Ma rencontre avec Gerald Gardner
par Lois Bourne
Ma rencontre avec Gerald Gardner date des années 50. J’étais mariée, j’avais
deux jeunes garçons et j’avais une vie paisible dans un petit village…
Il y avait au village une bibliothèque et je devins assez proche de la
bibliothécaire. Elle connaissait mon intérêt pour l’ésotérisme et attirait de
temps à autre mon attention sur un livre fraîchement acquis par la bibliothèque.
Plusieurs livres d’Aleister Crowley ne m’ont fait ni chaud ni froid, mais un
livre intitulé « Witchcraft Today » m’a littéralement fascinée et je l’ai dévoré
en quelques heures.
J’ai écris à son auteur, Gerald Gardner, et quelques jours plus tard j’ai reçu
une réponse venant de l’Ile de Man. Gerald, comme je l’appellerai plus tard, me
disait qu’il était en ce moment à son Musée de la Magie et de la Sorcellerie sur
l’Ile mais que bientôt il ferait un séjour à Londres où il avait un pied à terre
et qu’il serait très heureux de me rencontrer.
Il me proposait une date et une heure et me demandait de lui confirmer que cela
me convenait. Londres n’est pas très loin de chez moi et le voyage était facile.
J’étais excitée à l’idée de rencontrer cet homme qui en savait tant sur la
magie, et qui pourrait, je l’espérais en tous cas, m’expliquer certaines
expériences étranges que j’avais vécues. Je ne fus pas surprise par son allure.
(Il me semble qu’il y avait une photo de lui dans son livre.) L’appartement, où
il me reçut avec des banalités sur la pluie et le beau temps ainsi que sur mon
voyage, était dans un joyeux désordre avec des lettres et des livres encombrant
tables et chaises, certains étaient même tombés par terre. Mon hôte s’excusait
pour le désordre et disait qu’il était toujours confronté à un courrier
considérable lors de ses passages à Londres.
Une théière est apparue et finalement il s’est assis. J’ai eu l’occasion de
l’observer à loisir. Il avait une ensorcelante tignasse blanche totalement
indisciplinée, des yeux bleus et perçants qui papillonnaient et une barbiche
grise de bouc. Il avait le teint basané de ceux qui avaient séjourné des années
sous les tropiques mais sa peau était, malgré son grand âge, étrangement
dépourvue de rides. Il avait selon moi 65 ans, mais son visage était émacié et
je devinais rapidement une faible aura de maladie autour de lui. Il portait
plusieurs bagues aux doigts dont l’une était gravée d’étranges symboles magiques
et un bracelet au poignet mais ce dernier était en partie dissimulé par sa
manche de chemise. Il portait un costume ample en tweed vert moucheté et, comme
il était à l’intérieur, des pantoufles.
Ce qui m’a frappée tout de suite c’est un caractère très attachant. Il ne m’a,
au cours des années, donné aucune vraie raison de changer d’avis. Ce qui me
stupéfie en écrivant ces quelques lignes c’est la manière dont je me souviens
précisément de notre première rencontre, surtout que normalement je ne me
souviens même pas de ce que j’ai mangé la veille. Il apparaît que le souvenir
des évènements importants de notre vie restent clairs et vivants, et comme
Gerald Gardner est depuis devenu un ami cher, précieux, de confiance et intime,
le jour de notre première rencontre me semble dater d’hier.