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La Mère Extatique
Foutues Pommes de Terre
par R. Deutsch version française Tof & Nephilim

Dorsi s’étant occupé de tout, les funérailles de Victor furent presque aussi bizarres que celles de Dorsi quelques années plus tard. Dorsi avait des amis adeptes de toutes sortes de religions et autour du cercueil de Victor il y avait des catholiques, des juifs, des protestants, un bouddhiste, la bande habituelle de spirites et des prêtres et prêtresses de toutes sortes de cultes. Victor Morris, s’il regardait du plan astral, devait pousser un soupir de soulagement d’avoir échappé à tout cela. Il avait été un homme d’action, un bon joueur et un bon buveur et jusqu’à tout récemment il était très « terre à terre ». Il méprisait toutes les formes de religion, en particulier celles pour lesquelles Dorsi manifestait de l’intérêt. La cérémonie funèbre fut conduite par un adepte de Subud, qui plus tard a juré sur le phallus sacré d’Osiris avoir vu Horus, le Dieu Egyptien de la Lumière, attirer l’âme du corps de Victor par le haut de son crâne pendant qu’il conduisait la cérémonie. C’était probablement une bonne chose pour lui que le vieil homme n’était pas là en chair et en os pour se plaindre.
Dorsi n’a pas revu Alex pendant quelques semaines. Quand elle l’a rencontré par hasard chez Marks and Spencer, il lui a renouvelé ses condoléances mais pour elle il ne s’agissait que de la volonté des dieux. Apparemment, elle lui avait pardonné à sa prédiction car, devant un café, elle lui a demandé de l’aider. Victor était mort et elle avait besoin chaque sou sur lequel elle pouvait mettre la main. Il avait laissé des papiers liés à la guerre mais elle ne savait pas où. Ces documents étaient essentiels si elle voulait que l’armée lui verse une pension de veuve. Est-ce qu’Alex pourrait éventuellement l’aider ?
Oui, il pouvait. Dans le café, en utilisant la numérologie, il a déterminé que les documents étaient dans une commode qui n'était pas dans la maison, mais pas très loin. Cette sorte de clairvoyance était plus au goût de Dorsi. Elle avait oublié le meuble dont Victor se servait comme armoire à outils et qui était placée dans le hangar au fond du jardin. Elle l’a remercié vivement et s’en est allée pendant qu’il se demandait si sa relation avec Dorsi Morris était de celles qu’on laisse en plan dans un café.
Dorsi s’est précipité chez elle et a jeté son manteau par terre dans l’entrée. Elle a crié quelque chose en passant à côté de sa fille aînée et s’est précipité dans le jardin puis dans la cabane à outils. Les documents étaient là.
En sortant du hangar poussiéreux, hors d’haleine, mais triomphante, elle agitait les documents devant Arline et lorsqu’elle a retrouvé son sang-froid elle lui a raconté ce qui s’était passé au café. N’était-ce pas merveilleux ? Cet homme n’était-il pas un génie ? Elle l'avait mal jugé.
Arline n’était pas impressionnée. A quinze ans, elle avait développé une certaine pruderie religieuse. Même le fait que sa mère connaisse une sorcière était aussi choquant, au propre comme au figuré, que l’enfer - elle ne prononçait même jamais le mot « enfer ».
« Arline, nous devons l’inviter à prendre le thé. Il faut vraiment qu’il vienne ... »
 « Cet homme ne viendra pas dans cette maison ! » Celui qui a déjà entendu Maxine (elle prononce son prénom avec un léger accent du Lancashire, Max-ine) une fois adulte, parler avec colère, peut imaginer la scène. « Si tu oses le faire venir ici, j’irais tout droit chez le prêtre pour lui dire quel genre de personne tu autorises ta fille à fréquenter. »
« Je sais bien, ma chère » a dit Dorsi redevenant elle-même « que tu n’approuves pas mes amis. Mais c’est ma maison et j’ai déjà invité Alex à prendre le thé dimanche. Tu apprécieras peut être d’apprendre qu’il y a plus de pratiquant de la Magie Noire chez les prêtres que partout ailleurs ! Le neveu d’un pape était très réputé chez certains magiciens noirs et il pratique maintenant dans une université de ce pays. (Cette anecdote est exacte, on se demande comment Dorsi pouvait le savoir). Alex va venir prendre le thé dimanche et c’est tout. »
La discussion était close. Arline fut contrainte d’accepter le fait que sa mère allait laisser venir les forces des ténèbres dans leur maison, pire, en fait elle les avait invitées. La joueuse de cartes élevée dans un couvent avait appris à s’opposer au diable incarné - elle n’allait pas s’approcher d’un fauteuil où il était assis. Pourtant, elle était intriguée. La grande adolescente osseuse bouillait à l’idée d’être confrontée à Alex Sanders, une Sorcière Noire. Elle devra se mesurer à lui. Elle se placera face à lui et murmurera le nom de Jésus et il s’enfuira hors de la maison. La femme qui, plus tard, prendra délibérément une dose importante de poison de Sorcière pour prouver qu’elle pouvait le faire et survivre était déjà embryonnaire dans la jeune chrétienne qui a toujours apprécié un léger danger, elle sera vertueuse même si elle devait en crever.
Elle a fait des cauchemars horribles pendant le reste de la semaine, elle rêvait d’orgies dans des cimetières, de sacrifices, de se promener avec un manche à balai entre les jambes. Mais une fois réveillée Maxine n’était plus que pureté, affligée et attristée parce que sa mère allait trahir Jésus-Christ, c’est-à-dire le Père O'Callaghan, de façon choquante. Sa mère, s’est elle dit, n’aurait jamais osé faire cela à l’époque où son père était encore vivant.
Dimanche est arrivé et il était l’heure de prendre le thé. Arline avait assisté à la messe, elle avait reçu la communion et elle avait demandé la bénédiction sur sa maison. Maintenant elle allait et venait sur le tapis du salon. Dorsi était en haut en train de se poudrer le nez.
A Manchester la maison était une grande demeure victorienne. C’était une de ces bâtisses qui vous faisait penser au travail d’un copain saoul qui aurait posé des briques et en aurait fait une sorte de maison bancale tenant vaguement debout. Le jardin derrière la maison était très grand et laissé à l’abandon alors que le jardin de devant la maison était petit mais propre, bien entretenu avec une allée bordée de rosiers. Quand Maxine a regardé par la fenêtre, elle a vu un homme ouvrir la grille.
