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Avec l’Aide de la
Haute Magie
Chapitre XVIII – L’Esprit Dantilion
par Gerald Gardner
version française
Tof
&
Xavier
« Vous êtes maintenant membre de la fraternité,» a dit Morven le lendemain. «
Le mieux maintenant serait d’aller chercher Evan Œufs de Mouette.
- Mais par où allons-nous commencer ? » a demandé Jan « Lorsque nous t’avons
cherché nous avions au moins le nom Wanda
- Je pense que nous avons un indice, » répondit-elle. « J’ai l’impression
qu’il faut chercher vers la mer, du côté de Dunbrand, je pense.
- Bien parlé, » a dit Thur. « Bartzebal n’aurait pas osé mentir alors qu’il
était dans le triangle, mais nous nous n’allons pas aller à Dunbrand et
demander après Evan Œufs de Mouette sans motif. Les gens en parleraient et ces
discutions pourraient aller tout droit jusqu’à l’oreille de Fitz-Urse.
- Non, » dit-elle, « Va d’abord voir Simon Pipeadder, il est vieux et je pense
qu’il sait beaucoup de choses. Il t’obéira maintenant que tu es de la
fraternité. »
Ainsi cette nuit Thur a consulté les étoiles et a vu qu’elles leurs étaient
favorables. Les trois hommes sont partis en chasse dès le lendemain matin.
* * *
Ils sont arrivés à proximité de la ferme de Jan et Truda
la gardeuse d’oies leur amena le vieux Simon. Au début, il ne fut pas très
utile : « Non non, maître, c’est terriblement risqué et ces jours-ci la
maîtresse est comme un démon déchaîné, elle dit que vous avez fait venir un
démon des enfers, Jan, et elle va à droite et à gauche et elle asperge tout
d’eau bénite, voilà ce qu’elle fait et en plus elle nous frappe.
- Oui, oui, Simon, mais comment peut-on s’emparer du château si nous n’y
allons pas ? »
Simon hocha la tête avec obstination. « Non, maître, c’est terriblement
risqué.
- Mais tu connais Evan Œufs de Mouette ?
- Oui maître.
- Eh bien, pour nous emparer du château nous devons combattre. Nous ne pouvons
pas combattre sans risque. Penses-tu que nous sommes des lâches ?
- Que voulez-vous d’Evan Œufs de Mouette ? Il habite à l’écart et il n’est
vraiment pas amical.
- Tu penses qu’il pourrait nous trahir ?
- Non, peut-être pas, il déteste les Normands. Mais il aime l’argent et il
n’est pas de la fraternité.
- Mais moi j’en suis, » a dit Jan en décrivant un pentacle dans l’air avec son
pouce passé entre ses doigts.
« Ô, maître Jan, maître Jan ! Tu nous as espionnés mais tu ne connais pas le
chemin menant à l’intérieur d’un cercle.
- On m’y a conduit, » a dit Jan, « avec deux mots de passe et j’en ai reçu un
troisième.
- Et où était celui qui t’a conduit dans le cercle ? Répondez à cette
question, » souffla Simon.
« Elle était derrière moi, » a dit Jan.
« Ô, maître Jan, maître Jan, c’est magnifique, » souffla Simon. «Vous êtes
vraiment de fraternité, mais jusqu’où êtes-vous allé ?
- Je suis passé par le triangle inversé et par le pentacle inversé, »
répondit-t-il.
« Ô joie, je dois toujours faire ce vous dites, vous qui avez été aidé par la
Demoiselle sacrée et qui êtes passé par le pentacle, » fut sa réponse. Mais en
se tournant d’un air suspicieux vers Thur et Olaf : « Qu’en est-t-il de ces
deux là ? Vous ne devez pas parler de ces choses devant des étrangers.
- N’aies pas peur, Simon. Thur est ce que je suis et Olaf est passé par le
triangle.
- Bien, bien, je dois faire ce que vous me demandez maître, mais je n’aime pas
ça, la maîtresse va me battre comme plâtre quand elle m’attrapera, je pense
que je ne rentrerai plus jamais à la ferme.
- Ne t’inquiète pas, va chercher la jument noire et envois un mot pour dire
que tu es malade et que tu ne peux pas venir travailler, elle y croira, » et
le vieux Simon s’éloigna d’un air joyeux.
