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Le Sanctuaire
Intérieur de la Sorcellerie
par
Daniel P.
Mannix in « TRUE » en 1960
version française
Tof
Avec le
boom de la sorcellerie, les britanniques essayent de se débarrasser de voisins
désagréables, de se protéger de la bombe H et de passer de sacrés bons moments.
Mme Sarah Johnson a rencontré à quelques reprises un homme dans le quartier est
de Londres et elle fut heureuse qu’il l’invite à dîner. Quelques mois plus tôt
l’époux de mme Jackson est parti avec une autre femme il lui était donc agréable
de constater quelle pouvait encore attirer l’attention d’un homme. Ce soir là au
restaurant elle a parlé à son nouvel ami de tous ses malheurs et il opina
chaleureusement.
« Mais cela pourrait bien être le début d’une nouvelle vie pour vous » lui
a-t-il assuré. « Un petit groupe d’initiés a découvert un pouvoir étrange déjà
connu des anciens mais pratiquement oublié depuis des siècles. Venez avec moi et
je vous emmènerais dans un monde que vous n’auriez pas imaginé même dans vos
rêves. »
Mme Jackson est allée avec lui. Il l’a conduite dans un quartier obscur de
Londres, dans une vieille maison cachée dans un coin d’une petite cour. Là elle
fut présentée à un groupe d’hommes et de femmes qui lui ont dit qu’ils étaient
sorcières.
Mme Jackson a pensé qu’ils étaient fous lorsqu’ils lui ont proposé d’assister à
une cérémonie magique. Des signes mystérieux furent tracés à la craie sur le
sol, des plantes narcotiques furent brûlées, ce qui a rempli la pièce de fumée,
et du whisky a été versé dans un calice d’église en argent puis partagé.
Bientôt, hommes et femmes ont commencé à retirer leurs vêtements et à danser nus
autour du cercle de craie en chantant des chants parodiant des hymnes religieux
bien connus. Plusieurs d’entre eux ont attrapé Mme Jackson, lui ont enlevé ses
vêtements et l’ont forcée à les rejoindre. A moitié désorientée par la fumée
narcotique et l’alcool fort elle n’a offert que peu de résistance.
Puis quelqu’un a crié : « Au cimetière ! » Ils ont passé des pardessus et des
manteaux sur leur corps nus et toute la troupe a foncé vers les voitures et
s’est rendue à un cimetière. Ils ont couru jusqu’à une tombe fraîche. Tombant à
genoux ils ont ramassé des poignées de terre, frottant de terre leurs cheveux et
leur visage en criant : « Satan, viens prendre mon âme ! » Soudainement un homme
faisant office d’éclaireur a prévenu que la police arrivait. Tout le groupe est
alors parti en courant jusqu’aux voitures et ils ont détalé à pleine vitesse.
« J’étais choquée et dégoûtée » a déclaré plus tard Mme Jackson, « mais tout
l’affaire a exercé sur moi une fascination indescriptible. » Elle a assisté à
plusieurs rencontres puis a été initiée dans cette société, marquant avec du
sang l’empreinte de son pouce sur un morceau de parchemin où était indiquée la
terrible malédiction touchant celui qui révèlerait les secrets du groupe. On lui
a enseigné comment utiliser un « miroir magique » une lentille concave dont le
côté opposé a été noirci pour qu’on puisse concentrer la lumière en un tout
petit point brillant. En concentrant son regard vers ce miroir, Mme Jackson a
appris à se mettre dans un sommeil proche de la transe dans lequel elle a rêvé
qu’elle était jeune et belle et convoitée par des hommes charmants et qu’elle
était héritière d’une grande fortune. Elle a aussi appris à prendre part nue à
des danses et à se laisser aller comme les autres membres du culte.
« J’ai tiré une force terrible de ces cérémonies » a-t-elle confessé plus tard.
