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La Mère
Extatique
Une Sorcière à Temps Partiel
par
R. Deutsch version française Tof & Néphilim

Ce
n’est que quelques mois après mon initiation que j’ai commencé à réaliser
combien Alex pouvait être sournois. Il savait que ma mère rejetait l’idée
que la publicité pouvait être bénéfique pour un groupe occulte, en particulier
pour la sorcellerie. Comme mon intérêt pour la Sorcellerie augmentait, ma mère a
commencé à regretter de m’avoir présenté Alex. Mon statut de vierge, aussi,
était manifestement en danger. Je pense qu’Alex avait senti la forte relation
que j’avais avec ma mère et je pense honnêtement qu’il s’est mis à me
discréditer à ses yeux. »
Pendant
des mois, Maxine encore adolescente avait été une Sorcière. Elle n’a jamais osé
le dire à Dorsi, mais sa mère n’était pas aveugle. Les réunions et les nuits où
elle découchait, lorsque les luxueux tissus rouges d’Autel servaient de draps
dans l’appartement de Paul, étaient fréquents. Paul allait bientôt déménager et
le coven de trois personnes se réunirait ensuite à Oldham Road.
A
Stockport l’appartement de Paul se trouvait dans un immeuble appartenant à un
prêtre qui avait été forcé de se retirer parce que sa citation préférée de saint
Paul était : « Un peu de vin est bon pour l’estomac ». Un dimanche matin, il est
tombé à la renverse en chaire, car il avait oublié le côté « un peu ». Il vivait
dans un appartement en rez de jardin. Le premier étage était occupé par deux
vieilles dames. Si le prêtre avait su que deux Sorcières faisaient des
expériences de matérialisation d’OVNI au deuxième étage, son dévouement à St
Paul aurait été encore plus grand. (C’est aussi à cette époque qu’est né
Michael, un enfant esprit créé par Alex et Paul lors d’un rite de masturbation
mutuelle. Michael est toujours là.) Les travaux liés aux OVNI ont abouti à une
étrange fumée verte qui s’est installée définitivement dans l’appartement de
Paul et filtrait dans le couloir. Il y avait aussi des ronflements bizarres.
Mais le pire, en ce qui concerne l’appartement de Paul, est arrivé lorsque les
deux vieilles dames ont martelé à sa porte.
Les dames
n’aimaient pas Alex. Elles étaient toujours à la porte, invariablement vêtues de
chemises de nuit en dentelles victoriennes et bonnets de nuit, l’une armée d’une
bougie allumée et d’un pot de chambre, généralement elles lui refusaient
l’entrée dans les lieux. Alex avait pris l’habitude de passer devant elles sans
un mot. Elles se plaignaient continuellement au prêtre de la fumée verte et des
bruits bizarres. Mais le pire est arrivé alors que Paul, tranquillement assis
sur les toilettes à l’étage, a entendu des voix dans la cabine voisine.
« Quel
beau garçon aux cheveux d’or ! »
« Oui ».
Il s’est
levé pour partir.
« Et
quelle belle feuille de papier moelleux rose ! »
Il était
temps, il le savait, de s’en aller. Le prêtre, dont les soupçons avaient été
éveillés lorsqu’on a commencé à signaler des observations d’OVNI autour de
Stockport, était du même avis. Paul a donné un mois de préavis, il a emménagé
avec Alex, qui avait déjà vendu sa maison et acheté un appartement.
Alex,
Maxine et Paul ont continué à pratiquer la Sorcellerie à Oldham Road. Alex, à la
demande de Dorsi, avait fait quelques prédictions concernant sa fille. A cette
époque elles semblaient peu probables. Maxine Morris était censée porter
prochainement des robes de soirée élégantes et devenir un centre d’intérêt pour
le public. Et elle devait aussi fréquenter des personnes riches et de célèbres
et parler d’égale à égale avec ses stars de cinéma préférées. Elle était encore
un peu nerveuse en public, Alex l’avait surnommée « Crécelle ». Mais il a assuré
à Dorsi que les prévisions étaient exactes.
Une chose
qu’il n’a pas dire à Maxine, ou en tout cas pas à cette époque, c’est que Dorsi
allait mourir dans l’année.
Mais avant
cela un coup de publicité a été organisé. Il devait rendre Maxine célèbre et
créer un fossé entre les deux femmes, brouille qui dura jusqu’à la mort de Dorsi.