Il revint bientôt sur une puissante jument et ils chevauchèrent tous les
quatre jusqu’à ce que la forêt s’éclaircisse et cède la place à des fermes
disséminées. A l'orée de la forêt Simon arrêta son cheval. Olaf désigna une
tache sombre à l’horizon. « Est-ce que c’est Dunbrand ? »
Simon eut un petit rire : « Oui, maître c’est bien Dunbrand. »
Les Bonder n’ont pas fait de commentaire, ils étaient bien trop loin pour en
voir plus. « Y as-tu été depuis l’époque de notre père ?
- Oui, trois fois, à l’époque où l’on construisait le château.
- Mais, et le château de mon grand-père ? » a dit Jan à la hâte.
« Il avait été ravagé par un incendie, il était vieux, on dit qu’il avait été
construit à l’époque du bon roi Alfred. D’autres disent même qu’avant c’était
un vieux château romain, que les Bonder étaient venus de la mer et vivaient là
avant que les Normands règnent sur le pays et après, mais ça tu le sais, Fitz-Urse
est arrivé et il y a eu un combat.
- Et seul mon père s’en est sorti ?
- Oui, avec moi et les autres que vous connaissez... j’avais trente ans à
l’époque. Seigneur, j’ai l’impression que c’était hier.
- J’irais discuter avec eux... bien comme il faut, que Dieu m’aide » s’écria
Jan dans un élan de passion.
- Amen, » ont dit d’une même voix Olaf et Thur.
« Et le château ?
- Fitz Urse en a fait construire la plus grande partie, ça a commencé il y a
presque vingt ans, il est à peine terminé. Il a été en terre sainte avec le
bon Roi Richard.
- Il est loin d’ici ?
- Environ seize kilomètres, maître. »
Ils ont chevauché jusqu’à la mer, là ils surplombaient un petit village de
pêcheurs. Simon arrêta son cheval et désigna le village. Au début ils ne
voyaient rien si ce n’est la ligne brisée d’une falaise à travers la brume,
puis la ligne s’est révélé être un grand rocher sortant de l’eau qui déferlait
tout autour du rocher. Il y avait ensuite un pont étroit au dessus de l’abîme
et ce qui dans un premier temps leur avait semblé être des rochers escarpés
s’est révélé être des créneaux.
Simon désigna les rochers : « Vous voyez le point noir là, c’est une grande
grotte envahie par l’eau, les pécheurs y rangent leur bateaux. De là il y a un
chemin qui mène à une corniche qui surplombe les rochers et il y a une autre
corniche où il y a un grand treuil avec lequel ils hissent leurs chargements,
puis on arrive à une porte dérobée du château. Cela a toujours été comme ça
mais personne ne peut arriver au château par là à moins d’être hissé dans un
panier. C’est comme ça qu’ils ont toujours hissé ceux qui arrivaient par la
mer et pareil pour les pierres qui ont été utilisées pour construire le
château. »
De par sa situation le château semblait pouvoir être défendu par un seul homme
contre des milliers d’assaillants, il semblait vraiment inexpugnable. Ils ont
aussi vu que l’unique accès par la terre était gardé par les deux tours
jumelles d’une barbacane.
« Eh bien, » a dit Thur. « Un véritable casse-tête, conduis-nous à Evan Œufs
de Mouette mon bon Simon.
- C’est vrai, vous avez raison maître. Je vais le chercher. »
* * *
« Il est là maîtres, » souffla Simon un peu plus tard en
poussant un homme à l’aspect un peu sauvage. « Et vous voulez quoi avec moi ?
- On t’appelle Evan Œufs de Mouette ? » a dit Thur
« Oui, les gens m’appellent comme ça » a-t-il répondu d’un air mauvais.
« Tu escalades les falaises pour chercher des œufs de mouettes ?
- Oui. »
Thur lui montra une pièce. « Il t’arrive de chercher des œufs au château sur
le roc ?
- Non maître, Fitz-Urse n’aime pas qu’on escalade ce rocher et quand il n’aime
pas quelque chose, il le montre avec des flèches.
- Mais tu l’as déjà escaladé ? »
Evan l’a regardé d’un air entendu mais n’a pas répondu. Thur lui a montré une
pièce d’or. L’homme a fait des grands yeux mais est resté muet.
« J’aimerais escalader ce rocher. Est-ce possible ?
