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Roi des Sorcières - le Monde d'Alex Sanders
Le Temps du Châtiment

par J.Jones
version française Tof

Chaque jour où Alex allait voir sa sœur, il réalisait son impuissance face à sa souffrance. Il regrettait que sa grand-mère ne lui ait pas dit comment entrer en contact avec d’autres sorcières, car il pensait que s’il avait eu un coven, il aurait eu le pouvoir d’aider Joan. Réalisant que son seul espoir résidait dans le rejet de tout ce qu’il avait acquis grâce à la sorcellerie noire, il a commencé à se débarrasser de ses biens. Ses amis ont été invités à se servir dans ses tapis chinois, ses verres en cristal, ses bijoux Victoriens, son argenterie Géorgienne. Il s’est même débarrassé de ses vêtements, tout ce que lui avait apporté les puissances démoniaques.
Finalement il est allé voir Ron et Maud. Il ne pouvait pas leur dire qu’il les avait utilisés comme agents du diable, mais il a dit que sa sœur était mourante et qu’il pensait que la seule façon pour lui de pouvoir se regarder dans un miroir était de couper tout lien avec la vie égoïste qu’il avait vécue. Il leur a demandé de le laisser partir et de ne pas essayer de communiquer avec lui ou de se renseigner sur lui. « C’est la seule façon dont je pourrais apprendre à vivre avec moi-même, a-t-il ajouté.
Maud lui a proposé de faire venir Joan à Riversdale et d’engager des infirmières pour s’occuper d’elle. Ron ne pouvait pas comprendre la nécessité pour Alex à revenir à la pauvreté, mais ils ont accepté tout ce qu’il demandait à la condition qu’il leur écrive de temps en temps. Il est parti à pied avec dans deux valises tout ce qui restait de sa richesse passée.
Eric fut soulagé lorsqu’Alex a emménagé avec eux et s’est occupé d’une partie des soins. Alex restait avec Joan la plupart des nuits et travaillait la journée, il n’était pas loin de l’épuisement. Alex dormait sur le canapé du salon où dormait aussi Joan, de sorte qu’il était à portée de main si elle avait besoin de quelque chose. C’était une patiente difficile, honteuse de son incontinence et de son incapacité à se taire quand la douleur était trop porte. Elle tourmentait son frère par tous les moyens qu’elle connaissait : elle lui demandait de chanter des hymnes, des cantiques chrétiens qui insultaient son dieu des sorcière, elle hurlait qu’elle allait mourir s’il s’éloignait pendant plus de quelques minutes et elle tentait d’imputer ses souffrances à la croyance d’Alex en la sorcellerie.
La nuit, malgré la tension et la fatigue, il se traînait sous sa couverture et luttait contre son désir de dormir, pour invoquer son dieu et demander pardon pour ce qu’il savait ne pas mériter. Fais ce que tu veux de moi, priait-il, mais épargne Joan.
Comme son mal s’est aggravé dans les jours qui ont suivi, Joan criait à son frère de l’aider. « Tu dis toujours que tu as des pouvoirs .... Pourquoi ne les utilises-tu pas pour atténuer ma douleur ? »
Il a posé sa main sur son front, objectant que ça ne marcherait pas car elle ne croyait pas en la sorcellerie, mais sa main l’a calmée et un jour elle lui a serré la main et l’a posé contre sa joue, le premier signe de l’affection qu’elle lui avait manifesté depuis des semaines. « Tu devrais imposer ta main sur des malades », lui a-t-elle dit. « Ce ne sont plus tes mains lorsque tu fais cela et ils ne le font pas pour ton diable. Pour celui qui souffre tes mains sont comme les mains d’un ange ».
Quand le médecin a vu que la fin était proche, il l’a envoyée à l’hôpital. Alex allait la voir chaque jour. Le troisième soir l’infirmière de sa sœur lui a dit qu’elle allait mourir. « Ne vous inquiétez pas si elle ne vous reconnaît pas » lui a-t-elle dit. « Elle est au plus mal et ne réalise pas où elle est. »
Alex est allé jusqu’au lit où Eric tenait la main de son épouse, mais il n’y avait rien qu’il puisse dire ou faire et aveuglé par les larmes, il les a laissé seuls. Joan est décédée quelques heures plus tard. Elle avait trente-un ans.
