Le 29 juillet 1951 dans la presse du
matin Doreen lit un article parlant de l’ouverture d’un Centre Folklorique sur
la Superstition de la Sorcellerie et rapidement elle prend contact avec son
directeur qui transmet sa lettre à Gerald Gardner qui est « sorcière résident »
du musée.
Voilà une traduction de cet article :
Sorcellerie en Grande Bretagne
Par Allen Andrews in Illustrated du 27 septembre 1952
Cecil Williamson, qui dirige le « Witches’ Kitchen » à Castletown sur l'île de
Man est un consultant en matière de sorcellerie. C'est son métier à temps plein.
Et quand, par exemple, il reçoit une lettre l'implorant de lever un sort dirigé
contre l'auteur de la lettre, il est suffisamment instruit en matière de
sorcellerie pour créer un remède.
Une femme lui a écrit récemment et y a joint un texte malveillant écrit en
caractères magiques, qu'elle avait reçu d'une ancienne amie. Selon ce texte,
puisque celle qui avait écrit à Williamson était sur le point de se marier,
l’ancienne amitié était brisée. Des petits accidents l'ont convaincue que le
sort fonctionnait et elle demandait un moyen de le contrer.
Williamson a décidé de faire une poupée représentant la sorcière qui avait jeté
le sort. Cette poupée était en argile tiré du lit d’un fleuve mélangé avec de
l'eau puisée dans une chute d’eau. Il a pris des vers d'eau de mer pour
représenter l’énergie vitale de la sorcière, de la sève de pin pour l'essence de
vie, des baies de lierre de cimetière pour les yeux et du quartz de falaise pour
les dents et les os.
Il a brûlé les corps de trois crapauds noirs, d'une rate brune prégnante et d'un
coq noir sur un autel dédié au soleil. Sur un autre dédié à la lune il a fait
brûler un autre mélange plus plaisant composé de plantes. Les cendres ont été
incorporées à la poupée à qui on a symboliquement insufflé la vie et qu’on a
passée par les éléments de terre, d'air, de feu et d'eau.
Il a introduit des éclats de verre dans la poupée puis a enveloppé le tout et
l’a expédié à sa cliente en lui demandant de l'enterrer peu profondément pas
trop loin de la maison de la sorcière, d’allumer un feu au-dessus et de chanter
un sort puissant qu’il lui avait noté. Cela minerait la puissance de la sorcière
et la première malédiction disparaîtrait.
Pourquoi Williamson se préoccupe-t-il de telles affaires ? En partie parce que
c’est son métier et en partie aussi par ce que cela l’intéresse. Il avait trouvé
ce charme dans un vieux livre et était vraiment curieux de s’en servir. Il a
expliqué à sa cliente, pour qu'elle soit suffisamment impressionnée, la forme
compliquée du cérémonial qu'il avait employée en son nom, mais il ne voit que
peu de différence entre ce procédé et d'autres méthodes plus modernes pour
persuader une personne par une forme d'hypnose ou de suggestion que la malchance
est partie.
Mais ce n'est qu’un aspect du problème. Qu’en est-il de la pratique de la
sorcellerie en Grande-Bretagne de nos jours ? On sait qu’il y a un certain
nombre de lieux où pratiquent des groupes de sorcières, en plus de nombreux
lieux sur la côte sud il y a aussi Liverpool, Barnet et la région du Cumberland.
Il n’y a pas si longtemps, le 14 février 1915 (à Candlemas selon l’ancien
calendrier), Charles Walton, un ouvrier agricole âgé de 74 ans, a été retrouvé
mort dans un fossé près de Meon Hill dans le Warwickshire. On lui avait tranché
la gorge avec sa propre serpe, il était couché face contre le sol et on lui
avait planté une fourche à foin dans le dos. La fourche était plantée de manière
à ce que les dents le traversent entièrement et restent fichées dans le sol...
La façon dont la fourche a été employée était exactement la même que lors du
meurtre d'Ann Turner en 1875 du côté de Long Compton. Elle fut tuée « parce
qu'elle était une sorcière » et c’est également avec une fourche à foin que John
Haywood a attaqué une vieille femme. Il avait dit qu'il tuerait « les seize
sorcières » dans Long Compton.
On raconte là-bas que trois hommes et quatre femmes, héritiers d'un culte se
pratiquant près de Meon Hill, continuent à se réunir. Le meurtre, non encore
résolu, de Charles Walton a pu être la conséquence d'une querelle entre les
sorcières.