Il n’était pas du tout comme elle l’imaginait. A son grand soulagement et à sa grande déception, il n’avait rien de Méphistophélès. Il avait l’air tout à fait ordinaire. Bien plus petit que la moyenne, il perdait ses cheveux et était vêtu d’un minable imperméable bleu. Il a sonné.
« Mère, ton invité est arrivé. »
Dorsi d’en haut, n’a rien répondu, sa surdité feinte devait être interprétée par « Tu lui ouvres ». Il a resonné et Maxine s’est enfin dirigée vers la porte. Elle s’est retrouvée face à un homme mince et inoffensif qui lui avait donné cauchemars pendant une semaine. Il a souri timidement, elle laissait voir son embarras. Comme toujours Alex a rapidement appréhendé la situation et l’a tournée à son avantage.
« Bonjour, c’est gentil de m’avoir invité. »
« Je ne vous ai pas invité – euh, bonjour. »
« Je vous ai déjà vu toute nue, vous savez. » Il a fait une pause, juste assez longue. « Sur une carpette en fourrure. Bien sûr, vous aviez dix mois. »
Arline a rougi, comme les filles le faisaient encore en 1961. Elle a émit un léger « Oh ».
« Vos cheveux ont changé. »
Après le décès de Victor - il ne l’aurait jamais autorisé – les cheveux d’Arline étaient passés du roux au blond platine, comme ceux de Dorsi.
Dorsi est descendue et a salué Alex, lui présentant Arline Maxine Morris comme « la seule vierge de quinze ans à Manchester ». Arline s’est dit : « aujourd’hui c’est vraiment mon jour ».
A sa grande surprise l’après-midi s’est écoulée paisiblement, agréablement même. Alex et Dorsi ont discuté de vieux amis pendant qu’Arline, plus que soulagée malgré ses projets d’exorciser Alex, écoutait vaguement leur conversation, se contentant de répondre aux questions qui lui étaient directement destinées. Cet homme, pensait-elle, peut dire qu’il est une sorcière. Je peux aussi dire que je suis une mégère mais ce n’est pas forcement vrai. Il est bien élevé et il ne fait pas de Sorcellerie abominable ici. A peine avait-elle décidé que, même si elle n’appréciait pas l’homme, elle ne pouvait rien lui reprocher de précis, Dorsi a dit comme si c’était tout à fait normal :
« Alex, je veux que vous jetiez un sort pour moi. »
La demande a pris Alex et Arline complètement de court, il lui a lancé un regard interrogateur pour voir si elle approuvait. Elle savait que toute objection de sa part ne ferait que conduire à une dispute, et – c’est comme ça que ça ce passait chez eux – c’est elle qui risquait probablement d’avoir le dessous. Elle s’est contentée de hausser les épaules. Dorsi observait l’échange en silence.
« Bien, alors c’est réglé. » Puis se tournant vers Alex, elle a dit : « J’avais désespérément besoin d’argent. Avec le décès de Victor notre avenir est des plus incertains. »
L’expression « notre avenir est des plus incertains » amusa Arline. Lorsque son père était encore là, s’est elle dit, ils étaient tout sauf certain de leur avenir, mais elle a gardé le silence.
Dorsi a continué. « Il est parti en laissant quelques factures, et je n’ai aucun moyen de les payer immédiatement. Mais si j’avais, oh ... trois mille cinq cent livres, cela nous dépannerait bien. » Elle dit trois mille cinq cent livres comme si elle demandait cinquante centimes pour un coup de téléphone.
Alex a réfléchi une minute et a dit : « Il va falloir qu’une vierge me procure une très grosse pomme de terre ». Il a à nouveau eu ce regard malicieux. Il a regardé Arline et a souri. La seule vierge dans la pièce s’est levée et est sorti avec indignation. Elle est revenue avec une pomme de terre qu’elle a posée, sans regarder Alex, sur la table à côté de lui.
Alex a dit à Dorsi d’écrire le montant dont elle avait besoin sur une feuille de papier blanche, pendant que lui taillait une fente dans la pomme de terre, en chantant doucement, presque comme pour lui-même, une incantation.
Dorsi a noté la somme, quand elle eut fini Alex lui a remis la pomme de terre et lui a dit de plier la feuille de papier et de l’insérer dans la fente. Elle l’a fait avec une grande solennité. Pendant ce temps toutes la terreur d’Arline vis-à-vis de la sorcellerie avait disparu et qu’elle se retenait de rire avec difficulté.
Alex a expliqué à Dorsi que cette nuit-là elle devait enterrer la pomme de terre dans un trou profond de soixante centimètres et attendre les résultats du sortilège. Le reste de l’après-midi s’est déroulé sans incident, personne n’a plus parlé du sortilège, Dorsi considérait sa demande comme un fait accompli. Vers le soir, Alex a remercié Dorsi et Arline chaleureusement et en sortant, il fait un petit clin d’œil.
Dorsi attendait l’obscurité avec impatience. Vers neuf heures, elle et Arline, réticente mais amusée, ont commencé à rôder dans le jardin armées de lampes-tempête, de pelles, d’une pioche et d’une petite truelle à main. Le jardin arrière était une grande prairie en pente d’environ cents mètres de long. Avec leurs outils, Dorsi et Arline sont parties à la recherche de l’endroit où la pomme de terre enchantée allait être enterrée, définitivement, pensaient-elles.
Elles ont atteint ce qu’elles considéraient être le milieu du jardin et elles se sont misent à creuser le trou. Les soixante centimètres préconisés par Alex en étaient devenus plus de 3M50. Plus elles creusaient profond, pensait Dorsi, moins un animal risquait de retrouver la pomme de terre. Non content d’avoir multiplié la taille du trou par six, elle a donné un coup de pelle à la malheureuse pomme de terre la transformant en purée méconnaissable. Le trou a été soigneusement rebouché et la terre tassée avec la truelle à main. Puis l’endroit a été camouflé avec des mauvaises herbes. Epuisées, et ressemblant à des cantonnières, les deux femmes ont repris le chemin de la maison. Plus personne n’a parlé de la pomme de terre ou du travail de la soirée pendant quelques jours.
Lorsque la sonnette a retenti un matin quelques jours après l’enterrement de la pomme de terre, Dorsi pensait que c’était l’Ange de Lumière, avec son argent.
