L'influence de
l'Italie sur la Wicca et Druidisme
d'après Philip Carr-Gomm version française
Tof
Il s’agit d’une histoire de sorcières, de druides, de naturisme, d’opéra et
d’Italie.
J’aimerais commencer en dédiant cet essai à mon père, qui est maintenant dans sa
84ème année, et qui se souvient encore avoir nagé nus avec tous les
protagonistes de cette histoire, dans un camp naturiste du Hertfordshire -
probablement le Five Acres, détenu en partie par Gerald Gardner et le site du
premier sanctuaire de la Wicca, la cabane de la sorcière où se réunissait son
coven, ou peut-être à Spielplatz, juste à côté, la plus ancienne Utopie
Naturiste de Grande-Bretagne. Il ne se souvient plus de quoi trois d’entre eux
discutaient en lézardant au soleil, mais je vais peut-être lui demander un jour
de subir une hypnose régressive pour se souvenir de ce qui s’était dit.
Ils étaient là sous le pâle soleil anglais : le rédacteur en chef d’un magazine
d’histoire et deux des personnages clef du renouveau du paganisme européen au
20ème siècle.
Cela s’est passé en 1954 ou 1955 : un moment clé pour l’émergence de ce
phénomène. La Loi condamnant la Sorcellerie avait été abrogée en Grande-Bretagne
en 1951 et en 1954 est paru le livre de Gerald Gardner « Witchcraft Today »,
édité par Ross Nichols, ce qui a entamé le processus de vulgarisation de la
sorcellerie et la promotion de la Wicca comme une religion ou une voie magique.
L’année suivante - 1955 - devait être l’année où le monde de l’opéra et celui
des mystères intérieurs du paganisme et en particulier du druidisme se sont
rejoints pour produire une triade de manifestations uniques et puissantes : ce
fut l’année où deux des plus grands chanteurs d’opéra que le monde n’ait jamais
connus ont commencé leur carrière grâce, par différents biais, aux Druides.
La carrière de chanteur de Pavarotti a été lancée au Llangollen Eisteddfod en
1955 lorsqu’il a chanté dans un chœur d’hommes venant de sa ville natale en
Italie, il y a remporté un prix. Il est revenu à chanter à Llangollen 40 ans
plus tard en 1995. Et la carrière de Maria Callas a été lancée lorsqu’elle a
joué le rôle de la prêtresse druidique Norma dans l’opéra de Bellini cette même
année. Et l’année où ces deux étoiles ont commencé leurs trajectoires
extraordinaires dans le firmament de l'opéra, un opéra : Le Mariage de la
Saint-Jean de Michael Tippett a été joué pour la première fois à Londres, cet
opéra est lié lui aussi d’une certaine manière à l’un des mystères intérieurs de
la Wicca et du Druidisme.
Que s’est-il passé ? Qu’ont fait les astres en 1955 ? Examinons de plus près les
détails de ce qui s’est passé.
Revenons à 1951 – l’année où la loi contre la Sorcellerie a été abrogée. Où
étaient Ross Nichols et Gerald Gardner cette année ? En Italie - et en
particulier à Pompéi. Nous ne savons pas s’ils y sont allés ensemble ou chacun
de son côté.
Philip Heselton, le biographe de Gerald Gardner, pense qu’ils n’y sont
probablement pas allés ensemble. Gerald Gardner avait l’habitude « d’hiverner à
l’étranger » environ deux mois chaque année, généralement en janvier et février,
afin d’échapper à la rigueur de l’hiver anglais qui ne lui convenait pas et
aggravait son asthme. Dans aucune de ses lettres il ne dit que Ross Nichols
était avec lui. Le plus probable est que Ross Nichols soit allé à Pompéi au
cours de l’été 1951 et qu’il a parlé à Gerald Gardner de ce qu’il avait vu.
Gerald Gardner était curieux d’aller voir par lui-même et il a peut-être même
choisi l’Italie comme destination de son voyage hivernal à l’étranger.
