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Avec l’Aide de la
Haute Magie
Chapitre XIV- Le Saut du Cerf
par Gerald Gardner
version française
Tof
&
Xavier
Tranquillement, ils ont suivi Peter le taciturne sur ce qui semblait un chemin
bien compliqué. Ils ont marché au milieu de hêtres géants, sous la lune pâle.
Ils ont dépassé de gros rochers, croisé des ombres terrifiantes, ils ont
traversé des clairières où des cerfs ont fui en silence à leur approche. La
lune était pleine, il n’y avait pas un nuage dans le ciel, la nuit était
étouffante malgré la brise qui chassait toute ébauche de nuage. A l’horizon
des éclairs de chaleur éclataient régulièrement, illuminant brièvement et
vivement les branches et les feuilles et les arbres.
Sans relâche, Peter a poursuivi ce voyage apparemment sans but pendant plus
d’une heure sans jamais hésiter, se guidant sur des repères invisibles pour
eux, jusqu’à ce qu’ils aperçoivent un affleurement de rochers à l’extrémité
d’une grande clairière. En s’approchant, ils ont vu qu’il s’agissait d’un
amphithéâtre naturel, herbeux, dont la base était large et où de nombreuses
personnes s’étaient rassemblées.
« C’est ici, Demoiselle, » a dit Peter, « d’habitude il n’y a que quelques
personnes qui se retrouvent ici à la pleine lune, mais nous avons envoyé des
messagers et appelé tout le monde à des kilomètres à la ronde. Les fermiers
ont fait de grands yeux et raconté que leurs chevaux avaient été montés par
des fées quand ils ont vu les chevaux couverts de sueurs et fatigués le
matin. » Il est descendu de cheval et aida Morven à faire de même. Il a
ensuite attaché les chevaux, puis il a conduit sa petite troupe vers un
endroit en surplomb d’où ils pouvaient voir une demi-douzaine de feux, et ils
sentaient une odeur des plus appétissantes, du gibier en train de cuire. Là
ils furent accueillis par le vieux Simon qui a placé les frères avec leurs
hommes, puis il dit à Morven : « Demoiselle, j’ai parlé à de nombreuses
personnes mais ils sont encore incertains Tu dois leur montrer un signe et
qu’ils constatent que tu es vraiment une prêtresse. » Elle hocha la tête.
Simon a pris Morven par la main et l’a conduit vers le grand rocher qu’ils
avaient vu en premier. Il était clair qu’il voulait que Morven apparaisse
devant les siens comme prêtresse de l’ancienne foi. Il l’a conduit sur le
chemin jusqu’au centre de l’éperon rocheux, il s’agenouilla, lui baisa la main
et se retira. Morven compris, elle retira ses vêtements d’homme et montra son
athamé.
« C’est un lieu bizarre et un drôle de moment pour toi et moi, Jan, » a
murmuré Olaf.
« Je n’aime pas ça,» a répondu à voix tout aussi basse Jan avec une conviction
intense. Puis il a ajouté avec plus d’optimisme en regardant autour d’eux : «
Il y a ici des hommes qui nous seraient bien utiles. Pourquoi ne peut-on pas
compter sur ces hommes sans toutes ces simagrées ?
- Quelle que soit la façon dont tu l’appelles, c’est toi qui le premier à
cherché l’aide de la magie, et avec plaisir en plus. » a répondu Olaf en
ajoutant un peu plus tard : « Regarde Jan, as-tu déjà vu quelque chose d’aussi
beau ? »
Lorsqu’elle a dépassé le rocher, Morven, nue, s’est retrouvée dans un espace
herbeux, semi-circulaire formant une sorte de plateforme au-dessus de
l’amphithéâtre. On voyait bien que cette plateforme avait été taillée de main
d’homme à une époque préhistorique. D’un pas solennel elle est allée jusqu’au
bord de la plateforme en tenant son précieux athamé dans sa main droite. Elle
a solennellement béni l’assemblée avec son couteau.
Jan grogna en la regardant. Olaf lui soupira d’extase devant la beauté du
spectacle. « Vois comme la lune tombe sur elle, comme si elle l’aimait et
qu’elle l’a reconnaissait comme l’une de ses parentes. Elle brille là comme
une perle de grand prix.
- Mais pourquoi doit-elle rester là, nue comme Dieu l’a faite ? » a répondu
Jan devant l’enthousiasme de son frère.
- Ne peux-tu pas regarder l’œuvre de Dieu sans être gêné ?
- Mes yeux le peuvent comme tout le monde, mais je n’aime pas ça, pas plus que
ça ne m’aide. J’ai besoin d’hommes armés, pas d’une fille coriace qui joue
avec un couteau. Pour ce qui est de Dieu, je pense qu’il n’a pas grand-chose à
faire dans cette histoire. »
Olaf a dit : « Je n’en suis pas aussi sûr. »
Quand Morven a levé son athamé en signe de bénédiction, il y a eu un murmure
venant des gens en contrebas : « Ahha! Ahha! Evoh! Ahha! »
Soudain, derrière elle, une harpe invisible a commencé à jouer. Pendant un
temps, la musique a retenti avec effet bizarre, comme si elle était jouée par
les doigts d’une fée, ce qui semblait renforcer encore l’étrangeté de cette
scène. Peu à peu, d’autres harpistes dans l’assistance ont repris le thème et
les gens ont commencé à chanter à voix basse, en harmonie avec les harpes. Cet
air a gonflé superbement, lorsque les chanteurs gagnèrent en confiance, se
transformant un chant à pleines voix.
