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L’Occultisme aux
Yeux de la Religion
par le révérend A. Stephan Hoeller in Exploring the Unknow, février
1963
version française
Tof et Chat Huant
Comme nos lecteurs vont sans
doute le réaliser, il est nécessaire pour celui qui écrit sur la scène occulte
contemporaine de revenir régulièrement au même sujet. J’ai déjà traité de ce
sujet dans ces pages en février 1962 dans l’article « Attention, Sorcières au
Travail ». Cet article a donné lieu à une correspondance importante et
intéressante, certaines lettres étaient adressées à l’éditeur et certaines
directement à l’auteur. Dans ce dernier groupe, il y a eu une communication
datée de juillet 1962 et écrite par une sorcière britannique de premier plan,
qui s’identifiait comme une « Grande Prêtresse et Reine Sorcière. ». Cette
lettre fascinante exprimait ses remerciements à l’auteur de l’article
susmentionné, surtout parce qu’il était écrit par un prêtre chrétien, puisque,
comme elle l’avait écrit, « Nous ne sommes pas habitués à être traités de
façon équitable, surtout par une personne ayant vos croyances ». Compte tenu
de cette lettre et du volume croissant de littérature publiée sur l’ancienne
religion sorcière, il peut être intéressant pour nos lecteurs que nous nous
intéressions une fois encore à ce sujet mystérieux et intrigant.
Comme le lecteur l’aura compris de ce qui précède, la sorcellerie n’est pas
morte. Cela semble être particulièrement vrai en Grande-Bretagne, mais
d’autres parties du monde n’en sont pas protégées non plus. Et les forces qui
furent responsables, dans l’histoire, des persécutions monstrueuses qui ont
coûté la vie à quelque neuf millions de sorcières, réelles et présumées, des
mains de fanatiques religieux, à la fois catholiques et protestants, sont
elles aussi toujours vives. Ainsi, le 8 Septembre 1956, à Alfayucan au
Mexique, deux femmes, Christina Trajo et Benita Sabina ont été découpées en
morceaux et leurs restes brûlés, à cause de leur prétendue sorcellerie. Un an
plus tôt le 3 juillet une autre pauvre mexicaine, Josephina Arista, a été
accusée de sorcellerie et brûlée sur le bûcher à Ojinaga au Mexique, à 140 km
de la ville d’Alpine au Texas. Les anciennes peurs et les haines contre les
sorcières sont toujours là, tout comme le culte des sorcières lui-même.
Qu’il y ait effectivement aujourd’hui un retour de la sorcellerie dans le
monde, ou qu’il s’agisse simplement d’une publicité qui lui est faite, est une
question qui restera sans réponse, faute de preuves. Depuis que la célèbre
anthropologue, le Dr Margaret Alice Murray a publié en 1921 son travail qui a
marqué son époque « Le Culte des Sorcières en Europe Occidentale », qui a été
suivi de son autre beau livre, « Le Dieu des Sorcières », les personnes
intéressées par le sujet ont commencé à réaliser que la vieille image de la
sorcière ressemblant à une vieille femme répugnante, faisant de la magie
maléfique contre tout le monde avec l’aide du Diable, à qui elle offre des
enfants non baptisés en sacrifice, n’était qu’un produit de l’imagination de
fanatiques religieux du moyen-âge. Il est aussi devenu évident que l’attitude
de ces psychologues et neurologues qui, comme Charcot, Freud et d’autres, ont
considéré que les sorcières étaient des hystériques en proie au délire, était
erronée. Le culte des sorcières est une religion antique, ayant ses racines
dans le passé préhistorique de l’Europe et en particulier en Angleterre, une
religion, qui, en dépit de la fureur de ses persécuteurs et de toutes sortes
d’autres adversités a survécu presque inchangée jusqu’à nos jours.
Un Prophète Contemporain de
la Sorcellerie
Le Dr. Margaret Murray peut avoir fourni les bases académiques du regain
d’intérêt pour les sorcières, mais c’est une autre personne, le Dr Gerald
Brosseau Gardner qui a réussi à attirer l’attention du grand public sur
l’ancienne foi. Gardner est une sorcière et ses écrits sont vus « de
l’intérieur », plutôt que du point de vue d’un simple chercheur spéculatif.