« Le groupe se rencontrait tous les soirs et finalement je ne pouvais plus me
passer de l’excitation liée à la participation à leurs orgies. Le lendemain
j’étais totalement épuisée et je me traînais toute la journée comptant les
minutes jusqu’à la tombée de la nuit. »
Finalement Mme Jackson s’est inquiétée, non seulement pour sa santé physique,
mais aussi pour sa santé mentale. Elle est allée voir un médecin qui a dénoncé
l’affaire à la police. Sur leur suggestion, elle a accepté de les conduire dans
la maison où ils se retrouvaient. Mais Mme Jackon était espionnée et les
sorcières se sont téléphoné les unes les autres. Un groupe dans un cimetière a
été averti par talkie-walkie et guidé afin d’échapper à la police. Quelques
jours plus tard elle fut malmenée par un groupe d’hommes masqués et on lui a
rasé le crâne. Elle a prestement quitté Londres. Avec le départ de son témoin
principal la police a décidé de laisser tomber les recherches.
L’histoire de Mme Jackson fit les choux gras de la presse au cours du printemps
1955, mais elle fut bientôt remplacée par celles d’autres groupes sorciers –
appelés « covens » par leurs membres – dispersés dans les Iles Britanniques.
Lorsque le révérend F.H. Micklewright, Evêque d’Exeter, a dénoncé les cultes il
a reçu tant de lettres et de coups de téléphone de menaces qu’il a dû demander
la protection de la police. Quelques semaines plus tard, Sharia Jones, une femme
de 42 ans qui avait rejoint un coven du sud de l’Angleterre a essayé de quitter
son groupe. Le lendemain matin elle a trouvé un cercle tracé à la craie
contenant neuf cailloux devant sa porte. Mme Jones a ignoré l’avertissement. Peu
après elle fut attaquée et pratiquement scalpée par un groupe d’hommes masqués.
Plus tard, un certain George Lecomte qui vit dans un petit village du Yorkshire
a tiré sur une Mme Bouvry qu’il accusait d’être la leader d’un coven sorcier qui
avait essayé de convertir son épouse. Dans ce cas la justice a donné raison à
Mme Bouvry et lui a accordé 1260£ de compensation, en faisant remarquer qu’elle
n’avait rien fait d’illégal.
La loi Anglaise n’interdit pas d’être une sorcière. Mais les sorcières, comme
les autres habitants du pays ne doivent pas violer la loi. Lorsque j’étais en
Angleterre, un coven du Yorkshire avait sa propre émission hebdomadaire à la
BBC, où sa philosophie était expliquée et où l’on cherchait de nouveaux membres.
Cet intérêt pour la sorcellerie n’a vraiment débuté qu’après la guerre. Il
semblerait que chaque guerre véhicule une passion pour l’occulte. Après la
première Guerre Mondiale, la planche de oui-ja est devenue une marotte
internationale, il y a eu un boum pour le spiritisme et des hommes de
l’envergure de Sir Arthur Conan Doyle croyaient en l’existence des elfes et des
fées.
L’exemple le plus frappant de la passion actuelle pour l’inconnu est le Musée
des Sorcières non loin de Castletown sur l’Ile de Man. L’Ile située en mer
d’Irlande à mi-chemin entre l’Angleterre et l’Irlande du Nord, était connue
jusqu’à présent pour son Chant Manxois sans queue. Mais le musée est maintenant
devenu une attraction pour les touristes. Il contient ce qui est probablement la
plus belle collection d’objets liés à la magie, la sorcellerie et la nécromancie
rassemblés sous un même toit.
Je m’y suis rendu en roulant sur ses routes venteuses passant à côté de
constructions en pierres datant de plusieurs siècles. Lors d’une nuit sans lune
et venteuse n’importe laquelle de ces bâtisses aurait pu servir d’asile aux
sorcières. Mais lorsque j’ai vu se dessiner le musée, j’ai réalisé qu’il
pourrait fort bien devenir le lieu de rencontre de toutes les sorcières
d’Angleterre. Sentinelle d’un groupe de maisons autour de lui, un moulin à vent
abandonné au toit de lierre date de 1611, une époque où il faut bien l’admettre,
il y avait plus de sorcières que maintenant. Il semble être un abri idéal pour
les sorcières même un jour de grand soleil.