- Maître, je n’ai qu’une vie et c’est pareil pour ma femme et mes trois
enfants. Si quelqu’un escalade ce rocher, Fitz-Urse s’en prendra à moi et nos
cinq gorges seront tranchées Il sait bien que personne d’autre n’en serait
capable. »
Thur a ajouté trois pièces à la première.
Les yeux de l’homme brillaient. « Que voulez-vous ? » a-t-il demandé.
« Il y a une porte dérobée menant au château, emmènes-y moi avec quelques
amis, une nuit où tout sera noir.
- Là ça serait très périlleux, mais ça serait possible au clair de lune, même
s’il y a de la brume. Mais il faudra me donner vingt-cinq pièces avec la tête
du roi dessus. Je peux monter et fixer des cordes, vous pourrez alors grimper
en toute sécurité, mais il faudra me payer la moitié d’avance et le reste
lorsque vous serez en haut. Ce que vous ferez ensuite ne me concerne pas. Avec
l’agent je partirai au loin avec ma femme et mes enfants et j’achèterai une
ferme. Je ne pourrais plus rester ici après ça.
- Vingt-cinq pièces d’or ? Impossible, » s’écria Thur,
- Donc c’est impossible, je ne le ferai pas pour moins, » a dit Evan en se
levant comme pour s’en aller.
Thur lui fit signe de rester. « C’est une somme importante mon ami, il n’est
pas facile de trouver autant d’argent. Mais si je peux l’obtenir, tu feras
vraiment comme on l’a dit sans me trahir aux Normands ? »
Evan cracha : « Je n’aime pas Fitz-Urse et les siens, ça me fera plaisir de
lui causer du tort si je ne risque rien. Je ne vous trahirais pas. Mais il me
faut de quoi m’installer ailleurs et loin. Envoyez-moi Simon si vous avez
besoin de moi, » et il s’est levé et s’en est allé.
« Vingt-cinq pièces d'or, c’est la rançon d'un roi, » s’étouffa Jan.
« Avez-vous une telle somme, Thur ?
- Non, mais je pourrais emprunter. J’ai une maison, mais je ne sais pas qui
pourrait me prêter cette somme. Si le bon Roi Richard n’avait pas banni tous
les Juifs ça aurait été facile. Je vais essayer car je ne vois pas d’autres
façons d’y parvenir et Bartzebal a clairement dit qu’Evan nous conduira sur le
chemin secret. »
Le vieux Simon arriva couvert de bandages.
« Que s’est-il passé mon bon ? » demanda Jan.
« Ce n’est rien, maître. J’ai été attaqué par un sanglier. En réalité c’est
Kit qui m’a fait ça avec son couteau et il m’a soigné. Je dirai à la maîtresse
que j’ai été blessé, que je me suis évanoui et que je ne suis revenu à moi que
plusieurs heures plus tard. Je vais dire que je ne vais pas travailler pendant
quelques jours, un homme qui a été à moitié tué ne peut pas travailler tout de
suite. »
Jan a fait des grands yeux. « Ah c’est comme ça ? Je me souviens qu’il t’est
déjà arrivé quelque chose comme ça l’an dernier, c’était aussi simulé ?
- Oui maître, je deviens trop âgé pour être roué de coups. »
Thur et Olaf ont éclaté de rire, Jan a finalement fait de même puis ils sont
tous retournés chez eux.
Quand Thur arriva chez lui Morven l’accueilli en disant : « Frère Stephen vous
a attendu toute la journée, j’ai peur qu’il soupçonne quelque chose, mais
dites-moi comment vous en êtes-vous tiré ?
- Pas trop bien mais pas trop mal non plus, » répondit Thur avec lassitude.
« Nous avons trouvé Evan Œufs de Mouette. Il peut nous aider si on lui donne
de l’argent mais il demande une très forte somme et je ne vois pas comment
trouver autant d’argent mais nous y arriverons d’une façon ou d’une autre,
n’aies crainte.
- Mais que veut Stephen ? (à ce moment Frère Stephen s’est précipité pour
saluer Thur.)
« Je voudrais vous parler, Thur, seul à seul » et il regarda Morven.
Thur la congédia d’un hochement de tête. « Parlez librement mon ami, il n’y a
personne pour nous écouter. »
Stephen hésitait. « Ce que j’ai à vous dire doit rester secret pour vous
sécurité comme pour la mienne.