Son premier livre sur les sorcières a été publié en 1949, un roman historique,
intitulé « Avec l’Aide de la Haute Magie ». Ce fut, pour autant qu’on le
sache, le premier livre écrit par une sorcière initiée, décrivant sous couvert
de fiction, certaines des croyances des sorcières. Cinq ans plus tard, Gardner
a publié sa grand œuvre : « Sorcellerie Aujourd'hui », le premier livre jamais
écrit décrivant ce que sont les sorcières et ce qu’elles font, par quelqu’un
qui avait effectivement pris part à leurs cérémonies, adoré leurs dieux avec
elles et fait de la magie avec elles. Cet ouvrage a été suivi par le dernier
livre de Gardner « The Meaning of Witchcraft » (publié en 1959) écrit en
grande partie suite au grand intérêt suscité par la publication de ses livres
précédents.
Quel type d’homme est Gerald B. Gardner, la sorcière ? Voici une description,
donnée par le reporter du journal français, Le Matin :
Le docteur Gardner est un
grand vieillard de plus de 75 ans, au visage triangulaire, à la barbiche en
bataille, dont les yeux bleus, étonnamment jeunes, jettent des éclairs. Tout
son corps est recouvert de tatouages magiques. Au côté, il porte une dague
de sorcière, revêtue de dessins cabalistiques et qui lui sert à tracer le
cercle magique, tandis que dans sa main il tient le marteau de Thor. J’ai
soudain l’impression d’avoir devant moi un pharaon égyptien recouvert de
tous ses attributs magiques.
On peut dire que toute la vie
de Gerald B. Gardner fut un voyage vers ses croyances. Il a vécu pendant des
décennies en Orient, à Ceylan et en Malaisie, où il a travaillé dans des
plantations, a mené des fouilles archéologiques et étudié la magie indigène.
Il a connu au cours de sa vie pratiquement chaque personne importante de la
scène occulte. Feu Aleister Crowley, un mage controversé des années 1920 et
30, a été à ce point impressionné par les connaissances magiques de Gardner
qu’il l’a autorisé à œuvrer sous les auspices du redouté O.T.O., dont Crowley
était le responsable. Mais la magie cérémonielle Kabbalistique ne satisfaisait
pas Gardner, il cherchait autre chose. A la veille de la Seconde Guerre
mondiale, avec son initiation à l’ancienne « WICA » ou sorcellerie, il
atteignit le but de ce qui fut, tout au long de sa vie, son parcours
spirituel : Gerald Gardner était finalement de retour chez lui, il était une
sorcière.
Les livres de Gardner sur la sorcellerie comme survivance d’une ancienne
religion commune à de nombreux peuples du monde ont révélé plus de choses sur
cet étrange sujet que presque tous les autres ouvrages publiés pendant des
siècles. C’est la toute première sorcière opérative à être publiée et à
exprimer son opinion. Ce qu’il dit est bien sûr limité, ce sont les
restrictions que doivent observer les membres des sociétés secrètes qui sont
tenus au secret sur de nombreuses questions liées aux rituels de leur Art.
Gardner a écrit et on a écrit à son sujet : il a été loué et révéré, cité,
filmé et télévisé. Pourtant, malgré tout cela, il reste un personnage un peu
mystérieux et extrêmement retiré, ferme quant à ses croyances et toujours en
quête de ce qui est le mieux pour la religion des sorcières, à laquelle il
s’est totalement consacré.
Cette sorcière d’aujourd’hui et apôtre de la sorcellerie vit sur l’ancienne et
mystérieuse Ile de Man, au large des côtes anglaises. A dix minutes de sa
modeste maison se dresse un vieux moulin, connu depuis le moyen-âge sous le
nom de « Moulin des Sorcières ». Dans ce bâtiment, le Dr Gardner a créé ce qui
est peut-être l’une des institutions les plus originales sur cette terre : le
Musée de la Magie et de la Sorcellerie. Trois étages de ce musée sont remplis
des reliques de trois mille ans de sorcellerie, il possède aussi des milliers
de livres rares sur la sorcellerie et sur des sujets connexes qu’il met à la
disposition de ceux qui étudient sérieusement la question. Tous ceux qui l’ont
rencontré décrivent Gardner comme un homme ayant un but. Ils disent que ce but
est tout autour de lui, qu’il croit passionnément en l’ancienne religion des
sorcières, que son musée et les livres qu’il contient n’existent que pour
l’aider à laver l’ancienne souillure maléfique qui l’entoure. Voilà comment
est le Dr Gerald Gardner, le sorcier.
Que croient les Sorcières ?