Malgré le cadre, je n’étais pas préparé pour ce type de musée. Bien que
l’occultisme ait été un de mes hobbys depuis 30 ans, je n’ai jamais rien vu
comme cet endroit. Fondé en 1950 il s’agit d’une création du Dr. G. B. Gardner,
un vieil homme alerte et énergique de 75 ans avec une tignasse blanche comme
neige et une courte barbe pointue. Le Dr. Gardner, lui-même une enthousiaste
sorcière homme (« Ne dites surtout pas que je suis un sorcier car cela implique
la magie noire ») m’a fait visiter les lieux. Le musée est dans un bâtiment long
et bas collé au moulin dont le Dr. Gardner m’a assuré qu’il fut utilisé par un
groupe de sorcières, appelé le coven d’Arbory, qui s’en servirent après qu’un
incendie l’ait endommagé en 1848.
« Nous avons toujours notre propre coven ici sur l’Ile, » m’a dit le Dr Gardner
alors que nous grimpions les marches de bois menant au premier étage du musée.
(Le rez-de-chaussée sert de restaurant et de boutique de souvenirs où l’on
trouve des livres sur la sorcellerie et des photos liées à la collection).
« Nous nous rencontrons lors du solstice d’été et le 31 octobre ainsi qu’à
quelques autres dates sacrées. Le mouvement grandit et jusqu’à présent nous
avons pu échapper à toutes les persécutions religieuses. »
Le docteur m’a expliqué la théorie de sa forme de sorcellerie. Il insistait sur
le fait qu’elle n’avait rien à faire avec le culte orgiaque où s’était retrouvée
impliquée Mme Jackson. « La vraie sorcellerie est une religion et nous pouvons
en remonter la trace jusqu’à l’Age de Pierre, » m’assura-t-il fièrement. « Notre
vie facile est devenue trop insipide et fastidieuse. La révolte des « jeunes
gens en colère » est un reflet de la frustration des gens. La sorcellerie offre
au gens une échappatoire au combien nécessaire à la monotonie de la vie
quotidienne.
Les sorcières adorent une déité cornue qui est la personnification de la nature.
Le Dr. Gardner m’a montré une reproduction d’une peinture préhistorique de la
grotte des Trois Frères en France où l’on voit un homme portant des andouillers
et vêtu d’une peau de cerf. On pense généralement que cette peinture représente
une cérémonie pour assurer une chasse fructueuse, mais le Dr. Gardner pense
qu’elle montre le dieu cornu lui-même. Par un procédé de logique que je n’ai pas
réussi à suivre, le Dr. Gardner identifie aussi cette déité au Pan grec mais
aussi à la Déesse Mère crétoise, au Puck anglais et à la déesse de l’amour
babylonienne Ishtar.
« Un de nos coven a une statue d’argile d’Ishtar, vieille de plus de 3000 ans
qu’ils conservent dans un écrin d’ivoire, » dit-il. Comme Satan est aussi
représenté avec des cornes, les sorcières sont accusées d’adorer le diable, mais
le Dr. Gardner m’a assuré que ce n’était pas le cas.
« En utilisant certaines incantations révélées par la déité cornue à ses fidèles
et qui nous viennent d’une époque très reculée, nous pouvons utiliser un pouvoir
presque illimité, » expliqua-t-il. « Par exemple, lors de la dernière guerre, ce
sont nos sortilèges qui ont empêché Hitler d’envahir l’Angleterre, tout comme en
1588 les sorcières ont provoqué la tempête qui a détruit l’Armada Espagnole.
Maintenant les Iles Britannique sont menacée par des missiles téléguidés, le
besoin de développer ce pouvoir est plus grand que jamais.
Parmi les coutumes des sorcières qui ne recueillent pas l’assentiment populaire
il y a leur habitude de danser nues autour d’un cercle magique pour créer de la
puissance pour leurs incantations. « Dans la danse nous générons une aura à
partir de notre corps et elle nous donne le pouvoir de faire agir nos
incantations, » a déclaré le docteur. « Les vêtements interfèrent dans le
dégagement de cette aura. »
Même si les sorcières convenables ne se mêlent pas de magie noire, le Dr.