Il y a un
endroit dans le Cheshire, près Alderley Edge, que les Sorcières connaissent
bien. Des Sabbats y sont fréquemment célébrés. Quelques jours avant la date
prévue pour une initiation, Maxine a été présenté à deux hommes qui, lui avait
dit Alex, étaient des Sorcières. « Je pensais qu’il y avait quelque chose
d’étrange dans leurs manières. Pour moi, ils n’avaient pas l’air de ce que
j’imaginais être des Sorcières ou de parler comme des Sorcières. »
Néanmoins,
les deux personnes ont accompagné les Sorcières sur le site. Le feu a été
allumé, et un autel de fortune en pierre a été dressé. Maxine a tracé un cercle
et a commencé les rites nécessaires avant que les candidats puissent être
introduits dans le cercle. L’initiation a commencé, un homme et une femme ont
été conduits dans le cercle, les yeux bandés et nus, les mains liées derrière le
dos avec des cordes qui liaient aussi leurs cous.
Maxine
était entré dans une transe profonde, tout en restant vaguement consciente de ce
qui se passait autour d’elle, ainsi quelques minutes plus tard elle a remarqué
des flashs de lumière blanche à l’extérieur du cercle. Au début, elle a pensait
qu’il s’agissait d’une sorte de phénomène psychique, mais elle a réalisé que les
lumières étaient des flashes d’appareil photo.
Alex et
Maxine sont de grands collectionneurs de photos, elle a pensé qu’à la demande
d’Alex des Sorcières faisaient des photos de la cérémonie. Elle a oublié les
flashes et a continué ce qu’elle faisait.
Une
semaine plus tard, elle a ouvert la porte à deux hommes qui venaient de sonner à
sa porte. L’un d’eux avait une caméra. « Morris Maxine ? La Sorcière ? »
« Je suis
désolée, je ne donne pas d’interview. » Elle a refermé la porte poliment mais
fermement. Elle a appuyé son dos contre la porte et fut prise de panique.
Comment
avaient-ils pu la trouver ici ? Les journalistes étaient venus de Londres,
d’après le nom du journal pour lequel ils affirmaient écrire, et avaient
retrouvé le petit appartement qu’elle avait loué en raison de l’accroissement du
nombre de querelles avec Dorsi. Confuse et effrayée, elle est restée chez elle
pendant une heure. Pensant aller voir Alex, elle a mis son manteau et est sortie
de son appartement. Immédiatement elle fut entourée de photographes et de
journalistes avec des bloc-notes. Elle a fendu la foule et, comme ses jambes
étaient plus longues que les leurs, elle a distancé ses poursuivants.
Reprenant
son souffle, elle a cogné à la porte d’Alex. Paul a ouvert, il était radieux.
Demandant
à savoir ce qui se passait, elle a répondu avec un large sourire. Enfin, las de
l’interrogatoire de Crécelle, ils lui ont dit qu’ils avaient de grandes
nouvelles aujourd’hui. Des journaux de tout le pays publiaient des articles
parlant de la pauvre, Maxine éduquée dans un couvent, qui s’était laissée
entraîner dans des orgies sataniques et dominée par le fameux magicien noir Alex
Sanders. La fin amusait énormément Alex.
Alex et
Paul ont commencé par éclater de rire. Maxine a rugi, mais pas de rire. Enfin,
ils ont réussi à la calmer et lui ont promis de ne plus jamais se livrer à ces «
coups de publicité dégénérés ». Mais la boîte de Pandore avait été ouverte. La
semaine suivante, elle a vu le gros titre d’un journal local.
SORCELLERIE – NOUS REVELONS LA VERITE NUE
La vérité
nue, ce fut Maxine. Les prédictions d' Alex au sujet de gloire et de fortune
étaient proches de se réaliser. Mais le prix à payer était élevé.
Heureusement Dorsi ne l’a pas appris, pas plus que ses voisins. Mais le
lendemain on a vu des affiches, un peu partout à Manchester, où l’on pouvait
lire : NOUS DENONCONS DES SORCIERES A CHORLTON. Maxine est allée au
travail en ayant peur de le perdre (elle était secrétaire dans un garage).
« Plus jamais » s’est-elle promis. Mais malgré les promesses d’Alex, il lui a
dit cette nuit qu’ils allaient être présents lors d’une conférence à Willesden.
« Tu vas
porter une robe du soir » lui a-t-il dit.
« Alex, je
gagne six livres par semaine. Mon loyer est de deux livres quinze. Et il y a
aussi les factures et les cigarettes. La nourriture est tout en bas de la liste.
Comment vais-je me procurer une robe de soirée ? »
« Ne
t’inquiètes pas. Je m’en occupe. »
Ce
week-end le coven a agit, cela a abouti à la somme inattendue de seize livres.