Les sorcières croient que la mort n’est pas une échappatoire. Fuir un problème et un autre encore plus grand vous attend. Après l’enterrement, Eric a invité Alex à rester avec lui et pendant un certain temps il n’a fait que se laisser aller au fil des jours, las de vivre. Il pensait au suicide, il y avait des médicaments dans la maison, ce qui restait des prescriptions faites à Joan et il pourrait toujours se couper les veines avec ses couteaux rituels. Mais il n’en a pas eu le courage.
En l’absence de revenu et n’ayant pas d’économies Eric et lui ne pouvaient faire qu’un seul repas par jour. Chaque soir, il se rendait à la bibliothèque où il consultait les livres traitant de la magie juive d’Abra-Melin dont on disait qu’elle était très performante en matière de purification. Il a étudié les 360 symboles magiques, portant chacun sur un aspect de la nature et il s’est mis à penser qu’il pourrait peut-être se réhabiliter. Les mois d’humilité physique et de besognes subalternes avaient effacé une partie de la culpabilité que lui inspirait sa pratique de la magie noire. Maintenant il avait besoin d’exercices spirituels pour s’en débarrasser complètement.
Les choses se sont accélérées en 1959 lorsqu’Eric a décidé d’émigrer en Australie. Alex n’avait pas envie de rester seul et pas d’argent pour aller ailleurs. Depuis l’époque où il avait travaillé pour l’entreprise de chimie, les progrès avaient été tels que son savoir en la matière était pratiquement inutile. En l’absence de diplôme, il savait qu’il ne pourrait jamais obtenir un poste similaire. Ayant vécu comme un seigneur pendant six ans et ayant quelques connaissances en matière de mode masculine, il a trouvé un emploi chez un grossiste en vêtements et après trois semaines il a été promu responsable d’une section. Il s’est installé dans un deux pièces tout équipé et s’est mis à se préparer pour les rites complexes de purification. Lors des onze mois suivants, il a passé tout son temps disponible et tout son argent pour acquérir ce qui était demandé par les instructions d’Abra-Melin.
« Toi qui commence cette opération dans la solitude peux choisir un endroit en fonction de son goût dans un petit bois au milieu duquel tu bâtiras un petit autel que tu couvriras d’une cabane ou d’un abri de branches fines, pour que la pluie ne puisse pas tomber dessus et éteindre la lampe et l’encensoir. Autour de l’autel à une distance de sept pas tu prépareras une haie de fleurs, de plantes et de buissons verts de sorte que l’entrée soit divisée en deux parties, l’intérieur où l'autel et le tabernacle seront placés comme dans un temple et l’extérieur qui doit être comme son portique. »
Alex était à des kilomètres de toute forêt mais il en a construite une dans une des pièces de son appartement, après avoir lu dans la proclamation d’Abra-Melin, « Nous devons régir et gouverner selon les moyens à notre disposition. »
« Le sol doit être en bois », ordonnait le livre. Alex a enlevé le lino et a nettoyé le plancher.
« L’estrade sur laquelle nous allons invoquer les esprits doit être recouverte de sable de rivière sur une hauteur d’au moins deux doigts ». Alex lui-même a récupéré 75 kg de sable sur un chantier voisin.
« Une lampe d’huile d’olive doit brûler », mais, incapable de payer la lampe où même l’huile, il a acheté des chandelles.
« L’autel doit être creux et à l’intérieur tu dois conserver toutes les choses nécessaires, telles que les deux tenues, la couronne ou la mitre, la baguette, l’huile, la ceinture, le parfum et toutes autres choses qui peuvent être nécessaires ». Alex a utilisé une table de chevet.
