Les 12 Cygnes Sauvages
 


Rose et ses onze frères vivaient heureux dans le château de leur père jusqu’au jour où il épousa une méchante femme en secondes noces. Elle fit tant et si bien qu’il se mit à ne plus aimer ses enfants. Elle envoya la petite fille en pension chez un paysan et jeta un sort aux princes « envolez vous par le monde, comme de grands oiseaux sans voix ». Ils se transformèrent aussitôt en cygnes et disparurent dans le lointain.

Quand Rose, si belle et si pieuse, eut l’âge de 15 ans, elle retourna au château. Et la reine ne la détesta que davantage. Elle prit un jour trois crapauds, déposa un baiser sur chacun d’eux et leur demanda à chacun de s’installer, l’un sur la tête de Rose afin qu’elle devienne bête, l’autre sur son front afin qu’elle devienne laide, et l’autre sur son cœur afin qu’elle devienne méchante. Mais quand Rose alla se baigner et que les crapauds suivirent les ordres de la reine il arriva que ce furent eux qui devinrent des fleurs de pavot rouges. La magie n’avait aucune influence sur la jeune fille. La reine, furieuse, la badigeonna alors de brou de noix et d’onguent fétide, de sorte que même son père ne la reconnut pas. Alors Rose pleura et s’enfuit, pensant à ses frères perdus de longue date. Elle dormit dans la forêt et au matin se lava et tressa ses cheveux. Elle était à nouveau belle. Ainsi passa-t-elle plusieurs jours jusqu’à ce qu’elle rencontre une vieille femme qui lui offrit des fruits. « N’auriez vous pas vu onze princes sur des chevaux » s’enquit Rose « non mais j’ai vu onze cygnes  avec des couronnes d’or sur la tête près d’ici »

Rose marcha jusqu’à la mer et sur la grève elle trouva onze plumes de cygnes dont elle fit un bouquet. Ce ne fut qu’au coucher du soleil qu’elle aperçut les oiseaux qui s’approchaient. A la nuit tombée ils devinrent humains et la fratrie fut très heureuse de se retrouver. Ils expliquèrent à leur sœur qu’ils vivaient dans un pays au-delà de la mer et que le chemin était si long qu’il leur fallait deux jours. Ils se reposaient donc sur un tout petit rocher en chemin, où ils tenaient tout juste tous les onze, sous leur forme humaine.

Comme ils savaient qu’ils devraient bientôt s’en aller pour une année entière ils tressèrent durant la nuit un filet de saule et de jonc pour transporter Rose avec eux. Au matin ils le prirent dans leur bec et s’envolèrent avec leur précieux chargement.

Lors de sa première nuit dans son nouveau domaine Rose vit en rêve la fée Morgane qui lui révéla qu’elle devrait cueillir des orties sur les tombes, les écraser sous ses pieds pour en faire de la filasse et enfin tisser onze tuniques qui, jetées sur les cygnes, rompraient le charme. Et tout cela dans un silence absolu »

Et ainsi, dès le matin Rose se mit à l’ouvrage. Les tuniques furent tissées l’une après l’autre. Mais un jour un roi vint à passer près de là, il tomba amoureux et emporta Rose, désespérée, sur son cheval, vers son royaume. Il l’épousa, malgré les réticences de l’archevêque qui pensait que cette sauvageonne pourrait fort bien être une sorcière.

Le soir de ses noces le roi la fit conduire à sa chambre, où il avait fait apporter les tuniques terminées, la filasse et les orties. Rose ne pouvait toutefois exprimer entièrement son contentement, et elle du se contenter de sourire au Roi.

Bientôt 6 tuniques furent prêtes, mais il lui fallait davantage d’orties. Et bien entendu elle fut vue nuitamment dans le cimetière, à faire sa cueillette. Le Roi fut averti, et fort peiné.

Bientôt il ne manqua plus qu’une tunique, et il fallait encore des orties. Rose se mit en route, suivie par le roi et un méchant courtisan. Et comme dans le même cimetière des sorcières déterraient des cadavres l’amalgame fut vite fait et Rose fut condamnée au bûcher.

Elle emporta son ouvrage dans son cachot et continua son travail.

Les cygnes revinrent et à la nuit allèrent au château pour prendre la défense de leur sœur. Mais la nuit le Roi dort et il ne faut le déranger.

Au matin une charrette emporta Rose sur le lieu de son supplice, à ses pieds dix tuniques et une onzième qu’elle continuait malgré tout à tisser. Onze cygnes apparurent qui se placèrent autour d’elle pour la protéger de la vindicte populaire. Et comme le bourreau lui prenait la main elle jeta prestement les tuniques sur ses frères cygnes, qui redevinrent des princes aussitôt, sauf le plus jeune à qui il restait une aile car la tunique n’était pas terminée.

Le peuple reconnut bien là la preuve de  l’innocence de Rose. Le lieu du supplice devint un bosquet de rosiers rouges au dessus desquels brillait une fleur blanche comme une étoile. Le Roi la cueillit et la posa sur le cœur de Rose, évanouie.

Elle revint à elle et tous les oiseaux du ciel accompagnèrent le cortège vers le château.