Deux jours plus tard, Alex a accompagnée Maxine à Oxford Street et lui a dit de
faire quelques achats. Elle a trouvé une petite boutique de haute-couture où il
y avait une robe de soirée bleu-émeraude. Elle devait couter au bas mot quarante
livres. Réunissant tout son courage, elle est entrée dans le magasin et a
demandé le prix de la robe. Son prix avait presque été divisé par trois lui a
dit la vendeuse. Elle a regardé l’étiquette : 16 Livres Sterling.
Elle
devait encore se faire coiffer et maquiller, Alex s’en est aussi occupé. Jean,
une de leurs amies qui n’était pas Sorcière, était une jolie femme de quarante
ans qui travaillait dans un salon de beauté. Elle avait eu trois maris parce
qu’elle pensait que la variété était le piment de l’amour, et maintenant elle
voulait jeter son dévolu sur le propriétaire du salon qui, à son grand dépit, ne
faisait pas attention à elle. Elle a harcelé Alex pour qu’il l’aide grâce à la
Sorcellerie à faire venir l’homme dans son lit. Un soir, il lui a téléphoné et
lui a demandé de venir boire un verre. Le marché était conclu.
Deux jours
plus tard, Maxine a été coiffée, a reçu un massage du visage et une manucure,
tout cela gratuitement. Ils ont été pratiqués par Jean, une cliente satisfaite
du côté gris de la Sorcellerie. Son nouvel amant n’était pas en mesure de s’y
opposer parce que sa femme était une visiteuse assidue du salon. Lorsque le soir
de la conférence est arrivé, la Reine Sorcière était resplendissante.
Mais elle
avait aussi le trac. Crécelle a été à la hauteur de son surnom. Elle n’avait pas
dormi la nuit précédente, son estomac était tout retourné et ses longs doigts
tremblaient lorsqu’elle allumait une cigarette après l’autre. Lorsque la
limousine avec chauffeur est arrivée Alex et Paul l’ont aidée à s’y hisser.
Pendant tout le voyage elle a dit à Alex qu’il lui sera impossible de trouver le
courage de répondre à deux douzaines d’étrangers. Les choses ne se sont pas
arrangées quand, en arrivant à la salle, elle vu qu’elle était remplie de plus
de cinq cents étudiants. Elle était terrorisée.
« Tu lui
prends un bras » a dit Alex à Paul. Elle a été menée dans le couloir du théâtre
par ses deux partenaires, belle mais à peine capable de bouger les jambes, cela
lui donnait en quelque sorte un air d’insouciance hautaine. D’autres Sorcières
les attendaient sur le podium, où elles étaient assises derrière une longue
table en bois. Alex a commencé à déballer le paquet d’outils de Sorcière sur la
table devant lui.
Il a tendu
une épée à Maxine. « C’est bien », lui a-t-il dit. « Tiens-la et fais comme si
tu étais Elizabeth 1ère. »
Paul a
ouvert le débat en expliquant les différentes activités des Sorcières, en
montrant les outils et en expliquant à quoi ils servaient. Une autre sorcière a
fait un bref discours comparant la Sorcellerie à des religions plus orthodoxes.
Alex a ensuite répondu à plusieurs questions, pendant que Maxine tenait la
poignée de l'épée, regardait droit devant elle et essayait de faire comme si
elle était Elizabeth Ière.
« Pourquoi
ne parle-t-elle pas ? » s’est élevée une voix au fond de la salle, manifestement
pas un étudiant.
« Pourquoi
pas ? » le cri a été repris dans toute la salle, Maxine s’est étranglée. Sa
voix, habituellement rauque, n’était plus qu’un mince filet. (« Je ne savais pas
si je devais quitter la scène ou tenir l’épée et courir jusqu’à la personne qui
m’avait interpelée. ») Paul a sauvé la soirée.
« Mesdames
et messieurs, s’il vous plaît. » Le silence est retombé sur la salle. « Vous
avez demandé pourquoi notre Reine ne parle pas. Je vais vous dire. C’est parce
qu’elle ne le veut pas. Même au sein de notre coven il y a des moments où aucun
d’entre nous n’ose lui parler à moins qu’elle nous le demande, pour nous elle
est l’objet de la plus haute vénération. Pourquoi devrait-elle avoir des chiens
et être obligée d’aboyer ? Nous le faisons pour elle.
Maxine a
expiré, pour la première fois depuis trente secondes selon elle.
Alex a
changé complètement de sujet en montrant une malédiction qu’il avait reçu d’un
groupe de Sorcières Ecossaises. Elle était arrivée quelques jours après que la
publicité aie commencé et il ne doutait pas qu’il s’agissait d’une véritable
malédiction. Ecrit dans une langue ancienne avec du sang animal sur un
parchemin, c’était la même malédiction qui avait été utilisée, de manière trop
efficace, sur l’un des grands magiciens allemands de ce siècle.