- Je serai muet comme une tombe, » a dit Thur.
« Thur, je pense que vous vous êtes souvent demandé ce que je fais ici. Vous
savez que j’avais mon école à Paris. »
Thur hocha la tête.
« Thur, tu as vu mon horoscope, Jupiter est en conjonction avec le soleil et
tous les autres signes indiquent la même chose. Je peux faire de grandes
choses pour moi, pour d’autres, et pour mon pays, d’une façon dont on se
souviendra pour toujours. Maintenant et dans le mois qui vient, j’aurai une
opportunité dans cette petite ville de St. Clare et nulle part ailleurs.
Qu’est-ce que cela peut bien signifier ?
- Comment le saurais-je ? » a dit Thur « Je sais, je l’ai vu, mais peut-être y
avait-il une erreur dans les calculs ?
- Mais nous l’avons fait vérifier par de nombreux astrologues avant que je
vienne ici et ils ont tous raconté la même histoire. C’étaient des astrologues
qui venaient de France, d’Italie, d’Espagne, d’Allemagne, de Bohême et des
Maures païens, tous disent la même chose, même mon ami Lothaire di Signi. »
Thur hocha la tête. « Lothaire m’a ici pour essayer de comprendre. C’est
important pour lui comme pour moi, son horoscope le montre aussi. Vous savez,
il doit avoir ce qu’il veut, gagner du pouvoir.
- Comment puis-je vous aider mon ami ? » a demandé Thur
« Thur, j’ai réfléchi, j’ai regardé et j’ai attendu. Je crois que j’y vois
clair maintenant. Vous pratiquez la haute magie et l’art magique. Cette fille
Morven me hante, je rêve d’elle, Thur, vous devez faire de la magie pour moi.
Aidez-moi à avoir du pouvoir pour que je puisse repartir. »
Thur le regardait : « Magie est un mot impie, qu’en dirait le seigneur abbé ?
- Il dirait : rajeunis-moi ou ce sera le bûcher » répondit Stephen « Et moi
Stephen je dis : travaillez pour moi ou dans l’heure, les hommes de l’abbé
prendront cette maison d’assaut, Thur. Vous pensiez pouvoir faire ce que vous
avez fait il y a deux nuits sans être remarqué ? »
Thur demanda : « Qu’ai-je fait ?
- Thur, la moitié de la ville a entendu des voix qui hurlaient bien après
minuit.
- Est-ce qu’un homme n’a pas le droit d’inviter des amis à faire la fête ?
- Ce n’était pas le chahut d’hommes qui font la fête. Il y avait aussi la
fumée et des odeurs d’encens, tu as parfumé la moitié de la ville et une heure
après minuit il y a eu une explosion de fumée noire... les veilleurs l’ont vu
et tremblaient dans leurs chaussures en disant ‘Le diable lui-même est venu
chercher le médecin et les siens.’ Puis quand ils vous ont vu tous les deux
hier matin, ils ont dit ‘Maître Thur doit être parent avec le diable
lui-même.’ La moitié des commères de la ville sont allées à l’abbaye. J’ai eu
beaucoup de mal à calmer le vieil homme. Il voulait vous faire arrêter tout de
suite et vous soumettre à la question. J’ai dû beaucoup mentir, j’ai dit que
je savais ce que vous faisiez et que je vous ferais travailler pour lui. Il
faut vraiment que vous fassiez quelque chose pour lui, Thur, si vous le
pouvez, au moins pour votre sécurité et votre intégrité physique, si vous
n’avez pas d’autres raison de le faire, mais vous devez tout d’abord
travailler pour moi.
Thur, invoquez les esprits pour moi cette nuit, sans cela les hommes de l’abbé
vous arrêteront dans la demi-heure, deux frères m’attendent dehors je dois me
hâter. Ils ont une lettre cachetée pour l’abbé, n’imaginez pas qu’en me
poignardant vous pourrez me réduire au silence et régler ce problème. Vous
devez m’aider, Thur.
- Je vais vous apporter toute l’aide possible, mais vous, allez-vous m’aider ?
- Comment ?
- Je veux de l’argent et je veux que l’abbé me laisse en paix pendant quelque
temps.
- Je peux calmer l’abbé pendant un certain temps, mais je n’ai pas d’argent,
Thur. Vous ne pouvez pas vous procurer de l’argent par magie ?
