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Oui, je suis une Sorcière
dit d’une voix
douce un vieux docteur de Casteltown
par Arnold Field in « Daily Dispatch » du 8 août 1954
version française
Tof
J’ai déjà
rencontré quelques sorcières. Des chercheurs d’or, des traîtres et des briseurs
de cœurs. Maintenant j’ai parlé à une sorcière – un homme.
Ce fut une expérience étrange. Je n’oublierai jamais son visage anguleux ni ses
yeux perçants de couleur bleue.
L’Ile de Man est riche d’un folklore sur les fées, le « petit peuple » des
vallées et les sorcières. Mais au vingtième siècle, aucun être humain n’osera
admettre « Je suis une sorcière ». Personne, à part Gerald Brosseau Gardner. Il
dit être docteur en Philosophie et détenir un diplôme honorifique délivré par
l’université de Singapour il y a 20 ans.
Le soleil s’était couché et ce fut par une fraîche soirée que j’ai traversé la
campagne pour me rendre dans une maison de quatre pièces dans une petite rue ici
à Castletown.
Un homme de plus d’un mètre 80 m’a ouvert la porte. Il avait l’air bienveillant.
Il avait une chevelure blanche très fournie et une barbe à la Van Dyck. Il
portait un pull vert, une chemise ouverte, un pantalon à carreau et des
chaussures noires. J’ai dit : « Dr. Gardner je présume ? » « Entrez ! » m’a-t-il
invité. Sa voix était douce, il s’est monté chaleureux..
Il est retourné dans son fauteuil dont il a attrapé les accoudoirs. Je ne
pouvais m’empêcher de regarder ses yeux profonds et perçants. A chaque majeur il
portait une grosse bague et il avait un bracelet de bronze au poignet. Je lui ai
demandé s’il avait d’autres ornements. Il m’a montré ses bras tatoués – un
serpent, une ancre, un dragon et une dague.
Nous étions dans sa cuisine. Il y avait de grosses bûches non consumées dans
l’âtre. Des dagues, des lances et d’autres armes étaient accrochées aux murs.
J’ai commencé : « Etes-vous une sorcière ? » Il a dit : « Oui», il a rapidement
ajouté que son nom de sorcière était « Scire » et a expliqué qu’il y a des
hommes et des femmes sorcières. Chacun est appelé un wica.
Tout cela est bien intéressant, me suis-je dit, mais je ne suis pas un perdreau
de l’année et j’ai déjà rencontré un grand nombre de personnages. Serait-il
opposé à un questionnaire ? Même un peut provocant ? Non, il n’était pas contre.
Il a dit qu’il était né en Ecosse il y a 70 ans et qu’il est venu vivre sur
l’Ile de Man il y a quatre ans. Il a planté du caoutchouc et du thé et a
travaillé pour le service des douanes du Gouvernement de Johore en Malaisie.
On commence avec le questionnaire. Première réponse : « J’ai été initié sorcière
en 1939. J’ai rencontré un coven en Angleterre. Quinze autres sorcières étaient
présentes. Nous avons dansé dans le cercle ce qui nous a donné le pouvoir de
jeter des sorts. »
Combien y a-t-il de covens en Angleterre ? « Trois » a répondu la sorcière.
« Nous nous rencontrons dans des maisons ou dans d’autres lieux » D’autres
formes de rituels ? « Je ne peux rien dire à ce sujet » Y a-t-il d’autres
sorcières sur l’Ile de Man ? « Je ne peux pas en parler non plus. » Comment
communiquez-vous ? « Par lettre ou par téléphone. »
Comment vous habillez-vous lorsque vous vous rencontrez ? Là la sorcière s’est
mise à rire. Un rire très humain. Comme ceux qu’on entend lorsque les vacanciers
se promènent le long de la mer. J’ai persévéré : bon, comment êtes-vous vêtus ?
La sorcière a caressé sa barbe. Le rire continuait. « Il y a une similitude »
fut sa réponse, toujours avec amabilité. Etes-vous nus ? « Je ne peux rien dire
à ce sujet » dit-il.
La sorcière m’a dit qu’il a écrit des livres sur la sorcellerie et m’a montré
une lettre d’un éditeur londonien respectable qui avait accepté son travail.