Le 12 mai 1949 à minuit, la nuit de la pleine lune la plus proche de Walpurgis
(et de la veille de mai selon l’ancien calendrier) un observateur caché à
proximité des Rollright Stones à la frontière de l'Oxfordshire à un mille
au nord de Long Compton a
vu cinq personnages encapuchonnés rendre hommage à un mégalithe isolé, la King
Stone, que les archéologues qualifient de symbole de fertilité. Ils ont chanté
en dansant autour de la pierre dans le sens opposé à celui du soleil, puis se
sont prosternés devant elle. Enfin ils se sont tous serrés contre le mégalithe
les mains tendues vers le ciel. Pour faire cela ils ont dû escalader des
balustrades de 2M50, placées là pour protéger la pierre des vandales ou de ceux
qui en subtilisent des morceaux pour faire des ingrédients utilisés dans la
composition d’anciens remèdes.
Beaucoup plus récemment - le 7 septembre 1952 à midi - dans un village du
Gloucestershire entre Meon Hill et Long Compton, un homme a admis avoir mangé un
nid de jeunes souris des champs sans poils et avoir fait passer cet étrange
repas avec du cidre. Des témoins ont dit qu’il avait pris ce repas comme
première étape d’un rituel à buts prophétiques. Mais lorsqu’on lui en a parlé,
il simplement et astucieusement répondu « qu’il est illégal de prévoir l’avenir
n'est-ce pas? »
La concentration de formes modernes de sorcelleries ne semble pas propre à cette
région, on sait que les Four Shire Stone à Paxford est un foyer de magie – même
si ce district doit être l’un des rares où un curé affirme que trois sorcières
font partie de sa congrégation. Mais cela montre l’étendue de ce que certains
appellent l’Ancienne Religion.
On n’observe pas cela que dans une seule région en Grande-Bretagne, ni même
uniquement à la campagne. Il est vrai que les pratiques les plus sophistiquées -
et aussi les plus abjectes – se situent dans les grandes villes. Mais il est
possible de citer, par exemple, Londres où il y a non seulement des orgies de
stupéfiants à Maida Vale, qui finissent généralement par des tentatives de
chantage à l’encontre des participants, mais aussi la préparation rituelle de
breuvages à base de plantes sur Old Kent Road - bien qu'il se peut que certains
des clients de ce cercle soient plus intéressés par les aphrodisiaques ou les
Potions d’Amour.
Magie contre d’Hitler
Mais la sorcellerie ne se résume pas à des Messes Noires, au sang et à la
concupiscence dont on a parlé du côté de South Audley Street à Londres ou à ce
qui reste des temples d'Aleister Crowley, la fameuse « Grande Bête. » C’est
aussi faire un nœud à votre mouchoir pour y enfermer la magie de remémoration.
Et on n’a fait aucun mal la nuit du premier août 1940 (Lammas), quand une
invasion de la Grande-Bretagne semblait imminente. Une invitation extraordinaire
a été envoyée aux membres du Southern Coven of British Witches. Dix-sept hommes
et femmes se sont rassemblés dans une clairière de la New Forest. Leurs feux
cérémoniels étaient affaiblis (volontairement) mais vivants, pour ne pas attirer
l’attention des forces de surveillance. Le coven a procédé à des rituels dans le
but de lever le « cône de puissance » le plus grand qu'ils n’aient jamais
produit - et de le diriger contre Hitler. Le point culminant d'un long rituel
est survenu lorsque les participants, dans un état d'excitation extrême, ont
projeté leur injonction en criant à l'unisson et en rythme : « Vous ne pouvez
pas traverser la mer, vous ne pouvez pas traverser la mer. Vous ne pouvez pas
venir, vous ne pouvez pas venir. » Les membres les plus âgés du coven, ceux qui
étaient d'une génération où la magie était pratiquée dans certaines familles, se
rappelaient qu’on parlait dans leur famille d'un rite semblable contre « Boney »
à l'époque de la menace d’une invasion Napoléonienne.
Un coven de sorcières se compose traditionnellement de treize membres des deux
sexes dirigés par l’un d’entre eux. Avant l’époque des chasses aux sorcières,
les coven organisaient des grandes fêtes publiques et populaires à l’occasion de
la veille de mai, d’Halloween, de Candlemas et de Lammas - les Sabbats sorciers.
Leurs réunions privées étaient appelées esbats. La persécution a tué les Sabbats
« ouverts » et il y a eu plus de discrétion de la part des sorcières au sujet
des autres rencontres.