- Bon, calmez l’abbé. Je ne peux pas faire d’argent, je ne suis pas un maître,
juste un débutant, les esprits ne me donnent que des conseils. Attendez, je
vais vous raconter mon histoire. »
Stephen écouta attentivement. « Je pense que je commence à comprendre, »
a-t-il dit. « Et bien invoquez les esprits pour moi, pour ce qui est de
l’argent, je pense que je peux vous aider, l’abbaye a beaucoup d’or dans ses
caisses, mais elle ne peut pas en prêter.... L’Eglise interdit l’usure. Mais,
vous pouvez vendre votre maison pour disons, vingt pièces d’or et la racheter
dans trois mois pour disons trente pièces, l’abbaye fait souvent de telles
choses et on peut s’arranger pour que vous puissiez y rester pendant trois
mois ou plus. Si vous vous emparez du château, vous aurez de l’or et vous
pourrez rembourser. Sinon… eh bien, je pense que vous n’aurez plus besoin
d’une maison. »
Thur fit une grimace. « Vos conditions sont exorbitantes, mais les emprunteurs
n’ont pas le choix. »
Stephen s’est levé. « Eh bien, C'est réglé, je vais parler à l’abbé, je vais
lui dire qu’il n’était pas question de magie, que vous aviez des amis à la
maison, que vous avez fait brûler des remèdes et que cela s’est mal passé.
Bon, quelle nuit allez-vous invoquer les esprits pour moi ? »
Thur réfléchi. « Je dois consulter les astres et mes parchemins, mais je sais
que vos étoiles sont favorables. Je vais tout préparer aujour... venez demain
soir. »
La nuit suivante, un jeudi, la septième nuit de la nouvelle lune, Stephen a
frappé à la porte et il fut admis dans la maison. Après les salutations, Thur
a dit : « J’ai cherché dans les parchemins, je pense que Dantilion est le
meilleur esprit pour ce que vous voulez, c’est un duc, grand et puissant. Son
rôle est d’enseigner tous les arts et les sciences et de donner des conseils
secrets car il connaît les pensées de tous les hommes et il peut les modifier
à sa guise. En tout cas c’est ce disent les parchemins. Cette nuit est une
nuit favorable pour le convoquer. Morven et moi nous avons fait les pentacles
pour l’invoquer si vous en avez le courage.
- Je ferai face au diable lui-même, » a-t-il répondu, « Thur, j’ai parlé à
l’abbé, vous pouvez avoir l’or. Signez ce parchemin, vous vendez votre maison
et tout ce qu’elle contient pour vingt deux pièces et vous pourrez la racheter
pour trente-deux pièces dans un délai de six mois. Cela vous convient-il ? Ce
sont les meilleures conditions que j’ai pu obtenir de l’abbé.
- Oui, les emprunteurs ne peuvent pas être difficiles, » grommela Thur « Venez
maintenant, » et il a ouvert la voie jusqu’à la pièce où Morven attendait à
côté d’un bain d’eau chaude. Stephen, qui connaissait un peu la théorie de
l’art magique, a regardé avec un œil critique et intéressé Thur qui s’est
baigné puis qui exorcisa l’eau, avant de se purifier lui-même, puis Morven
pris sa place et Stephen fut purifié à son tour. Ceci fut fait, exactement
comme lorsqu’ils avaient évoqué Bartzebal, puis Thur a pris sa tenue de lin et
il en a donné une à Stephen qui s’apprêtait à monter au grenier.
« N’avez-vous pas de tenue pour Morven ? » a demandé Stephen. « Il n’est pas
convenable qu’une femme soient nue comme Dieu l’a faite en présence d’hommes
qui eux sont vêtus. Je n’arrive pas à comprendre ce qu’elle a fait de sa
pudeur, » a dit Stephen pour exprimer son mécontentement et sa mauvaise humeur
tout en la regardant avec désapprobation. Ce n’était pas le fait que Morven
soit nue qui lui posait problème, ce qui le gênait c’est que les hommes
étaient vêtus alors que Morven ne l’était pas. Si la nudité était nécessaire
au rite, pourquoi pas, si non alors tous devaient être vêtus. Voilà ce que
pensait Stephen. Il savait que l’usage voulait qu’une sorcière pratique nue
pour exprimer tout son pouvoir, mais à sa grande surprise, il n’aimait pas que
cette sorcière là obéisse à la loi.