Les tenues nécessaires étaient « une chemise ou une tunique de lin, large et blanche, avec des manches bien taillées et une grande tunique de soie cramoisie ou écarlate avec des broderies dorées ne descendant pas plus bas que les genoux. Tu feras une ceinture de soie de la même couleur que la tunique et tu auras sur la tête une belle couronne ou un filet tissé de soie et d’or. » Alex a passé des semaines à rechercher des matériaux appropriés et à coudre les vêtements à la main et il a fait la couronne de fil d’or (celui qui sert à enfiler les colliers) et de velours rouge.
« Une baguette d’amandier, lisse et droite » a été façonnée à partir d’une très grande cheville.
« Tu prieras le saint ange pour qu’il daigne signer ou écrire sur un petit carré ou une plaque d’argent que tu auras faite à cet effet ». Il a utilisé le dos en argent d’une montre à gousset que sa mère lui avait offerte des années plus tôt.
Se procurer méticuleusement l’équipement détaillé dans le livre n’était qu’une partie de ce qui était indiqué. Pendant onze mois il a dû accomplir quotidiennement des rituels.
Si tu es ton propre maître et si cela t’est possible, libère-toi de toutes tes occupations et abandonne toutes tes relations et des conversations banales et vaines, mène une vie tranquille, solitaire et honnête. Si avant tu avais été un homme méchant, débauché, avare, luxurieux et fier, cesse et fuis tous ces vices, pense que ce fut l’une des raisons principales pour lesquelles Abraham, Moïse, David, Jean et d’autres saints hommes se sont retirés dans le désert jusqu’à ce qu’ils aient acquis cette science et magie sacrées.
Alex s’était occupé de tout cela en dehors de ses heures de travail. La maison dans laquelle il vivait n’avait pas de salle de bain et comme les instructions d’Abra-Melin exigeaient un bain rituel quotidien, il a dû acheter une baignoire en métal. L’eau de son bain devait être vidée pour que personne d’autre ne la touche, ce qui signifiait pour lui des déplacements fréquents jusqu’aux lavabos dans l’arrière cour.
Quand il a senti qu’il maîtrisait la compréhension de la magie, la pratique des rituels et de l’auto-préparation, il a choisi une date pour la cérémonie : les vacances de Pâques, à ce moment il aurait trois jours pleins de congés, le temps exact nécessaire aux rites de purification.
La cérémonie a été précédée par un jeûne de neuf jours où il n’a pu rien manger et il n’a rien bu de plus fort que du jus d’orange. Bien que les préparatifs étaient quelque chose de neuf pour lui, les rituels étaient d’une certaine manière comparables à ceux de la sorcellerie, car si un magicien n’est pas nécessairement une sorcière, de nombreuses sorcières sont aussi des magiciens, la différence principale étant qu’un magicien peut travailler seul, et il le doit souvent, alors que sorcières ont besoin d’un coven, et les dieux qu’ils invoquent ont des noms différents.
Au début des trois jours de purification, Alex a verrouillé la porte de sa chambre et, comme un géant qui se promenait à Lilliput, il s’est assis devant sa forêt miniature et s’est mis à invoquer le pouvoir – avec crainte tout d’abord puis avec plus d’audace à mesure que les sorts et incantations s’emparaient de lui. Jour et nuit, avec de brèves pauses le temps de boire de l’eau et de dormir assis, il a poursuivi, ne doutant jamais qu’il parviendrait à atteindre son but. Mais il n’avait aucune indication quant à la façon dont cela se concrétiserait.
Puis le dernier jour il a entendu un bourdonnement dans l’air, il se sentait faible et abattu et il a vu de petites crêtes se former dans le sable devant lui. Obéissant aux instructions qu’il avait apprises par cœur, il a recopié les mots qui apparaissaient, les uns après les autres, à la surface du sable. Il s’agissait des noms des esprits qu’il avait invoqués. Puis, sur la surface de l’argent, il a vu une goutte qu’il a prise pour la marque de l’ange. Répétant les noms qui étaient apparus dans le sable, Alex a demandé aux esprits de se faire connaître, de l’aider et le conseiller, de le purifier et le réconforter. L’air a frémi, puis ce fut le calme et la voix, quand elle parlait, semblait venir de tous les coins de la pièce.
