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Les
Sorcières de l'ère spatiale
par Tom Hyman in Saga, mars 1966
Traduit et adapté de l'anglais par
Iridesce.
(Note : celle qui est désignée sous le nom de Mme Pearson dans ce texte est
plus connue sous le nom de Lois Bourne.)
Nous nous trouvons assis sur le sol de l'unique pièce sans fenêtres d'un cottage
caché dans les arbres, dans le jardin de quelqu'un. Il y a douze autres
personnes dans cette pièce avec moi. C'est un étrange assortiment de gens qui
n'ont pas grand chose en commun. Tout le monde discute chaleureusement. A ma
droite se trouve une femme au foyer, la quarantaine débutante, un peu
grassouillette. A côté d'elle , il y a un épicier, un homme petit et robuste,
accompagné par son épouse, une joyeuse femme enceinte de son quatrième enfant.
Il y a aussi ici un professeur universitaire, mince et abrupt, portant des
lunettes sans montures, avec un tic nerveux consistant à se frotter le menton.
En face, il y a un autre couple, un jeune étudiant en architecture et sa
fiancée, une jolie blonde d'une vingtaine d'années. Près d'eux se trouvent un
avocat et son épouse, puis un homme plus âgé, un banquier. Vers le centre de la
pièce se trouve un jeune homme à la barbe nettement taillée, un psychologue,
engagé dans une conversation sereine avec une autre femme au foyer, et un
bibliothécaire trentenaire.
Soudain, le petit carillon d'une horloge perchée sur une étagère contre le mur
du fond, commence à sonner les douze coups de minuit. La conversation cesse
abruptement. Chacun quitte sa position confortable et s'occupe des préparatifs.
Un cercle de craie d'exactement neuf pieds de diamètre est tracé avec soin sur
le bois du sol. Puis un autel, consistant en un vieux coffre à charnières de fer
forgé, est poussé au centre du cercle de craie. On place dessus une bougie
rouge, suivie d'un brûle-encens, d'un bol de sel, d'un bol d'eau, d'une longueur
de corde, de douze couteaux, d'une longue épée d'acier, d'une baguette, et
finalement, des douze symboles personnels des participants. Quatre bougies
supplémentaires sont ensuite placées juste à l'intérieur du cercle, aux quatre
quartiers imaginaires.
La femme au foyer replète, Grande Prêtresse du culte, s'avance alors au centre
du cercle de craie et retire lentement tout ce qu'elle porte, à l'exception d'un
collier et d'un large bracelet de métal. Les onze autres suivent son exemple et
se déshabillent.
Elle allume l'encens, libérant une odeur entêtante et musquée qui remplit la
pièce. Elle allume ensuite la bougie sur l'autel, puis, avec la même allumette,
les quatre autres bougies autour du cercle. Ceci étant fait, elle procède à une
aspersion de sel et d'eau contenus dans les deux bols sur le sol, pour
"purifier" le cercle.
Les onze autres personnes sont à présent admises à l'intérieur du cercle, une à
une. Chacune prend un couteau sur l'autel et, se tenant nue, fait face au mur
Est où quelques inscriptions cabalistiques étranges sont visibles, peintes juste
sous les chevrons de toit. La Grande Prêtresse brandit l'épée longue et déclame
une courte prière ou incantation, adressée aux "Puissants de l'Est".
Elle énonce ensuite un "problème" vers lequel le groupe va dépêcher son
"pouvoir". Cette nuit, cela implique un homme qui vit en Californie, un proche
de l'une des personnes présentes, qui risque de bientôt mourir. Le groupe va
diriger son "pouvoir" afin de lui sauver la vie, d'expulser la maladie de son
corps pour qu'il aille mieux.