La scène familière, les feux, les chants, ont rappelé à Morven sa mère, son
enfance, ses camarades qui avaient subi des tortures et la mort à cause de
leur foi. Pendant un instant, elle fut étranglée par les larmes, mais elle ne
pouvait pas afficher maintenant ses émotions. Ce soir elle était la messagère
des dieux. En prenant sur elle, elle a retrouvé son aisance, ravalé ses larmes
et s’est forcée finalement à se joindre au chant. Il y a eu une pause puis un
silence prenant. Une fois encore elle a levé la main et son athamé en signe de
bénédiction magique. A nouveau il y a une réponse murmurée et le silence.
Les cordes de la harpe ont entamé un nouvel air, un chant lui souhaitant la
bienvenue, à elle le Messager, la Demoiselle. Un air plus chaleureux, plus
riche, plus humain, où des voix de jeunes filles se mêlaient aux douces voix
de soprano des garçons, soutenu par les notes plus fortes et plus graves des
anciens dans toute leur variété de ténor et de basse.
Quand ce chant s’est éteint lui aussi, il y a eu un grand cri de bienvenu et
de salut. « Evoh Ah! Evoh Ah! Salutations, Ô Messager! Quelles nouvelles des
bons dieux nous amènes-tu ? Cela fait si longtemps qu’ils nous ont abandonnés.
Quand reviendront-ils pour nous sauver de tous les maux dont nous souffrons ?
Et quand nous sauveront-ils de nos ennemis ? Venez, Ô revenez-nous, Ô vous qui
êtes brillants et heureux. »
De partout l’assistance reprenait le cri enthousiaste. « Quelles nouvelles ?
Parle, Ô Messager. »
Morven a attendu que les cris s’éteignent puis elle s’est mise à parler
lentement, d’une voix que tout le monde pouvait entendre même ceux qui étaient
les plus éloignés. « Bonnes gens, mon cher peuple, je suis venu pour vous
apporter réconfort, pour vous apporter l’espoir et la promesse du retour de
tout ce que vous aimez, pour vous apporter la joie. »
Il y a alors eu un cri puissant mais tous se sont tus lorsqu’elle a levé la
main.
« Calme. Laissez parler la Demoiselle, » a demandé le vieux Simon.
« Mais si je viens avec de bonnes nouvelles, vous n’aurez rien sans effort,
mais ça vous le savez bien.
- Oui, oui, nous le savons, Messager bénie. Dis-nous ce qui nous attend.
- Avant que je puisse vous aider, nous devons d’abord vaincre nos ennemis. Et
vous savez qu’ils sont nombreux et puissants.
- Nous le savons, nous le savons, » a répondu la foule en une sorte de chant
de deuil.
« Mais même s’ils sont plus nombreux que nous, nous avons un avantage et nous
allons l’utiliser. Nous sommes malins et nous pouvons utiliser notre esprit
pour agir par ruses et stratagèmes. Si nous avons ne serait-ce qu’un de leurs
châteaux forts entre nos mains, si son seigneur est de notre côté, il nous
accordera sa protection. Nous retrouverons alors la liberté d’adorer les dieux
comme nous le voulons. A nouveau nous pourrons rendre la terre fertile et
l’abondance sera de retour. A nouveau nous pourrons retrouver le bonheur,
danser, et festoyer. La sécurité et la joie seront de retour, comme autrefois.
Les gens ont commencé à parler entre eux, on a d’abord entendu des mots
incompréhensibles, puis cela s’est transformé en un cri : « Un chef. Nous
suivons un chef ! Où est notre chef, Ô Demoiselle ?
Les bons dieux vous ont envoyé un chef et je suis venue vous l’annoncer. Mais…
avant que je vous le présente, vous devez d’abord me dire si vous allez lui
accorder toute l’aide que vous pourrez ?
- Nous apporterons notre aide. Nous allons nous battre. Nous serons fidèles et
jurons fidélité.
- Vous parlez comme des esprits audacieux et sincères, mais, hommes de la
forêt, avant tout, soyez muets comme des tombes, car si nos ennemis avaient
vent de nos projets, nous perdrions l’avantage inestimable qu’est la surprise.
Tous nos efforts seront alors vains et nous serons battus. Alors, jamais nous
ne pourrons nous relever de ces ruines et jamais plus les bons dieux ne
reviendront et le bon vieux temps ne reviendra plus jamais ! »
Pendant les murmures d’approbation qui ont suivi ces paroles, Olaf a dit à
Jan. « Que penses-tu maintenant de Morven ? Est-ce qu’une sorcière vieille,
sale et moche, comme celle dont tu rêvais aurait pu faire réagir ainsi tout
ces gens ? Là, debout devant nous avec son arme éclatante à la main,
n’incarne-t-elle pas l’âme de la liberté et de la révolte ? Tout homme la
suivrait jusqu’au bout du monde et même au-delà si c’était possible.