« Bonjour, Madame. Je suis venu vous parler de votre sécurité financière. »
« Bien » a dit Dorsi, « je vous attendais. »
L’homme avait l’air perplexe, mais il a continué son argumentaire de vente
« Vous voyez, je vends des assurances, des assurances vie. Et j’ai ici une assurance toute nouvelle et remarquable grâce à laquelle, pour un investissement minime, vous pouvez assurer l’avenir de vos proches pour une somme de trois mille cinq cent livres… »
L’homme n’a jamais achevé sa phrase, Dorsi a blanchi et elle l’a regardé bouche bée. Elle l’a regardé comme si elle avait vu un fantôme – son propre fantôme. Elle lui a claqué la porte au nez.
Affolée, elle a téléphoné à Loreburn College, où Arline suivait un cours de secrétariat et a demandé à sa fille de rentrer à la maison et l’aider à déterrer la pomme de terre qui semblait aujourd’hui menacer sa vie.
Arline est rentrée immédiatement. Mais il y a eu un petit problème. Lorsque deux femmes avaient enterré une pomme de terre dans un jardin de trois milles mètres carrés, envahi par les ronces, les mauvaises herbes et les buissons, c’était au milieu de la nuit. Elles ne parvenaient plus à se souvenir de l’emplacement exact. Cela risquait de poser un problème si elles devaient creuser 3M50 pour la déterrer. Après les inévitables discutions pour savoir où creuser, Dorsi et Arline ont laissé le jardin dans l’état d’un champ de mines abandonné et sont reparties sans avoir trouvé la pomme de terre, ressemblant comme l’a dit Maxine à « un couple d’ouvriers tentant d’émigrer à la dure vers l’Australie ».
Pour se protéger des conséquences Alex a été invité à venir prendre le thé le dimanche suivant.
Lorsque Dorsi lui a raconté ce qui s’était passé, il n’a pas pu ou pas voulu cacher son amusement. Quand il a cessé de rire, il a expliqué à Dorsi que sa motivation était la cupidité et non le besoin, et que, parfois la cupidité peut se retourner contre vous. Elle l’a supplié de trouver la pomme de terre par magie. Il a essayé mais il a échoué et aucune des deux femmes n’avaient la moindre idée de l’endroit où elles l’avaient enterrée. Ainsi, tard dans la nuit dans le jardin à l'arrière de la maison, une autre approche a été tentée. Un petit homme perdant ses cheveux en vêtement de Sorcières se promenait en marmonnant des incantations au sujet d’une pomme de terre suivi par une femme hystérique plus âgées tenant un chapelet et implorant la Vierge Marie de l’aider, talonnée à quelque distance par une jeune fille vierge qui calculait combien de temps il faudrait aux petits hommes en blouse blanche pour arriver du Springfield Hôpital. Ils n’ont jamais trouvé la pomme de terre, mais Alex a inventé un rite d’exorcisme pour réduire à néant toute la puissance de l’objet qui était enterré dans le jardin.
Dorsi n’a plus jamais demandé de faveur - du moins pas pour elle – à Alex.
Alex Sanders avait vingt ans de plus que Maxine et quand ils se sont retrouvés, il vivait plus ou moins seul. Toutefois, son Tarot et la lecture du cristal lui avaient révélé qu’une partenaire magique allait entrer dans sa vie. Arline Morris devait être la dernière personne à laquelle il aurait pensé.
L’histoire de l’initiation d’Alex à la sorcellerie est déjà bien connue. Au moment où j’écris, un documentaire pour la télévision sur Alex est en cours de préparation. Je dois aussi ajouter que les détails de l’initiation doivent toujours être légèrement voilés.
En bref : Treize ans avant la naissance de Maxine, Alex a interrompu sa grand-mère, Mme Bibby, nue, dans un cercle magique. Il était allé à sa maison de Wilton Road à Manchester, pour le gouter et pensait lui faire une surprise en arrivant par la porte arrière au lieu de sonner, comme d’habitude à la porte de devant. C’est lui qui a eu une surprise. Sa grand-mère, pas plus grande que le petit Alex, dont les cheveux gris-roux descendaient librement sous son derrière ridé se tenait debout à l’intérieur d’un cercle de tissu avec des dessins magiques, tenant une épée incrustée de joyaux factices. Elle était au milieu d’une cérémonie et était furieuse d’être interrompue.
« Qui t’a dit de venir ici ? »
« Maman m’a envoyé prendre le gouter. »
« Tu auras ton gouter, mais tu auras d’abord autre chose ! »
Elle a ordonné à Alex de se déshabiller et de se pencher. En utilisant l’un de ses couteaux rituels elle lui a entaillé le scrotum jusqu’au sang, en prononçant quelques paroles qu’Alex n’avait jamais entendues prononcées avant. Le petit garçon de sept ans qui était venu pour le gouter de l’après midi était maintenant une sorcière pour la vie.
Il avait aussi une peur bleue. Pour lui « la Sorcière » correspondait à la définition que le folklore populaire et la persécution chrétienne avaient créée - une Sorcière était comme celle de Blanche Neige avec des verrues sur le nez et une tendance à empoisonner les pommes. Il ne pouvait pas savoir qu’en anglais le mot venait du mot Wicca un terme anglo-saxon signifiant « sage » ou « celui qui a le savoir ». Il a passé les années qui ont suivies à apprendre - quoi qu’on ait pu dire d’Alex, personne n’a jamais mis en doute le fait qu’il est un érudit naturel - plus que la plupart des sorcières en apprennent au cours de leur vie sur la Sorcellerie : A trois ans, il était un lecteur vorace. Vers huit ans, il était expert en divination.
La sorcellerie a été qualifiée de religion indigène de l’Angleterre. Personne ne peut le prouver, mais les indices sont convaincants. Le poète Catulle et bien d’autres ont dit que les Britanniques étaient « tot divisos ab orbe » (« totalement coupé du monde civilisé »), ou parmi les derniers à être touché par l’amour assassin des disciples du Christ. Selon ce que nous savons des invasions successives, à l’exclusion des Romains, la Grande-Bretagne a balancé entre le paganisme et le christianisme pendant des siècles. Les païens grâce aux guildes et aux conseils de « celui qui avait le savoir » ont réussi à survivre. Quelques un de leurs descendants directs sont encore là aujourd'hui.