Il a
expliqué que toute la fraternité avait travaillé six jours et six nuits pour
mettre en place des barrières de réplique contre la malédiction, qui proposait
de lui infliger le cancer de la gorge, de la langue et des lèvres, provoquant
ainsi une mort lente et douloureuse. Les Sorcières proches d’Alex – que l’on
allait plus tard qualifier d’Alexandriens - ont mis en place des forces
réflextives, des miroirs mentaux, pour renvoyer la malédiction à ses
instigateurs. Alex a fait passer le parchemin dans le public. Au contact de
celui-ci, une personne s’est évanouie.
Alex et
Paul avaient emmené Maxine à la conférence, ce fut un grand succès. Mais cette
soirée ne faisait que commencer.
Alors que
les sorcières avançaient dans la foule, Maxine marchant seule maintenant, Alex a
été approché par une jeune femme qui a dit qu’elle travaillait pour Granada
Television. Plus tard dans la soirée Mike Scott devait présenter une émission
évoquant des nouvelles régionales. Aimeraient-ils être interviewé ? Alex a dit
que oui.
Alors
qu’ils étaient conduits vers une autre limousine, Maxine et Alex faisaient leurs
premiers pas vers une reconnaissance internationale. Quand ils sont arrivés au
studio, ils se sont trouvés être des objets de curiosité, le genre de
divertissement qu’on appréhende toujours avec un peu de crainte. M. H. est
devenu sa propre victime lorsque des membres de l’équipe de télévision se sont
mis à glousser derrière Alex. Alex s’est retourné, très lentement. Il a fixé H
dans les yeux, ce qui peut être très effrayant.
Soudainement il a crié, « BOU !!! » L’homme avait faillit tomber alors que tout
le monde riait.
Les
répétitions ont commencé. Alex a dit à Scott qu’il ne devait pas interroger
Maxine, parce qu’elle n’était que « une nouvelle initiée ». Maintenant la
tension montait, l’air devenait plus lourd. Alex s’est vu proposer du brandy.
Il en a bu deux. Il lui a dit : « contente-toi d’être belle ». Les
téléspectateurs ont été unanimes, elle avait rempli son rôle.
Les
journalistes ont commencé à harceler les deux Sorcières. Ils étaient inondés
d’invitations à donner des conférences. Maxine a rapidement eu une garde-robe de
deux douzaines robes de soirée juste pour ses apparitions publiques. Ils
passaient régulièrement à la radio et la télé. Un contrat cinématographique
avait été signé. Ils ont été invités à être conseillers techniques sur un autre
film, « The Eye of the Devil », avec Sharon Tate et David Niven. Au cours de ce
contrat ils vivaient dans une suite au Claridge qui était généralement réservé à
des rois et des reines et une limousine était mise à leur disposition.
Il a
avait, ou pouvait avoir, un problème. Personne ne leur avait dit d’économiser
leur argent.
Lorsque
vous êtes sous l’œil du public, il est naturel que tout le monde pense que vous
gagnez beaucoup d’argent. Ce n’est pas toujours le cas, ou vous pouvez aussi
dépenser autant que vous gagnez. En raison de ses engagements publics, Maxine a
dû quitter son travail. Ni Alex ni Maxine n’avaient touché un centime des
centaines de journaux qui avaient publiés leurs interviews et l’argent des
radios et télévisions avait été utilisé pour acquérir des robes et des vêtements
magiques. Lorsqu’elle a cessé d’être sous les projecteurs des média, Maxine a
réalisée qu’elle était complètement fauchée.
Elle
risquait aussi d’être rapidement sans domicile. Sa logeuse a fini par apprendre
que la timide locataire de sa chambre du bas était la fameuse sorcière qui
faisait voir son pelvis à toute l’Europe. Quand un journal national a publié
l’histoire illustrée racontant comment Maxine était sans abri en raison de ses
croyances religieuses (« Montre un peu plus ta cuisse, c’est parfait chérie »),
elle a commencé à recevoir chaque jour deux sacs de courriers lui proposant un
autre logement.