A ce point du rituel on me demande de quitter la pièce, puisque nul en dehors du
culte n'est autorité à être présent durant l'exécution de certains rites
secrets. Lorsque je suis à nouveau admis, environ quinze minutes plus tard, les
douze participants ont joint leurs mains, se sont mis en cercle, et ont commencé
à marcher lentement autour de l'autel. Tout en marchant, ils entament un chant
singulier :
Eko Eko
Azarak
Eko Eko Zomelak
Eko Eko Gananas
Eko Eko Arada
Bientôt,
ils accélèrent la cadence, puis courent. De plus en plus vite, ils
tourbillonnent en rond sur le sol du petit cottage. Leurs visages rougissent
sous l'effort et l'excitation. Le front et la poitrine du gros épicier sont
couverts de transpiration, et il souffle abondamment. Le groupe approche à
présent de l'instant le plus critique de la cérémonie. Ils créent ce qu'ils
appellent "le pouvoir" et le concentrent sur l'homme malade en Californie.
Une fois de plus, le pas de course s'accélère. Ils se lâchent à présent les
mains et commencent à sauter, d'abord des petits bonds, puis de plus en plus
haut, ils sautent le plus haut possible. Le groupe sombre dans le chaos et la
pièce devient un pandémonium de sauts, de plongeons, de corps nus qui
s'accroupissent et bondissent, qui se heurtent les uns les autres, et
rebondissent occasionnellement sur les murs, ou sur l'autel au centre de la
pièce.
L'épicier tombe subitement au sol sur son arrière-train et s'assoit, le souffle
court. Deux autres personnes le rejoignent en s'abattant au sol dans de lourdes
collisions. Dans la minute qui suit, tout le monde se retrouve étendu ou assis
dans le cercle, ils sont en sueur, rouges et exténués.
C'est terminé. Le "pouvoir" a été élevé, la tâche a été menée à bien. Lorsque
tout le monde a repris son souffle, la Grande Prêtresse, qui est aussi
l'hôtesse, sert des gâteaux et du vin. L'atmosphère de ferveur spirituelle et
d'abandon dément est remplacée par une convivialité bavarde.
A deux heures du matin, tout un chacun a retrouvé ses vêtements et rentre chez
soi, satisfait d'avoir exercé ses pouvoirs surnaturels et heureux de reprendre
sa vie normale avant la prochaine réunion du culte.
La scène décrite ci-dessus a eu lieu dans la banlieue de Londres en Septembre
dernier. Les douze participants pensant qu'ils sont des Sorciers. Bien qu'ils ne
portent pas de chapeaux pointus noirs et qu'ils ne volent pas dans le ciel de
minuit sur des balais, ils sont persuadés de posséder des pouvoirs surnaturels.
Comme les Sorcières des anciennes légendes, ils fricotent avec la magie et
célèbrent Hallowe'en comme un jour saint. Leurs croyances et leurs rites de
fertilité secrets prennent directement racine dans le culte païen de la
Sorcellerie, une religion plus ancienne que le Christianisme lui-même.
Bien que le culte bourgeonne à travers l'Europe de l'Ouest et même ici aux
Etats-Unis, il est à l'heure actuelle dans sa plus grande force en Angleterre.
Il existe au moins quatre groupes, ou "Covens", comme on les appelle, à Londres
même, et il y en a bien plus, dispersés dans le reste du pays. Ils n'ont pas
d'autorité centrale : chaque coven est indépendant des autres, et chacun a ses
propres pratiques particulières.
Les covens se rassemblent une fois par mois lunaire, généralement un Samedi,
pour accomplir des rites globalement identiques dans les grandes lignes à celui
décrit ci-dessus. Ces rencontres, nommées "Esbats", sont toujours tenues dans le
secret le plus absolu.
Quatre fois dans l'année, les Sorcières tiennent des festivités plus élaborées,
nommées les "Sabbats", qui incluent entre autres choses les cérémonies secrètes
d'initiation des nouvelles Sorcières qui rejoignent le coven. Ces quatre jours
sacrés sont : Candlemas (31 janvier), la Veille de Mai (30 avril), Lammas (31
juillet) et bien sûr Hallowe'en (31 octobre). Contrairement aux Esbats, les
Sabbats sont si possible tenus dehors, généralement dans une clairière dans les
bois, où l'on peut allumer un feu de joie pour danser autour.