- Tu parles comme un montreur d’ours dans une foire. Est-ce que sa nudité
pourra charger avec moi dans la bataille ? Ce dont j’ai besoin c’est une bande
de soldats qui combattent.
- Eh bien on dirait bien qui tu vas avoir une telle bande. Elle a déjà fait en
sorte qu’ils acceptent un chef. Écoute.
- Mais je veux des hommes en armure, pas des bûcherons.
- Te devrais prendre ce que tu peux avoir et remercier. Écoute. »
Morven a levé les deux mains dessus de sa tête. « Hommes et femmes, enfants
des bois ! Jurez de garder secret jusqu’à la mort tout ce que je vous ai dit
cette nuit. Jurez de gardez secret jusqu’à la mort le nom de la personne que
je vais vous présenter comme votre chef, ou même que vous avez un chef. Tout
cela vous devez le jurer. » Et elle a énoncé le grand et terrible serment qui
avait cours chez eux.
Ils ont juré, en répétant après elle les paroles familières, mais après ce
serment, elle a réfléchi, il y avait peut-être un espion parmi eux. Le fait
que les gens de la forêt avait élu un chef n’était pas bien grave, mais si
l’on apprenait qu’il s’agissait d’un Bonder, un petit fils du bon Sir Edgar,
son but serait évident et toutes les précautions seraient prises contre leur
attaque. L’identité de Jan devait donc rester secrète jusqu’à ce que le
château soit entre leurs mains. Elle a cherché dans sa tête un nom ronflant
par lequel ils désigneraient Jan.
Pourquoi n’en avaient-ils pas parlé plus tôt et pourquoi n’avaient-ils pas
convenu d’un nom ? Que la peste emporte Hildegarde et ses accès de colère.
Jamais elle n’aurait imaginé qu’il puisse y avoir un tel état de servitude
dans la ferme. Jan… Jan de l’Épée ? No, Jan du Pin Flamboyant ?
N’importe quoi ! Jan de la Noble Croix ? Ca ne veut pas dire grand chose. Jan
à la Main Rouge ? Jan à la Main Sanglante ? Elle n’avait plus le temps
d’hésiter.
Tout le monde a prêté serment.
Élevant la voix, elle a appelé d’un ton qui a fait frémir toutes les personnes
présentes: « Avance, Ô toi qui n’a pas de nom. Avance avec moi, toi le chef
désigné de notre cause.
- Il va falloir te lever et te placer à côté de celle qui est nue » a dit Olaf
en souriant. « Elle t’attend Jan. C’est à toi de prendre le commandement
maintenant.
- Chef de ces va nu pieds ? Moi le chef d’un groupe de sorcières et de lutins
de la forêt ? »
Morven se demandait avec angoisse : « Pourquoi Jan ne s’avance-t-il pas ? Elle
laissa retomber ses bras fatigués pendant qu’elle attendait une réponse mais
elle ne pouvait pas attendre trop longtemps. Encore une fois, elle leva les
bras et appela : « Avance, Ô toi qui n’a pas de nom. »
« Tu es fou, » a dit Olaf en crachant plein d’excitation et d’appréhensions.
« Tout ce qu’on te demande est de fermer les yeux sur leurs réunions... ils
sont inoffensifs, jamais te ne seras obligé d’y rendre part."
«Mais… »
« Cette fille est bien sage, elle a transformé cette convocation en un rite,
vas-y pendant qu’il en est encore temps, elle ne pourra t’appeler que trois
fois. »
Morven n’osait tourner la tête pour voir si Jan était là, mais elle écoutait
attentivement. Il n’y avait aucun son derrière elle et elle savait qu’elle
était seule.
Les gens devant elle attendaient dans un silence total. Elle leva les bras et
lança à nouveau son appel désespéré : « Avance, Ô toi qui n’a pas de
nom. Avance, toi le chef désigné de notre cause. Par trois fois je t’appelle.
- Si seulement Dieu t’avais doté de l’esprit de répondre à tes immenses
ambitions », a déploré Olaf désespéré. « Si tu n’y vas pas, je vais y aller.
Quelqu’un doit répondre à cet appel. »
Comme Olaf faisait mine de mettre sa menace à exécution, Jan s’est précipité
et a bondit comme un cerf jusqu’à Morven. Bien qu’il n’ait fait aucun bruit
sur l’herbe, Morven savait qu’elle n’était plus seule. Elle recula en gardant
sa main droite avec l’athamé levé au-dessus de sa tête et sa main gauche
tendue. Il a placé sa main droite dans la main gauche de Morven et elle l’a
conduit vers l’avant.
« Pourquoi as-tu attendu aussi longtemps, imbécile ? Tu as presque tout fait
rater, » a-t-elle murmuré en s’approchant du bord. « Voici votre chef,
Jan-le-Bretteur ! » Morven avait un air chevaleresque, sa voix avait le son
d’une trompette d’argent.
Un cri lui a répondu lorsque tous ont vu qu’il était grand et beau, qu’il
avait de l’assurance et semblait déterminé. Ils l’ont acclamé avec une grande
satisfaction. A ce moment d’excitation intense Jan avait l’air d’être né pour
commander et il s’en sentait l’âme.