Demander ce que croient les sorcières peut
sembler pour certains être une question absurde, dans la mesure où les
sorcières sont connues pour faire des choses, (de la magie, etc...) plutôt que
pour leurs croyances. Mais comme le culte des sorcières est une religion, il
semble bon d’enquêter sur ses croyances ou sur les bribes de sa tradition
religieuse qui ont été mises à notre disposition. Les sorcières adorent
l’esprit divin de Création, sans lequel il n’y aurait ni monde ni vie. Elles
le font par des rites de puissance qui permettent aux dieux de la nature
d’aider l’homme à faire pousser les cultures, croitre ses troupeaux et avoir
une vie heureuse et joyeuse sur Terre. Les sorcières croient en la
réincarnation et contrairement à de nombreux Occidentaux qui n’ont appréhendé
cette croyance que récemment et la tiennent de l’Orient, elles ont toujours
cru en la véracité de vies répétées sur Terre. Elles disent que quand elles
meurent, elles vont dans le domaine du dieu où elles se reposent pendant un
certain temps et sont préparées à renaitre à nouveau sur Terre. Les sorcières
renaissent avec ceux qu’elles aiment et elles estiment que c’est le plus grand
don de leurs dieux, si dans une nouvelle vie, elles peuvent une fois encore
avoir accès à l’Art.
Il est avéré que certaines pratiques sexuelles se retrouvent dans les rites
des sorcières, mais il est tout aussi certain que celles-ci sont pratiquées de
façon respectueuse et sacrée et qu’elles sont de nature essentiellement
symbolique. Les sorcières croient en ce qu’elles appellent « le pouvoir », une
force qui se trouve dans leur corps, et qui peut être libérée à des fins
mystiques et magiques par les rites appropriés. Les danses font aussi partie
des rituels, mais elles sont moins élaborées et moins fréquentes qu’autrefois.
La plupart des sorcières sont nues lors des rituels, il s’agit là d’une
ancienne coutume datant probablement des temps préhistoriques, lorsque les
gens ne portaient pas de vêtements. Que cela ne soit pas plus immoral que les
activités parfaitement normales des clubs nudistes qu’on trouve désormais dans
tous les pays civilisés, cela va sans dire.
La sorcellerie n’a rien à voir avec la goétie ou la magie noire. Les Sorciers,
les Magiciens Ritualistes ou Kabbalistes pratiquent l’évocation de génies, de
démons ou d’esprits élémentaires et les forcent ou les soudoient pour qu’ils
fassent que des événements se produisent. De tels magiciens traitent donc avec
des entités spirituelles non-humaines qu’ils souhaitent commander. Pour plaire
à ces entités, les magiciens utilisent souvent du sang, des crânes et d’autres
objets répugnants. Les sorcières n’aiment pas ces méthodes et les considèrent
comme inutiles, car elles peuvent générer autant de pouvoir par elles-mêmes,
et cela sans faire de tort à d’autres créatures vivantes. La confusion entre
la magie cérémonielle et la véritable sorcellerie peut venir du Moyen Age
lorsque des sorciers employaient souvent des sorcières plus ou moins de la
même façon que ceux qui font des recherches sur le psychisme utilisent des
médiums et ainsi, dans l’esprit de ceux qui étaient mal informés, la magie des
sorciers et du culte des sorcières n’a semblé être qu’une seule et même chose.
Sorcellerie et
Christianisme
Ceux qui ont quelques notions des faits historiques n’ont pas besoin de se
voir rappeler que l’Eglise Chrétienne fut souvent coupable d’un comportement
des plus anti-chrétiens vis-à-vis des sorcières. Ce que l’on sait moins c’est
que les sorcières ont tout d’abord été persécutées à cause d’un document
ecclésiastique dont l’authenticité était très douteuse et qu’aujourd’hui la
plupart des autorités considèrent comme une contrefaçon. Vers l’an 906,
l’historien ecclésiastique Reginus a publié un ouvrage sur les disciplines de
l’Eglise dans lequel il mentionnait le pseudo décret du Concile d’Ancyre (314
après J.C.) conseillant aux évêques de lutter avec la plus grande sévérité
contre les pratiques de certaines « méchantes femmes, qui croient et
affirment, que dans la nuit, elles chevauchent certaines bêtes avec Diane, la
déesse des païens. » Qu’il soit authentique ou non, ce décret ancien et ambigu
a servi de base aux premières persécutions de sorcières par l’Eglise dans
toute l’Europe. En 1486, le Pape Innocent VIII a institué des mesures bien
plus sévères et approuvé le « Malleus Maleficarum » le livre infâme rédigé par
deux moines fanatiques et en a fait la plus grande autorité sur la
sorcellerie. Ce recueil terrible de viles superstitions, dont le titre peut se
traduire par « Marteau contre les Sorcières » a eu un effet considérable et
fatal sur les persécutions de sorcières. Il a rapidement été suivi par de
nombreux travaux similaires, tous dévoués à la promotion de la crémation des
sorcières. Les résultats pratiques de ces livres abjects furent une extension
de la chasse aux sorcières, des tortures extrêmes et des exécutions.