De nos jours les Covens ne peuvent habituellement plus réunir treize membres de
la région. Une partie du coven est formé par des sorcières héréditaires qui ont
le savoir mais leur moyenne d’âge est élevée. Elles accroissent le nombre des
membres en invitant des personnes intéressées à les rejoindre. Celles-ci sont
plus instruites que les locaux et constituent le partie intellectuelle d'un
coven.
Déesse de Fertilité
Les dieux des sorcières sont les plus anciens dieux de tous les dieux – ce sont
des dieux de fertilité et de mort. De nos jours, un coven est toujours dirigé
par une femme représentant la déesse de la vie qu’on oppose au seigneur de la
mort. Il y a des moments dans une cérémonie où le dieu est censé prendre
possession de corps de l'officiant. Pendant les rites de fertilité de la veille
de mai on peut facilement assimiler la prêtresse à la déesse. Lors des
célébrations d'hiver à un moment elle croisera les bras et posera ses mains sur
ses épaules pour représenter des os croisés sous un crâne - le symbole pour la
déité qui dirige - mais elle ouvrira immédiatement les bras et écartera les
jambes pour former le pentagone de la vie. Généralement les sorcières
contemporaines pensent qu'elles parviendront à contrôler la puissance par les
rituels dont certains sont primitifs. En observant d’anciennes coutumes, elles
ont la satisfaction que d'autres obtiennent en fêtant Noël. Elles sentent que
leurs réunions leur apportent une stimulation émotionnelle et une chance
démodées.
Il y a, naturellement, les praticiens « purs », qui basent leur rituel sur des
instructions reçues de leurs aînés, auxquelles ils compensent les lacunes avec
les clavicules de Salomon, un livre obscur qui se vendait fort cher à une
époque. Il y a aussi ceux qui se concentrent sur la magie noire. On raconte
qu’en 1938 le Vatican a donné des consignes pour que les tabernacles d'autel où
sont conservés les hosties consacrées soient mieux protégés suite à une
recrudescence de vols effectués dans des buts sacrilèges.
Magie à Brighton
Des cercles pratiquant une magie cabalistique ont été signalés, entre autres,
dans un grand garage de Brighton, sur Finchley Road à Londres où ils ont une
approche plus érotique; dans un cimetière campagnard du Yorkshire, et sur
Brompton Road à Londres, où l’on fabrique des charmes d’amour et des sorts de
vengeance, mais un puriste fut scandalisé de voir qu’on y utilisait un réchaud à
gaz au lieu d’une flamme « naturelle » pour ramollir des figures de cire.
L’adepte de l’Ancienne Religion le moins compliqué doit être le berger de
Steyning dans le Sussex, qui protège ses troupeaux en se plaçant dans un « rond
de sorcières » et en scrutant rituellement la lune et qui a déclaré à quelqu’un
qui l’avait surpris : « celui qui ne ferait pas de même serait vraiment
stupide.» En effet, parmi ceux qui croient en la force de la magie, les ruraux
sont les plus pragmatiques.
Autrefois les sorcières connaissaient les herbes et savaient soigner le bétail.
Elles ont été supplantées dans ces pratiques par le médecin et le vétérinaire.
Et il y a aujourd’hui de nombreux exemples de personnes qui recueillent des
herbes selon un cérémoniel traditionnel : en les coupant de bas en haut avec un
couteau neuf, par exemple, ou en chantant un vieux sort en rimes ou en
pratiquant les pieds nus et les cheveux défaits.
Il faudrait enquêter
Mais pour d'autres leurs pratiques sont des exercices spirituels, plus
satisfaisants que les pratiques modernes. Un groupe a évolué en travaillant à
partir d’un livre sur l’ancienne cérémonie de Candlemas dans la région des South
Downs. Onze personnes emploient le Cercle Druidique près de Keswick pour
d’anciennes cérémonies et semblent sincères. « Vous vous rapprochez ainsi de
Dieu » nous explique l'une d'entre elles. Mais il ne fait aucun doute que
certaines pratiques actuelles sont inopportunes, il faudrait enquêter à ce
sujet. Le travail de Cecil Williamson relève évidemment en grande partie de la
recherche universitaire. Il constate que sa « pratique » lui apporte
régulièrement une connaissance plus large des théories sur la sorcellerie
contemporaine.
C'est, certainement, un des itinéraires que peut suivre un chercheur, mais ce
peut être, pour lui et ceux qui pensent comme lui, la seule méthode vis à vis de
la timidité de ceux qui pratiquent aujourd’hui la magie. Mais il y a une
conséquence qu’il convient de prendre en compte. C’est lorsque celui qui étudie
la sorcellerie se réveille un beau matin totalement passionné