Comme ils l’acclamaient encore et encore, elle lui a dit d'une voix épuisée
mais avec une autorité presque méprisante, car elle savait ce qu’il pensait. «
J’ai fait ma part, maintenant à ton tour de faire la tienne. Tout dépend de
toi maintenant, le succès ou l’échec. Tu dois jouer à être Sir Jan Bonder,
mais sans révéler ton nom. Tu dois encore gagner tes éperons de chevalier,
mais ton sang te guidera et parlera pour toi. Sois leur chef. Fais-t-en
d’abord des amis, des camarades, qu’ils soient plus que tes serviteurs. Je
pense que tu as un don pour diriger. Utilise-le car je ne peux rien faire de
plus.
- Je te demande pardon, Morven. Jamais je ne pourrais te rembourser pour ce
que tu as fais pour moi.
- Ca ne compte pas. Parle-leur, Jan, oublie tous tes doutes, rejette tes idées
préconçues, détends-toi. Détends-toi, parle- leur comme il faut et tu les
gagneras à ta cause.
Les cris se sont tus quand il a levé la main. « Bonnes gens, je suis un homme
simple, je ne parle pas beaucoup, je préfère agir. »
Des cris et des applaudissements lui ont montré qu’il se rendrait populaire en
descendant de son piédestal. « Je viens parmi vous parce que je suis moi aussi
opprimés par les hommes qui vous oppriment vous aussi, j’ai été chassé de chez
moi comme vous avez été chassés de chez vous par la violence. Mon père et mon
grand-père ont tous deux été assassinés lâchement comme l’ont été vos pères et
vos grands-pères. J’ai été dépouillé de tout comme vous l’avez été, et par les
mêmes personnes. Je cherche la vengeance comme vous la demandez et je veux
qu’on me rende mon héritage tout comme vous voulez qu’on vous rende le votre.
Unissons nos forces puisque nous avons un ennemi commun et la même souffrance
à venger. Aidez-moi et je vous aiderai. Moi, votre chef, je sais que vous avez
tous souffert, je vous vengerai et je vous mènerai à la victoire. »
Des cris sauvages ont accueilli ce discours. « Conduits-nous et nous te
suivrons, » ont-ils dit, puis : « Descends parmi nous, Ô Jan-le-Bretteur.
Viens manger et boire avec nous car ce soir nous allons festoyer. Descends
Demoiselle bénie, et guide-nous dans la danse.
- Nous devons aller parmi eux. En tout cas moi je suis affamée, » lui a-t-elle
dit. « Tu les as gagnés à ta cause, Jan, mais tu dois garder leur attachement.
Vas t’amuser avec eux et ils t’aimeront et te serviront.
« Je suis plus que prêt, » a-t-il déclaré, « Je vais attendre jusqu’à ce que
tu enfiles tes vêtements de femme.
- Je suis déjà en tenue de femme et je dois rester ainsi... je suis Prêtresse
et je dois donc apparaître comme leur prêtresse, sinon je perds mon pouvoir,
les vêtements me sont donc interdits. Accepte-moi comme je suis, Jan. » Puis,
lorsqu’il a essayé d’ouvrir la bouche elle a dit de façon impérieuse : « Non,
pas un mot, tu es trop borné. Allons, descendons. »
Lorsqu’ils ont quitté la plate-forme ils furent rejoints par Olaf et les
hommes de Spurnheath, et se sont mêlés à la foule. Les salutations furent
chaleureuse lorsque le vieux Simon les a menés d’un groupe à l’autre jusqu’à
ce qu’ils aient été présentés à tout le monde. Cet acte amical les conduit à
apprécier Jan.
Bientôt Morven a frappé dans ses mains. Elle était fatiguée par les frôlements
de la foule qui s’amusait. « Viens, allons danser, » a-t-elle dit.
A ce moment les harpes ont commencé à jouer, renforcées par des cornemuses,
des tambours et des flûtes. Une longue ligne s’est formée derrière Morven qui
les a conduits dans ce qu’on pourrait décrire comme sorte de farandole où tout
le monde la suivait. Elle avait souvent dansé cette danse et en connaissait
chaque pas et geste, même si l’honneur de la conduire était habituellement
réservé aux personnes importantes et privilégiées et que pour elle c’était une
première.
Jan, juste derrière Morven, imitait ses pas et les gestes avec fidélité et
rigueur. Ils étaient simples et c’était un bon danseur, mais, n’étant pas
grand amateur de demoiselles, il préférait ce type de farandole où l’on
n’était pas obligé d’avoir une partenaire, il y trouvait beaucoup de plaisir.
Il dansait bien, de façon instinctive, surpris de découvrir combien il
appréciait ces mouvements très simples.
Comme ils ne l’avaient jamais vu, les gens le regardaient danser et là encore
il remportait leur sympathie par la façon dont il appréciait leurs amusements.
Ils admiraient sa bonne mine, sa santé et son entrain. Les demoiselles et les
femmes l’appréciaient autant que les hommes. Jan était vraiment le roi de la
fête. Au bout d’une demi-heure, il s’est passé quelque chose, il a oublié une
partie de sa pudibonderie qui jusqu’alors l’avait quelque peu inhibé. A ce
moment il a trouvé sa place, il savait ce qu’il devait faire et trouvait
facile de le faire, et ce fut toujours ainsi avec ces gens là.