(Le mot "Sorcière", au demeurant, est une déformation de l'ancien mot
anglo-saxon "Wicca", qui signifie "Sage". Bien que les Sorcières soient souvent
imaginées comme des femmes, le terme s'applique également aux hommes. [Ndt : le
mot "Witch" est unisexe.] Les Sorciers sont aussi parfois nommés "Warlocks".)
Ces nouveaux cultes païens ont mis un chaudron bouillonnant de scandale au coeur
de la presse quotidienne anglaise. L'une des choses les plus croustillantes à
leur sujet est que les Sorcières accomplissent leur cérémonies dans la nudité.
Puisque les rites concernent la fertilité, et puisqu'ils sont tenus dans le plus
grand secret, les journaux insistent sur le fait qu'il doit se passer bien plus
que de simples chants et danses durant ces rassemblements.
Le fait que les Sorcières croient posséder des pouvoirs magiques est un autre
sujet de controverse. C'est particulièrement choquant pour l'Eglise
d'Angleterre.
Marcus Knight, Chancelier de la Cathédrale St Paul, dit : "L'Eglise a toujours
combattu la Sorcellerie. Elle est dangereuse, car c'est une forme de magie, une
tentative pour influencer la nature par des rites de fertilité. A travers les
âges, ces choses ont toujours été main dans la main avec des pratiques sexuelles
sans restrictions. Car l'acte sexuel est lié à la fertilité... C'est un retour
au primitif."
Personne ne contestera que la pratique de la Sorcellerie est primitive. Ses
origines remontent à avant l'avènement de l'écriture et de l'Histoire. Il y
avait des Sorciers en ancienne Egypte, et de la Sorcellerie tant chez les Grecs
que chez les Romains. Avant la diffusion du Christianisme, la seule religion
pratiquée par les tribus barbares variées qui se sont installées en Europe et
dans les Iles Britanniques était une forme de Sorcellerie.
Durant tout le Moyen-Age, la Sorcellerie et le Christianisme ont croisé le fer.
L'église chrétienne recourut à la peur, à l'Inquisition, à des tortures
horribles, des pendaisons, des crémations sur les bûchers, pour finalement
réussir à contrecarrer l'existence du paganisme. Ce n'est que récemment, en
1950, que les dernières lois anglaises concernant la répression de la
Sorcellerie ont été abrogées.
La Sorcellerie fait à présent son grand retour. Quelle qu'en soit la raison,
l'ancien culte sorcier s’accroît. On estime qu'en Angleterre seule, il y a à
présent entre 600 et 6000 Sorcières pratiquantes, et que leur nombre croit
régulièrement.
L'une des Sorcières anglaises les plus en vue est Mme Ray Bone, qui tient une
maison pour personnes âgées à Londres. Mme Bone est une femme plutôt rugueuse, à
la voix grave, dans le début de la quarantaine, la Grande Prêtresse de son
propre coven qui se réunit les nuits de Samedi dans un petit cottage à Lucket
Wood, dans le Hertfordshire, une banlieue de Londres. Les onze autres membres du
coven (qui compte traditionnellement douze ou treize personnes) incluent un
étudiant chercheur, un fonctionnaire, un électricien, un gérant de magasin, un
enseignant, un avocat, un cadre local, et deux jeunes diplômés d'université.
(L'une d'elles, une jeune femme d'une vingtaine d'années, m'a dit que ses
parents seraient furieux s'ils la savaient impliquée dans tout cela.)
Ce qui frappe d'emblée chez Mme Bone, c'est qu'elle est si sincère, si
respectable et si peu sinistre qu'il est difficile de l'imaginer Sorcière.