Les Britons indigènes, ou Prytani, comme on les appelait alors, étaient un peuple étrange qui enterraient ses morts dans de grandes levées de terre funéraires, ou tumuli, dont le bronze était le seul métal et dont les armes étaient surtout des flèches avec de délicates pointes de silex en forme de feuille de sureau. Leur religion, qui était liée d’une façon ou d’une autre à la lune et aux étoiles, se pratiquait au milieu de cercles de pierres, entourés par une levée de terre et un fossé (le cercle originel des Sorcières en fait).

Paul Huson, « Mastering Witchcraft » (Corgi, 1970) p. 13.               

Le Daily Mirror a estimé qu’environ 40000 sorcières pratiquent aujourd’hui en Grande-Bretagne - les enfants cachés de la Wicca, les adorateurs de la Déesse Mère. En fait, le nombre doit être deux fois plus élevé que ça. Il y a chaque semaine au moins une nouvelle sorcière initiée quelque part en Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne (en particulier le Nord et l'Écosse) est la région du monde la plus riche en Sorcières - sauf, peut-être, certaines régions d’Italie. L'Église « établie » a lancé une croisade pour exterminer la Wicca et malgré les persécutions depuis l’époque romaine, elle n’y est pas encore parvenue.
Mais Avec l’afflux des invasions étrangères, les cultures se sont mélangées et vers le XIème siècle les enfants de la Wicca s’étaient dispersés ou avaient émigré. Le mouvement vers le nord avait débuté avec l’invasion romaine. Le mur d’Hadrien est un témoignage muet du fait que même les légions romaines, les conquérants du monde, ne voulaient pas se mêler avec les féroces habitants du Nord de la Grande-Bretagne. « Ne les laissez pas venir ici » semble avoir été la stratégie romaine. C’est autour de Perth que résidaient les Prytani survivants, c’était les ancêtres des sorcières contemporaines.


Cela peut ... expliquer la vieille croyance Sorcière voulant que le Nord soit la direction sacrée. Au Nord, les demeures des Pictes, c’est ainsi que les Romains nommaient les Prytani, étaient souvent de mystérieux forts vitrifiés dont les pierres des tours extérieures avaient été fusionnées grâce à des grands feux, les rendant inexpugnables à toute attaque ... Nous savons pertinemment que de tels châteaux de verre existaient à Craig Phadrick à Invernsness, Dun Fionn, Achterawe, et Dundbhairdghal.

Paul Huson, « Mastering Witchcraft » (Corgi, 1970) p. 14               

Perth semble avoir été un point central, toute l'Écosse est encore aujourd’hui pleine de Sorcières et l’atmosphère de sorcellerie survit toujours parmi les descendants inconnus des Prytani. Le Pays de Galles est également une grande région sorcière et même une personne n’étant pas Sorcière qui voyage dans ces régions peut sentir les vibrations. Il serait impossible de se promener à pied dans cette région sans trouver les restes d’un tumulus rond de Sorcières ou les ruines d’un cercle de pierre druidique - les druides sont aussi les enfants des Prytani. Les Sorcières saluent le portail nord, dont Alex, Maxine et des milliers d’autres sorcières se servent pour disperser la force d’un cercle magique, en disant :
Toi Borée, Gardiens des Tours de Veille, Vous puissant Dieu et douce Déesse, Gardiens du Portail du Nord, nous vous remercions de… Et alors que vous retournez dans vos royaumes plaisants et nobles, nous vous disons : Salut et adieu.
Les participants disent « Salut et adieu ».
Chaque fois que je trace ou banni un cercle, bien que les Seigneurs des Tours de Veilles de l’Est, du Sud et de l’Ouest soient les bienvenus et sont aimés comme je n’aime rien de plus au au monde, je ressens toujours une joie étrange, un sentiment d’être à la maison, quand j’arrive au point cardinal du Nord. Là où je vis, le nord est très près de Hampstead Heath, là où les Druides pratiquent leurs cérémonies (publiques). Je suis certain que de nombreuses autres Sorcières ont la même sensation lorsqu’ils se tournent vers le nord.
Mais revenons à l'antiquité.

Les Prytani eux-mêmes, appelés maintenant par leur adjectif saxon, Elvenfolk, ou simplement Ceux des Landes ou Païens, ont été considérés comme une légende. Le roi et la reine des elfes dans leur colline enchantée qui s’ouvraient lors des anciens festivals d’Halloween et de Beltane ont rapidement été oubliés de la majorité, seuls les sages, ou les Wicca comme on disait en vieil Anglais, s’en souvenaient.

