Robert Cochrane


Robert Cochrane fut l’une des plus fascinantes et plus énigmatiques figures de l’histoire de la sorcellerie moderne, même s’il ne fut présent aux yeux du public que pendant moins de trois ans, de 1963 jusqu’à son décès prématuré en 1966. Il n’a écrit aucun livre et les seules traces écrites de ses croyances qui nous restent sont dans quelques articles qu’il a écrits pour d’obscurs magazines et des lettres à ses correspondants. Cochrane prétendait être une sorcière héréditaire et pouvoir retracer sa tradition familiale sur plusieurs siècles. De telles histoires « fumeuses » sont, bien sûr, courantes dans la sorcellerie moderne et souvent il est difficile pour l’auteur de ces affirmations de les démontrer de façon satisfaisante. Ce fut aussi le cas de Cochrane et même les membres de son coven, appelé le Clan de Tubal Cain dans les années 60, n’étaient pas sûrs de savoir s’il disait vrai ou s’il était un charlatan. Ce débat persiste encore de nos jours.

Les détails au sujet de la jeunesse de Cochrane sont rares. Des informations éparses peuvent être glanées dans ses lettres et dans les commentaires faits à ses amis. Selon ses propres dires, il est né à Londres en 1931 dans un taudis. Il semble qu’il ait eu un tempérament violent qui lui a causé pas mal de soucis. Dans une lettre au magicien kabbaliste W.G. « Bill » Gray, il se décrit lui-même comme un jeune homme qui était « une menace ambulante contre tout et tous ». Il continue : « le nez cassé et les cicatrices sur mon visage me rappellent constamment l’époque où il était facile pour moi de donner des coups de pieds et de me battre à n’importe quelle occasion… ». C’est à cette époque qu’il dit avoir rencontré son épouse.

Cochrane a tout d’abord travaillé comme forgeron dans une fonderie. Plus tard, lui et son épouse ont travaillé sur des péniches qui transportaient du charbon sur les canaux de Grande Bretagne. Ils se sont occupés d’un batelier alors qu’il était malade et ainsi ils furent pleinement acceptés dans cette communauté très fermée. Cochrane disait que des traces de « l’Ancienne Foi » pouvaient être trouvées dans les traditions des anciens métiers comme les forgerons ou dans les communautés fermées comme celle des bateliers. Il parlait plus particulièrement de l’art populaire que l’on trouvait sur les péniches et des symboles qu’ils utilisaient pour les décorer, comme la rose et le château que l’on trouve aussi en sorcellerie.

Dans les années 60, Cochrane et sa famille vivaient dans un nouveau quartier à Slough dans le Bershire. A cette époque, il travaillait dans un bureau et dessinait des polices de caractères. Il prenait son sort assez philosophiquement. En parlant de son emploi il disait : « je préférerais personnellement marcher derrière une charrue que de faire mon travail actuel, mais au moins cela me laisse des loisirs où j’ai le temps de rencontrer des gens comme moi ».

En novembre 1963, Cochrane est apparu en public avec une lettre qu’il a écrite à la revue spirite « Psychic News ». Cela peut sembler un drôle d’auditoire, mais Cochrane répondait à de récents articles dans la presse nationale traitant de sorcellerie, probablement à l’occasion d’halloween. Cochrane et son épouse s’intéressaient au spiritisme, mais ils auraient été rejetés à cause de leur croyance sorcière. Cochrane semblait avoir les capacités pour être un bon médium physique. C’est une forme rare de médiumnité où le médium peut entrer en contact avec des esprits qui se matérialisent physiquement.

Dans cet article, Cochrane affirmait (ce qui est fortement contesté par la plupart des wica modernes) que la sorcellerie n’est pas du paganisme en soi, même « si elle conserve des traces de croyances anciennes ». Il disait qu’il s’agissait d’une religion mystique avec une attitude puritaine et le dernier culte à mystère encore survivant. Il ajoutait que sa philosophie était très complexe et évoluait avec de sérieuses affinités avec les croyances chrétiennes. La plus importante et la plus controversée de ses affirmations dans l’article était qu’il était une sorcière opérative issue d’une famille de sorcières. Il affirmait : « ma mère m’a parlé de choses qui ont été dites à sa grand-mère par sa propre grand-mère ». Il disait aussi que deux de ses ancêtres avaient été pendus pour sorcellerie.

Plus tard, Cochrane a encore affirmé d’autres choses au sujet de sa tradition familiale dans ses lettres à Bill Gray. Ces affirmations sont complexes et semblent avoir causé la confusion dans l’esprit de ceux qui ne les ont eues qu’indirectement. Tout d’abord, Cochrane affirmait que son arrière-grand-père était le « dernier Grand Maître des sorcières du Staffordshire ». Il a dit plus tard que sa famille était sorcière depuis au moins le 17e siècle et « qu’il y a des documents d’état civil de cette période ». Personne n’a jamais vu ces documents ; de plus, la plupart de ses papiers personnels ont été brûlés après sa mort.

Selon Cochrane, ses grands-parents ont renoncé à la magie et sont devenus Méthodistes. Pour cet acte de traîtrise, son arrière-arrière-grand-père les a maudits. Cochrane a dit que cette malédiction a « décimé ma famille au cours des années et des générations. Presque tous sont morts dans la misère et dans la violence ». Même si son père pratiquait la sorcellerie, il a fait promettre à sa mère de ne pas lui parler de son héritage. Elle a tenu sa promesse jusqu’à la mort du père de Cochrane et ensuite elle lui a dit la vérité au sujet de sa famille.