Une lettre
a proposé un ménage à trois. Une autre disait : « J’ai une belle maison dans le
Yorkshire, une maison de campagne, mais malheureusement elle n’a pas encore été
modernisée. J’ai une baignoire en étain, mais il faut généralement que je fasse
d’abord sortir mes cinq oies. Je n’ai pas de toilettes modernes et il faudrait
faire avec des latrines portables que j’ai achetées pour pas cher. Elles sont
vidées une fois par semaine. Veuillez agréer ... ». Une autre lettre demandait
si elle aimait les chiens. Elle ne savait pas pourquoi. Un modèle nue proposait
son appartement à Londres, car elle travaillait sur le continent la plus grande
partie de l’année. Une lesbienne lui a proposé de l’héberger. Elle travaillait
comme installatrice de conduite de gaz. Plusieurs offres sont arrivées de
messieurs qui lui proposaient de l’installer à Londres en échange de « faveurs
». Un agriculteur a déclaré qu’il avait besoin de quelqu’un pour traire ses
vaches. Un couple de personnes aisées ayant dans les soixante-dix ans ont
proposé de l’adopter à la condition qu’elle abandonne la Sorcellerie, elle leur
a répondu et a poliment refusé leur proposition.
Des
cadeaux ont aussi commencé à arriver. Quelqu’un a envoyé une douzaine de roses
rouges chaque semaine jusqu’à ce qu’elle déménage. Des boîtes de chocolats et
des bouteilles de champagne arrivaient également, de sorte que Maxine ne s’est
nourrie que de chocolats et de champagne jusqu’à ce que quelqu’un aie la
présence d’esprit de lui envoyer un panier de nourriture.
La veille
du jour où elle devait quitter son appartement, plus déprimée que jamais, elle
s’est levée de son fauteuil, elle a mis son manteau et s’est dirigée vers le
fond d’Ellesmere Road. Une promenade lui fera du bien. Elle a tourné à gauche
dans Chorlton Road et s’est arrêté pour regarder la vitrine d’un agent
immobilier. Il y avait des appartements partout et elle ne pouvait même pas se
permettre un placard à balais. Elle s’apprêtait à s’en aller quand un homme est
sorti de l’agence.
C’était
une Sorcière qui avait abandonné la Sorcellerie, un vieil ami qu’elle avait
oublié. Il était aussi le propriétaire de l’agence et il lui a proposé un petit
appartement. Ce n’était pas le Claridge, mais c’était un abri alors qu’elle ne
s’y attendait plus, et le loyer, payable chaque fois qu’elle pouvait, était
d’une livre par semaine.
Elle y est
restée trois mois. Avec l’aide d’Alex, elle a trouvé un emploi de bibliothécaire
et un hébergement plus confortable à côté de chez Alex et Paul. Elle se souvient
que ces trois mois, furent les plus misérables de sa vie – elle avait même
envisageait de se prostituer - et la dernière nuit qu’elle y a passé, sa vie a
changé une fois encore.
Elle était
retournée à l’appartement après une réunion Sorcière. Un sentiment
d’appréhension qu’elle ne pouvait expliquer lui vrillait l’estomac. Elle était
rentrée à pied avec juste un shilling en poche et pas de nourriture dans le
garde-manger, mais elle en avait l’habitude. Elle est entrée dans le froid qui
régnait dans la pièce et elle a mis sa dernière pièce dans le compteur. Elle
s’est installée sur le canapé devant la chaleur du feu, elle avait un sentiment
étouffant de découragement. Elle a essayé de s’endormir.
De vagues
images mentales semblaient vouloir se clarifier. Au début, elles étaient floues
dans son esprit, mais alors que ses pensées personnelles disparaissaient, sa
vision devenait plus précise. L’image dominante était une épée à manche d’or sur
un fond noir. L’épée était dirigée vers le bas : un symbole de mort.
Maxine
était perplexe. Mis à part Alex, la seule personne dont elle se sent vraiment
proche c’était sa mère, et Dorsi avait à peine eu un rhume ces dernières années.
Le
lendemain matin, un télégramme pour Maxine est arrivé chez Alex. Il s’est
précipité chez elle. On pouvait y lire, « VIENS AU CHRISTIS HOSPITAL MERE EST
TRES MALADE. » Le Christis Hospital était réservé aux patients atteints de
cancer en phase terminale.
Maxine a
fait sa valise, laissant ses accessoires magiques chez Alex, et a couru chez
Blackley Bryan, un de ses vieux amis qui avait envoyé le télégramme, il
l’attendait chez lui. Ils sont allés à l'hôpital. Dorsi était mourante. Elle
avait une sorte de minerve qui empêchait sa tête de tomber et elle ne pouvait
pas aligner deux mots cohérents. Maxine est allée la voir tous les jours, mais
la fin était proche, Dorsi fut sanglée sur un lit de camp et installée dans une
chambre privée. Tout le monde savait ce que cela signifiait.