Paul Huson, « Mastering Witchcraft » (Corgi, 1970) p. 14                  

A cause du matraquage des autorités chrétiennes, la religion indigène de Grande-Bretagne a été conduite à la clandestinité pendant des centaines d’années. De rares sorcières autochtones ont survécu et selon ce que sait Alex moins d’une douzaine de Sorcières héréditaires dont les familles remontent à cette période existent toujours aujourd’hui en Grande-Bretagne. Il est l’une de ces Sorcières.
Quand sa grand-mère lui a enseigné l’histoire et les traditions de la Sorcellerie, les peurs d’Alex ont disparu et il a commencé à développer d’incroyables pouvoirs de guérisons, de magnétisme et de clairvoyance qu’il maîtrise maintenant. Mme Bibby est décédée alors qu’Alex était encore très jeune et pendant un temps Alex pensait qu’il était le dernier de sa race. Quand il a commencé à voler de ses propres ailes, Alex était très pauvre et il s’est tourné vers la Magie Noire pour obtenir la richesse et - comme c’est arrivé - la notoriété. Il a eu les deux et en a payé le prix. (A cause de sa pratique de la Magie Noire, Joan, la sœur d’Alex est décédée d’une mort horrible à l'âge de trente et un ans.) Renonçant à la voie de la main gauche, il a abandonné sa position de leader de la jet set et vendu Riverside, sa maison de vingt-six pièces, à Whalley Range, pour acheter une maison de cinq pièces sur Oldham Road à Newton Heath. Dans le même temps il a renoncé à une fortune de près de 140 000 livres qu’il avait gagné grâce à un couple de personnes âgées fascinée par magie. Le compte existe toujours quelque part dans une banque dans les Midlands, mais il dit qu’il n’y touchera jamais. Il est géré en fiducie pour Maya et Victor, les enfants qu’il a eu avec Maxine et ce sera eux, quand ils en auront l’âge, de décider ce qu’ils en feront. Pour lui, c’est un souvenir de sa période sombre et de la douleur et la souffrance qu’il a causé à lui-même et à d’autres.
Quand Alex a rencontré Arline adolescente, il vivait une existence austère, vivotant en vendant les plantes qu’il cultivait dans son jardin. Il n’appréciait pas particulièrement d’être le clou – le magicien extraordinaire – des après-midi devant un thé de Dorsi, mais il n’y avait pas que du thé servi. Un steak énorme avec tous ses accompagnements, suivi d'un café, de cognac et de fraises même si ce n’était pas la saison, voila une perspective à laquelle il lui était difficile de résister. Il était, de par sa propre décision, passé d’une vie de luxe à survivre en ne vivant qu’avec trois fois rien. Ainsi, il a fait parti de tous ceux qui, de temps à autre, prenaient un repas complet, grâce à Dorsi.
Il y avait Victor le coiffeur et Brian, un artiste maquilleur dans un célèbre studio de cinéma. Ils ont surpris Arline en se présentant comme mari et femme et en se tenant la main à la table. Il y avait aussi la prostituée qui n’avait qu’un seul œil et qui estimait son gain hebdomadaire moyen à 250 Livres. C’était d’autant plus remarquable qu’elle refusait de demander plus d’une Livre à un client. Il y avait aussi la célèbre comédienne de télévision et son époux qui était toujours élégant avec son costume, sa chemise et sa cravate. La vierge de Manchester n’a pas compris quand elle a découvert que « l’époux » était aussi une femme. Il avait aussi celui qui était mannequin, il avait des mèches dans les cheveux et portait des chaussures en cuir verni à talons hauts, dix ans avant que ce soit la mode et sa ravissante petite amie dont le vocabulaire semble être limité à « Oh ouiiiiii» et « mmm noooon ». Il y avait encore un mauvais acteur, un vieux monsieur dont les petites faiblesses l’avaient obligé à se « retirer » avant l’heure. On peut imaginer à quel point ces personnes pouvaient surprendre les autres invités : des prêtres de toutes les religions, un adepte occasionnel de Subud et une véritable Sorcière héréditaire, qui était « l’attraction principale » lorsqu’on lui demandait de lire les Tarots.
Maxine se souvient qu’Alex avait dit à Dorsi : « Si j’avais su pourquoi vous m’avez demandé de venir ici, j’aurais mis mon costume de clown ». Au moins cette fois ce n’était pas un tutu.
Si l’incident de la pomme de terre n’avait rien fait pour qu’Alex et Dorsi sympathisent, cela a pourtant fait de lui un élément incontournable de la vie de Dorsi. Dorsi était convaincue qu’elle lui devait jusqu’à l’air qu’elle respirait. Il était rarement oublié dans la liste de ses invités. Alex a réalisé qu’à chaque fois on lui demandait de faire un peu de magie. A chaque fois il essayait de s’en tirer mais personne n’esquivait une demande de Dorsi. Arline - qui commençait à insister pour qu’on l’appelle Maxine – observait tout cela, mais de loin, en silence et avec un dégoût évident.
Mais elle avait changé. Un peu plus tard que la plupart des filles, elle s’intéressait maintenant activement aux choses du sexe. Ses cheveux avaient la couleur qu’elle voulait, son nom était aussi celui qu’elle voulait. Elle avait pris un emploi d’infirmière, elle n’avait pas aimé, et était devenu agent de sécurité dans un grand magasin. (« Je n’ai jamais vraiment arrêté qui que ce soit. Je leur faisais savoir que je savais. Ca suffisait.) Elle avait perdu un peu de sa timidité, timidité qui était surprenante pour une femme de sa beauté et sa stature, mais qui la laissait parfois sans voix lors de ses apparitions publiques.