Lorsque je lui ai parlé, elle était occupée à feuilleter des brochures d'agences
immobilières pour tenter de trouver un garage ou un autre bâtiment suffisamment
grand pour accueillir les réunions mensuelles du coven. Le problème de leur
cottage actuel, m'expliqua-t'elle, était sa taille à peine assez grande pour y
tracer le cercle de neuf pieds prescrit par la tradition, et que les poutres
étaient si basses que plusieurs des Sorcières s'étaient déjà cogné la tête en
sautant.
Mme Bone m'a dit qu'elle était une Sorcière parce qu'elle croyait que c'est le
bon chemin pour elle. "Nous vénérons la source de vie. Notre Dieu (Dieu de
fertilité) représente pour nous à la fois la vie et la mort. Nous ne le
craignons pas, car nous croyons en la réincarnation."
Le coven de Mme Bone s'est exposé à beaucoup de critiques, car il effectue ses
rites dans la nudité. Elle m'a répondu qu'ils accomplissent leurs dévotions de
cette façon car cela représente une manière de se délivrer des contingences
matérielles. "Il me semble évident que les gens peuvent se montrer tout aussi
immoraux avec leurs vêtements que sans."
Elle explique le but de leurs rituels magiques, s'exprimant d'une voix assurée,
articulant de manière convaincante. Durant les danses et les chants un
"pouvoir" est attiré et canalisé par la Grande Prêtresse pour atteindre
n'importe quel but que le coven a déterminé. "Le pouvoir", dit Mme Bone, "est
profondément enfoui en nous, par le rituel nous libérons cette énergie. Dans le
cercle nous ne sommes pas humains, nous sommes entre les mondes."
Le pouvoir de la Sorcellerie, croit-elle, est latent dans tout être pensant et
ressentant. "Le ressenti est bien plus important que l'intellect." Le coven peut
se concentrer sur la guérison aussi bien mentale que physique, ou sur la
solution de problèmes divers, pouvant aussi bien être conjugaux que financiers.
Mme Bone croit qu'ils peuvent diriger leur pouvoir vers quasiment tout type de
problème et en venir à bout. Elle détaille, en guise de preuve, le cas d'une
jeune fille qui était gravement malade. A la demande de son père, le coven s'est
réuni et à invoqué le "pouvoir". Un peu plus tard, ils ont appris que la jeune
fille s'était sentie mieux dès l'instant même où ils avaient concentré leurs
énergies sur elle.
Aucun des membres du coven n'a semblé exposer d'idée très concrète concernant la
vie après la mort. Ils acceptaient tous l'idée de réincarnation, mais chacun a
paru avoir une idée différente de la manière dont cela s'organisait. Peu d'entre
eux avaient des idées positives concernant des problèmes théologiques classiques
tels que la création et l'évolution. "Nous préférons penser que la science peut
expliquer tous les phénomènes naturels, mais qu'il existe une source de vie qui
n'est pas de ce monde", commenta l'un d'entre eux.
Mme Bone mit l'accent sur le fait que, au-delà des rituels formalisés en
eux-mêmes, la Sorcellerie était surtout une religion personnelle. "Il n'y a pas
de code moral en tant que tel," dit-elle. "Tant que cela ne nuit à personne,
faites ce que vous voulez."
En ce qui concerne les accusations de pratique de magie noire portées contre son
culte, Mme Bone a déclaré avec force qu'ils étaient voués à respecter la vie
sous toutes ses formes. Ils se considèrent eux-mêmes comme ayant des valeurs
libérales pour tout ce qui touche aux problèmes sociaux, et cela ne les
intéresse pas de nuire à autrui par l'usage de diabolisme ou de mauvais sorts.
"Le progrès de la civilisation, " dit-elle, "a tué beaucoup du naturel des gens.
Ce n'est qu'en vivant une existence suffisamment simple que l'on peut retourner
à l'état de jadis. C'est ce que nous tentons d'accomplir."