La
dernière fois que Maxine a vu Dorsi en vie c’était un vendredi. L’infirmière,
une religieuse, avait dit à Maxine qu’elle devrait rester cette nuit, sa mère
était au plus mal et ne serait probablement plus là le lendemain. Maxine en a
convenu. Aussi silencieusement que possible, elle s’est rendue sur la pointe des
pieds dans la chambre de Dorsi et s’est assise au bord du lit. Elle pensait à sa
vie, à sa mère et aux moments extraordinaires qu’elles avaient vécus ensemble,
quand elle a vu un ectoplasme bleu sortir du sommet du crâne de Dorsi. Elle a
senti la présence de la mort. Maxine a embrassé sa mère sur le front et lui a
longuement dit adieu en silence. Puis elle est sortie de la chambre.
L’infirmière lui a pris le bras alors qu’elle s’en allait et lui a demandé
pourquoi elle ne restait pas avec sa mère mourante.
« Ça ne
sert à rien », a dit tristement Maxine. Physiquement - en termes médicaux -
Dorsi était encore en vie, mais son esprit était sur le point de quitter son
corps physique. L’infirmière est partie en marmonnant au sujet de la jeune
génération qui n’était plus bonne à rien, qui était égoïste, inconsidérée ....
Maxine est
allée lentement vers la maison de sa mère. A 6H30 le matin, le téléphone a
sonné. C’était la même infirmière qui s’excusait, sa mère était morte. Sans
surprise, Maxine a commencé s’occuper des funérailles.
Dorsi
avait dit à Maxine qu’elle voulait être enterrée dans une robe de soie noire
avec une bordure blanche en hermine. Maxine avait essayé de la convaincre de
s’en séparer et a décidé que, maintenant que Dorsi était morte, il allait
ignorer son souhait. Mais chaque nuit où elle dormait dans la chambre de sa mère
« les foutus trucs », comme Maxine les appelle maintenant, ne la laissait pas
dormir. La garde-robe s’ouvrait et les robes se répandaient par terre.
Lorsqu’enfin Maxine a téléphoné aux pompes funèbres de venir récupérer la robe
les problèmes ont cessé.
Des putes,
des proxénètes, des prêtres, des couples homosexuels des deux sexes, des
vilains, des adeptes de Subud, accoururent pour la cérémonie. Un des porteurs
est arrivé en portant des chaussures de danse. Tous se pressaient dans la petite
église catholique au grand damne des parents de Dorsi, choqués et conservateurs.
Lorsque Maxine est arrivé, en retard, en manteau de fourrure blanc avec un
chapeau assorti et des accessoires noirs, elle a senti tous les regards se
tourner vers elle. Devant elle, il y avait le cercueil de sa mère avec des
bougies allumées à chaque coin. La messe a commencé.
Introibo
ad altare Dei.
Ad Deum qui laetificat juventutum meum.
Tout alla
bien jusqu’à la consécration, lorsque le vin et l’hostie ont été bénis. Tout le
monde regardait Maxine pour voir si elle allait communier. Elle est restée là où
elle était. Des regards obliques et des murmures désapprobateurs se firent
entendre pendant que les parents consciencieux s’approchaient de l’autel pour
recevoir le corps de leur Dieu sous la forme de pain sans levain.
Le prêtre
a regardé vers l’arrière de l’église avec horreur soudaine. L’assemblée toute
entière s’est retournée pour voir Alex, en grand apparat de Sorcière, à la tête
d’une troupe de Sorcières vêtues de la même façon venue dans l’Eglise pour
rendre un dernier hommage. Le prêtre a grimacé en voyant les forces du mal
entrer dans son église. Mais les sorcières ne sont-elles pas censé être
incapable d’entrer dans une église ?
Mais il a
continué avec sa messe et après la bénédiction finale,
Ite
Missa est
Deo gratias.
Les
sorcières sont sorties de l’église solennellement et en silence. Elles n’ont pas
assisté à l’enterrement.
Après les
funérailles, Maxine a décidé de rester seule dans la maison jusqu’à ce que les
formalités de successions soient terminées. Elle s’est trouvée soumise à des
formes bizarres de harcèlement. Un soir, elle est revenue de la réunion du coven
et a constaté que toutes les fenêtres de la maison avaient été brisées. Des
enfants lui jetaient des pierres dans la rue. Enfin, la maison a été vendue et
l’argent a été mis en fiducie pour Maxine et sa sœur. Ayant nulle part où
habiter et à nouveau sans argent, elle s’est tournée vers Alex pour obtenir de
l’aide. Il l'a lui apporté. Depuis quelque temps il avait appris par les Tarots
que Maxine serait sa femme.