Voici un extrait de compte-rendu de Ross Nichols de sa visite, publié dans le
numéro d’août 1960 de « Past and Future » le magazine historique de mon père, un
article intitulé « Extrait de «Une Vision Anglaise de l’Italie – des Pages d’un
Carnet de Voyage lors de l’Année Sainte 1951 »
ITALIE – INITIATION A POMPEI
A Pompéi aussi les tombes et les ténèbres
dominent. On erre pendant des heures, partout l’on sent l’odeur de thym dans
l’air calme, les boutiques anciennes, les rues ressemblant à des rigoles avec
des pierres pour traverser, le sol de l’école et du gymnase, le forum, les
temples de la ville, des bureaux administratifs et des toilettes publiques, tout
repose en silence sous la lumière du soleil.
Et au milieu de cette lumière du soleil le chose la plus sombre était la plus
impressionnante, cette sombre Villa des Mystères d’Isis ou d’Orphée. De grande
pièces peintes où l’ont voit l’initiation et l’enseignement, la mère Isis,
Silène et ses masques, Bacchus, le petit Amour, la mariée préparée pour le
mariage mystique, l’enfant recevant l’enseignement des écrits de la légende. Ces
peintures réalistes et imaginatives, avec leur fond d’un rouge profond, ont un
impact concret sur l’esprit que les ateliers recréés, les statues et les
inscriptions murales ne peuvent pas avoir. Une grande décharge émotionnelle
s’est produite ici, une histoire indicible qui souhaite être comprise grâce aux
fresques. Mais que veulent dire ces murs ?
Un message parlant de la découverte d’une vérité, une conviction profonde de
l’unité de l’esprit avec la chair, du vieux Silène ridiculisé avec des masques,
de Vénus sous l’apparence d’une jeune femme qui murmure ses secrets à l’oreille
de la jeune future mariée voilée … et le jeune garçon qui apprend dans le livre,
qu’apprend-il ? Que le mysticisme de la chair est la façon de vivre ? Je ne peux
accepter qu’il s’agisse là d’une villa normale avec un décor original,
simplement parce qu’elle n’est pas construite comme un temple, personne ne le
sait réellement, mais je pense que c’était un lieu d’illumination. Cette « villa
» était très probablement un temple pour les initiations aux parties féminines
d’un culte orphique, exempte de toute ingérence, dirigée par une des sœurs d’un
empereur.
***
L'Italie a exercé une grande influence sur
le développement de la Wicca contemporaine via l’œuvre de Charles Leland, qui a
influencé Gerald Gardner et ceux qui gravitaient autour de lui comme par exemple
Doreen Valiente. La Charge de la Déesse est probablement la pièce la plus
influente des écrits qui « donnent le ton » et attire les gens vers la Wicca.
Bien qu’elle ait souvent été re-travaillée - par Doreen Valiente, Starhawk et
d’autres – c’est le texte italien consigné par Maddalena et traduit par Charles
Leland qui se trouve au cœur de la Charge, et je pense qu’il est important de
reconnaître l’importance de cette contribution de l’Italie à la vibration ou
l’essence de base de la Wicca.
Ainsi ces deux Anglais ont été à Pompéi et ont absorbé l’influence de la Déesse,
de « Vénus sous l’apparence d’une jeune femme qui murmure ses secrets… Que le
mysticisme de la chair est la façon de vivre… »
Ma thèse ici est qu’ils ont bu métaphoriquement au chaudron de la déesse - à la
source de son inspiration, en Italie, mais aussi ailleurs, et qu’ils ont alors
médité l’inspiration qu’ils ont reçue de différentes façons ce qui a abouti aux
deux expressions les plus dynamiques du paganisme que nous connaissons
aujourd'hui: le Druidisme et la Wicca.
Ils sont retournés en Angleterre et au cours des quelques années qui ont suivi
ils ont coopéré au livre qui a fait connaître la Wicca dans le monde. Comme «
signe qu’ils étaient libres », ils se sont réunis dans les deux centres
naturistes que j’ai mentionnés. En fait ils se sont tout d’abord retrouvés à
Spielplatz, puis au Five Acres durant la guerre.