Pour pouvoir entrer dans le coven de Mme Bone, une Sorcière aspirante assiste
aux réunions hebdomadaires jusqu'à ce que les membres soient convaincus de sa
sincérité, de son enthousiasme et de sa sympathie. Ils se considèrent comme un
cercle d'amis, et pensent qu'ils doivent maintenir ce rapprochement harmonieux
pour travailler efficacement. Lorsque l'initié(e) a persuadé le coven qu'il ou
elle est acceptable, on attend le prochain Sabbat, moment où la cérémonie
secrète d'initiation pourra être accomplie. Tous les membres du coven ont
interdiction d'évoquer ces rites avec les personnes extérieures.
J'ai interviewé une autre Grande Prêtresse, Mme Lois Pearson, une femme au foyer
aux cheveux sombres et au teint hâlé, âgée d'une trentaine d'années, qui vit
avec son mari, deux enfants, et un chat siamois à trois pattes dans une maison
jumelée à St Albans. Le chat, m'informa-t'elle, joue un rôle très important dans
les cérémonies. Lorsque le coven est en état de transe, les âmes de ses membres
quittent momentanément leurs corps, et s'exposent au danger de rompre le lien.
Le chat est présent lors des réunions pour garder et protéger les âmes.
Comme Mme Bone, Mme Pearson m'a frappé par son aspect ordinaire, rien de
fanatique, de mystérieux ou de surnaturel chez elle, et surtout rien qui évoque
une Sorcière. Pourtant, comme Mme Bone, c'est une pratiquante dévote des magies
occultes et de la Sorcellerie.
Mme Pearson affima que ses méthodes étaient plus avancées que celles de Mme Bone.
Son coven ne travaille pas dans la nudité, pour commencer. "Nous sommes plus
développés. Nous utilisons les pouvoirs de l'esprit", dit-elle.
Certains de leurs rituels étaient également assez différents. Les membres du
coven de Mme Pearson jeûnent trois jours avant chaque rencontre. Pendant les
rituels, ils pratiquent des exercices de respiration profonde comme ceux des
Derviches. Cela les conduit dans un état de transe qui dure de 15 à 30 minutes,
durant lesquelles "nous sortons de nos corps. Notre âme, ou corps astral, quitte
notre corps physique et voyage n'importe où dans le temps ou l'espace. Nous
sommes dans un niveau intermédiaire entre ce monde et un autre. C'est un orgasme
spirituel."
Quand le coven en est rendu à ce moment de délire, explique Mme Pearson, ses
membres produisent du pouvoir psychique, comme un générateur produirait de
l'électricité. Alors, la Grande Prêtresse arrête la cérémonie et dirige le
pouvoir vers son but prédéterminé.
Contrairement à Mme Bone, Mme Pearson ne croit pas que tout un chacun peut
développer les pouvoirs de la Sorcellerie. "On ne peut pas faire de quelqu'un
une Sorcière", dit-elle. "Ce n'est pas un processus d'apprentissage, mais de
remémoration."
Sa théorie maintient que le nombre total de Sorcières est limité de manière
permanente. Lorsque l'une d'entre elles meurt, elle renait dans le monde par le
processus de la réincarnation. En d'autres termes, Sorcière un jour, Sorcière
toujours. Le coven de Mme Pearson ne fait rien pour débusquer ces Sorcières
véritables. On préfère les laisser accomplir par elles-mêmes le chemin qui mène
au coven.
Lorsqu'une Sorcière aspirante se présente pour le rejoindre, le coven teste ses
pouvoirs en emmenant la novice dans une clairière, dans les bois, la nuit, en la
plaçant dans un cercle de pierres magique, et en la laissant là. Mme Pearson
affime qu'elle peut dire, par le récit que fera la personne ou par les actions
qu'elle accomplit là, si elle est ou non une véritable Sorcière. Les vraies
Sorcières expérimentent apparemment ce qu'elle décrit comme "une sensation
merveilleuse", un contact avec le surnaturel.