« C’est quelque temps après que les visites d’Alex aient commencé que j’ai perdu un peu de ma timidité - quand il a commencé à venir régulièrement, je me sentais prête à mener à bien une conversation. J’ai commencé, à ma propre surprise, à oublier ce que j’avais appris : tu le sais bien, ne parle que quand on s’adresse à toi. »
Dans un premier temps elle n’a pas fait le lien avec Alex. Elle commençait à admettre à contrecœur qu’elle le respectait pour ses pouvoirs. Mais ce n’est pas avant l’incident de la dame chauve dans le jardin qu’elle a réalisé dans un flash d’absurdité et de pertinence, qu’il était l’homme qu’elle allait épouser.
« Alex, que pensez-vous des cheveux de Christine ? »
« Que dites-vous ? Arline »
« Mon nom est Maxine » a répondu la jeune femme, les yeux écarquillés, toute innocente. « Je dis, que pensez-vous des cheveux de Christine ? »
Dorsi a regardé les convives, un silence de mort avait remplacé la conversation animée sur la politique économique du gouvernement. Mabel, la mère de Christine était muette. Victor et Brian étaient figés. Jocelyn, une amie de la mère de Christine, regardait Arline-Maxine avec un regard assassin et gloussait. Christine elle-même était muette.
« Non, sérieusement, Alex. Qu’en pensez-vous ? »
Il a mis du temps à répondre. « Eh bien, je dirais que ses cheveux ne semblent un peu fins. »
Christine avait une perruque. (Comme le disait John Wayne en parlant de sa propre perruque, « Bien sûr que ce sont vrais cheveux. Ce ne sont pas mes cheveux, mais ce sont de vrais cheveux ») Il n’y avait qu’à les regarder pour s’en rendre compte, on avait fait une perruque avec des cheveux de sa mère mais on pouvait tout de même voir le crâne de Christine au travers. Embarrassée par l’évidence de la perruque et les ricanements qu’elle suscitait, Christine sortait rarement. Alex le savait bien sûr depuis longtemps - il avait lui aussi des problèmes de cheveux - mais étant un gentleman il essayait d’éviter de la blesser. « Maxine » quelque peu exaltée lui avait forcé la main.
« Ne pensez-vous pas que c’est un drôle de genre, non ? » Maxine était impitoyable.
« Bien » a dit Alex en espérant que les tensions s’apaisent. Mais ce ne fut pas le cas. « On dirait qu’elle a été attrapée par le mauvais côté d’une tondeuse à gazon. »
Dorsi, dont la compassion pour les souffrances d’autrui ne semblait pas aller jusqu’à Christine, s’est esclaffée bruyamment. Jocelyn a eu un petit sourire. Le malaise de Mabel s’est transformé en un air renfrogné et sévère vis-à-vis de Maxine.
La jeune Maxine était très heureuse de la consternation qu’elle avait causée. « Alex, Christine est chauve. Elle est chauve comme une boule de billard, Alex, tu ne l’as pas remarqué ? Elle s’est fait avorter deux fois lors trois dernières années et son médecin croit que ses cheveux sont tombés à cause de ce qu’elle a pris pour avorter et à cause de sa nervosité et du stress. Mabel meurt d’envie de vous demander de faire quelque chose pour elle, bien sûr je ne devais pas mais ma mère ne vous le demandera pas à cause de cette pomme de terre, et ... »
Alex a fait une grimace.
«... J’ai pris sur moi de vous demander. Oh, s’il vous plaît, Alex, faites un peu de magie pour que Christine ait quelques cheveux. »
Elle s’est rassise avec un petit sourire.
« Elle ne sort plus jamais » Dorsi l’observait froidement, « La pauvre est terrorisée à l’idée d’être ridiculisée en public. »
« S’il vous plaît essayez de faire quelque chose pour ma fille » a enfin dit Mabel. Alex a regardé de l’une et l’autre, il a réfléchi un instant puis il s’est levé et a marché sur la terrasse. Il est retourné vers la table. « Restez là » a-t-il dit et il a descendu les quelques marches qui menaient au jardin.
Il a fait une pause d’une seconde et a respiré profondément, en remplissant ses poumons avec l’air chaud d’été. Il a marché lentement, appréciant les roses plantées de chaque côté. Les fleurs, les arbustes, les arbres, les touffes de mauvaises herbes qui envahissaient tout ce qui était à leur portée. Les chardons, les pissenlits, les lentilles d’eau. Et une masse de gypsophiles, qui pour une raison connue d’elle seule, obsédaient Dorsi à tel point qu’une année elle en a planté plus de quatre vingt mètres. Quelque part sous terre il y avait peut-être un morceau de papier dans le reste d’une pomme de terre qui avait commencé à pourrir presque une année plus tôt.
A la fin du massif de fleurs et des mauvaises herbes, qui s’étendait sur une centaine de mètres de chaque côté du chemin, il y avait une zone en forme de croissant. Maxine l’appelait le Sucrier. Avec sa beauté sauvage et naturelle, c’était un lieu parfait pour une pratique sorcière. Alex a continué à marcher le long du chemin jusqu’au lac qui était entouré de chênes. Christine y nourrissait les cygnes dans le calme.
« Christine est-ce que je me joindre à vous ? »
« Votre mère m’a demandé de jeter un sort pour tenter de faire repousser vos cheveux. Aimeriez vous que je fasse quelque chose pour vous ? »
