Fertilité, Extase et

les racines de la Tradition Feri

par Anne Hill

Combien de fois ai-je entendu dire que la Tradition Feri est une tradition extatique plutôt qu'une tradition liée à la fertilité ?

D'une façon ou d'une autre, si l’on considère le mythe de notre tradition, la Tradition Feri est basée sur des sources moins accessibles que les pouvoirs régénérateurs de la Terre. Son mythe est lié au ciel, à l’action de l'esprit et des ancêtres sur notre vie.

Mais la Tradition Feri s’intéresse aussi à la fertilité humaine. On n'entend pas beaucoup parler des rituels de fertilité Feri, mais on parle beaucoup (voire on pratique) d’une forme de magie sexuelle.

Dire ce qu’on ne dit pas, rencontrer des ombres dans les royaumes où d'autres craignent d’aller, est la base de ce qui fait notre fierté d’être sorcières…

Notre mot Feri a la même racine « fe- » que fertile et fécond. Cette racine indo-européenne « fe- » signifie « donner à téter », « nourrir » et aussi « femme ». Cela n’est pas étonnant, car femme et fécond partage la même racine et en latin cette racine signifie « rendre prolifique ». Fertile a la même racine, mais le mot de base est devenu ce qui a donné « porter », ou « former ».

Je pense qu’une des choses que nous recherchons dans la tradition Feri est de devenir une terre fertile pour les dieux. Nous le faisons en intégrant nos « moi » de diverses façons, en cultivant (ah, ces métaphores agricoles !) notre réceptivité à l'énergie, en incarnant et donnant forme à l'Esprit par nos corps et nos esprits. Ces pratiques amplifient notre champ d'énergie personnel, ce qui pour moi est synonyme de fertilité au sens large.

Qu’est-ce qui ressort de cette puissance que nous cultivons ? Qu’est-ce qui arrive quand nous nous unissons aux dieux ? Parfois la folie, c’est sûr, parfois on trouve l’ombre de ce qu’on recherche, mais souvent c'est l'extase, la communion et la poésie. La Tradition Feri est connue pour sa poésie extatique, je pense que toute personne qui lira quelques lignes de ces vers réalisera qu’ils feront, lorsqu’on les dit lors de rituels, s’unir l’air et l’énergie. C'est un des fruits de notre pratique.

Si nous observons plus avant le mot Feri, nous trouvons encore plus de réponses. Les références étymologiques à « -ri » sont plus vagues qu'avec « fe-« , il y a plusieurs interprétations possibles. Si nous prenons « -ri » comme suffixe, sa signification la plus probable est « résultat d'une action » comme dans « -r », ou « place dans le temps » comme dans « -re ».

Le préfixe « ri- » semble encore plus intéressant. La racine indo-européenne « ri- » signifie « nombre » ou « ordre » (dont provient le mot « rituel »). Il y a aussi l’ancienne racine italienne « ri- », qui signifie « couler », ce qui nous a donné la rivière et le Rhin. « Ri » est aussi l’ancien mot irlandais désignant le roi. Dans le kototama, la philosophie du son et de l'esprit, qui est la base du Shinto, le son « ri- » unit le ciel et la terre, l'esprit et le corps, dans notre position verticale et prend ensuite cette impulsion spirituelle et la concentre.

Le meilleur résultat auquel je suis parvenue en regroupant «Fe » et «ri » pour donner « Fe-ri », est que Feri est de tout d'abord la terre fertile : ouverte, réceptive, nourrissant notre force vitale et prête à donner le sein aux Dieux. La magie Feri est donc ce qui coule de cette ouverture.

Ainsi, pourquoi dissocions-nous notre pratique spirituelle de notre propre fertilité et de la fertilité de la terre, alors qu’ils sont aussi inextricablement liés ?

Je pense, qu’en partie, c’est parce que nous lions fertilité et reproduction et que nous n’avons pas voulu mettre ce mot en avant parce que cela semble culturellement et sexuellement problématique. Mais tout le monde a besoin de fertilité pour quelque chose. Le sol, en particulier, a besoin de fertilité pour se guérir d’années d’emploi d’engrais chimiques, de pesticides, etc….

Leah Samul a écrit que c'est notre « enracinement à la terre » qui nous permet d’atteindre les royaumes d'extase. Plus nous sommes enracinés, plus cela nous libère. Je suis en accord avec cela, particulièrement lorsqu’elle dit qu’il faut un effort régulier pour y arriver pleinement (je pense que beaucoup se font une idée fausse de l’enracinement - mais cela mériterait tout un article). Il suffit de dire que je vois l’enracinement moins comme un sentiment de solidité, comme une roche, mais plutôt comme un sentiment de profondeur, de perméabilité, un mouvement ondulatoire, comme le sol. C’est peut-être pour cela que l'idée de fertilité me fait sourire. C’est sans aucun doute pour cela que je pense qu'il y a plus d'extase et de fertilité que nous le pensons dans la Tradition Feri.

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