Gardner a un grand nombre d’objet illustrant la divination (les moyens pour
prédire l’avenir), la magie rituelle (utilisée pour invoquer les démons), la
nécromancie (appeler les esprits des morts) et le culte du diable et la messe
noire. « L’intention du musée est de montrer tout l’éventail de l’occultisme, »
commenta-t-il.
Au premier étage il y a une pièce disposée afin de représenter le cabinet
magique utilisé pour la magie rituelle. On y trouve un mannequin de cire
représentant un magicien affublé d’un vêtement cérémonielle et d’un chapeau
pointu, en train de se livrer à une incantation. Le Dr. Gardner a servi de model
pour le mannequin. Autour il y a un autel et les outils magiques utilisés pour
invoquer les démons, une épée consacrée, une cloche, quatre disques de fer
purifiés par le feu, une baguette en noisetier des sorcières, des chandeliers
pour brûler les chandelles mystiques, des encensoirs pour les plantes magiques
et un livre d’incantations datant du début du 17ième siècle. Sur le sol est
tracé le Grand Cercle de Protection, dans lequel le magicien doit se tenir sinon
il court le risque d’être anéanti par les démons qu’il convoque.
« Le cercle est très important et j’y passe beaucoup de temps, » m’a dit le
docteur. Il a rajouté que les sorcières comme les magiciens utilisent aussi un
cercle mais bien moins élaboré. Le cercle du Dr. Gardner est pourtant une
véritable œuvre d’art, les noms hébreux de quatre démons éminents y est
soigneusement inscrit et il y a aussi des arabesques aux quatre directions pour
indiquer où doivent être placées les chandelles. « Il y a une centaine d’années
il y a eu une histoire des plus tragique. » dit le docteur ? « Sur l’Ile, un
homme nommé Bokum et son épouse ont invoqué des démons et comme rien ne semblait
se produire, ils sont sortis du cercle. Tous deux furent instantanément
annihilés par les démons. Si vous pratiquez la magie rituelle, vous devez faire
très attention aux détails. »
J’ai demandé au Dr. Gardner s’il accepterait d’enfiler le costume de magicien et
de poser pour moi dans le cercle. Il a accepté avec beaucoup de réticences. Je
ne suis pas un magicien cérémoniel, » m’a-t-il rappelé. Comme sorcière, je
devrais être nu. »
Malheureusement nous n’avions pas tous les ingrédients nécessaires pour invoquer
un démon (il nous manquait l’eau puisée dans un puit où l’on avait plongé un
enfant non baptisé), mais lors de l’incantation, au bon moment, le docteur a
fait apparaître un démon en carton pâte qui, m’a-t-il assuré, était la réplique
exacte d’un véritable démon. Il a placé le démon à côté de deux « colonnes de
lumière » là où un véritable démon aurait du apparaître si on l’avait
correctement invoqué. Le faux démon n’a pas bougé, et lorsque le Dr. Gardner est
sorti du cercle sans être réduit en pièces, j’en ai conclu que nous n’avions pas
accueilli d’être invisible.
Nous nous sommes rendus dans la pièce suivante qui était aménagée de manière à
montrer ce qu’était une cabane de sorcière il y a environ 200 ans. On y trouvait
de nombreux objets anciens provenant de l’Ile et même si l’on ne tient pas
compte de leurs significations magiques, il s’agit d’un véritable paradis pour
antiquaires. Il y avait un cercle tracé sur le sol, mais le docteur m’a dit que
la plupart des sorcières ne trouvaient pas nécessaire de le dessiner. « En
général elles font un cercle avec des objets usuels tels des chaussures, des
marmites, des casseroles et des brosses.
Ainsi en cas d’irruption non souhaitée elles pouvaient éparpiller les objets et
il n’y avait plus aucune preuve. »
Il y avait un couple de jeunes mariés dans le musée et j’ai demandé à l’épouse
si elle accepterait de s’habiller avec une robe et un chapeau de sorcière pour
une blague. Amusée elle a accepté. Dans la pièce il y avait une collection
complète de bocaux, creusets, et de plateaux en bronze réellement utilisés par
une sorcière du 17ème siècle avant d’être brûlée sur le bûcher.