Il est dit que la mère de Cochrane avait des liens avec le « old windsor cuveen » dont le dernier membre est mort à l’époque victorienne. Cochrane disait que lorsqu’elle était jeune sa mère aidait une vielle dame, une certaine Mme Bromfield, et avait le rôle de demoiselle et de voyante. C’est sa Tante Lucy que Cochrane décrivait comme « une vieille femme terrible » qui lui a parlé de la sorcellerie, il est possible qu’un homme de la famille s’en soit aussi chargé. Tante Lucy avait apparemment toute une collection d’objets sorciers que l’on disait être dans la famille depuis longtemps. Elle est probablement la personne qu’il désigne à son correspondant dans une de ses lettres lorsqu’il dit « j’ai beaucoup appris d’une vieille femme qui se souvenait encore des grandes rencontres, et elle ne m’a pas demandé de prêter un serment quelconque, simplement elle m’a demandé de bien comprendre l’intérêt d’être discret. Elle n’a pas exigé de moi le silence, mais une description de ce que j’avais vu, de ce que j’avais entendu et dit lorsque j’avais été admis ».

Dans d’autres lettres au même correspondant, il dit ceci au sujet des traditions de sa famille : « je viens du pays du Chêne, du Frêne et de l’Aubépine… Je me définis moi-même comme étant un ″pellar″. Les gens se regroupent en clans ou familles et ils se décrivent en prenant le nom local de la Déité ; je suis un membre du Peuple de Goda – du clan de Tubal Cain. Nous étions connus localement comme étant les sorcières, le Bon Peuple, les Robes Vertes (les femmes uniquement), les Cavaliers et finalement les Magiciens ». Pellar est un mot cornique pour rebouteux et il se décrit lui-même comme un « Cavalier ». Cochrane faisait le lien entre sa sorcellerie et le mot « Cavalier », cette société secrète de « ceux qui murmurent à l’oreille des chevaux », dans laquelle on trouvait des forgerons et des maréchaux-ferrants.

Il a été dit, au début des années 60, que Cochrane a eu un contact indépendant avec un autre groupe Héréditaire Sorcier. Une source qui préfère rester anonyme pour des raisons personnelles et qui était liée à cette tradition à cette époque m’en a avisé. Mon informateur dit qu’il était présent en 1961 ou 1962 lorsque Cochrane a participé à plusieurs rencontres sorcières à Cheshire à la frontière entre le Derbyshire et le Shropshire. Le même informateur dit aussi que Cochrane a appris certains concepts et rituels lors de ces rencontres. Cochrane trouvait que l’enseignement qu’il y recevait n’était pas assez rapide. Mon informateur dit que, pour cette raison, Cochrane ne s’est pas rendu à d’autres rencontres.

Evan John Jones, qui fut membre du Clan de Tubal Cain dans les années 60, suggère également que Cochrane connaissait d’autres Sorcières Héréditaires et Traditionnelles à qui il avait prêté allégeance. Jones fait référence à une lettre de Bill Gray dans laquelle il dit qu’il reconnaît l’autorité d’autres qui sont au-dessus de lui. Dans une lettre à un autre correspondant, un ami sorcier qui vivait dans le Oxfordshire, Cochrane fait allusion à un savoir propre aux sorcières de Long Compton dans le Warwickshire qui est, dit-on, « le plus ancien coven d’Angleterre ». Cochrane appartenait certainement à plusieurs groupes sorciers avant la création du Clan de Tubal Cain, mais il est probable qu’il était déjà le fondateur de ces groupes. Evan John Jones a rejoint le Clan de Tubal Cain après avoir rencontré l’épouse de Cochrane dans la société où ils travaillaient tous les deux.

Après l’article de Psychic News, Cochrane a fourni plusieurs articles au journal de la toute jeune Witchcraft Research Association. Un sorcier londonien utilisant le pseudonyme de « John Math » avait fondé cette organisation. Il fut capitaine dans la marine royale durant la seconde guerre mondiale. Dans les années 60, il a travaillé dans les relations publiques d’une société londonienne très connue. En août 1964, dans le premier numéro de « Pentagram », le journal de la W.R.A., Doreen Valiente dans une lettre ouverte dit qu’elle espère que cette organisation deviendra « Les Nations Unies de la Sorcellerie ». Elle espérait qu’il serait possible de faire des recherches et de retrouver des traditions qui autrement auraient été perdues. Elle espérait que cela contribuerait à une compréhension et une unité dans la sorcellerie ce qui rendrait ces recherches possibles. Dans le contexte de l’époque ces mots étaient des plus optimistes.

Les détracteurs de Cochrane ont souvent suggéré qu’il était une sorte d’éminence grise à la W.R.A. et que cette association n’avait pour but que d’attaquer la wica de Gerald Gardner. On l’a aussi accusé d’utiliser la W.R.A. pour essayer de devenir « Roi des Sorcières ». Pourtant, de sa correspondance avec Bill Gray, il ressort qu’il est entré en contact avec la W.R.A. par le biais du magicien kabbaliste qui lui avait envoyé une copie du premier numéro de « Pentagram ». A cette époque, il n’avait pas encore rencontré « John Math » et dans une lettre à Gray il en exprime le désire. Une nouvelle théorie du complot mord la poussière.

Cochrane a écrit plusieurs articles et lettres pour Psychic News, que l’on trouvera dans « Le Chevreuil dans le Bosquet ». Comme il est sous-entendu dans son article, la sorcellerie de Cochrane est très différente de la wica. En privé et dans un degré moindre en public, il a toujours critiqué la wica. Pour lui, Gardner n’était qu’un imposteur qui ne s’est intéressé à la sorcellerie qu’à cause « d’habitudes (sexuelles) dégénérées ». De telles idées ne plaisaient bien sur pas à ceux qui suivaient la tradition de Gerald Gardner.

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