Christine regardait l’eau. « Je ne crois pas en la Sorcellerie. » Puis elle dit: « j’avais un petit ami, mais il ne veut plus sortir avec moi parce qu’il pense que mes cheveux sont si affreux que ses amis se moquent de lui dans son dos.
Elle avait vingt-deux ans et à part sa calvitie elle était très attirante - de taille moyenne, avec un beau décolleté et des rondeurs là où il faut. Ils ont parlé pendant vingt minutes et finalement Christine a convenu qu’il n’y avait pas de mal à ce qu’Alex tente de lui venir en aide. Elle ne croyait pas en la sorcellerie, mais elle croyait que les miracles arrivent parfois si on en était digne et qu’on y « croyait vraiment ».
Ils sont retournés ensemble jusqu’à la terrasse et Alex a informé le groupe que Christine acceptait qu’il travaille pour elle. Il allait faire une lotion magique, il lui faudra une semaine pour la préparer. Pendant ce temps Christine devait cueillir un petit bouquet de romarin. Tous les invités présents devaient se revoir le dimanche suivant.
A l’heure du thé, le dimanche suivant Dorsi bouillait d’impatience. Aucun de ses gouters précédents, aussi élaboré fut-il, n’avait été aussi important que celui qui allait venir. Maxine, Dorsi et leurs cinq invités étaient assis autour de la terrasse et attendaient le magicien.
Il est enfin apparu et, enlevant son manteau, on a pu voir son vêtement magique blanc et lumineux. Sa ceinture était en or.
« Elle en a ! Elle en a ! » lui a dit Dorsi lorsqu’il est arrivé dans la pièce.
« Qu’est-ce qu’elle a ? » a demandé Alex, avec un regard montrant qu’il était vraiment sincère. Maxine, qui pouvait entendre de la terrasse, a sourit intérieurement: « Il espère probablement que j’ai contracté une maladie rare et encore incurable. »
«L’herbe! »
«Qu’est-ce l'herbe ? »
Dorsi fut prise de panique. « Christine a apporté un bouquet de romarin ! »
« C’est très gentil de sa part. Mais est-ce que je peux demander ce qu’elle peut bien vouloir en faire ? »
C’en était trop. Les meilleurs steaks qu’elle ai pu trouver, des chapons, des champignons frais et des légumes peu commun et des accompagnements qui avaient coûté les yeux de la tête, des crêpes fourrées à la crème glacée, des fruits frais et des fromages, ses invités attendaient un miracle, et un magicien raté.
« Pourquoi ? Pourquoi ??? Tu ne te souviens plus de la magie et des cheveux de Christine ? »
« Oh, ça. Oh, oui, je me souviens. » Dorsi a soudainement réalisé qu’elle était en train d’admonester un Grand Prêtre en Sorcellerie qui lui avait été envoyé. Il ne voulait pas gâcher la fête, après tout. Que ça marche ou pas, il y aura une cérémonie magique.
Lorsqu’Alex a rejoint le groupe sur la terrasse tout le monde a remarqué une aura inexplicable, une aura d’une blancheur étrange qui l’entourait. Il était resté chez lui toute la semaine à se préparer pour le rituel. Il avait utilisé des méthodes de prière, de jeûne et la méditation profonde ce qui ne lui laissait plus que peu d’appétit pour la nourriture. Ce manque d’appétit s’est propagé. Le repas magnifique de Dorsi semblait perdu - seule Maxine, dont le gout naturel pour la nourriture n’a jamais été altéré par quoi que ce soit, si ce n’est par son médecin qui lui avait dit d’éviter les féculents. Elle se gavait pendant que tout le monde la regardait avec désapprobation. La dernière crêpe enfin terminée, Maxine ayant avalé les aliments destinés à tous les autres, ils ont pu se pencher sur le rituel.
Les femmes ont été envoyées dans le jardin pour cueillir quelques feuilles de la haie de troènes séparant la maison des Morris de celle de leurs voisins. Quand elles sont revenues, Alex a ordonné que les feuilles soient placées dans un bol qu’il avait placé au centre de la table sur la terrasse. Dorsi avait fourni une casserole qu’Alex avait à moitié remplie d’eau.
Pendant que les dames cueillaient des feuilles de troènes, Brian et Victor étaient allés chercher des branches et des brindilles sous les chênes au bord du lac à la lueur d’une petite torche. De temps en temps on entendait : « Bon dieu ! » et « Attention chéri, tu vas te brûler ! » qui venaient du Sucrier.
Les présents ont suivi Alex sur le chemin, les femmes portant le bol de feuilles et de plantes ainsi que la casserole d’eau. Un feu avait été allumé dans une partie dégagée du Sucrier non loin du lac. Quand ils furent arrivés, Alex a dit à Victor et Brian de retourner à la maison et de ne plus revenir avant que la cérémonie ne soit achevée. De toute évidence ils en furent soulagés. Maxine était maintenant un peu malade suite à son repas gargantuesque, elle aurait aimé partir avec eux. Mais elle avait un rôle important à jouer.
Alex avait un athamé, un inquiétant couteau à manche noir à la ceinture qui ceignait son long vêtement blanc. Il a ordonné à quatre des femmes de se placer aux points cardinaux du cercle magique : Nord, Sud, Est et Ouest. Maxine était au Nord. Christine attendait nerveusement à l’extérieur du cercle. L’homme, tout à son travail ne se souciant pas de ce qui se passait autour de lui, s’est mis à marcher près du cercle de femmes, armé d’un couteau qu’il dirigeait directement vers elles quant il a invoqué le Gardien des Tours de Guet.