La dame s’en est servie pour préparer l’onguent magique avec lequel les
sorcières s’enduisaient avant de s’en aller par la cheminée et de voler sur
leurs balais.
« Vous devrez bien sur être nue lorsque vous vous enduirez avec la mixture » lui
a dit le Dr. Gardner anxieusement.
« N’ayez crainte !» a-t-elle dit résolument et elle s’est exécutée (à notre
grande déception) en s’enduisant la jambe.
Le docteur m’a montré la formule de l’onguent. Il est composé de plantes telles
que l’aconit, l’aconit napel, la grande ciguë, l’hellébore et la ciguë vireuse –
que de puissants narcotiques. De tels onguents ont été utilisés tout au long de
l’histoire. Au XIIème siècle, par exemple deux inquisiteurs ont menacé une
sorcière de torture si elle ne leur montrait pas comment elle pouvait voler dans
les airs. La sorcière s’est déshabillée, a dansé sauvagement devant un feu
jusqu’à transpirer abondamment et que les pores de sa peaux soient ouverts. Elle
a ensuite enduit son corps d’un onguent. En quelques minutes elle est tombée
dans un profond sommeil, marmonnant et se tordant sur le sol. Après une heure
elle est sortie de sa transe et a raconté comment elle est passée par la
cheminée, s’est envolée, a participé à un sabbat (une assemblée de créature
diaboliques) où elle a eu une relation avec un charmant jeune démon et est
revenue en volant. Les inquisiteurs ont raconté que d’après eux la sorcellerie
serait surtout une illusion induite par des drogues. A cause de ce verdict ils
furent accusé d’hérésie et pressé de rédiger un nouveau rapport précisant qu’ils
ont été trompé par le diable qui leur a fait croire qu’elle mentait dans sa
transe alors qu’en réalité elle s’en été allée par la cheminée en s’envolant.
Dans une vitrine à l’extérieur de la pièce, le Dr. Gardner m’a montré un balai
de sorcière ayant environ 250 ans. Le balai était un bâton d’environ 1 mètre 50,
une de ses extrémités était sculptée d’un symbole phallique. « Les sorcières
chevauchaient ces bâtons, comme les enfants chevauchent un cheval bâton, dans
les champs la nuit en un rite de fertilité pour faire que les cultures
prospèrent, » dit-il. « Comme les sorcières étaient nues et couvertes avec
l’onguent, qui est comme noir comme la suie, elles salissaient bien sûr le
bâton. En conséquence, posséder un tel balai était considéré comme une preuve
qu’on était sorcière et qu’on méritait la peine de mort. Ainsi, les sorcières se
servaient du balai qu’elles utilisaient pour nettoyer la cheminée et qui donc
était sale. »
Nous nous sommes rendu dans la partie principale du musée qui comprend deux
étages et contient des centaines d’objets liés à l’occultisme. J’ai vu une
grande boite en bois ressemblant à une vanity case, qui était ouverte pour
montrer une collection de fioles, de charmes, de talismans, et de petits
couteaux avec des signes cabalistiques gravés sur la lame. Sous la boite on peut
lire : « En hommage à Tante Agatha, une des sorcières les plus éminentes, cette
collection d’ustensiles qu’elle a utilisés. Présentée par sa famille en hommage
affectueux, 1951. »
Le docteur a ajouté : « Tante Agatha avait aussi une très belle épée rituelle,
mais nous l’avons prêté au Druid Order pour leur cérémonie du solstice d’été à
Stonehenge car elle s’adapte exactement à la fissure dans la Pierre de Hele. »
La Pierre de Hele, explique-t-il est une grande pierre taillée à la main
d’environ 9 mètres de haut érigée à Stonehenge par l’homme préhistorique pour
marquer la position du levé du soleil le matin du solstice d’été.
Les deux vitrines suivantes contiennent une énorme collection de bagues
magiques, de colliers, d’amulettes, de bracelets et d’autres charmes magiques
conçus surtout pour protéger celui qui le porte des influences surnaturelles.