Si l’on compare l’attitude antérieure de l’Eglise face au problème de la
sorcellerie avec celui illustré dans le Malleus, on remarque une différence
frappante. Avant la publication de ce livre, l’Eglise essayait d’écraser le
phénomène des « chevauchées nocturnes de sorcières » en déclarant qu’il
s’agissait d’illusions induites par des démons. Le but des décrets antérieurs
au Malleus était d’effrayer les gens pour qu’ils ne participent pas aux
Sabbats en instillant le doute dans leur esprit quant à la réalité des
événements. C’était, bien sûr, conforme à la croyance mise en avant par de
nombreux chrétiens, voulant que les divinités païennes aient été des diables
déguisés. Avec le temps, il y eut tant de personnes adhérant au culte des
sorcières, que les dirigeants de l’Eglise l’ont considéré comme une religion
rivale les menaçant et des mesures plus radicales ont été introduites. Pour
écarter la « ligne » officielle antérieure de l’Eglise sur la sorcellerie, de
sombres allégations de « culte du diable » et « d’orgies immondes » ont été
faites pour terrifier et exciter la populace. Les fruits de cette propagande
sans scrupules sont malheureusement toujours là, dans la mesure où la plupart
des gens ont toujours tendance à associer la sorcellerie au mal.
Il semblerait raisonnable qu’alors que les diverses confessions chrétiennes
sont de plus en plus poussées à accorder le respect aux autres religions,
elles adoptent également une attitude plus intelligente vis-à-vis de
l’ancienne foi des sorcières. Il peut être inconfortable pour certains de
penser qu’après tant de siècles de domination chrétienne, la foi préchrétienne
est toujours présente dans des pays tels que l’Angleterre. D’un autre côté, la
situation n’est pas aussi tragique qu’on pourrait le penser. Peut-être
l’existence et le développement du culte des sorcières pourraient-ils même
être propices à la régénération interne du christianisme.
Plus nous étudions la nature de l’expérience religieuse dans différentes
religions et cultures, plus nous réalisons qu’elles divergent plus par des
concepts mentaux que par des réalités intérieures. Aussi sûrement que l’esprit
divise, le cœur unit. La coopération spirituelle n’est possible que dans
l’expérience mystique qui est également présente dans toutes les religions,
qu’on parle de christianisme, de bouddhisme, d’hindouisme, d’islam, de
judaïsme - ou du culte Dianique des sorcières. L’aspiration sincère du cœur
humain vers le Divin est le dénominateur commun de toutes les convictions
relatives à l’essence de la religion. Un hymne à la beauté singulière et à la
grande la perspicacité l’exprime bien :
Chacun voit une couleur dans la lumière de ton
arc-en-ciel,
Chacun regarde une seule teinte et l’appelle ciel.
Tu es la plénitude de notre vue partielle,
Nous ne sommes pas parfaits avant d’avoir trouvé les sept.
Certains cherchent un Père dans les cieux
Certains demandent une image humaine à adorer,
Certains implorent un esprit aussi vaste que la vie et l’amour;
Dans Tes demeures nous avons tout et plus encore.
Si les hommes se réunissent en
toute camaraderie et consacrent leurs efforts communs vers de bonnes œuvres,
ils doivent être libérés des anciennes peurs et des haines fictives, ils
doivent plutôt réaliser que nous avons tous une qualité pratique de la foi,
indépendamment des noms sous lesquels elle est décrite. Cette reconnaissance
est en effet l’espoir du monde, car ce n’est rien d’autre que l’assurance de
la sagesse Divine, les deux dépassant l’entendement. La redécouverte de
l’ancienne religion des sorcières peut nous rapprocher de cette
reconnaissance.
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