Le Tarot de Thoth
XV. Le Diable
par Aleister Crowley et Lady Frieda Harris
version française Tof & Xavier
![](15.jpg)
Cette carte est liée à la lettre Ayin qui désigne
l’œil et elle se réfère au Capricorne du Zodiaque. Dans les âges sombres du
christianisme, le Diable était complètement incompris. Eliphas Levi l’a
étudié en profondeur en raison de son lien avec la magie cérémonielle, son
thème de prédilection et il l’a redessiné, l’identifiant au Baphomet,
l’idole à tête d’Ane des Templiers. (Les premiers chrétiens avaient
également été accusés d’adorer un âne, ou un dieu à tête d’âne). Mais à
cette époque les recherches archéologiques n’étaient pas allées très loin,
la nature du Baphomet n’était pas bien comprise. Au moins il a réussi à
identifier le bouc représenté sur la carte avec Pan.
Sur l’Arbre de Vie, les Atout XIII et XV sont placés symétriquement et vont
de Tiphereth, la conscience humaine, aux domaines dans lesquels la Pensée
(d’une part) et les Cieux (de l’autre) se développent. Entre elles, l’Atout
XIV mène à la sphère qui formule l’Existence. Ces trois cartes peuvent donc
se résumer comme un idéogramme des processus par lesquels l’idée se
matérialise physiquement.
Cette carte représente l’énergie créatrice sous sa forme la plus matérielle;
dans le Zodiaque, le Capricorne est placé au Zénith. C’est le signe le plus
exalté, c’est le bouc sautant avec convoitise sur les sommets de la terre.
Le signe est gouverné par Saturne, un signe d’individualité et de
perpétuité. Dans ce signe, Mars est exalté, montrant sous sa meilleure forme
l’énergie ardente et matérielle de création. La carte représente Pan
Pangenetor, Celui qui Engendre Tout. C’est l’Arbre de Vie vu sur un fond de
folie de formes extraordinairement fragiles, complexes et fantastiques, la
divine folie du printemps, déjà contenue dans la folie méditative de
l’hiver, car le Soleil tourne en direction du nord en entrant dans ce signe.
Les racines de l’Arbre sont devenues transparentes pour montrer les
innombrables soubresauts de la sève, devant l’Arbre il y a le bouc de
l’Himalaya, avec un œil au milieu du front, représentant le dieu Pan sur les
montagnes les plus élevées et les plus secrètes de la terre. Son énergie
créatrice est voilée sous le symbole de la Baguette de Chef Adepte, couronné
du globe ailé et des serpents jumeaux d'Horus et d'Osiris.
Entends-moi, Seigneur des Etoiles,
Car je t’ai toujours adoré
Avec des larmes, des chagrins et des cicatrices,
Avec joie, un effort joyeux.
Entends-moi, Ô bouc, blanc comme les lys
Bruissant comme un buisson d'épines,
Avec un collier d’or à ton cou,
Un arc rouge pour cornes.
Le signe du Capricorne est rude, dur, sombre, aveugle
même, l’envie de créer ne tient pas compte de la raison, de la coutume ou de
la prévoyance. Il est divinement sans scrupules, négligeant sublimement le
résultat. « Tu n’as le droit que d’accomplir ta volonté. Fais cela et nul ne
dira non. Car la volonté pure, sans but, délivrée de la soif de résultat,
est en tout point parfaite. »
Il faut également remarquer que le tronc de l’Arbre transperce les cieux,
près de lui il y a l’anneau du corps de Nuith. De même, la Baguette descend
indéfiniment vers le centre de la terre. « Si je lève la tête, moi et ma
Nuith ne faisons plus qu’un. Si je baisse la tête et crache mon venin alors
c’est l’extase de la terre, et moi et la terre ne faisons plus qu’un. ».
Le héros de cette carte est alors l’appréciation totale de toutes les choses
existantes. Il se réjouit dans la rudesse et la stérilité ainsi que dans la
douceur et la fertilité. Toutes choses exaltent pareillement de lui. Il
représente la conclusion de l'extase dans chaque phénomène, même s’il est
naturellement répugnant, il transcende toutes les limites, il est Pan, il
est Tout.
Il est important de noter quelques autres correspondances : Les trois
voyelles de l’alphabet hébreu, Aleph, Yod, Ayin, forment le nom sacré de
Dieu, I A O. Ces trois Atout, IX, 0 et XV, offrent ainsi une triple
explication de l’énergie créatrice masculine, mais cette carte représente
surtout l’énergie masculine dans son aspect le plus masculin. Saturne qui la
régit, c’est Set, le dieu à tête d’âne des déserts égyptiens, il est le dieu
du sud. Son nom fait référence à tous les dieux contenant les lettres, comme
Shaitan, ou Satan. Les environs sont essentiels à son symbolisme - des lieux
arides, en particulier des lieux en altitude. Le culte de la montagne en est
un parallèle exact. L’Ancien Testament est plein d’attaques contre les rois
qui célébraient un culte sur des « lieux élevés », même si Sion elle-même
était une montagne ! Cette notion a persisté, et même à l’époque des Sabbats
des Sorcières, ils se tenaient lorsque c’était possible, sur un sommet
désolé, mais (si ce n’était pas possible) ils étaient célébrés dans un
endroit sauvage, non contaminé par la fourberie des hommes.
Notez que Shabbathai, la « sphère de Saturne » c’est le Sabbat.
Historiquement, l’animosité contre les sorcières était liée à la crainte des
Juifs, dont les rites, supplantés par les formes chrétiennes de magie,
étaient devenus mystérieux et terrible. Des chrétiens pensaient que les
enfants chrétiens étaient volés, sacrifiés et mangés. La croyance existe
toujours aujourd’hui.
Dans chaque symbole de cette carte il y a une allusion aux choses les plus
élevées et les plus reculées. Même les cornes du bouc sont en spirale, et
représentent le mouvement de l’énergie qui imprègne tout. Zoroastre définit
Dieu comme « ayant une force en spirale ». Comparez cela aux écrits, plus
récent mais moins profonds, d’Einstein. (Comparez Saturne, à une extrémité
des Sept Vagabonds Sacrés, et la Lune à l’autre: le vieillard et la jeune
fille. Ils sont liés plus que toutes les autres planètes, puisque 32 = 9 et
chacun contient en lui les extrêmes de sa propre idée).
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