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par
R. Deutsch version française Tof & Néphilim

Le téléphone a sonné, trop tôt le matin, il faisait encore
sombre.
« Nigel matérialise des saucisses » a dit la voix.
« Qu’est-ce que tu dis ? » Alex était fatigué. Il était fatigué parce qu’il
avait eu une longue journée suivie d’une longue nuit et la seule mention de
Nigel suffisait à fatiguer encore plus.
« J’ai dit qu’il matérialise des saucisses. Elles volent par les fenêtres. Le
petit bâtard a vraiment un problème. Peux-tu... »
« Ecoute Ken, je suis vraiment très fatigué. Si c’est une de blague alors... »
« Non, Alex écoutes-moi. Nigel est couché là dans cette maison et des paquets de
saucisses volent autour de lui, elles sortent de nulle part. Les voisins
deviennent fous. Tu dois l’aider. »
« Bonjour. Non bonne nuit, Ken. »
Alex a parlé à Maxine, dont le nom est désormais Sanders, de Ken, aucun des deux
ne pensaient qu’il était spécialement farceur et ils se sont tous les deux
rendormi.
Deux jours plus tard : « Alex, c’est à nouveau Ken. Ne raccroche pas s’il te
plaît. Ce petit fils de pute matérialise maintenant des pièces de trois pence.
Alex, tu dois me croire. L’endroit est dévasté. Nigel est couché nu au milieu
dans ce désordre de saucisses et de pièces de trois pence. Les saucisses
commencent à sentir mauvais. Quelqu’un va appeler la police et ils vont
l’emmener à coup sûr. S’il te plaît, Alex. Tu dois y aller. »
Quand Alex a parlé à Maxine des dernières prouesses de Nigel, ils ont décidé
qu’ils devaient aller voir. Ce n’était pas le début de l’histoire de Nigel
Farnsworth, ni, malheureusement pour eux, la fin.
Ça a commencé lorsque Nigel a été présenté à Alex comme initié du premier degré.
Il avait lui-même invité, Alex, Paul et une autre Sorcière dans un restaurant
indien pour un repas et un « petit verre ». Il mesurait environ 1M60, il était
chauve sur le dessus, mais il avait les cheveux gras et plaqués sur les côtés et
derrière la tête. Son obésité et ses dents jaunes dégoûtaient Maxine. Il avait
aussi un problème avec l’alcool.
Au restaurant indien, il a commandé six bouteilles de riesling hongrois, dont
deux qu’il a bu tout seul. Après être sorti des toilettes des hommes où il
s’était enfermé et où il s’était endormi, il avait été libéré par un serveur qui
avait grimpé par la fenêtre en passant par l’extérieur, Alex, Paul et l’autre
Sorcière - qui étaient déjà bien gais eux aussi – se sont entassés dans la
voiture de Nigel. Nigel avait encore son pantalon aux genoux.
Presque immédiatement ils ont ouvert les fenêtres arrière de la voiture. Du
homard tandoori, du curry de bœuf, des légumes au curry, du riz, de la crème
caramel et deux litres de vin doux se sont retrouvés sur les côtés de la voiture
la décorant d’un motif abstrait.
Alex, qui tenait bien l’alcool et avait généralement bon caractère, n’était pas
très heureux. Nigel Farnsworth n’était toléré que pour sa vivacité
intellectuelle et ses talents artistiques, les deux étant immenses. Il tournait
autour du coven, comme font certaines sorcières, il n’avait aucune quête
spirituelle, mais il recherchait l’amitié, l’amour parfois, dans des intérêts
communs. Il n’y avait aucun véritable problème juste de petits soucis, jusqu’à
ce qu’il décide qu’il était prêt pour son second degré.
« Alex, le moment est venu » a annoncé Nigel, une mauvaise imitation de Tony
Hancock décidant de devenir l’Homme Sauvage des Bois. « Je veux être un Grand
Prêtre. » C’était une de ces visites de courtoisie dont Nigel profitait toujours
pour demander une faveur, il était venu armé de pâtisseries turques, des
baklavas et divers autres sucreries que, il le savait, Alex trouvait
irrésistible.