Quand la danse fut terminée et qu’il fut question de ripailler, il a mangé et
bu, ri et plaisanté avec les autres, car l’esprit était bucolique et à la
familiarité. La bière coulait à flot. Ils mangeaient du gibier taillé en
lanières et grillé sur des bâtons au-dessus des grands feux, il y avait aussi
différentes sortes de volaille, du poisson et des pâtés. Ils ont donc festoyé
et dansé. Il y avait quelques batifolages mais rien de plus méchants que ce
qui se passait dans la ferme de Jan. Il n’y a eut pas l’orgie qu’il prévoyait
et craignait. Jan n’a donc pas à détourner les yeux face à une quelconque
obscénité. A part le fait que de nombreuses personnes avaient retiré leurs
vêtements et dansaient, il n’y avait aucune différence avec une fête de
village. C’était si peu choquant, que, à la fin de la fête, il était presque
persuadé qu’il y avait une certaine distinction dans ces jeunes corps nus dont
les vêtements dissimulaient habituellement la beauté de leur porteur, et que
les flammes vacillantes qui éclairaient leurs jeunes membres blancs pendant
qu’ils dansaient étaient un enchantement tout à fait innocent.
Quant à Olaf, il n’avait jamais douté de leur beauté. Contrairement à son
frère, il n’avait pas eu à réconcilier tout d’abord la morale avec la beauté
et le plaisir qu’elle procurait. Il est vrai qu’avec la bière l’excitation
augmentait, la fête devenait de plus en plus bruyante et les participants
poussaient des cris et des hurlements et faisaient des bonds frénétiques et
des gestes exagérés. Comme les feux s’éteignaient, les couples dansaient et
sautaient par dessus, mais la plupart des participants se contentaient de
manger, boire, danser et s’amuser, de batifoler en toute bonne humeur. Olaf
regardait Jan et constatait qu’il s’adaptait à sa nouvelle situation, c’était
comme s’il s’épanouissait sous leurs yeux, et que, étant devenu le chef de
tous ces gens, un poids accablant avait été enlevé de ses épaules à l’idée que
l’espoir de sa vie pouvait se réaliser. Jan a eu une discussion privée avec
certains anciens quant aux moyens de communication et aux rencontres futures.
En deux jours, son destin avait changé. Il était maintenant le chef reconnu
d’un groupe important de bons archers, et si ce ne sont pas les hommes d’armes
qu’il espérait, c’étaient des hommes.
La lune se couchait à l’ouest alors que les frères Bonder, Morven et vieux
Simon retournaient à la ferme. Ils ont attrapé la corde et ont grimpé sur le
toit.
« Il serait mieux d’enlever tes vêtements d’hommes, » a dit Olaf. « Le trou de
fumée est étroit, tu vas te salir avec la suie et les filles le verront. Elles
en parleront si tu es couverte de suie ce matin, et mère est toujours prête à
poser des questions à tout le monde. »
Morven a fait ce que Olaf lui avait demandé et s’est glissée dans le trou,
puis est descendue dans la chambre et s’est laissée tomber sur son lit avec un
soupir, épuisée par la chevauchée, la tension nerveuse et l’anxiété. Tout ce
qu’elle voulait, c’était se reposer dans son lit, rester couchée plusieurs
jours, et c’est sans plaisir qu’elle a trouvé son lit occupé par le balai et
les couvertures. Avec une exclamation de dégoût, elle a jeté le balai par
terre et s’est plongée dans le lit. Puis elle s’est dit : « Elles vont voir le
balai ce matin et poser des questions stupides. » Elle s’est levée en
maugréant et a remis le balai dans son coin, puis est retourné au lit et est
tombée rapidement dans un profond sommeil.
Malheureusement pour tout le monde, Hildegarde a dormi plus longtemps que de
coutume. Elle avait discuté plus que d’habitude la veille au soir, et,
énervée, au lieu de tomber de sommeil, elle a ressassé des bribes de sa
conversation. Elle s’est réveillée longtemps après le lever du soleil alors
que d’ordinaire elle se levait à l’aube. Hildegarde a ouvert les yeux d’un
coup et a vu, incrédule, le soleil rouge. D’un bond elle s’est élancée hors du
lit et s’est cognée un orteil contre un meuble. Tremblant de rage, elle s’est
précipité à la porte des servantes, l’a ouverte avec un cri : « Debout,
debout ! Tas de fainéantes ! Vous voulez ronfler toute la journée en plus de
la nuit. Si je n’étais pas là jamais vous ne vous lèveriez. Morven, debout !
Sue, Marian, si je vous attrape vous allez regretter d’être nées. »
« Chaque fois que nous te voyons et t’entendons nous ne le regrettons, » lui a
dit Sue qui n’avait pas peur de dire ce qu’elle pensait d’autant plus qu’elle
venait d’être réveillée en sursaut au milieu d’un rêve délicieux qui n’était
pas sans lien avec ce qu’elle avait dit la veille. Elle était d’une humeur
révoltée.