La théologie de Mme Pearson est un peu plus développée que celle de Mme Bone. En
parlant de la vie après la mort, elle dit : "Quand nous mourons, l'âme se rend
dans un plan astral où elle passe en jugement. Au moment où votre âme entre dans
le plan astral, elle voit vos archives akashiques, c'est à dire, un passage en
revue de toute la vie qui vient de s'écouler. Vous ressentez à nouveau toutes
les souffrances que vous avez infligées à d'autres, mais vous ressentez aussi
les joies au centuple. C'est votre récompense et votre punition. L'âme demeure
alors dans l'autre monde, libre de voyager et de rencontrer les âmes des proches
qui sont déjà là. Elle peut rester là 500 ou 1000 ans. Puis elle renaît sur
terre."
Le coven de Mme Pearson croit en un Etre Suprême, une Déesse, à la fois Mère
Terre et Vénus. C'est une Déesse personnelle qui travaille directement au
travers des individus.
Soigner et venir en aide à autrui, les but principaux du coven de Mme Bone, ne
sont que des sous-produits pour Mme Pearson et ses adeptes. Leur objectif ultime
est simplement la vénération de la Déesse, les expériences mystiques afférentes,
et la quête de sagesse induite par ce culte.
Quant à la magie noire, Mme Pearson croit en son existence, mais est convaincue
que toute Sorcière qui use mal de ses pouvoirs en cédant à la magie noire ou au
diabolisme, en souffrira tôt ou tard.
Si certaines Sorcières pratiquent la magie noire en secret (et si elles le font,
elles ont toutes les raisons de garder cela secret), peu de gens semblent se
soucier que cela puisse être la cause d'un nuisance quelconque. De temps en
temps, la magie noire pointe le bout de son nez. Le Musée de la Sorcellerie dans
le Gloucestershire, en Angleterre, détient beaucoup d'excellents exemples de
magie noire moderne, et parmi eux une collection de poupées, à l'effigie de
victimes de magie noire - des poupées transpercées par des couteaux, des poupées
faites des cheveux et vêtements de la personne concernée, etc.
Récemment, un indicent relatif à la magie noire s'est prouit à Oxford, la ville
de la très fameuse université. Les citadins avaient monté une énorme résistance
à un projet de route départementale qui devait couper à travers leur ville. Un
matin, les ouvriers du site découvrirent un coq noir égorgé avec un couteau
encore planté dans le corps. Près de l'oiseau, ils découvrirent une chandelle
noire plantée dans le sol, et une note qui disait : "La même chose pour le coq,
et pour les ouvriers qui continuent cette route."
Aux dernières nouvelles, la route continue de s'allonger sans qu'il y ait
apparemment la moindre répercussion sur les ouvriers. Des incidents similaires
se produisent souvent.
On a l'impression que les affaires des Sorcières impliquent plus de plaisir et
de jeux que les religions sérieuses. Cela ressemble davantage à l'Ordre des
Elans, à la Franc-Maçonnerie, ou aux Shriners - beaucoup de secret,
d'incantations et de cérémonies, une occasion de porter un costume, et un
endroit pour se réunir et profiter de la compagnie de ses amis. Tout le monde
aime faire partie de quelque chose, et si cela peut offrir un sentiment
d'exclusivité et quelques frissons, pourquoi pas ? Le fait que certains de ces
covens soient aussi des clubs libertins, comme beaucoup le clament, reste encore
à prouver.
Quoi que puisse être la Sorcellerie de nos jours, elle a probablement représenté
bien plus que du plaisir et des jeux par le passé. Les prétendus crimes des
Sorcières médiévales - détruire les récoltes, déclencher des fausses couches
chez les femmes et l'impuissance chez les hommes, répandre des maladies sur le
bétail, faire monter le vent pour faire naufrager les navires, tuer en utilisant
des effigies de cire - étaient des péchés diaboliques, et l'Inquisition, surtout
grâce à l'usage de la torture, se montra capable de soutirer la confession de
tels forfaits à un nombre surprenant de gens.