Maintenant
les projets de mariage étaient fixés. Une petite maison avait été arrangée et
Paul et Alex devaient se séparer. Mais avant que tout cela se mette en place
Maxine a redécouvert son talent pour la projection astrale.
Toute
personne vivante a trois corps : le corps physique, qui est le seul dont nous
sommes normalement conscients dans notre état de veille, le corps astral, une
contrepartie du corps physique que nous habitons quand nous rêvons, et le double
éthérique, qui est une sorte du corps hors du corps qui peut exister
indépendamment du corps physique. Ce dernier peut être envoyé au loin alors que
le corps physique est au repos à des centaines de kilomètres de là. (Je n’y ai
jamais cru jusqu’à ce que, sous la direction de mon enseignant, j’ai été vu me
promener à Londres alors que je dormais dans le Yorkshire.) Pour la plupart des
personnes, les corps physique, astral et éthérique restent ensemble tout au long
de leur vie. Mais il est possible, grâce à un entrainement, de développer la
technique de transfert de la conscience du corps physique au corps astral ou
éthérique en restant éveillé. C’est ce qu’on appelle généralement la projection
astrale, mais cela ne s’applique qu’à la projection du double éthérique, qui est
à mi-chemin entre le corps physique et astral. Maya, la fille de Maxine, peut se
projeter astralement pendant son sommeil. Enfant, Maxine se projetait
pratiquement chaque nuit, elle ne savait pas que ce n’était pas normal. Elle a
perdu cette capacité à l'âge de quatorze ans, quand elle a commencé à avoir ses
règles. Elle a retrouvé cette capacité suite aux conseils que lui avait donnés
Alex, ce fut spectaculaire et plutôt comique. Enfin, cela semble
rétrospectivement.
lex était en train de parler à groupe d’adeptes, de plus en plus nombreux, de la
projection et il recommandait une technique simple. L’étudiant devait se placer
en face d’un miroir, avec des bougies allumées de chaque côté et se concentrer
sur son reflet dans le miroir en voulant se projeter dans le miroir. Mais il ne
fallait en aucun cas tenter cette expérience tout seul, il y avait un risque de
rester coincé, comme Alice, dans le miroir.
Maxine,
bien sûr, n’a pas tenu compte du dernier conseil. Il y avait une coiffeuse avec
un grand miroir dans son appartement, et un soir après que la bibliothèque aie
fermé, elle fait ses préparatifs. Elle a suivi les directives d’Alex - et
bientôt, elle regardait du miroir et a vu à sa grande horreur, son propre corps
couché par terre.
Effrayée
en corps et en esprit, elle a essayé de crier. Elle n’avait pas de voix. (Maxine
croit qu’il y a des cas où des personnes se sont projetées involontairement et,
comme leurs corps a été déplacés, elles ne peuvent plus trouver le chemin du
retour. C’est une explication possible à certains phénomènes de fantômes.)
Conjurant toute sa volonté, Maxine a réussi à sortir du miroir et à retourner
dans son corps et à se relever. Sa projection suivante fut dictée non pas par la
curiosité mais la faim.
Maxine
peut ouvrir les serrures sans clé. En mettant sa main sur une poignée de porte
et en voulant qu’elle s’ouvre, elle obtient généralement le résultat escompté.
Elle a découvert cela par hasard un soir où elle était allée chez Alex et Paul
pour mendier un repas. Ils n’étaient pas là et elle avait assez faim pour briser
la porte, mais quand elle a baissé la poignée une seconde fois, la porte s’est
ouverte. Elle s’est précipitée à l’intérieur et s’est attaquée au garde-manger.
Deux
boîtes de haricots blancs cuisinés, une demi-miche de pain, trois œufs (frits)
et une boîte de fraises avait disparu lorsqu’Alex est rentré chez lui. Il a fait
irruption dans l’appartement de Maxine et l’a accusée d’avoir un passe-partout.
Après avoir fouillé l’appartement avec sa rigueur habituelle, il s’est excusé et
est rentré chez lui. Généreusement, Maxine a accepté les excuses. Elle se mise
au lit et pendant qu’elle s’endormait elle a émit un petit rôt féminin de
contentement.
Certaines
habitudes ont la vie dure et manger en est une. Maxine avait constaté qu’à
n’importe quel moment après trois heures du matin, elle était tranquille pour
faire un raid dans le frigo d’Alex. Quand Alex constatait qu’il manquait de la
nourriture, il le reprochait à Paul. Lorsque Paul constatait qu’il manquait de
la nourriture, il le reprochait à Alex. La serrure a été changée. Cela n’a rien
changé. Paul a posé des pièges à souris tout en se demandant comment une souris
pouvait ouvrir une boîte de haricots. Enfin, une nuit, le mystère a été résolu.