Il savait qu’ils allaient faire venir des esprits, probablement grâce au
pouvoir de Dieu, mais son austérité naturelle était telle qu’il faisait une
séparation naturelle entre le sexe et Dieu. Il ne considérait pas le sexe
comme un péché, il y avait été bien trop confronté. Dans les abbayes régnait
une grande débauche, mais il n’avait jamais pu accepter que les choses de
l’esprit puissent avoir un lien avec celle de la chair. Lorsque Stephen
Langton s’est approché de Dieu, il a voulu oublier jusqu’à l’idée de sexe. Il
connaissait de réputation certaines pratiques de l’art magique, il savait
qu’on disait que ces choses étaient nécessaires, mais il ne s’en approchait
qu’avec une certaine inquiétude. N’était-il pas possible que les choses se
fassent selon ses propres principes ?
Mais il devait faire ce qu’on lui disait, il était guidé par un esprit plus
fort que le sien. Il connaissait son destin s’il rentrait en ayant échoué dans
sa mission, surtout si sa propre faiblesse était responsable de cet échec.
Pourtant une petite voix lui disait qu’il ne devrait pas chercher à atteindre
ses ambitions de cette façon. Cependant il fut surpris et impressionné par
tous ces objets, la rigueur de la purification, les citations des Saintes
Ecritures et la mention répétée du nom de Dieu. Il s’attendait à quelque chose
de légèrement négatif et même de diabolique ou du moins quelque chose qui s’en
rapprochait, mais là il était face à quelque chose de si proche d’un service
religieux que son esprit avait été élevé jusqu’au sublime et seule la vue de
Morven a pu le faire revenir sur terre.
« Nous nous réunissons pour adorer Dieu, » a-t-il dit, « pour le supplier de
nous permettre d’accomplir des merveilles. Enfile tes vêtements, femme,
puisque tu vas te trouver en présence de Dieu. »
Thur s’est arrêté un pied sur l’échelle et a tourné la tête vers Stephen, la
lumière de la lanterne projetait de grandes ombres sur les murs, donnant aux
êtres humains l’apparence de géants. Troublé et plein de doutes, Thur a tourné
la lanterne pour qu’elle éclaire le visage de Stephen sur lequel Thur pu lire
qu’il était blessé et choqué. « Nous devons faire comme les rites le
commandent, Stephen, » a-t-il dit. « Morven m’est indispensable dans l’art, je
ne peux pas travailler sans elle. Vous savez qu’elle est une sorcière et elle
doit donc être comme sont les sorcières, sans cela son pouvoir n’aura aucune
efficacité. Oubliez ce qui vous distrait si vous voulez réussir.
Concentrez-vous sur vos propres désirs, car si vous vous laissez perturber par
la vue de Morven, ou par tout autre chose, vous perdez tout votre pouvoir.
Vous devez vous habituer à la nudité, vous savez bien qu’un des plus vieux
trucs des esprits malicieux est d’apparaitre sous l’apparence d’une femme nue
pour tenter de détourner l’esprit de son objet, il ne faut pas que vous
puissiez être perturbé par de telles choses.
- Mais, » a dit Stephen « Dieu est un fait inéluctable. La nudité en est un
autre. Les deux sont tout aussi exacts dans leurs propres domaines, mais mon
esprit a du mal à les associer, ça aurait un gout d’impiété et de blasphème.
Ainsi je proteste contre ce blasphème.
- Stephen, » a dit Thur, « Il y a un instant vous avez dit que cette femme
était comme Dieu l’avait faite, comment cela peut-il être un blasphème ? Dieu
ne peut pas blasphémer. Morven doit être avec nous et nous ne devons pas
limiter son pouvoir. Elle entre dans le cercle en étant mon disciple et vous
êtes celui qui implore la grâce de Dieu. Nous agissons comme Dieu le veut, et
si Dieu le veut, elle sera comme l’exige le rite. S’il ne daigne donner suite
à nos demandes si le rite n’est pas pratiqué comme il se doit, qui êtes-vous,
vous, un simple mortel, pour y trouver à redire ? »
Stephen avala sa salive. « J’ai peur, » dit-il sans ambages.
« N’ayez pas peur, concentrez-vous sur vos projets et sur celui qui vous a
envoyé ici, il n’aurait pas de tels scrupules. Ne vous éparpillez pas,
concentrez-vous sur vos désirs. Ne faites pas attention à des broutilles, sans
cela nous échouerons.
