle maintenant la peau de la planète. Je vois la force de vie (ou le manque) dans les légumes et les fruits et les céréales que je mange. Et je pense que je dois cette vision aux Déités.

Les Déités et le Divin sont la vie, la planète qui respire autour de nous, le vent et les nuages, les plantes et les animaux, les rivières et les lacs, les cinq éléments sacrés et nous aussi (et bien plus que cela, bien sûr). La voie de Feri, ainsi que la nouvelle pensée scientifique comme les Physiciens Quantiques par exemple, nous apprend que nous sommes tous fait exactement des mêmes substances de base ; mais, même cela, nous sommes en train de le modifier. Nous le savons à un niveau intellectuel ; mais, grâce à la Tradition Feri, je sens à un niveau cellulaire et spirituel que maintenant ce lien est dans ma conscience et mes émotions, à chaque minute du jour. Les fils de mon corps, de mon esprit et de mon âme sont tissés dans le tissu de l'Univers et je ne pourrais pas m’en séparer librement même si je le voulais. Aucun de nous ne le peut. Et quand d'autres essayent, nous saignons tous.

Je vois cela comme un réveil. Mon âme a commencé à s’éveiller à nouveau. Les Déités m'ont touché d'une façon puissante, douloureuse, ardente, extatique (certains d'entre eux ont fait plus que de juste me toucher, ils m'ont en réalité donné quelques solides coups de pied !) et m'ont dit que si je veux vivre, je ne peux plus être silencieuse. Je pense que si j'essayais, ils continueraient à me brûler jusqu'à ce que finalement je hurle ou que je meurs. Comme Gabriel m’en avait averti, ils me briseraient. Mais c'est parfait. Je dois crier.

Comment pourrais-je ne pas crier quand nos Dieux et Déesses et nous nous-mêmes sommes exploités, empoisonnés et détruits au nom des bénéfices des entreprises ? Quand les sociétés ont plus de droits et plus d'argent que certains gouvernements démocratiques et qu’elles peuvent faire couler leur poison dans nos gorges, nos estomacs et nos poumons ? Quand les criminels nous obligent à leur payer des millions de dollars pour les forêts qu’ils nous ont volées, juste pour les empêcher de massacrer les anciens arbres sacrés ? Si nous sommes de vraies sorcières, de vrais « Feri », nous devons crier. Et faire plus que pousser un cri perçant. Nous sommes extrêmement puissants. Nous avons tous notre façon différente et légitime de crier, d’utiliser l'énergie et de protester. Certains d'entre nous sont plus forts et plus politisés que d'autres. Mais je pense que nous le sentons tous et nous y travaillons tous.

Cela fait si mal parfois, que j’ai du mal à le supporter. Et ensuite, je suis récompensée au décuple avec des moments d'extase profonde et de transformation, quand la beauté et le fait d'être sacré inonde le monde en moi (pour moi cela touche le point Sexuel du Pentacle de Fer, la sensation physique de jonction avec le monde) et le plaisir d'être vivant est presque aussi dur à supporter que la douleur. C’est un orgasme spirituel (parfois même physique). Ce qu’il faut faire cependant, c’est traduire cette extase et cette douleur en action réelle, malgré les contingences liées à nos emplois, nos relations et nos efforts pour survivre au quotidien. Pour moi, particulièrement, je dois trouver des moyens de faire de tous les aspects de ma vie une action pour le changement, qu’il soit grand ou petit.

Certains changements que je souhaite prendront des années, peut-être des décennies, pour aboutir et certains sont instantanés, mais ils sont tous importants. Pour moi, la prière est action, qu’elle soit « mondaine » ou magique. J'aimerais à nouveau être arrêté pour une cause, placer mon corps entre les exploiteurs et la planète et j'espère que bientôt que j’en serai capable ; mais, comme je dois travailler à plein temps, je ne sais pas quand cela sera possible. Donc, je commence petit. Je mange bio. J’achète mes vêtements dans des magasins d'occasions au lieu du supermarché ; ainsi je ne soutiens pas les esclavagistes. J’écris des lettres et je me rends aux réunions qui concernent la vie locale. Je donne mon avis et je ne me soucie plus désormais de savoir si je dérange quelqu'un. Et bien sûr, je fais de la magie. Si tout cela me rend excentrique, eh bien soit. J'aime être excentrique et je ne me soucie plus désormais de ce que les gens pensent. Que quelqu'un puisse même avoir un avis à mon sujet me fait rire, en fait. Ne plus me préoccuper de ce que les autres pensent est un autre des changements que le travail Feri a provoqué en moi.

Ainsi, avec l'approche de Beltane, ouvrons-nous à l'extase et à la douleur de la vie dans ce monde beau, sacré, merveilleux et torturé. Puisons des forces dans le retour de la lumière et dans le flux d'énergie et utilisons-les pour transformer la profanation en respect, l'avidité en étonnement et la haine en guérison. Je pense que, d’une certaine façon, nous pouvons agir comme des loupes pour concentrer et accroître l'énergie qui coule par nous et la distribuer vers l’extérieur pour affecter d'autres personnes. Avec nos voix et nos actions, les choix que nous faisons, la magie que nous pratiquons, que ce soit lors des sabbats ou chaque jour, même quand nous travaillons seuls, nous faisons partie de la communauté sans cesse grandissante des gens qui se réveillent et travaillent à cette mutation. C'est un travail énorme. Pas étonnant je ne sache pas par où commencer.

Mais maintenant, je comprends, j'ai commencé. Nous tous avons commencé, juste en choisissant de suivre ce chemin. Je sais que pour moi il ne sera plus désormais possible de revenir en arrière. Même si je le voulais, même si je n'avais pas voulu suivre ce chemin, je ne pourrais plus revenir sur mes pas. Les changements qui sont advenus en moi sont irréversibles et, qui plus est, je les vois aussi modifier les gens autour de moi. Ainsi, quand je suis prise de désespoir et de découragement par rapport à ce qui nous arrive ainsi qu’à notre planète, je me concentre sur ce point et je me souviens que juste en regardant le monde avec conscience et lucidité, je le transforme tout le temps.

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