Voici un témoignage concernant un Sabbat de Sorcières médiéval datant du XVIème
siècle, émis par une personne suffisamment malchanceuse pour être tombée sur
l'un de ces rassemblements nocturnes. Ce compte-rendu de Bartolomeo de Spina,
date de 1533 et a été emprunté au livre "The History of Witchcraft" de Montague
Summers.
"Un certain paysan, qui vivait à Clavica Malaguzzi, dans le district de
Mirandola, ayant eu un matin l'occasion de se lever très tôt pour se rendre dans
un village voisin, était dehors à trois heures, avant l'aube. Il aperçut
subitement à distance ce qui lui sembla être plusieurs feux qui bougeaient de ci
de là, et en s'approchant plus près il vit que ce n'était autre que de grandes
lanternes tenues par un groupe de personnes qui bougeaient ça et là dans les
détours d'une danse fantastique, tandis que d'autres, comme dans un repas de
plein air rustique, étaient assis en profitant de mets et de vin, tandis qu'une
musique dure, comme le cri d'une cornemuse, retentissait dans l'air.
Curieusement, nul ne pipait mot, la compagnie tourbillonnait et pirouettait,
mangeait et buvait, dans un silence étrange et signifiant. Constatant que
certains se livraient sans honte à la débauche la plus débridée et
accomplissaient en public des actes sexuels de la plus grande indécence, le
spectateur horrifié prit conscience qu'il était témoin des complaisances du
Sabbat. Il fit le signe de la croix avec ferveur et murmura une prière en se
retirant le plus vite possible de cet endroit maudit, non sans avoir reconnu
certains des participants, des fauteurs de troubles bien connus et des personnes
du voisinage déjà fortement suspectées de Sorcellerie."
Les Sabbats de Sorcières de jadis comprenaient notoirement, en plus des danses,
des chants et de l'encens qu'on mettait à brûler, des exercices tels que la
flagellation, l'invocation d'esprits, le touillage de chaudron, les festins
d'amour et l'exposition à des dangers variés, pour amener les Sorcières à cet
état extatique qui leur permettait de générer leur pouvoir magique. On peut
soupçonner que les Sorcières modernes accomplissent ces mêmes cérémonies durant
les Sabbats.
Comme par le passé, les Sorcières modernes gardent jalousement leurs secrets.
Aucune des Sorcières avec qui j'ai parlé ne voulait discuter des rites magiques,
ou des détails de leur magie "blanche" curative. Il était encore plus difficile,
ai-je trouvé, d'obtenir des informations concernant la magie noire. C'était un
sujet que toutes les Sorcières interrogées désiraient éviter.
Il n'y a pas de livre pour les cultes de Sorcellerie modernes, mais il existe
plusieurs livres médiévaux et contemporains concernant les sortilèges. Le
diabolisme, et d'autres formules magiques secrètes, existent. Les sources les
plus fameuses et qui font autorité en matière de magie noire sont contenues dans
ce que l'on appelle les "Livres Noirs", des petits ouvrages qui compilent des
sortilèges maléfiques pour toutes les occasions, avec des instructions
explicites sur le mode d'opérer. J'ai finalement et non sans peine fini par
obtenir des copies de ces livres. C'est une lecture fascinante, qu'on y croie ou
non.
Voici un court résumé de certaines des plus utiles de ces recettes maléfiques
anciennes.
La première a probablement toujours été très prisée. Elle nous dit comment
découvrir si une fille est toujours vierge : réduisez en poudre du pollen de
lis, puis trouver une opportunité de le faire ingérer à la femme sans qu'elle en
ait conscience. (En le glissant dans sa boisson ou sa nourriture.) Si elle n'est
plus vierge, elle sera prise d'un irrésistible besoin d'aller uriner.
Ces livres fournissent un grand nombre de méthodes différentes pour faire en
sorte qu'une femme succombe à vos charmes. En voici une relativement facile.
Prenez le foie d'un pigeon et le cerveau d'un merle, faites les séchez, et
réduisez-les en fine poudre. Puis saupoudrez-en la nourriture de la fille.