Parmi eux le docteur m’a montré une main en argent damassé avec des pierres
précieuses et semi-précieuses, conçue pour protéger du mauvais œil. Il l’estime
à environ 5000$. C’est l’objet individuel le plus précieux de sa collection.
« Cette vitrine est dédié aux reliques de nos martyrs » dit le docteur, en
désignant un groupe effrayant d’instruments de tortures qui étaient utilisés par
les chasseurs de sorcières il y a 200 ans. Il y a des écrases pouce, des pinces
qui étaient chauffées au rouge et même des pinces à très longs bras pour
continuer à torturer alors que la victime était brûlée vive sur le bûcher. Il y
a aussi une peinture contemporaine représentant la dernière sorcière de l’Ile de
Man a être brûlée – en 1617 (même si l’Angleterre a brûlé des sorcières jusqu’en
1716)/ Une lampe brûle continuellement sous ce tableau en hommage à son
souvenir.
« Ce n’est qu’en 1951 que les lois contre la sorcellerie furent finalement
modifiées » a commenté le docteur. « Puis les lois n’ont plus reconnu
l’existence de la sorcellerie – mais elles interdisaient toujours qu’on se dise
sorcière car cela risquait d’être facteur de fraudes, d’extorsions ou
d’influences illégitimes. En conséquence, fin 1944 Helen Duncan, une médium
spirite fut condamnée à 18 mois de prison pour pratique de la sorcellerie. Le
juge a estimé qu’elle causait des troubles et s’est servi de la vieille loi pour
la condamner. Notre coven a protesté contre la sentence et finalement la loi fut
retirée des textes.
Un des objets les plus intéressant de la collection était une poupée de cire où
l’on a inséré un morceau d’hostie consacrée.
Cette poupée a été utilisée en 1956 par une sorcière du Sud de l’Angleterre pour
jeter un sort à quelqu’un qui refusait de lui donner de l’argent.
Sa victime n’avait aucun recours légal puisque les lois contre la sorcellerie
ont été abrogées, ainsi un coven de la région a du intervenir » a expliqué le
Dr. Gardner en ouvrant la vitrine pour que je puisse examiner la poupée de plus
prêt. « Le coven a fait sa propre poupée et y a inscrit le nom de la sorcière
puis lui a lié les mains et cousu la bouche. La sorcière s’est retrouvée malade
et incapable de parler. Le coven l’a prévenu que si elle ne levait pas son
sortilège, elle restera dans cet état. Elle ne pouvait qu’obéir et j’ai
maintenant la poupée qu’elle avait faite pour que personne ne puisse s’en servir
pour faire du mal à qui que ce soit.
En magie noire, l’hostie consacrée est un ingrédient important. Les pratiquants
de cet art dégénéré engagent des gens sans scrupules qui font semblant de
recevoir la communion puis conservent l’hostie dans leur bouche. Il y a environ
10 ans l’Eglise Catholique a dû publier une recommandation contre cette pratique
dans certaine ville d’Italie. Le Dr. Gardner m’a montré plusieurs hosties dans
des médaillons qui étaient portés comme talismans.
Comme, il y a quelque temps, j’ai écrit pour TRUE un article sur Aleister
Crowley le fameux magicien noir qui s’appelait lui-même de « La Grande Bête » je
fus particulièrement intéressé par la vitrine qui contenait une collection
complète de manuscrits de l’Ordre de la Golden Dawn dont Crowley, le poète W. B.
Yeats et d’autres personnalités furent membres. Avec les manuscrits il y avait
une des baguettes magiques de Crowley ainsi qu’une dague cérémonielle dont il se
servait pour ses incantations.
« J’ai récupéré cette collection d’une façon intéressante » se souvient le Dr.