O toi Cercle, sois un lieu de rencontre ... un bouclier contre toute malveillance et tromperie ... une barrière qui préservera et contiendra le pouvoir que je vais créer en toi. C’est pourquoi je te bénis et te consacre selon les noms les plus sacrés et les plus puissants, … et ….

Entre les points cardinaux du Nord et de l’Est, il a levé son athamé et a tracé un portail imaginaire, une porte par laquelle Christine, une non-initiée, pourra entrer. Il consacra le cercle une fois encore avec les éléments, Terre, Eau, Air et Feu. Puis Christine a été invitée à entrer dans le cercle. Elle fut saluée à la porte « avec parfait amour et parfaite confiance » avec un baiser sur les lèvres. Christine étant maintenant à l’intérieur du cercle, Alex a re-tracé le cercle et scellé le portail. Christine, terrifiée, s’est rapprochée du feu. Alex est allé à l’Est du cercle et a tracé le pentagramme d’invocation de Terre, là où se tenait Dorsi.

Je Vous convoque, vous éveille et Vous appelle pour observer mes rites et garder le cercle.

Il s’est rendu au portail Sud. « Je Vous convoque ...» Pareil à l’Ouest. Mais quand il est arrivé au portail Nord, il y a eu un problème. Maxine, qui avait été choisie par Alex pour tenir le rôle exalté de Borée et sa Reine, avait mangé plus que de raison après qu’Alex ai passé une semaine à purifier en secret son aura. Il a été pris d’un accès de colère, comme on sait que ça lui arrive lorsqu’il pratique dans un cercle avec des incompétents. Il a hurlé à ses oreilles. Il agitait son athamé devant elle en commandant aux éléments impurs qui étaient en elle de retourner d’où ils venaient. Il a envoyé un rayon purificatoire sur elle et le portail Nord a été assuré.
Mabel semblait pétrifiée. Jocelyn gloussait.
Alex commença à marcher autour du cercle, lentement, marchant comme une panthère, récitant une incantation aussi ancienne que puissante. Elle se termine par :

Lamac Lamac Bachalyas
Cabahagy Sabalyas
Baryolas !
Lagoz atha Cabyolas
Samahac atha femyolas
Harrahya!

Le début du chant a été imprimé bien trop souvent, même dans les journaux.

Eko Eko Azarak
Eko Eko Zamalak
Eko Eko…
Eko Eko…

Maxine jure que ce qu’elle a entendu alors était «Eko Eko alley cat, Eko Eko gobble rat, Eko Eko Kardomah, Eko Eko car radio » (Eko Eko chat de gouttière, Eko Eko rat qui mange, Eko Eko Cardamone, Eko Eko autoradio ). En plus d’avoir dévoré un peu plus tôt la presque totalité des aliments sur la table, elle avait bu beaucoup de café à la cardamone. Ce qui est amusant c’est que même si elle n’a pas répété à Dorsi ce qu’elle avait entendu, Dorsi s’est mise en tête d’acheter un autoradio à Brian, ce qu’elle a fait, une semaine plus tard. Il n’avait pas de voiture.
Alex avait maintenant accéléré et il tournait autour du cercle, ce qui créait le cône de pouvoir, qu’un médium voie comme un feu bleu pâle tourbillonnant en spiral. La Rune des Sorcières a été imprimée ailleurs, je n’ai donc aucun scrupule à en donner le texte ici. Lorsqu’elle est chantée par treize personnes nues tournant dans un cercle, c’est une sorte d’aphrodisiaque spirituel.

Sombre nuit, Lune brillante,
Est, puis Sud, puis Ouest puis Nord,
Ecoutez la rune des sorcières,
Nous venons vous appeler.

Terre et Eau, Air et Feu,
Baguette et Pentacle et Épée,
Accomplissez mon souhait,
Ecoutez mes paroles.

Cordes et encensoir, escourge et couteau,
Pouvoirs de la lame de la Sorcière,
Eveillez-vous à la vie,
Venez lorsque la charge est dite.

Reine du ciel, reine de l’enfer,
Chasseur Cornu de la nuit,
Prêtez votre pouvoir à mon sort,
Et accomplissez ma volonté par rite magique.

Par tous les pouvoirs de la terre et la mer,
Par la force de la lune et du soleil
Comme je le veux, il sera !
Chante le sort, et il s’accomplit,

Eko, eko, Azarak,
Eko, eko Zamalak…

La dernière partie du sort est répétée.
Christine est restée à grelotter près du feu. Alex avait érigé un petit autel dans le cercle avec des pierres qu’il avait trouvées et il avait placé la casserole d’eau sur l’autel, sur le feu. Quand l’eau a commencé à frémir, il a dit à Christine de mettre les feuilles de troène et le bouquet de romarin dans la cocotte. Quand elle a commencé à bouillir, Maxine a prié la Vierge Marie. Dorsi se demandait si tout n’était pas en train d’échapper à tout contrôle et Jocelyn gloussait. Soudainement Alex a poussé un cri sauvage et a fait un bond en l’air.
Il a arraché la perruque de la tête de Christine et l’a jeté au feu où elle a brûlé immédiatement.
« Arrêtez ! » a crié Maxine. C’est elle qui avait commencé cette petite plaisanterie sadique, mais c’en était trop.
Alex a continué son travail. Puis il a banni les pouvoirs qu’il avait générés et les quatre femmes, aucune n’avait osé entrer dans le cercle, ont été autorisées à avancer. Christine sanglotait doucement. Alex a donné à Mabel la potion qu’il avait fabriquée : elle devait filtrer le liquide à travers un morceau de mousseline de soie et le mettre en bouteille quand il aura refroidi. Christine devait s’en frotter la tête tous les soirs et attendre le résultat.
Christine devait maintenant affronter le monde sans son bouclier. Elle s’est mise à porter des foulards. Quelque temps plus tard, une vieille femme du village où elle vivait lui a dit que se frotter la tête avec un oignon était aussi bon pour la croissance des cheveux, mais elle a arrêté lorsque son nouveau petit ami lui a fait remarquer qu’elle sentait comme une usine de spaghettis. Mais elle a continué à poser la moitié d’un oignon en équilibre sur sa tête quand elle était seule chez elle et elle se promenait comme le mannequin de l’histoire avec un livre sur la tête. Une personne chargée de relever les compteurs a eu la surprise d’être accueillie à la porte par une femme chauve, mais assez sexy à part ça, avec un demi oignon sur la tête.
Christine vit maintenant en Amérique avec son mari et ses deux enfants adolescents. Dans les six mois qui ont suivi le travail qu’Alex a fait sur elle, elle avait des cheveux sains très noirs. Elle les a toujours.
Mais Maxine voulait savoir pourquoi Alex avait dû se montrer aussi cruel avec elle ?
Elle devait se séparer de la perruque. Et ça Christine devait l’accepter, avec ça la moitié du chemin était parcouru. L’explication était si simple et semblait si psychologique que Maxine a décidé qu’après tout il y avait peut être quelque chose derrière cette histoire de Sorcellerie.

 

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Dans la joie nous nous sommes réunis, dans la joie nous nous séparons et dans la joie nous nous retrouverons!