Nous avons là une image magnifique de deux hommes assis nus sur une pelouse du
Hertfordshire parlant des sujets qui les fascinent- la religion, le paganisme,
l’histoire, la magie - alors que les bombes allemandes pleuvaient sur Londres.
L’un – Gerald Gardner - dans la cinquantaine, l’autre - Ross Nichols - dans la
trentaine.
Les deux hommes ont réalisé que le monde avait besoin d’un retour à une
spiritualité fondée sur un amour de la Terre et ses Saisons - les ravages de la
guerre et l’industrialisation rendaient cela évident. Les deux hommes avaient bu
à la même source, mais des mains différentes avaient porté l’eau à leur bouche –
voyons donc en quoi elles diffèrent tout en se ressemblant :
Les deux hommes n’ont jamais eu d’enfant, ils étaient asthmatiques, naturistes
enthousiastes et ont beaucoup voyagé. Ils avaient tous deux été ordonnés
pasteurs d’obscures églises chrétiennes non-orthodoxes. Ils sont tous les deux
devenus Druides - Gardner au moins huit ans avant Nichols, qui a rejoint l’Ancient
Druid Order en 1954. Et ils ont eu tous deux des femmes formidables qui les ont
grandement aidés dans leur œuvre - Doreen Valiente pour Gardner et Vera Chapman
pour Nichols.
Mais il y avait des différences essentielles entre les deux hommes - Gardner
était marié, Nichols était un éternel célibataire. Gardner était autodidacte (il
a réussi à ne pas aller du tout à l’école) alors que Nichols était un
universitaire de Cambridge. Gardner était un hédoniste alors que Nichols était
un ascète. Gardner était un franc-tireur et politiquement conservateur alors que
Nichols voulait être accepté par la société et était socialiste.
Le résultat de leur si grande différence – on pourrait presque dire qu’ils
étaient à l’opposé l’un de l’autre – fut que l’inspiration de la déesse, la
nécessité pour l'Ame du Monde de connaître un nouvel élan religieux, a coulé en
deux canaux complémentaires. Gardner le franc-tireur flamboyant a développé une
religion sensuelle et s’adonnait à une magie pratique. Nichols plus sobre et
cérébral a utilisé son énergie à promouvoir une approche plus intellectuelle
liée à la magie de l'art, au bardisme plus qu’à la magie des sortilèges.
Un demi-siècle plus tard, nous pouvons voir combien les deux chemins différents
que Gardner et Nichols avaient décidé de promouvoir se sont épanouis grâce à
leur implication. Tout comme les deux grands personnages clef du Druidisme et de
la Wicca dans l’ère moderne étaient unis à bien des égards, les deux
spiritualités avec leur (généralement) triple système d’initiations, leur
utilisation du cercle, les directions et les éléments et leur octuple cycle de
célébrations saisonnières le sont également. Mais elles sont aussi différentes
que l’étaient ces deux hommes.
De nombreuses personnes trouvent que chacune de ces deux voies se suffit à elle
même mais beaucoup aussi trouvent qu’elles fonctionnent très bien ensemble. Si
Nichols et Gardner étaient toujours vivants aujourd’hui, beaucoup d’entre nous
aimeraient les entendre parler lors des mêmes conférences, enseigner côte à
côte.
En comparant les différences entre eux et les dons qu’ils ont donnés au monde on
voit comment la créativité peut résulter de l’union des complémentaires - la
façon dont la diversité et la différence plutôt que la conformité et à
l’unanimité favorisent la créativité.
Et s’ils étaient toujours vivants aujourd'hui, je suis certain que tous les deux
seraient ravis de nous parler de l’histoire de leur voyage en Italie - et la
façon dont ils ont été inspirés par la Charge de la Déesse, dont les mots
vibrant « Et alors vous serez libre en tout » ont fait écho dans leur vie, en
les incitant à favoriser deux voies extraordinaires de liberté.