« Tu vas parler au monde de ce que tu as. Tu seras persécuté à cause de cela, tu vas perdre des amis, tu vas tout perdre avant de recevoir la récompense du travail que tu as entrepris. »
Il y a eu un tremblement dans l’air et puis plus rien. Le charme était rompu. Epuisé mais heureux, Alex a essayé de ne pas être déçu par le message obscur, il n’offrait pas beaucoup de réconfort, mais il pensait que son dieu devait lui avoir pardonné. Il a enlevé les objets et vêtements et a remis la pièce dans son état normal.
Après s’être remis de l’épreuve, il a consacré ses loisirs à la recherche d’autres sorcières sans révéler qu’il en était une lui-même. Un soir, en regardant la télé chez un ami il vu une jeune fille prétendant être une sorcière qui disait : « Puis, je lève mon athamé pour créer le cône de pouvoir . . . »
Pour Alex ce fut comme s’il avait été foudroyé, ces mots étaient tirés du Livre des Ombres. Est-ce que cette demoiselle en avait une copie ?
Il a tout de suite écrit aux studios de télévision en joignant une lettre à transmettre à la demoiselle. Il a dû attendre trois semaines avant d’avoir une réponse l’invitant à en dire plus sur lui-même
Alex a répondu qu’il s’intéressait à la sorcellerie et qu’il aimerait rencontrer de vraies sorcières. Environ une semaine plus tard, après son travail, un étranger l’a appelé.
« Je suis un ami de la sorcière à qui vous avez écrit » a-t-il expliqué. « Elle et son mari ont une petite réunion de leur coven ce soir et ils se demandent si vous voulez venir.
Le jeune homme a emmené Alex dans une maison à quelques kilomètres de là, ils sont arrivés les premiers. Tout en gardant secret son état de sorcière, Alex s’en voulait d’être aussi prudent, mais les vieilles habitudes ne sont pas faciles à changer. Dès qu’il a pu, il a orienté la conversation sur les rites des sorcières, mais la femme qui se qualifiait elle-même de grande prêtresse, a vaguement fait référence à Diane la déesse des sorcières et a refusé d’en dire beaucoup plus. Alex fut ragaillardi quand les autres sont arrivés et l’hôtesse a dit que le groupe allait maintenant tracer le cercle.
Une fois encore il a été déçu, car, au lieu de sortir l'épée, l’athamé, l’autel et les pentacles que lui et sa grand-mère utilisaient, le groupe a regroupé des chaises et formé un cercle semblable à celui d’une réunion spirite. Alex a essayé de poser des questions sur les rites, mais les participants croyaient sincèrement qu’ils pratiquaient la sorcellerie. Peut-être était-il l’unique sorcière encore sur terre.
Les années avaient enseigné à Alex que de nombreux covens utilisent des rituels très différents de ceux de sa grand-mère, mais la plupart d’entre eux présentent des similitudes basiques, comme les noms des Gardiens des Tours de Guet, les points cardinaux symboliques du cercle - Boreas au nord, Zephyrus à l’ouest, Eurus à l’est et Notus au sud. A cette époque pourtant il n’avait pas l’expérience des pratiques des autres groupes et il était profondément déçu. Sur le chemin du retour il l’a dit au jeune homme qui l’avait amené et lui dit qu’il ne reviendrait plus.
« Je ne te blâme pas » fut sa réponse. « Ils m’ont promis de m’initier depuis des semaines et je commence à croire qu’ils ne savent pas comment faire. »
Alex l’a questionné et a décidé de lui faire confiance. « Je suis une sorcière, initiée au troisième degré » a-t-il annoncé et il a expliqué qu’il ne pouvait pas prendre part à des pseudo-séances spirites comme celle à laquelle ils venaient d’assister. Il ne s’agissait même pas d’imitations de véritables Esbats - les rencontres du coven. Il a ajouté qu’il cherchait un moyen de trouver de véritables sorcières afin de pouvoir pratiquer son culte avec elles.