« Je veux que tu me le donnes. »
« Attends une minute. » a dit Alex. Il a expliqué à Nigel, qui le savait déjà,
qu’en Wicca le second degré ne peut être donné que de l’homme à la femme et vice
versa. Il se traduit parfois par l’union sexuelle. La cérémonie implique un
transfert du pouvoir : du positif au négatif, de l’homme à la femme. Ceci peut
être pratiqué symboliquement, mais il ne savait pas trop si Nigel avait pensé ou
non à cet aspect symbolique.
« Maxine, » a demandé Alex, « donnerais-tu à Nigel son second degré ? »
« Alex, je ne pense pas en être digne. » Elle a baissé la tête en souriant.
« Mais je veux que ce soit Alex qui m’initie. » A cause de son propre
comportement Nigel n’avait jamais réussi à trouver de partenaire stable pour le
Cercle, ce qui est essentiel pour la pratique durable de la Sorcellerie. Ni Alex
ni Maxine n’avaient envisagé que Nigel ai pu être une reine Sorcière cachée.
« Je vais devoir y réfléchir » a dit Alex et la question a été laissée de côté
pour quelque temps. La demande était un peu bizarre, mais en se plongeant dans
ses livres Alex a découvert qu’il n’y avait rien de particulier dans Le Livre de
la Loi qui rendrait cela impossible. Les pratiques homosexuelles sont communes
dans la magie, même si elles n’étaient arrivées que récemment dans la
Sorcellerie. Mais la cérémonie sera purement symbolique. Alex a accepté de
pratiquer le rituel, mais pas dans son propre Temple.
Bien qu’Alex vivait comme un pauvre homme, son Temple était un trésor d’objets
magiques qu’avec Paul, ils avaient rassemblés au fil des ans. Des Baguettes en
divers bois et métaux, des couteaux à manche d’ivoire et d’ébène, des épées, des
dessins mystiques et les aquarelles exquises de Paul décoraient la pièce qui
sentait toujours l’encens et la myrrhe. Il y avait des effigies de marbre et,
maintenant qu’Alex Sanders devenait célèbre (ou infâme dans certains cercles)
dans le monde occulte, les dons arrivaient de tous les coins du monde. Il y
avait une épée dont on disait qu’elle datait des Croisades, une idole d’un
monastère Tibétain, et un cadeau plutôt exceptionnel et coûteux venant d’un
Américain qui a été reconnu plus tard coupable d’avoir pratiqué un assassinat
rituel de masse. Il y avait des parchemins en peau humaine avec des inscriptions
en sang (j’en ai vu un), d’anciens parchemins égyptiens et des carrés magiques
d’AbraMelin datant du dix-septième siècle. Son Temple était et est toujours
situé en un lieu que je ne peux pas désigner, un musée magique, et les objets
qu’il contient sont inestimables. Si Alex avait eu l’idée de vendre l’un de ces
objets, ses soucis financiers auraient été réglés pour de bon, mais l’équipement
du Temple, en fait les outils de travail de chaque Sorcière, ne doivent pas être
évalués en termes monétaires. Ils occupent une partie de sa vie qui ne peut être
concernée par l’argent ou même la mort. Il est difficile pour un esprit moderne
et matérialiste vivant dans une société de consommation de comprendre cela, mais
même quand il avait vraiment faim, l’estime qu’avait Alex pour ses outils
magiques était si grande qu’il n’a jamais envisagé de s’en séparer. Une seule
autre personne y avait accès : sa femme Maxine dont il s’est séparé maintenant.
Il n’était pas question de pratiquer un rituel qui pourrait être considéré comme
une entorse, même légère, à la Loi dans un tel environnement. Le rituel devait
être pratiqué dans l’appartement de Nigel, à 20 h, un samedi. Toute cette
semaine, quand Maxine nourrissait le chat, elle récitait un poème qu’elle avait
composé pour elle-même et qui faisait mourir de rire Alex : « Petit chat, petit
chat, où as-tu été ? » « C’est à Nigel d’initier une reine ! »
Alex est arrivé avec les outils et les vêtements nécessaires. L’appartement, qui
était au premier étage d’une grande maison qui dominait le quartier, se
composait de deux chambres qui avaient été rassemblées en une seule, elle était
énorme. Une très grosse poutre en chêne traversait le plafond. Nigel avait
construit son autel directement sous la poutre. A part sa propre peinture du
dieu Pan et une table à côté de l’autel, tous les meubles et les tapis avaient
été rangés dans un coin éloigné. Sur la table il y avait des pâtisseries
orientales, des babas au rhum, des gâteaux et de nombreuses bouteilles de vin
ouvertes.