Convaincue que ses victimes étaient sorties pour la soirée, Maxine a essayé
d’ouvrir la serrure par la force de sa volonté. Cela n’a pas marché. Elle a
pensé que finalement ils étaient peut être là et que la porte était verrouillée
de l’intérieur. Elle a frappé à la porte et a crié. A cette époque son propre
garde-manger, se composait d’une boîte de poudre de curry, une boîte de petits
pois préparés et un assortiment de condiments et d’épices.
« Comment
ose-t-elle me déranger ! » a-t-elle entendu, c’est Alex qui se plaignait au bas
de l’escalier.
« Alex,
puis-je entrer ? Je meurs de faim et je n’ai rien à manger. »
« Non, tu
ne peux pas entrer, vraiment pas. »
« Peux-tu
au moins me donner quelque chose à manger ? »
« Nous
n’avons rien à la maison » a-t-il dit froidement, il mentait. « Paul a oublié de
faire des courses aujourd'hui. »
« Je
vois » a-t-elle dit , elle avait compris. Elle a tourné les talons et s’est
éloignée.
Au moment
où elle a atteint Ellesmere Road, elle était d’une humeur incontrôlable. Toutes
les sorcières n’ont-elles pas prêté serment de s’aider les uns les autres ?
N'était-elle pas une Reine Sorcière, leader de vingt covens? N’était-ce pas Alex
Sanders qui l’avait mené là ? Elle fulminait dans son appartement assise dans
une chaise recouverte de velours vert, en forme de trône. Ce soir là ce trône
était devant le miroir.
Soudainement, avec un grand bruit elle fut hors de son corps. Maintenant elle
pouvait se déplacer à travers les murs et se visualiser partout où elle le
voulait.
Si Alex
n’avait pas été préoccupée à engloutir son thé, son œil clairvoyant aurait vu
double éthérique de Maxine dans la pièce. Mais comme il était assis face à Paul
qui était dans la même situation, il n’a même pas levé les yeux de son assiette.
Le double de Maxine était retourné en trombe dans son appartement où il s’est
reconnecté à son corps physique. Sans attendre de récupérer, elle a couru
jusqu’à l’appartement d’Alex. Il faisait très froid, mais elle n’a pas pris la
peine de mettre son manteau.
« Bâtards
! » Criait-elle en frappant à la porte. « Laissez-moi entrer, sales menteurs !
Vous avez des tomates là-haut ! Vous avez du corned beef et de la salade !
Laissez-moi entrer, espèce de foutus menteurs ! »
Les
occupants des autres appartements écoutaient maintenant les cris. Une fenêtre
s’est ouverte plus haut d’où a émergé une tête. Une femme est descendue et a
ouvert la porte, elle tenait une passoire de carottes et Maxine en a pris une et
a commencé à la dévorer comme un lapin affamé. Elle s’est précipitée dans
l’escalier.
Paul était
dans l’escalier. « Bâtard ! » Maxine l’a martelé de coups de poings, puis elle
l’a fait tomber dans l’escalier. Paul est un expert en judo – une personne
singulièrement polie avec les femmes hystériques qui le rouaient de coups - et
il a atterri sans se faire mal.
Maxine
s’est précipité dans la cuisine.
« Que
diable veux-tu ? »
« Foutus
bâtards ! Je me moque de vos pouvoirs, ne me mentez plus jamais parce qu’à
chaque fois je saurais la vérité. Si vous aviez été dans un foutu désert en
train d’ouvrir une boite de haricots avec les doigts, je vous aurais vu parce
que je peux voyager où je veux. »
« Tu t’es
projeté ici ? » Alex est maintenant presque souriant.
« Tu as
foutrement raison, c’est ce que j’ai fait. Grâce à toi j’ai droit à une foutue
couronne et regarde-moi. Vas-y – tu pourrais jouer du xylophone sur mes côtes !
Mais ... » La voix de Maxine est passée de la colère à la douceur, « tu devrais
me traiter mieux ... Je me contenterai de corned beef, de tomate et de salade
verte. »
Paul est
entré dans la cuisine en se frottant le bas du dos. Les trois personnes se sont
regardées et se sont mises à rire.
C’est
peut-être là que le mariage d’Alex et Maxine Sanders a réellement commencé. A la
fin des années 1960 le tapage qu’ils provoquaient avait fait d’eux les Richard
Burton et Elizabeth Taylor de la Sorcellerie moderne.
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