« Initie-moi » l’a exhorté son compagnon. « Tu aurais alors un coven de deux personnes et je te promets que je ferai tout ce que tu me demanderas. »
Alex a expliqué qu’aucune sorcière homme ne peut initier un autre homme et qu’une femme ne peut initier une autre femme. Les lois naturelles de la sorcellerie, qui considèrent l’homosexualité comme un déni du principe de base de la fertilité, insistent pour que l’homme soit toujours associé à la femme, en particulier lors d’une cérémonie aussi personnelle que l’initiation.
Quelques jours plus tard, le jeune homme est revenu et a demandé si Alex acceptait de l’accompagner chez des amis qui pourraient peut être l’aider. « ce sont de fervents chrétiens, des évangélistes, mais ils sont désireux d’obéir aux enseignements de l’Ancien Testament et parler avec les anges et ils seraient prêts à utiliser la sorcellerie y parvenir. »
Bill et Eunice se sont avérés être des croisés du renouveau de christianisme et alors que Bill était prêt à invoquer des dieux étrangers, sa femme était réticente. Elle estimait que cela désobéissait à l’enseignement du Christ.
« Mais les apôtres eux-mêmes disaient : « Recherchez vos dons » lui a dit Alex, « et dans la liste de ces dons il y avait celui de parler avec les anges. Refuserais-tu à ton époux le droit d’obéir, juste parce que tu es pieuse ? »
Elle a admis avoir des préjugés, mais elle a demandé des précisions avant de s’engager plus. Alex lui a expliqué qu’il avait maîtrisé le système de magie d’Abra-Melin qui, tout en étant proche de la sorcellerie, était différent puisqu’il pouvait être pratiqué par des non-sorcières, et les messages pouvaient provenir d’ailleurs que de ce monde.
Finalement il a été convenu que les trois, avec le fils âgé de douze ans du couple, coopéreraient pour faire de la magie. Ils savaient que la préparation prendrait des mois avant même de pouvoir commencer la cérémonie. Ils devaient fabriquer des épées cérémonielles avec une garde en cuivre, des encensoirs et des tuniques diaphanes et ils devaient se préparer en étudiant les symboles qui les aideraient à interpréter les messages qu’ils pourraient recevoir.
Nuit après nuit, Alex se précipitait chez ses amis après le travail pour leur enseigner ce qu’ils avaient à savoir et les former, mais il voulait aussi trouver le moyen d’en savoir plus sur la science sorcière. Il voulait aller au-delà de ce que lui avait enseigné sa grand-mère pour pouvoir combiner sorcellerie et magie ce qui les rendraient toutes deux plus efficaces. Il a dit à Bill ce qu’il pensait et celui-ci lui a conseillé d’aller à la bibliothèque Rylands à Manchester. « J’ai entendu dire qu’ils ont d’anciens manuscrits inestimables et qu’ils ont même un exemplaire des Clavicules de Salomon. Ne s’agit-il pas d’une sorte de manuel pour sorcières ? » a-t-il demandé.
Alex a confirmé que Les Clavicules de Salomon était l’un des rares livres de base de la sorcellerie ayant traversé les siècles en restant quasiment dans sa forme originale et il a admis qu’il ne savait pas qu’il en existait des exemplaires ailleurs qu’au British Museum.
Le lendemain, Alex a été convoqué au bureau de son directeur et on lui a dit qu’on n’avait plus besoin de ses services.