Nigel et Alex se sont détendus et ont bu pendant un certain temps alors qu’Alex
expliquait la forme que prendrait le rituel. Au grand dam de Nigel, Alex
refusait de manger, la fête aurait lieu plus tard. Il a demandé à Nigel quelle
divinité il s’était choisi comme patron.
« Pan ! »
« Nigel, tu es une Sorcière responsable. Tu sais aussi bien que moi que c’est
très dangereux. Le dieu Pan peut apporter le chaos, la « panique ». Crowley a
pratiqué un rite à Pan à Paris et cela l’a presque tué.
Nigel a été catégorique. A contrecœur, Alex a déplié les vêtements et a commencé
à tracer le pentacle cérémoniel autour de l’autel. Deux cercles ont été tracés,
l’un de 2M70 et l’autre de 3M de diamètre. Entre les deux cercles des symboles
kabbalistiques avaient été tracés. Les quatre points cardinaux ont été marqués
par des bougies.
En faisant les préparatifs, Alex a chanté une ancienne prière chaldéenne pour sa
propre sécurité. Si quelque chose devait mal tourner, pensait-il, ça serait
cette nuit.
Lorsque le cercle a été consacré et les Gardiens convoqués, Alex a fait entrer
Nigel dans le cercle. Il lui a enlevé ses vêtements et l’a purifié, l’a flagellé
avec un petit fouet en cuir puis il l’a mené autour du cercle.
« Écoutez, vous O Puissances de l’Est, une Sorcière dûment consacrée est
maintenant proprement préparée à être fait Grand Prêtre et Mage. »
« Écoutez, vous O Puissances du Sud ... »
Puis Alex a fait trois fois le tour du cercle en dansant et scandant les
incantations appropriées. Nigel suivait juste derrière lui, puis il s’est
agenouillé nu devant l’autel pendant qu’Alex lui attachait les mains et les
pieds.
« Pour atteindre le degré sublime, il est nécessaire de souffrir et d’être
purifié. Es-tu prêt à souffrir et à apprendre ? »
« Je le suis et je le ferai. »
« Alors je te purifie pour que tu puisses prêter ce grand serment comme il se
doit. »
Alex a fait teinter trois fois la cloche cérémonielle. Puis il a à nouveau
flagellé Nigel : sept fois, neuf fois et vingt et une fois en succession rapide.
Nigel a maintenant pris son nouveau nom qui ne peut être révélé sans réel
danger. Il a prêté le serment secret du second degré et Alex lui a posé sa main
gauche sous le genou et sa main droite sur la tête.
« Je veux que tu ... pouvoir », lui a dit Alex et c’est là que les choses ont
commencé à aller de travers.
D’une façon ou d’une autre Nigel a réussi à rompre les cordes qui l’attachaient.
Il s’est mis à rire de façon hystérique et à faire des danses aborigènes autour
du cercle. Il a pris une des lances magiques et a commencé à l’agiter en
menaçant Alex. Pendant tout cela Alex a essayé, avec courage malgré les
circonstances, de poursuivre le rituel. Le dieu Pan avait été convoqué et il
s’est vengé. Nigel fut enfin épuisé et il s’est effondré devant l’autel. Alex a
commencé à décrire l’usage des outils de la Sorcière.
« Voilà l’épée magique pour former le cercle, voici l’athamé, et voici le
couteau à manche blanc, voici la baguette, voici l’encensoir et l’on s’en sert
pour... »
Nigel est brusquement revenu à la vie. Il a bondi, a poussé un cri et il s’est
précipité vers la table aux victuailles. Il a pris quelques pâtisseries et les a
examinées avec curiosité. Puis il a commencé à s’en enduire tout le corps : le
visage, la tête, les bras et les jambes. Satisfait de son propre maquillage, il
a recommencé sur Alex. Il a essayé de lui arracher son vêtement, mais Alex l’a
repoussé. Puis, avec une lueur de panique dans les yeux, Nigel s’est précipité
hors du cercle jusqu’à un coin au loin et est revu avec une grande paire de
ciseaux. Il l’a brandi triomphalement sous le nez d’Alex. Comme Alex, toujours
téméraire, essayait d’achever le rituel aussi vite que possible, Nigel a réduit
son vêtement en lambeaux avec ses ciseaux. Finalement le Grand Prêtre, solennel,
était debout tout nu, à l'exception de quelques morceaux de tissus qui pendaient
toujours au niveau de ses épaules, au milieu du cercle magique. Nigel a alors
recommencé à tourbillonner autour du cercle.