Gardner. « Elle appartenait à un membre de l’ordre et après sa mort notre
organisation fut bien sûr vraiment désireuse de mettre tout cela à l’abri. Les
manuscrits contiennent des formules magiques vitales. En plus il devient
difficile de nos jours de se procurer une dague magique dûment consacrée car la
consécration doit être faite par un magicien qualifié et dans des conditions
particulières. Nous n’utilisons pas de tels objets nous-même, mais ce sont des
reliques de valeurs. Cependant, la veuve de cet homme refusait de nous laisser
acheter la collection. Au lieu de cela elle voulait tout détruire. Ca aurait été
une tragédie terrible, le coven a donc décidé de faire ce qu’il fallait. Une de
nos sorcières est allée de nuit chez cette femme et a volé un caillou sur sa
pelouse pour établir un contact magique avec elle. On a ensuite lancé un sort
puissant contre elle. Deux jours plus tard elle nous a appelé pour nous demander
de prendre toute la collection. ‘J’ai été tourmenté par des fantômes et des
apparitions et je n’ai pas eu un moment de repos’ nous a-t-elle dit. »
Dans la vitrine suivante il y avait un petit service portable pour les messes
noires qui a appartenu à un magicien nommé Chatfield. L'équipement était complet
avec l’étole, le tissu d'autel, les calices de communion et les surplis et
aurait pu servir à l’église sauf que calices de communion étaient en forme de
têtes de diables et des signes cabalistiques avaient été brodés sur l’étole. On
pouvait ranger le tout dans une valise et Chatfield s’en servait pour célébrer
la messe noire chez les gens.
J’ai aussi vu une lampe où était gravée une chauve-sourie avec le sexe dressé
qui fut utilisée au 18ème siècle par le Hell Fire Club pour ses rites
démoniaques, une lampe de Lucerne avec six chandelles utilisée par des sorcières
italiennes pour invoquer le diable, des vases remplis d’urine et d’aiguilles
pour lancer des malédictions. Il y avait aussi une coiffe de bébé (une membrane
que l’on trouve parfois sur la tête d’un nouveau-né) qui est importante lors de
certaines cérémonies magiques, un « os pointeur » australien (lorsque l’os est
dirigé vers un ennemi il meurt), un masque en métal avec des cornes porté par le
leader d’un coven de sorcières, une collection d’instruments magiques de France
fabriqués à partir d’os humains et un sortilège gravé préparé en 1954 par Austin
Osman, un magicien. Osman a fait de la publicité à la radio pour ce sortilège,
il garantirait une mort certaine à quiconque offenserait son possesseur.
Non loin il y avait la couverture d’un missel, servant pour une messe noire,
peinte par Aubrey Beardsley le célèbre artiste Anglais du 19ème siècle, et un
certain nombre de disques en bois décoré par un artiste britannique
contemporain. Le Dr. Gardner m’a dit : « Cet artiste mourait de faim dans une
soupente lorsqu’un de nos coven lui a demandé de créer un disque pour l’utiliser
lors des ses sabbats. Il a fait un travail remarquable, ainsi d’autres coven lui
ont demandé de travailler pour eux et maintenant, ces disques sont sa principale
source de revenu. Les disques sont placés dans une certaine position dans le
Grand Cercle pour concentrer les forces et il sait exactement comment faire
cela. Il est un peu ennuyé par la confection de ces disques et ne veut pas que
son nom soit divulgué car il espère toujours être reconnu en tant qu’artiste à
part entière. »
Parmi d’autres objets il y a un crucifix où est cachée une dague sur le principe
de la cane épée, l'arête dorsale d’un poisson où d’un côté est gravé le Christ
et de l’autre le diable dont se servaient des sorcières grecques, un morceau de
parchemin où d’un côté est inscrit le nom d’un homme mort et de l’autre celui
d’un homme vivant (en théorie, l’homme mort appelle le vivant et l’entraîne dans
la tombe), plusieurs pactes avec le diable écrits en lettres de sang et signés
par Satan lui-même, un couteau ressemblant à une serpe appelée « boline »
toujours employé par les sorcières pour cueillir des plantes magiques et dont
l’aspect remonte aux Druides qui utilisaient une serpe d’or pour cueillir le gui
sacré, un masque de « l’Homme Vert » - un autre nom du dieu cornu – retrouvé
caché au fond d’une vieille église ainsi que de nombreuses pattes de lapins
venant des USA.
« Durant les années de guerres, des milliers de pattes de lapins furent
importées par des gens qui s’en servait comme charme pour se protéger des
bombes » a précisé le docteur.