- Je vous suis, » a dit sinistrement Stephen évitant d’en dire plus et en
faisant de gros efforts pour surmonter sa haine pour la beauté de Morven. Oui,
il avait soudain compris, voilà ce qu’il détestait. Si seulement elle n’était
pas si belle, si exquise !
Mais dès qu’ils sont entrés dans le grenier son esprit fut distrait par les
signes étranges tracés sur les murs. Puis il y a eu la merveilleuse cérémonie
pour tracer le grand cercle, la consécration du feu, l’allumage des bougies,
l’encens, dans ce cas il s’agissait de cèdre, de rose, de cannelle, de santal
et d’aloès. Puis il y a eu la longue évocation et l’appel répété : « Viens Ô
Dantilion! Dantilion viens ! Etant exalté par le pouvoir du Très-Haut, je te
le dis, obéis au nom des puissances, Liachadae et Balachinensis, Paumachia et
Apolgiae Sedes et les puissances Liachadae et les ministres de la maison de la
mort. Je t’évoque et en t’évoquant je te conjure par le pouvoir du Très-Haut,
je te dis ‘obéis !’ Au nom de celui qui dit, et la chose arrive, lui à qui
obéissent toutes les créatures et tous les êtres. Moi que Dieu a fait à
l’image de Dieu qui est le créateur et qui a donné son souffle de vie.
Viens... au nom de celui qui est la voix et le miracle de Dieu tout-puissant,
Eo, fort et indicible. Ô toi esprit Dantilion, je te dis ‘Obéis !’ Au nom de
celui qui dit, et la chose arrive. Et par chacun de ces noms de Dieu : El,
Elohim, Ehyah, Asher, Zabbaoth, Elion, lah, Tetragrammaton, Shaddai, Seigneur
Dieu Très-Haut. Par ta force je dis ‘Obéi’. Ô esprit Dantilion apparais à son
serviteur maintenant devant ce cercle. Par le nom ineffable Tétragramme,
Jéhovah. Dont le son puissant est exalté fortement, les piliers sont écartés,
les vents du firmament gémissent puissamment, la terre tremble et toutes les
choses du ciel, de la terre et des domaines des ténèbres sont dans la
tourmente et se mêlent dans le tonnerre. Viens Ô Dantilion ! Dantilion viens
! »
Stephen regarda la pièce emplie de fumée épaisse d’encens.
« Viens Ô Dantilion ! »
La fumée se tordait et formait des formes qui disparaissaient presque
aussitôt. Le cœur de Stephen s’est mis à battre plus vite et dans ses veines
naissait cette frénésie occulte d’excitation qui accompagne la fixation de la
volonté sur le désir. Le pouvoir ! De régner sur les rois. De créer une
nouvelle loi pour que toute son Angleterre bien-aimée puisse obéir à la même
loi et avoir la même protection. Il ne devait plus y avoir de serfs et les
hommes devrait être libres d’aller, d’aimer et d’adorer où ils voulaient et
voilà le don de Stephen de Langton.
« Viens Ô Dantilion ! Dantilion, viens ! »
Stephen s’agitait avec inquiétude, sa grande concentration le fatiguait, la
fumée de l’encens devenait plus dense. Cela commençait à le faire souffrir
mais il avait décidé de tenir bon. Il devait avoir le pouvoir, le pouvoir de
régner sur les rois. A un moment sa concentration a baissé, les bras croisés,
il regardait Morven remettre de l’encens. Une jeune fille, non, une fleur, une
fleur de chair, sa bouche était comme un bouton de rose. Il se secoua, il ne
devait pas avoir de telles pensées, il devait rester concentré, il ne devait
pas vaciller le moins du monde. Il se secoua encore plus énervé. « Le
pouvoir ! »
Il regarda la fumée qui montait il remarqua maintenant qu’elle circulait en un
flux régulier à l’extérieur du cercle comme entrainée par un vent puissant. La
pièce n’était maintenant plus du tout visible alors qu’il n’y avait absolument
pas de fumée à l’intérieur du cercle. Il pouvait imaginer qu’il y avait des
esprits dans ce nuage dense, mais ils étaient invisibles. Est-ce que la
cérémonie ne s’arrêtera jamais ? Il ne devait pas penser à de telles choses,
il devait se concentrer. Il savait que son esprit devait rester concentré mais
il avait l’impression qu’une épée lui traversait le cerveau à cause de
l’intense effort de concentration. Il rassembla ses pensées dans un suprême
effort et se concentra avec une vigueur renouvelée.