« Insolente catin, comment ose-tu me parler de la sorte ? »
Sue, maintenant emmitouflée dans ses vêtements, s’est avancée jusqu’à la porte
en balançant les hanches, et Hildegarde, la voyant dans cet état d’esprit
truculent, est retournée sur l’échelle menant à sa chambre car elle ne portait
qu’une chemise et a enfilé ses vêtements. Mais on pouvait lire qu’elle avait
soif de vengeance, de querelle et de meurtre.
Morven, encore étourdi par le manque de sommeil, a suivi les trois filles dans
la cour où elles se sont passé de l’eau sur le visage, les épaules et les
mains.
« Si la guerre n’arrive pas bientôt, je vais fomenter la révolte et il y aura
la guerre. Seigneur, quelle vie ! » a grommelé Sue.
« Là, maîtresse, vous êtes toute couverte de suie, » s’exclama Marian. Morven
a soudain réalisé que ses mains et ses bras étaient couverts de stries noires,
là où elle avait touché les parois en passant par le trou de fumée. Aidée par
les filles, elle fut bientôt relativement propre. Puis elles sont allées
prendre un rapide petit déjeuner.
Les frères Bonder avaient l’air morose et maussade, leur mère s’en prenait
déjà à eux. Hildegarde semblait furieuse. Morven faisait doucement écho aux
paroles de Sue: « Seigneur, quelle vie ! » Elle pensait: « Je vais prendre mon
cheval et m’éloigner d’ici, j’ai fait tout ce que j’étais venue et ma présence
n’apportera plus rien de bon. Que j’aimerai avoir un endroit où je pourrais me
laver vraiment puis dormir. »
Mais Hildegarde avait d’autres projets et Morven s’est retrouvée à préparer la
terre pour les semailles. Dès que la maîtresse s’est éloignée, Morven s’est
assise pour reposer son dos douloureux, mais à peine avait-elle trouvé une
position confortable que le vieux Simon, Wat, Samkin et Chinnery, sont arrivés
et se sont rassemblés autour d’elle. Elle se leva avec un gémissement.
« Demoiselle, quels sont vos ordres ? » Avant qu’elle ne puisse répondre,
Chinnery a soupiré de consternation. Il était grand et pouvait voir par-dessus
la tête des autres. « Ce n’est pas notre jour, voilà la maîtresse et les deux
jeunes maîtres. On va encore se faire disputer.
- Alors, Maîtresse Morven, que faites-vous avec ces hommes ?
- Ils m'ont apporté des nouvelles des miens, bonne maîtresse, je leur en suis
sincèrement reconnaissante.
- Les tiens, oui c’est ça, » ricana Hildegarde hors d'elle. « Si ta quête
était honorable, pourquoi est-ce que Thur ne t’a pas accompagnée ? Si tu es en
effet sa nièce et non pas une vile catin qu’il a ramassé Dieu sait où pour
corrompre sa chair et celle de mes garçons. »
Jan et Olaf en eurent le souffle coupé et leur visage s’empourprèrent, puis
Jan s’est éloigné tranquillement. Morven s’élança avec une énergie passionnée.
« Paix, madame, ne parlez pas de moi de la sorte ! » A-t-elle ordonné pleine
de rage, le visage pâle. « Est-ce que Thur n’est pas le meilleur des hommes.
N’est-il pas votre ami et celui de votre famille depuis plus de vingt ans ?
Savez-vous encore ce que vous dites, madame ? » Les femmes se sont affrontée,
l’une a viré au rouge, l’autre est devenue blanche comme un linge.
« Elle ne devrait pas s’en prendre à la Demoiselle, » a murmuré Simon avec
appréhension.
« La Demoiselle pourrait l’envoyer en enfer, si elle en avait envie, » lui a
chuchoté Chinnery à l’oreille.
« Qu’êtes-vous encore en train de comploter ? » a demandé Hildegarde
« Retournez au travail. » Ils ont tenu bon, impassible, regardant fixement
comme des bêtes dans un enclos.
« Vous allez y aller, dis-je ! » a-t-elle dit pleine de fureur.
« Non, maîtresse, nous restons, » lui a dit Simon succinctement.
Mais elle avait déjà recommencé à s’en prendre à Morven : « Est-ce que tu n’es
pas arrivée à cheval, vêtue en homme contrairement à ce qu’exigent les Saintes
Écritures ? En affichant des jarretières rouges qui ont fait perdre à mes
hommes tout leur bon sens quand ils les ont vues orner tes jambes sans que
cela ne te gêne le moins du monde ? Si ce n’est pas la marque d’une catin,
alors c’est que je suis incapable d’en reconnaitre une.
- Mère, ça suffit, » s’est interposé Olaf. « Vous nous faites honte avec vos
chamailleries et les choses horribles que vous dites.
- Comment ça, je n’ai plus le droit de parler ? Je suis une menteuse qu’on
doit faire taire ? Dis-moi comment tu comptes t’y prendre pour me faire taire,
s’il te plait ?
- Je vais te sceller ta bouche avec un emplâtre au miel. Comme ça tu pourras
apprendre la douceur dans le silence.
- Non, Olaf ... » l’a réprimandé Morven, mais Hildegarde s’est tourné vers
elle... avec un air farouche.