Il a cessé un instant pour voir ce qui allait suivre. Comme Alex se préparait à
bannir le cercle, considérant que le rituel était terminé, Nigel s’est placé
furtivement derrière lui, les mains chargées de nourriture. Il en a couvert la
tête, la poitrine, le bassin et les jambes d’Alex. Puis, arrachant le couteau à
manche blanc de l’autel, il s’est précipité une fois de plus hors du cercle et
est revenu avec deux grands coussins en plumes d’oie. Il a déchiré un des
coussins et s’est barbouillé de plumes. L’autre coussin a été pour Alex, qui se
trouvait debout devant l’autel ressemblant à un canard abandonné à moitié plumé.
Nigel avait dû remarquer la ressemblance car il s’est mis à quatre pattes en
criant. Puis, toujours à quatre pattes, il a chanté le refrain d’un chant
d’église.
Alex a réussi à bannir le cercle, se rhabiller et à s’en aller sans se soucier
de se nettoyer. Rentrant chez lui dans l’air froid, sa colère s’est transformée
en amusement. Maxine a ouvert la porte pour accueillir son époux qui avait le
visage recouvert de pâtisseries et de plumes. Maintenant son amusement s’était
transformé en véritable préoccupation au sujet de Nigel.
Comme Maxine et Alex ouvraient la porte en fer forgé et marchait avec
appréhension dans le jardin circulaire, Nigel les regardait par la fenêtre avec
des yeux glacés. Un socle de statue au centre du jardin, pesant facilement un
quintal, lévitant dangereusement devant eux. Ils ont plongé dans les buissons
pour éviter d’être renversés et le socle à soudainement changé de direction et
percuté le mur de la maison juste au coin droit de la fenêtre. De gros morceaux
de béton sont tombés, un peu comme une petite avalanche et Nigel a crié de sa
voix haut perchée et est tombé par terre. Quand ils sont entrés dans
l’appartement, Alex et Maxine ont trouvé un soi-disant Grand Prêtre, bouffi et
nu, au milieu d’une multitude de plats grecs, de pièce de monnaies, de plumes et
de paquets saucisses de porc à moitié pourries. Il était dans cet état depuis
trois jours. Maxine a téléphoné à l’hôpital psychiatrique de Springfield et
Nigel a été emmené. Ils ont entendu dire que Nigel s’était bien adapté à la vie
de l’hôpital et amassait une somme rondelette grâce à la vente de ses peintures
aux médecins et aux internes. Ils espéraient ne plus entendre parler de lui.
C’était ce qu’ils espéraient.
Lorsque Nigel est sorti à sa demande de l’hôpital, il a commencé à répandre des
rumeurs diffamatoires sur Alex et le coven Manchester. L’histoire changeait à
chaque fois que Nigel la racontait, mais un détail était constant : Alex avait
construit une poupée grandeur nature à l’image de Nigel et avait l’intention de
l’assassiner. L’effigie était cachée quelque part dans la région de Manchester.
Personnes ne croyait trop à cette histoire ou ces histoires, mais la nuit, plus
d’une fois Alex a été abordé dans son pub par des connaissances lui demandant ce
qu’il avait bien pu faire à Nigel. Nigel était convaincu que jusqu’à ce qu’il
trouve la poupée et la neutralise son pouvoir, sa vie ne serait plus jamais
sienne.
Une nuit, Alex, Maxine et d’autres membres du coven ont été invités à un feu de
joie par des sorcières de Salford. Cynthia, la Grande Prêtresse, une amie proche
d’Alex, avait ordonné à son coven de construire le plus grand feu de joie qu’on
n’ait jamais vu. Son appartement était dans une zone en plein réaménagement et
aux alentours de nombreuses maisons étaient à l’abandon. Il y avait donc de
nombreuses planches, des caisses en bois, des branches d’arbres morts et un
grand espace pour faire feu de joie de 9 mètres de haut. Dans leurs
célébrations, les Sorcières sont souvent des plus excessives.