J’ai demandé au docteur s’il avait déjà essayé un de ces charmes pour voir s’il
obtenant des résultats. Il m’a assuré qu’il en avait eu.
« Lorsque nous sommes arrivés sur l’île, il n’y avait que peu de logements
disponibles, mais avec mon coven j’ai jeté un sort puissant et deux jours plus
tard j’ai trouvé une maison à louer » a-t-il expliqué. « Nous avons aussi stoppé
par magie une épidémie qui touchait ici les troupeaux et nous avons
considérablement influencé la météo. Bien sur, nous n’essayons pas de voler dans
les airs sur un balai, de changer les gens en lapin ou de transformer un métal
vulgaire en or. Tout cela serait du ressort de la magie noire et nous sommes
contre. »
Le docteur a une vie intéressante. Il est né en Angleterre en 1883, c’était un
enfant maladif qui souffrait énormément d’asthme. A l’age de 5 ans il fut envoyé
résider chez une tante en Afrique Occidentale où des domestiques indigènes lui
ont enseigné des incantations magiques qui ont guéri, il en est convaincu, sa
maladie. Malheureux chez sa mère adoptive il a fugué à 14 ans et fut engagé
comme garçon de cabine sur un bateau, il fut l’assistant d’un planteur de thé à
Ceylan puis de là est allé à Bornéo où il a créé une plantation de caoutchouc.
Il a aussi travaillé comme contrôleur pour le bureau de l’agriculture et pour
les douanes.
« Je ne me souviens pas trop de mes parents si ce n’est qu’ils m’ont dit une
fois qu’un mes ancêtres a été brûlé pour sorcellerie » dit il. « Cette histoire
m’a profondément marqué durant mon enfance. Je n’étais pas très heureux, ainsi
j’ai développé une grande sympathie pour mon ancêtre qui fut lui aussi maltraité
mais qui se défendait de manière magique contre la société. Partout où j’allais
je récupérais tout ce que je pouvais trouver sur l’occultisme. Je suis quelque
peu archéologue – j’ai fait mes propres fouilles en Malaisie et j’ai participé à
l’expédition Welcome lors des fouilles à Lachish en Terre Sainte, et partout
j’ai trouvé des indices montrant que des personnes désavantagées avaient utilisé
d’étranges pouvoirs pour lutter contre un monde hostile.
En 1939 je suis retourné en Angleterre et j’ai rencontré ma première sorcière.
Je fus stupéfait de réaliser qu’au cours des ages un petit groupe d’hommes et de
femmes ont supporté les persécutions et même enduré le martyr pour conserver
vivant un savoir antique. Je suis fier d’être membre d’un groupe qui a toujours
été du côté des opprimés, alors que l’église et l’Etat s’unissaient pour
oppresser les petites gens. Les sorcières ont toujours eu de la sympathie pour
les gens ordinaires, ce n’est que par eux qu’ils pouvaient combattre les
seigneurs et les riches prélats qui se moquaient de leurs droits. »
Plus tard j’ai rencontré Mme Gardner. Elle et le docteur ont été mariés pendant
32 ans et forment un couple très unis - si ce n’est qu’elle refuse d’entrer dans
le musée ou d’avoir quelque rapport que ce soit avec la sorcellerie.
« Vous savez, mon père était pasteur et on m’a élevé en me disant que ces choses
étaient mauvaises » m’a-t-elle dit cordialement.
Après ma visite au musée j’ai parlé à deux notables de la chambre de commerce de
l’Ile de Man. « A vrai dire, nous étions partagés quant à autoriser l’ouverture
d’un tel endroit sur l’île » a admis l’un d’entre eux. « Mais cela devient
maintenant une de nos attractions principales. Chaque année, près 12 000
personnes viennent spécialement sur l’île juste pour voir le musée. La plupart
d’entre eux ne le prennent pas vraiment aux sérieux, mais je n’ai jamais vu
personne se moquer du vieux gentleman. Il y croit tellement sincèrement lui-même
que vous êtes impressionnés par sa sincérité, même si tout cela vous semble
absurde.
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