« Je règle mes problèmes sans ton aide. »
Pendant qu’elle parlait, Jan est revenu avec deux chevaux sellés et harnachés
et est entré dans la mêlée. « Mère, » a commencé Jan, avec une fermeté
nouvelle. « Vous n’allez plus nous donner des ordres. Je suis un adulte et
Olaf le sera bientôt. Il est inconvenant que vous nous traitiez de la sorte,
bonne mère, et nous ne le supporterons pas plus longtemps.
- Et quel est ton âge, s’il te plait ? » a-t-elle demandé. Tu as à peine
vingt-trois ans. Oh oui, tu présentes bien et tu viens chez ta mère juste pour
manger et me ramener tes catins à la maison.
- Mère, ton esprit est nauséabond. Morven est là pour m’aider à retrouver mon
dû.
- Ton dû, » a-t-elle craché, « Nous voilà à nouveau avec ton ‘dû’. Je pensais
qu’il en aurait été question plus tôt. Ton ‘dû’ est de rester à la maison, de
cultiver la terre et de commander à ces gredins qui se moquent de nous.
- Non, maîtresse, nous ne sommes pas des gredins. Nous sommes des gens
honnêtes et nous travaillons dur pour vous. » Ont-ils dit tous ensemble.
« Pitié de nous, quelle clameur, » a-t-elle raillé.
« Nous travaillons nuit et jour pour vous maîtresse, et jamais nous ne
recevons de remerciement, juste des injures et des coups, » a dit Simon avec
un air très digne.
« Tu dis la vérité, Simon. Nul homme ou femme n’a été mieux servi. Je connais
votre loyauté, » a dit Jan. « Mère le sait elle aussi tout au fond de son
cœur.
- Oui, ta mère sait plus de choses que tu ne le penses, » a-t-elle dit en
vociférant. « Je suis malade de t’entendre parler de ‘ton dû’, je sais
parfaitement quel est vraiment ‘ton dû’, tu n’en as jamais eu de ‘dû’. »
Ils l’ont tous regardé bouche bée, car tout le monde pensait qu’elle savait de
quoi il retournait. Jan et Olaf pensaient qu’elle aussi savait ce qu’ils
savaient tous si bien.
Hildegarde a vu tous ces gens les yeux écarquillés et la bouche ouverte : pour
elle c’était totalement stupide. « Eh bien, » a-t-elle raillé, « je te le
demande maintenant, tu ne peux même pas mettre un nom sur ’ton dû’.
- Mère, c’est vrai ? Tu ne sais pas ? » a demandé Olaf incrédule. « Père ne
t’a rien dit ?
- Ton père m’a raconté qu’il était un soldat qui en avait assez de la guerre.
Contrairement à vous deux, il était bon et gentil et c’était un travailleur
acharné et honnête, il n'avait pas de ‘dû’ à retrouver comme un chaton qui
chasse sa propre queue.
- Mais, mère, il avait des châteaux et des terres, tu ne savais pas qu’il
était Sir Hugh Bonder ?
- Il était de la famille Bonder, je le savais, mais rien d’autre, et je ne
crois pas un mot de ce que tu dis. Est-ce que je ne devrais pas savoir tout ce
qui concernait mon mari ? Pourrait-il m’avoir laissé, moi sa femme, dans
l’ignorance ?
- Oui, si notre vie en dépendait.
- Il n’y a pas un mot de vrai dans toute cette histoire, je sens des
diableries là-dessous. Une vile sorcière a privé mon pauvre garçon du peu de
bon sens qu’il avait, ce ne sont que d’infâmes envoûtements ! »
Les hommes, qui s’apprêtaient à donner leur avis en furent dissuadés par ce
mot dangereux... envoutement. Au lieu de parler, ils hésitaient et
échangeaient entre eux des regards inquiets.
Instantanément Hildegarde a vu qu’elle prenait l’avantage et en profita. «
Êtes-vous vous aussi ensorcelés ? » a-t-elle demandé d’un ton indigné.
Morven marchait près d’elle et fixa l’accusatrice des yeux : « Vous utilisez
des mots dangereux, Maîtresse Hugh. Que savez-vous des sorcières, de la
sorcellerie et des catins pour en parler aussi facilement ? Je n’aime pas ça.
Vous semblez bien connaître connaitre ces sujets.
- Que voulez-vous dire, vile scélérate ?
- Je n’aime pas beaucoup ce que j’ai vu ici, je n’aime pas que les servantes
soient enfermées toutes les nuits. Pourquoi faites cela ?
- Pourquoi ? Parce que je l’ai décidé. »
Morven a fait un pas en avant et a pointé son index juste entre les yeux
d’Hildegarde. La lueur funeste dans les yeux d’Hildegarde a vacillé et ses
pupilles se sont dilatées à cause de la grande gêne qu’elle éprouvait.
« Ainsi vous pouvez sortir de la maison en secret quand vous voulez ! Vous
pouvez donc assister à des rencontres au beau milieu de la nuit sous la lune
quand vous voulez, vous pouvez donc aussi enlever vos vêtements et pratiquer
des abominations incroyables si vous en avez envie. Est-ce comme ça que vous
en savez tant sur les sorcières, la sorcellerie et les catins, pour pouvoir en
parler de la sorte et vous en prendre à moi ? » Un peu à bout de souffle,
Morven a stoppé son flot de paroles.