Combien y a-t-il de sorcières en Angleterre ? La sorcière a fait une petite
pause et a dit : « Vraiment je ne sais pas, mais je peux vous dire qu’aucune
sorcière n’a jamais volé dans les airs avant l’invention de l’avion. »
Cette sorcière a un sacré sens de l’humour. « Et elles n’utilisent pas de
balai » a-t-il ajouté.
Une belle femme de taille moyenne et aux cheveux grisonnants est entrée dans la
cuisine. Il s’agit de mme Dorothea Frances Gardner, l’épouse de la sorcière. Ils
sont mariés depuis 26 ans.
Elle s’est assise sur son banc et a commencé à tricoter. Je lui ai demandé si
elle était aussi une sorcière. « Oh non mon cher » a-t-elle répondu, « Je suis
bien comme je suis. Je n’ai jamais voulu être une sorcière même si j’en ai
rencontrées beaucoup. »
Elle m’a assuré que le fait que son époux soit une sorcière ne l’effrayait pas.
« Comment pourrais-je avoir peur de ces yeux bleus si gentils ? »
J’ai repris ma conversation avec la sorcière. Je voulais savoir comment devenir
une sorcière. Qu’est ce qu’il faut comme qualifications ? « Il faut juste que
nous vous apprécions » a dit la sorcière en me regardant.
« Personne ne peut jeter un sort tout seul. Il faut la présence d’une autre
sorcière. Non, aucune sorcière n’osera jeter un mauvais sort. Sinon les autres
sorcières lui tomberaient dessus. »
Il a continué. « La Sorcellerie est dans la même catégorie que l’hypnotisme.
Nous ne souhaitons qu’aider les gens. »
J’ai alors pensé à la saison de football qui allait commencer. Est-ce que la
sorcière pourrait aider quelqu’un à gagner 75 000£ aux paris sportifs ? Il a
répondu : « Oh non, nous ne pouvons jeter de sort pour un acte matériel, même si
autrefois la sorcière était, dans chaque communauté, celle qui pouvait apporter
une bonne pêche, une bonne chasse et une récolte abondante. »
Il était temps de parler de choses plus légères.
N’y a-t-il que de très belles sorcières ? « De nombreuses, à partir de 16 ans. »
Est-ce qu’elles sortent avec de jeunes hommes ? « oui. »
Est-ce qu’elles les laissent les embrasser avant de se séparer le soir ? « bien
sûr si elles apprécient la personne. »
Peuvent-elle jeter un sort pour que les hommes les adorent ? « Oui. »
Disent-elles à leurs petits amis qu’elles sont sorcières ? « Oh non mon cher «
Pensez à cela messieurs, vous êtes peut être déjà sorti avec une vraie
sorcière !
Je m’apprêtais à quitter Scire, la sorcière m’a invité à visiter une pièce au
premier étage. Il s’agissait d’une partie d’une ancienne grange. Dans cette
pièce il y avait une table avec deux piedestaux sur lesquels étaient posées des
bougies. La sorcière a concédé qu’il s’agissait là d’un autel improvisé.
Une couverture colorée couvrait une fenêtre percée dans un mur de pierre d’un
mètre d’épaisseur. Je lui ai demandé s’il opérait ici, mais encore une fois la
sorcière s’est mise à rire et a répondu à nouveau : « Je ne peux rien dire à ce
sujet. »
Soudain j’ai vu une dague sortir de sa poche arrière. Il a expliqué qu’elle
servait à tracer un cercle.
Il s’est approché de « l’autel » je l’ai suivi et il m’a montré un cercle sur le
sol.
Encore une question à la sorcière. De quoi vivez-vous ? Il n’a pas hésité :
« J’ai une pension du gouvernement de Johore et j’ai fait d’autres placements. »
Il est aussi le propriétaire du Moulin des Sorcières où se rendent les
vacanciers.
J’ai souhaité une bonne nuit à la sorcière. Il m’a répondu qu’il espérait que
j’avais apprécié cette intéressante soirée. Je suis sorti. L’air était devenu
plus lourd. Le ciel était noir.
Je ne m’étais pas ennuyé et je n’étais pas désorienté. Et certainement pas
ensorcelé !
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