Les Romans Occultes de Dion Fortune
Le Taureau Ailé
par A.Sumner version française Tof et Maud K.
Le Taureau Ailé est le nom d’un grand sphinx babylonien : il a le corps d’un taureau, des ailes couvrant son dos et la tête d’un noble babylonien, avec sa barbe et son couvre chef caractéristique. On peut encore le voir aujourd’hui au British Museum à Londres. Sur la plaquette devant lui, il est décrit comme un « Esprit Gardien » c’est à dire qu’il aurait été placé à l’entrée d’un temple, avec ses congénères, pour le garder. Je dois admettre que quand je l’ai vu moi-même l’an passé, j’ai trouvé intéressant de penser que je me tenais probablement au même endroit que Dion elle-même 70 ans plus tôt.
Mais pour l’imagination fertile de Dion, ce Taureau ailé n’est pas vraiment un esprit gardien mais plutôt une métaphore pour la sexualité (le Taureau) qui est sublimée par la Spiritualité (ses ailes). Dion prolonge cette métaphore, en parlant d’une fictive « Messe du Taureau » (c’est à dire sans ailes) qui est conduite par une loge de magiciens noirs : il s’agit implicitement d’une sorte de « messe noire » comme celle conduite par La Voisin – même si dans le roman on ne parvient jamais à procéder au rituel infâme.
Le thème central est la magie curative d’un homme et d’une femme. Elle (Ursula) a été réduite à l’état d’épave névrotique et sans volonté à cause de sa collaboration avec un magicien noir. L'homme (Murchison) qui est déterminé à la sauver, constate qu’il doit lutter contre les imperfections de sa propre personnalité. Il s’agit d’un homme fier mais isolé ; pendant longtemps il a du mal à ressentir de la compassion pour la demoiselle qu’il est sensé sauver.
L'agent de cette transmutation magique est un magicien vieux et sage, qui, significativement, n’est lié à aucune organisation magique. Ce même magicien possède non seulement son propre appartement à Londres mais a aussi un revenu personnel - de sorte qu’il n’est pas obligé de travailler mais peut consacrer tout son temps à l’occulte. (Ah, si seulement…)
Même si Fortune semblait être une féministe dans Les Secrets du Docteur Taverner, dans ce roman, Ursula n’apparaît pas, dans un premier temps, comme un personnage très sympathique. En tant que lecteurs, on nous donne l’impression qu’elle est elle-même partiellement responsable de sa situation fâcheuse. Pourquoi ? Pour Dion Fortune, les soins magiques au centre de l’histoire sont une métaphore pour quelque chose que dans la vie, les deux sexes doivent généralement expérimenter. Murchison, représentant les hommes, est guéri quand il apprend la véritable signification du sacrifice de soi et admet ses propres sentiments de compassion et de sensibilité envers Ursula. Ursula, représentant les femmes, se rend compte par la suite qu’elle doit accepter la sexualité au lieu de la réprimer : elle se rend d’ailleurs aussi compte qu’elle n’avait pas assez pris en compte les efforts de Murchison. Finalement, elle le sauve d’une fin odieuse aux mains des magiciens noirs en étant elle-même courageuse.
Ainsi, il est guéri en devenant sensible et compatissant et elle est guérie en devenant positive, courageuse et responsable de sa propre sexualité. C’est comme si les deux personnes étaient en fait guéries en acceptant ce que Fortune considère comme les meilleures caractéristiques du sexe opposé - un équilibre des énergies masculines et féminines.