L’incendie potentiel est venu à l’attention des pompiers
qui n’avaient pas l’intention de l’interdire mais ils sont allés voir Cynthia
pour lui prodiguer des conseils quant aux précautions nécessaires. Le bûcher a
été photographié par la presse locale, avec plusieurs sorcières de Cynthia
posant devant. Ils avaient aussi préparé un mannequin à l’apparence humaine
grandeur nature. Des sandwiches, du gâteau, différentes viandes et des pommes de
terre à rôtir ainsi que des litres de vin de Sorcières avaient été préparés pour
l'événement.
Mais Nigel avait lui aussi lu les journaux.
Le fête battait son plein depuis plus d’une heure, éclairée par des torches
trempées dans la poix, quand Cynthia, au milieu des bavardages, a dit : « Alex,
n’est-ce pas Nigel Farnsworth là-bas ? »
« Ne sois donc pas stupide. Il n’osera plus jamais se montrer et de toute façon,
comment aurait-il su que nous sommes ici ? »
Pendant ce temps, le mannequin qui était vraiment réaliste, avait été attaché au
sommet du bûcher par quelques Sorcière intrépides. L’une d’elles était l’époux
de Cynthia, il a failli tomber lorsqu’il a reconnu Nigel.
« Et merde ! Le petit bâtard est ici et il a une bombe ! »
Le feu avait déjà été allumé. Les Sorcières sont descendues des échelles et se
sont précipitées dans tous les sens.
Une silhouette chauve blottie dans l’ombre s’est avancée. Il portait un manteau
brun foncé parsemé d’étoiles argentées, il s’est rué, comme le bossu de
Notre-Dame, vers le feu avec un paquet en mains. En agitant les bras, il a crié
: « Vous n’allez pas oser essayer de me brûler sur le bûcher ! » Il a jeté le
paquet, qui était une boîte à biscuits où avaient été placés des feux d’artifice
et a disparu dans l’obscurité.
Des fusées et des feux de bengale jaillissaient dans tous les coins, des pétards
et des chandelles romaines envoyaient des étincelles menaçantes dans toutes les
directions. Une malheureuse Sorcières trop lente à évaluer le problème a perdu
la moitié de sa barbe qui a brûlé. Le feu ressemblait à ce qu’avait dû être la
Tour Infernale et le mannequin a été propulsé dans les airs et a atterri, après
avoir perdu toute dignité, il ne restait plus que quelques lambeaux de chiffons
brûlés.
Alex a chassé Nigel qui s’est perdu dans l’obscurité. On n’a plus entendu parler
de lui depuis.
Les Sorcières sérieuses courent toujours le risque de se heurter à des déviants.
Maxine a eu une fois à traiter avec une personne qui maintenant est connue dans
les covens sous le sobriquet de Masturbateur Fou.
C’était une sorcière gardnerienne, mais cela ne veut pas dire qu’il représentait
la Sorcellerie gardnerienne, nommée d’après feu le Dr Gerald Gardner, le
fondateur du mouvement. La Sorcellerie Gardnerienne est plus conservatrice que
la Sorcellerie Alexandrienne, ainsi à posteriori, il n’est pas surprenant que
Leslie s’ennuyait avec le coven qu’il avait rejoint et qu’il ait demandé à
Maxine et Alex s’il pouvait pratiquer avec eux. Une sorcière, à condition
qu’elle puisse prouver qu’elle a été initiée dans l’un des trois principaux
cultes de la Sorcellerie en Grande-Bretagne - Alexandrienne, Gardnerienne et
Traditionnelle - est toujours la bienvenue dans un cercle de Sorcières
Alexandriennes.
Au début, Leslie s’est comporté comme un parfait gentleman, même s’il était nu.
Mais quand la danse en cercle s’est achevée et que toutes les sorcières, hommes
et femmes, sont tombées par terre, son enthousiasme est devenu évident. Le
cercle a été reformé et les travaux ont débuté pour toutes les sorcières, sauf
Leslie qui s’est éloigné dans un coin sombre en dehors du cercle où il a
commencé, caché dans l’ombre, à se caresser les tétons.
Cela n’a pas du tout fait rire Maxine.