Résultat : amour instantané.
Une fois que vous l'avez rendue éperdument amoureuse de vous, vous allez vouloir
faire en sorte qu'elle le reste. Pour être certain qu'elle demeure fidèle, les
Livres Noirs recommandent que vous préleviez une mèche de ses cheveux, que vous
la brûliez et que vous en répandiez les cendres sur les parties boisées du lit,
après vous être assuré d'avoir enduit ces endroits de miel. Elle ne pourra alors
pas faire autrement que de rêver de vous seul. Répétez cette opération de temps
en temps si nécessaire.
En guise de contraception efficace, les Livres Noirs recommandent que la femme
boive, tout simplement, le sang d'un mouflon ou d'un lapin.
Tournons-nous vers de plus sombres affaires, voulez-vous vous protéger de
quelqu'un qui vous veut du mal ? Alors écrivez votre nom sur une feuille de
verveine avec le sang d'un corbeau ou d'une poule blanche. Portez la feuille sur
vous en permanence et personne ne pourra vous nuire.
Une autre protection à toute épreuve consiste à porter un oeil de loup enchâssé
dans un anneau d'argent. Où obtenir l'oeil de loup, ça c'est votre problème.
Les livres donnent plusieurs méthodes pour gagner au jeu. En voici une que
j'apprécie : le premier Jeudi de la Nouvelle Lune, à l'heure de Jupiter, avant
que le Soleil se lève, écrivez ces mots sur un parchemin vierge : Non licet
ponare in egarbona quia pretium sanguinis. Puis prenez la tête d'un serpent,
placez-là au milieu de l'écrit, et pliez les quatre coins de la feuille par
dessus. Chaque fois que vous voudrez jouer, attachez la chose à votre bras
gauche à l'aide d'un ruban de soie rouge, et nul autre que vous ne gagnera. A
tout le moins, cela devrait vous attirer quelques commentaires intéressants.
Si tout ceci vous semble être des enfantillages, vous pouvez essayer de vous
faire la main sur l'evoûtement [Ndt : écrit ainsi dans l'article], l'art de
faire mourir quelqu'un par des moyens invisibles. Voici l'un des principaux
sortilèges pour accomplir ce sombre dessein : procurez-vous un peu d'urine de la
personne que vous voulez tuer. (Pour ça, vous vous débrouillez tout seul.) Puis
achetez un oeuf de poule sans marchander le prix et rendez-vous nuitamment, un
jeudi ou un samedi, dans quelque champ éloigné de toute habitation humaine. S'il
n'y a pas de Lune, prenez une lanterne. Faites une incision circulaire dans
l'extrémité la plus large de l'oeuf et extrayez-en tout le blanc, laissez le
jaune en place. Puis remplissez à nouveau l'oeuf avec l'urine, tout en
prononçant le nom de l'homme condamné, et scellez l'ouverture avec un morceau de
parchemin vierge mouillé. Ceci étant fait, enterrez l'oeuf dans le champ et
partez sans regarder derrière vous. Sitôt que l'oeuf commencera à pourrir, votre
victime sera prise de jaunisse, et rien ne pourra la guérir à moins que vous ne
retiriez en personne l'oeuf du sol pour le brûler. Si vous laissez pourrir l'oeuf
complètement, la personne sur qui vous avez jeté le sort mourra dans l'année.
Ceci n'est qu'un échantillon. Il y a des centaines d'autres exemples de formules
de magie noire séculaires. Fonctionnent-elles ? Il y a au moins plusieurs
milliers de gens actuellement vivants qui le proclament. Certaines de ces
personnes, comme l'individu inconnu qui a laissé un coq noir égorgé sur le
chemin des ouvriers à Oxford, mettent ces sorts à l'oeuvre. Quelqu'un pourrait
même bien en lancer un sur vous. Le peu que nous avons mentionné vous fournira
un bon point de départ. Mais souvenez vous, ce serait faire un pacte avec le
Démon.
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