« Je n’ai rien à redire à votre travail », lui a dit son patron. « Mais on m’a dit que vous êtes une sorcière et que vous n’hésitez pas à en parler. »
Bien que son Livre des Ombres l’autorise à nier qu’il était une sorcière, Alex estima que son travail avait rempli sa mission qui était de lui donner le temps et l’argent pour se remettre à flot sans avoir recours à la sorcellerie noire. Il a avoué qu’il était une sorcière et il a décidé de quitter la société à la fin de la semaine. Déterminé à ne pas être contraint de vivre sur ses économies, il a commencé à chercher immédiatement un nouvel emploi. Ce soir là, dans les offres d’emploi du journal il est tombé sur une annonce « Grand bibliothèque de la ville recherche aide bibliothécaire. Contacter la Bibliothèque John Rylands à Manchester. »
Alex a tout de suite rédigé sa lettre de motivation et deux jours plus tard il a été convoqué à un entretien. Dès qu’il est entré dans le bâtiment, il s’est senti chez lui. Construit comme mémorial à un marchand de coton du Lancashire, fervent chrétien, la bibliothèque était un monument de pierre et de bois. Alors qu’au premier regard le bâtiment ressemblait à une église, un regard plus attentif permettait de reconnaître la marque d’un maçon formé à la sorcellerie. Si l’on regardait au dessus des piliers il y avait des sculptures avec des visages de diables, de chats, de démons, de lutins et de dragons cachés dans les coins et les cavités. Dans la salle où a eu lieu l’entretien, Alex a eu du mal à ne pas focaliser son attention sur les magnifiques papyrus et les factures d’achat d’esclaves en provenance d’Egypte.
Les salaires, a expliqué le bibliothécaire, étaient très bas, seulement huit livres par semaine, ce qui, en 1963, était le salaire le plus bas possible. Alex lui a dit que l’argent n’avait pas d’importance, il aimait les livres et voulait en prendre soin. Le bibliothécaire l’a regardé avec curiosité, il était surpris et heureux d’avoir trouvé un homme qui, bien que modestement vêtu, pouvait dédaigner l’argent pour l’amour des livres. Il a été engagé sur le champs.
Pour Alex, aller travailler c’était comme se rendre dans un temple. Vêtu de son unique beau costume, il s’est présenté dans la salle principale le lundi matin. On lui a fait faire le tour de la bibliothèque et on lui a dit quels livres et quels manuscrits épousseter, comment les gérer et comment s’occuper des reliures en cuir. Chaque jour dès la première heure il devait épousseter les casiers à manuscrits et les meubles à l’étage principal, puis il devait passer au sous-sol où, dans un dédale de tunnels, tous éclairés et subdivisés en tunnels plus petits, il pourrait commencer son travail secret, récolter la connaissance qu’il recherchait.
Il ne lui a fallu que quelques jours pour trouver la section égyptienne. Dès lors, peu de livres étaient dépoussiérés parce qu’Alex remplissait carnets après carnets de détails de rituels, d’invocations et de plans. Le jour où il a trouvé les Clavicules de Salomon, il a oublié d’aller déjeuner, il était trop absorbé par les chants, nombre d’entre eux avaient été utilisés par sa grand-mère lors de ses esbats et sabbats. Les autres livres étaient négligés, il était totalement absorbé par les Clavicules car elles regroupaient les connaissances qu'il avait et celles qu’il espérait trouver. Mais il se demandait comment il pourrait réussir à le recopier entièrement - il lui faudrait des années pour dessiner les nombreux pentacles et les symboles hébreux compliqués.
C’est Bill qui a proposé une solution risquée : si on peut emprunter le livre, il s’arrangerait pour avoir fait des photocopies de chaque page. Mais quand Alex a essayé de cacher le livre sous sa veste, il avait l’air tellement coupable qu’il savait qu’il se ferait prendre avant d’avoir atteint la sortie. Il a décidé de démonter le livre, d’emprunter quelques pages à la fois et de cacher le reste du livre derrières d’autres ouvrages pour que personne ne découvre son état.
La première fois qu’il a quitté la bibliothèque avec un petit rouleau de ces précieuses pages caché sous sa veste, il pensait qu’il allait sentir la main du gardien se poser sur son épaule à chaque pas qu’il faisait. Bill les a emmenées au travail et les a fait copier et Alex les a rapportées à la bibliothèque pour les échanger contre une nouvelle série. Finalement, l’emprunt quotidien de pages du manuscrit est presque devenu routinier.
Plus tard, il a regretté sa nonchalance. S’il avait pris la peine d’utiliser ses pouvoirs de voyance, il aurait entrevu les difficultés à venir.
 

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Dans la joie nous nous sommes réunis, dans la joie nous nous séparons et dans la joie nous nous retrouverons!