Généralement, pour des raisons de sécurité, un cercle magique doit être tracé et
banni selon les anciens rites. Mais j’ai vu Maxine bannir un cercle et clarifier
l’atmosphère laborieusement préparée par l’un de ses élèves d’un simple
claquement de mains, c’est exactement ce qu’elle a fait dans ce cas.
« Vous deux, faites-le sortir d’ici. » Deux Sorcières hommes ont escorté Leslie
au vestiaire, puis à la porte d’entrée et en dehors de l’'appartement.
Leslie est revenu repentant quelques jours plus tard. Pourrait-on lui donner une
autre chance ?
Alex a dit que, comme Maxine était la Grande Prêtresse c’est à elle que revenait
dans ce cas la décision. Elle a invité Leslie à participer au cercle suivant.
La pièce était pleine de sorcières nues qui tournaient dans le sens des
aiguilles d’une montre, puis les hommes ont tourné dans le sens des aiguilles
d’une montre et les femmes dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
Leslie s’est retiré dans son coin préféré. Il a commencé à se masturber avec
fureur, en s’adressant à lui-même des obscénités.
Une fois de plus Maxine a frappé dans ses mains, a remercié les Gardiens pour
leur participation, les a renvoyés puis s’est adressée au coven. Elle avait
préparé le discours à l’avance, juste au cas où.
« Faites venir ici devant moi ce petit bâtard. » Leslie se tenait devant elle.
Il avait presque éjaculé et un suintement gênant couleur perle s’était formé sur
son gland.
« Mesdames et Messieurs de la Wicca », a commencé Maxine. « En tant que Grande
Prêtresse j’enseigne qu’il faut avoir de la compassion et de l’humilité et que
le Pouvoir est accordé à la Prêtresse grâce à la fécondité de l’homme, je me
plie toujours à sa supériorité en parfait amour et parfaite confiance. Mais je
ne vais pas tolérer qu’un homme gaspille ce Pouvoir dont il a la chance de
disposer. Il est particulièrement répréhensible de le voir le gâcher en en
abusant seul. Je n’ai pas d’autre alternative, Leslie, que de te bannir de la
Wicca. Tu vas te rhabiller, quitter ce coven et ne plus jamais revenir. »
Les mésaventures sexuelles existent dans les covens qui pratiquent la formation.
Il est rare qu’une Sorcière homme ait une érection lors des travaux, je ne l’ai
vu que deux fois. Les orgies sexuelles, délibérément provoquées par le Grand
Prêtre ou la Grande Prêtresse, sont une tout autre chose. Mais Maxine a la
réputation de faire rapidement face aux soulèvements imprévus.
A une occasion, quand elle donnait un candidat le quintuple baiser, touchant son
pénis avec ses lèvres en disant : « Béni soit ton phallus, sans lequel nous ne
serions pas », l’initié, qui ne s’attendait pas à un accueil aussi généreux dans
la Wicca, est devenu très raide. Maxine a été surprise quand elle a failli se
prendre la raideur dans l’oeil. Elle s’est levé, est allé à l’'autel et a pris
l’une des baguettes. Elle a poussé de côté le membre fautif et a embrassé son
aine et a achevé la bénédiction, puis elle a murmuré une vieille plaisanterie
irlandaise assez fort pour que tout le coven entende. « Je vais me la mettre sur
l’oreille et je la fumerai plus tard. »
L’initiation a continué, malgré ce premier souci, sans accroc.
Une fois, j’ai participé à un Sabbat où il n’y avait pas que des couples, loin
de là. Il n’y avait qu’une seule prêtresse et une douzaine d'hommes. D., une
charmante jeune fille dans une robe noire et or et Maxine, dans une robe vert
pâle d’inspiration chinoise, fendue jusqu’aux cuisses, étaient encerclées lors
du rituel par des hommes nus. Après la cérémonie, comme nous faisions passer aux
présents du vin, des gâteaux et des fruits, Maxine a dit D. : « Comme tu es la
Demoiselle, et la seule ici, tu va devoir t’occuper des hommes. »
Nous l’avons prise au sérieux. D. était très nerveuse. « Tous les hommes ? »
« Tous » a répondu Maxime. Puis elle lui a fait un clin d’œil. » Et je veux un
rapport complet demain matin.
Elle n’était pas sérieuse. Dommage.
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