Puis la fumée a frémi alors qu’un vieil homme, portant un gros livre, s’est
avancé et s’arrêta à la limite du cercle. Pendant une seconde, Stephen a pensé
qu’il s’agissait d’un homme qui était venu dans la pièce pour une raison ou
une autre, mais il y avait une telle apparence de pouvoir dans ses yeux, un
regard d’une beauté terrible sur un visage impressionnant, où l’on ne
descellait ni la faiblesse humaine, ni la pitié, ni la miséricorde, il
s’agissait d’un esprit. Ses yeux vous glaçaient l’âme et pourtant ils étaient
affables. Il irradiait de pouvoir. Derrière lui on pouvait voir dans la fumée
une foule de visages, des hommes et des femmes, se désagrégeant et se
reformant.
La voix de Thur est passée de l’autoritaire à la douceur d’un salut, mais
l’esprit l’a ignoré totalement. En cherchant Stephen, il dit : « Un mortel qui
sait ce qu’il veut ! Voilà qui est intéressant. Des gens qui se piquent
d’occultisme nous dérangent sans vraiment savoir pourquoi et ils cherchent à
nous mêler à leurs petites affaires, comme c’est ennuyeux. Si nous devions
leur accorder toutes les faveurs qu’ils demandent, cela aurait presque
toujours l’effet inverse à celui recherché. Mais tu sais ce que tu veux. Les
fous demandent souvent à devenir rois, alors que les rois n’ont que le pouvoir
que leur donnent leurs ministres, mais tu as la bonne attitude et on doit
pouvoir t’accorder ce que tu demandes. Je note aussi que tu ne demandes pas le
bonheur.
- Le bonheur ! » La pensée a frappé Stephen comme une gifle, il a regardé
Morven, mais maintenant sa beauté l’avait séduit, sa grâce, ses lèvres rouges,
la ligne douce de ses bras, ses deux petits seins. Elle a vu son regard se
modifier et elle secoua la tête impérativement.
Stephen a dit : « Non. Non. Non ! » criait son esprit. Le bonheur n’était pas
pour lui. Il devait avoir une vie de pouvoir. Gouverner les hommes et les
royaumes. Il n’avait pas le temps pour le bonheur!
Il a vu que Dantilion riait. « Tu as passé le test avec succès, l’ami, »
dit-il. « Tu veux devenir cardinal et archevêque. Ça peut se faire avec le
temps. Écoute maintenant. L’archevêque Hubert Walter est décédé il y a plus
d’un an et les gens pensent qu’aucun successeur n’a encore été désigné. Mais,
en secret, à minuit, les moines de Canterbury ont élu Reginald leur
sous-prieur et l’ont envoyé à Rome pour confirmation. Mais le secret s’est
ébruité et Jean sans Terre, dans sa rage, va forcer les autres à élire John
Gray et l’envoyer à Rome pour confirmation. Le pape va dire que les deux
élections sont nulles et demander une nouvelle élection, en sa présence, par
les représentants des moines. Va donc à Rome sans tarder avec ce que tu
sais. » Il fit une pause : « Tu as maintenant vu comment m’appeler, avec une
volonté aussi forte que l’acier et un esprit aussi clair que la glace. » Il
regarda autour de lui en réfléchissant. « Tu auras besoin de quelqu’un, une
femme c’est mieux, une sorcière de préférence bien sûr, une religieuse
peut-être, un jeune garçon peut parfois faire l’affaire comme médium entre le
monde des hommes et celui des esprits. Quelqu’un qui peut générer beaucoup de
pouvoir, comme cette fille.
Je vais m’en aller maintenant. Rappelles-toi tout ce que je t’ai dit. Il est
inutile de me congédier. Je m’en vais, » et il s’est dissout dans la fumée.
« Vous avez de grands pouvoirs, » haleta Thur car lorsque l’esprit disparu, la
fumée a tout à coup envahi le cercle. Ils se sont précipité vers l’échelle en
toussant et crachant puis ils se sont précipité vers une fenêtre qu’ils ont
ouvert en grand pour trouver de l’air frais.
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