Hildegarde, qui n’était pas stupide et qui réfléchissait vite, a tout de suite
compris où son discours l’avait menée. Elle était consternée en constatant
qu’un acte innocent pouvait être transformé en un soupçon de culpabilité et
avec quelle facilité une accusation pourrait être portée et comment il était à
peu près impossible de la réfuter. « Non, non, » s’est-elle rétractée prise
d’une véritable panique. « Ne dis pas ça, chère Morven, j’ai parlé sur le coup
de la colère. Pardonne-moi, ne dis pas de telles choses. Ces paroles sont très
dures et dangereuses ! Pardonne-moi mon enfant. J’ai parlé sous le coup de la
colère. » Hildegarde était accablée et éclata en sanglots. Elle est rentrée en
courant dans la maison, laissant Morven, les frères Bonder et les hommes qui
se regardaient.
« Ne vous l’avais-je pas dit, la Demoiselle peut l’envoyer en enfer si elle le
veut ? » a dit Samkin hilare. Tous les hommes arboraient un grand sourire.
« Vous feriez mieux d’aller travailler mes amis, » a dit Jan, et alors que les
hommes s’éloignaient, il a dit : « Olaf, va chercher les sacoches de Morven,
je pense qu’elle ferait mieux de s’en aller, mère revient, » et alors qu’Olaf
obéissait, il a continué : « Je pense que tu ferais mieux de t’en aller, Ô
Sorcière de Vanda, tu as fait peur à ma mère pour quelque temps mais je crains
que quand elle sera remise, elle soit encore pire qu’avant. Si elle a quelque
chose en tête et qu’elle n’arrive pas d’une façon, elle risque d’essayer
autrement. Ah, voilà Olaf, » le garçon arrivait en courant avec les sacoches
et commençait à les fixer à la selle.
Mais pendant qu’il parlait, Hildegarde revenait en trainant Marian la servante
par le bras, suivi par Jane et Sue. Elle semblait radieuse. « Écoutez, mes
fils, écoutez cette histoire, vous verrez ainsi comme vous avez mal jugé votre
mère, » a-t-elle éructé. « Venez mes filles, racontez à vos maîtres ce que
vous avez vu » et elle a secoua la jeune fille sauvagement.
« J’ai été réveillée ce matin par un bruit de bousculade sur le toit. J’étais
couchée et je me demandais ce qui ce passait. J’ai alors vu quelque chose de
blanc passer par le trou de fumée, puis quelque chose a glissé et a cogné
contre le sol. J’étais terrorisée. Puis quelque chose a bougé et à la lueur de
la lune j’ai vu clairement que c’était Maitresse Morven, nue comme un ver,
tenant le balai qu’elle a reposé dans le coin. Quand on s’est lavée ce matin
elle était couverte de suie. On l’a vue avec Jane et Sue. Et Jane a vu des
sorcières se frotter avec de la suie et de la graisse de bébés non baptisés et
s’envoler dans les airs sur un balai. On savait donc ce qu’elle avait fait. On
a examiné le balai, il y avait de la suie dessus et il y avait de la suie par
terre. Nous devions donc le dire à la maîtresse.
- Qu’avez-vous à dire maintenant mes fils ? » a demandé Hildegarde. « Ce
suppôt de Satan que vous avez fait entrer dans ma maison qui est une maison
respectable ne va pas rester une minute de plus ici ! » Et elle est retournée
en courant à la maison en laissant tous les autres se regarder totalement
consternés.
« A cheval, Morven, à cheval ! Elle va te faire du mal, j’ai peur qu’elle
apporte une fourche, » s’écria Jan en tendant la main. Morven est monté sur
son cheval et a pris les rênes alors qu’Hildegarde revenait au pas de course.
Elle tenait quelque chose, mais à leur grand soulagement c’était un petit
objet et elle n’avait pas de fourche. Elle s’est ruée sur Morven en tenant un
crucifix, en criant: « Jure, jure sur la sainte croix que tu n’es pas une
sorcière. Baise-le et dit : Que mon âme aille en enfer pour toujours si je ne
suis pas passée par le trou de fumée la nuit dernière. »
Elle a appuyé le crucifix contre les lèvres de Morven, ce qui l’a fait
reculer. Bien que le crucifix ne signifie rien pour elle, elle ne voulait
jurer un mensonge.
« Ho, » s’écria Hildegarde. « Ainsi tu n’oses pas jurer ? Alors prends ça ! »
et elle lui a envoyé de l’eau bénite au visage! Le bruit et ce bain froid,
c’en était trop pour la jument de Morven, qui se dressa sur ses pattes
arrières puis elle s’est cabrée et a effrayé le cheval de Jan qui s’est
enfuit. Pendant une ou deux minutes, Morven s’est afférée à ne pas tomber.
Lorsque les chevaux se sont calmés, Morven a regardé derrière elle où elle a
vu Jan courir comme un fou à la poursuite de son cheval et les servantes à
genoux se signer avec ferveur. Maîtresse Hildegarde faisait une sorte de danse
de guerre sauvage, en brandissant comme une folle le crucifix et le pot d’eau
bénite eu hurlant alternativement des prières et des malédictions.
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